La folle histoire des chemins de Saint-Jacques de Compostelle

Pour connaître le début des chemins de Saint-Jacques de Compostelle il faut faire un grand bon dans le temps et son histoire commence en Espagne au Moyen-Age. 

En effet, nous sommes en Espagne en 711, le nord de l’Espagne est occupé par un gouverneur musulman Munuza. Mais, en 722 il y a une révolte contre celui-ci à Covadonga, le nord de l’Espagne sera libre et deviendra une terre favorable à la chrétienté. 

La visite des reliques sont véritablement le début du pèlerinage que l’on connaît aujourd’hui. Et on le verra, c’est une histoire pleine de rebondissements à travers les époques. 

La ferme des moines : une ferme sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle

La découverte des reliques du Saint

D’après le “Codex Calixinto”, un ouvrage du XII ème siècle, qui retrace la vie de l’apôtre et notamment dans le  livre V, on connaît mieux la découverte des reliques. 

Le Codex Calixinto
Site internet officiel des Chemins de Saint Jacques de Compostelle : camino de Santiago.gal

Vers 813, un ermite nommé Pelay, raconte à son évêque Théodomire que les étoiles les appellent dans la nuit et qu’il entend des chants d’anges et des lumières mystérieuses à travers les montagnes. 

Avec des habitants, ils vont suivre les étoiles à travers les montagnes, après trois jours de jeûne, ils trouvent un mausolée avec la dépouille du saint décapité tenant sa tête sous le bras. 

C’est un miracle ! 

C’est à ce moment-là que l’histoire du pèlerinage commence, avec la volonté de protéger ce lieu et en faire un lieu saint et de culte. 

La diffusion extraordinaire des Chemins de Saint Jacques 

Le “miracle” de Saint Jacques de Compostelle va connaître un fort retentissement et de nombreux pèlerinages vont progressivement apparaître à destination de Saint Jacques de Compostelle. Cette “popularité” est notamment due à la nouvelle mise en avant des reliques autour de l’An mil et mettre en avant les reliques pour promouvoir la chrétienté et la diffuser dans l’ensemble du Monde. Ainsi, on peut dire que les reliques de Saint Jacques de Compostelle sont tombées à pic surtout dans un contexte de tensions en péninsule Ibérique entre les royaumes chrétiens et les territoires musulmans au Sud depuis l’invasion par les Arabes de 711.

Carte de la Péninsule ibérique représentant les expéditions d’Al-Mansur au 10ème siècle Source : Revue Historique L’Histoire

 De plus, les reliques de Saint Jacques de Compostelle détiennent un tout autre enjeu politique pour appuyer la résistance des royaumes chrétiens du Nord de l’Espagne comme la Castille, la Navarre, le Léon face aux incursions arabes comme celle d’Al-Mansur. De nombreux royaumes étrangers vont même envoyer des dons, financer la construction d’une cathédrale à Saint Jacques de Compostelle pour symboliser l’emprise chrétienne et sa puissance. Les Royaumes chrétiens en tirent des avantages économiques. 

Ainsi, au 10ème siècle, vers 950 est attesté le premier pèlerin documenté partant du Puy en Francie pour rejoindre Saint Jacques d’après Denise Péricard-Méa qui en fait mention dans son ouvrage Les routes de Compostelle publié en 1996. 

Le pèlerinage a pris tant d’ampleur qu’il a  dépassé la péninsule Ibérique. Plusieurs chemins vont voir le jour en Francie à destination de Saint Jacques avant de converger en un seul de l’autre côté des Pyrénées. Le pèlerinage est un véritable succès ! Renforcé par la prise de Jérusalem par les Turcs musulmans bloquent en effet les pèlerinages et cela à pour conséquence de rediriger les pèlerins vers Saint Jacques qui récupère toute la gloire ! La popularité est telle que des livres sont dédiés à ce pèlerinage. Dès 1140, un ouvrage nous expliquant le trajet et le déroulé du pèlerinage montrant une véritable importance et ampleur que ce pèlerinage a du moins en Europe de l’Ouest. L’ouvrage est le livre V du “Codex Calixtinus” dont on a déjà fait mention plus haut qui se révèle être une source primordiale pour comprendre les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Dans cet écrit, un moine Aimery Picaud écrit son périple, il part du Pays Basque et franchit la montagne  Port de Cize en direction de Saint Jacques de Compostelle.

L’époque moderne, synonyme de déclin pour le pèlerinage 

L’époque Moderne est un véritable coup dur pour le Chemin de Saint Jacques de Compostelles, on voit une baisse de fréquentation du chemin. La situation de l’Europe à partir du XIVème siècle est assez difficile, en effet elle connaît de grave pandémie de peste comme la Peste noire (1347-1352) suivie de mauvaise récolte. Les individus ne veulent pas perdre de temps à faire de longue marche spirituelle, car c’est du temps perdu à ne pas travailler ou des vivres gâchés. Puisque les hommes vivent de leur force de travail, ils ont très peu de réserve de nourriture et ne peuvent plus se permettre de partir en pèlerinage.

En Espagne la situation est encore plus compliquée, les chemins ne sont plus aussi sûrs, il y a un climat d’insécurité fort, les musulmans menacent à nouveau les royaumes de Castille et d’Aragon  qui délaissent peu à peu les terres du nord. 

Au 16ème siècle, un nouvel évènement affaiblit encore les pèlerinages de Saint-Jacques de Compostelle : l’apparition du protestantisme qui s’oppose farouchement au catholicisme. Il y a une vraie volonté de purifier l’Eglise catholique et ses pratiques mystiques. Les pratiques des prêtres notamment, commencent à devenir de plus en plus gênantes comme la pratique des indulgences c’est-à-dire payer pour aller au paradis  et cela n’est pas très acceptable. Luther lui-même notamment, condamnera  le pèlerinage et doutera de la véracité des reliques, il dira :

“On ne sait pas si est enterré la Jacques, un chien ou un cheval mort”. 

Martin Luther (1483-1546)

Puis, vers 1590 c’est le pompon sur le chemin, les reliques sont perdues et c’est à ce moment-là, incontestablement l’histoire du pèlerinage prend un tournant, presque rocambolesque. Un corsaire anglais Francis Drake menace de ravager Santiago de Compostela et de saccager le tombeau. Alors l’évêque de Santiago, Juan de Sanclemente, décide de cacher les reliques du saint. Le problème un peu fâcheux, c’est qu’il va mourir avant de révéler sa cachette secrète. 

C’est vraiment à ce moment que la décadence du Chemin s’accélère.

Et aujourd’hui ? 

Les Chemins de Saint Jacques de Compostelle sont toujours autant populaires même si le pèlerinage a connu des difficultés au début du XXème siècle, finalement il s’est accroché grâce à des petits coups de pouces extérieurs ! 

En effet, le 28 janvier 1879 durant des travaux dans la cathédrale, derrière l’autel principal un ouvrier, finalement presque LE messie trouve, une urne avec des ossements humains. L’évêque pense immédiatement qu’il pourrait s’agir des reliques de saint Jacques cachées en 1590.  Il envoie les restes à l’université de Compostelle pour les faire analyser. Sans surprise, sans prise de position bien évidemment, il s’agit bien des reliques du saint. Le pape Léon XIII dans sa lettre « Deus Omnipotens » annonce immédiatement au monde chrétien cette redécouverte. C’est le point de départ du renouveau du pèlerinage, quelle chance inouïe pour l’Eglise quand même, ou peut être est-ce un miracle ? 

La déclaration du Chemin de Compostelle en Espagne  comme Patrimoine de l’humanité par l’UNESCO en 1993 en 1998 en France parachève les conditions de cette renaissance.

Mais également, les individus et leurs façon de voir le pèlerinage à réellement modifié les habitudes de celui-ci. Il y a une vraie diversification des raisons de faire le pèlerinage. En effet, ce n’est plus seulement la quête du religieux et spirituelle, mais également l’émerveillement vis à vis  des lieux et de la nature. Le nombre de pèlerins croient ainsi chaque année.

Les chemins vers Compostelle, Statistiques officielles du bureau des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle

Le sport fait également partie des nouvelles motivations, en effet la marche et la randonnée sont devenues très à la mode, surtout après la crise de la COVID avec une réel envie de retourner aux choses simples, la nature et la marche. Également, une vraie envie de valoriser le patrimoine, être dans la découverte des richesses architecturales, l’histoire des itinéraires…

Mais attention, sur le papier c’est presque idyllique, mais au tour des chemins il y a une réelle économie, un attrait touristique du chemin très fort, qui dynamise l’économie locale , qui fait qu’il est toujours très emprunté. Avec des infrastructures à adapter comme des hôtels, hospices en développement le long du chemin. On a pu voir du jour au lendemain la multiplication des spécialistes du chemin, qui font la promotion de leur site internet, des guides touristiques, conseils concernant les randonnées. Il y a un vrai circuit économique local dépendant du pèlerinage, des restaurants avec une nourriture réconfortante, ou pour manger sur le pouce des boutiques liées au tourisme. Les collectivités locales s’emparent du sujet pour promouvoir leur territoire et leurs économies comme par exemple ici le département du Lot. En effet, on se retrouve toujours avec un porte clé ou il y a une coquille saint jacques, on ne sait pas où le mettre mais cela rappelle toujours un souvenir. 

Touristes sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle reconnaissable à sa coquille ; photo extraite du site Tourisme Lot

Désormais, on retrouve des nouveaux itinéraires, qui viennent compléter l’originel celui en bleu ci dessous la carte de M. Manfred Zentgraf. Chaque ville à envie d’avoir son bout de chemin de Compostelle pour amener des touristes et profiter de cette entreprise très florissante. Ce ne sont pas forcément des villes avec une identité et une histoire religieuse fortes ni avec des reliques mais elles doivent avoir leur moment de gloire.

Voici les différents chemins pour se rendre à Saint-Jacques de Compostelle en Espagne. 

Via  Turonensis, au départ de Paris, en passant par Tours.

Via Lemovicencis, au départ de Vézelay, en passant par Limoges.

Via Podiensis, au départ du Puy-en-Velay, en passant par Moissac.

Via Tolosane, au départ d’Arles, en passant par Toulouse.

« La Route des Anglais », Dieppe-Rouen-Evreux-Chartres. 

Il y’a même des chemins annexe, en noir.

Donc aujourd’hui les chemins de Saint-Jacques de Compostelle connaissent un réel développement, de par la diversification des pratiques et pas seulement spirituelle, mais également par un large déploiement touristique. En effet, tout est fait ou presque pour que l’expérience Saint-Jacques soit agréable, mais c’est le cas aujourd’hui en 2023, mais c’était également le cas durant le Moyen-Age. Les contemporains ont  seulement volé l’idée à leurs ancêtres, puisque les grandes villes étapes étaient déjà largement bénéficiaires de cette situation il y a déjà deux siècles.  

Pour aller plus loin : voici notre bibliographie.

BOULANGER LILY 

ALEXANDRE BUC