Les survivants des camps de la Seconde Guerre mondiale

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une période dite d’après-guerre s’installe et est marquée par de profonds bouleversements politiques, économiques et sociaux. Cela est lié à l’héritage laissé par le régime totalitaire nazi (1933-1945) en Allemagne qui, guidé par des idées radicales, réalise des assassinats arbitraires et des génocides envers les Juifs et les Tsiganes. Pour éviter le renouvellement d’un tel massacre, une coordination mondiale s’établit à la suite du procès de Nuremberg. Ainsi, l’Organisation des Nations Unies voit le jour en 1945 et a pour but de maintenir la paix, la sécurité internationale et de protéger les droits humains.

Pourtant, le lendemain de la guerre est marqué par des cicatrices profondes, notamment dues par la volonté passée d’exterminer des groupes ciblés comme les Tziganes, les Roms, les Sintis, les membres de la Résistance, les prisonniers militaires des guerres soviétiques, les opposants politiques, les homosexuels et les handicapés. Ils ont été victimes d’une haine profonde incarnée par la création de camps de concentration. A la libération de ces camps en 1944, on estime la mort de plus de 15 millions de personnes pour seulement 250 000 à 300 000 survivants.

Si ces évènements sont enseignés dans les livres scolaires ou encrés dans les mémoires communes, on observe que ces connaissances ne sont apparues que durant la fin du XXe siècle. Pourquoi les survivants, au lendemain de la guerre, n’ont-ils pas transmis leur histoire ? Quand et comment ont-ils pu les raconter ? De quelle manière leurs histoires ont-elles influencé l’historiographie de la période ?

Georges Loinger 

Georges Loinger est une figure de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale, il aurait sauvé des centaines d’enfants juifs pendant l’Occupation (1940-1944).  

Photographie de Georges Loinger (1910-2018)  
Source : Mémorial de la Shoah

Né de parents juifs en 1910 à Strasbourg, il est élevé par sa mère tandis que son père est mobilisé dans l’armée autrichienne durant la Première Guerre mondiale (1914-1918). Après s’être marié en 1934 à Flore, une jeune strasbourgeoise participant au mouvement de jeunesse sioniste, et avoir suivi des études d’ingénieurs, il devient professeur d’éducation physique à Paris. En 1939, il est mobilisé en Alsace mais se fait emprisonné et envoyé dans un camp en Bavière. Pendant ce temps, sa femme se réfugie dans le château de la baronne de Rothschild où elle prend soin de 123 enfants juifs rescapés du Reich. Georges réussi à s’évader et rejoint sa femme avec les enfants dont elle s’occupe dans un ancien hôtel près de Clermont-Ferrand. Étant en lien avec un de ses anciens amis et dirigeant de l’association de l’Œuvre de secours aux enfants Juifs, le docteur Joseph Weill, Georges arrive à cacher les enfants dans différents foyers de la Creuse. Cependant, en 1942, les nazis occupent le département. Avec le soutien du maire d’Annemasse et de cheminots locaux, Georges arrive à faire évacuer plus de quatre cents enfants juifs. 

Suite à la Libération, il facilite le passage de rescapés juifs en Palestine et devient le président de l’Association des anciens déportés de la résistance juive en France. En parallèle, il publie de nombreux livres dans lesquels il rapporte son histoire en précisant les étapes du combat auquel il a participé. Après une longue vie mouvementée, il finit par s’éteindre en 2018, à l’âge de 108 ans. 

Antoni Dobrowolski 

Antoni Dobrowolski a organisé des cours clandestins à des enfants polonais pour éviter l’endoctrinement face aux tentatives nazies.

Né en 1904 en Pologne, il suit un cursus afin de devenir instituteur. Il se dédie à faire une éducation clandestine pendant plusieurs années à des enfants polonais. En effet, cette éducation était freinée par l’Allemagne nazie qui l’a réduit à une période de quatre années de cursus afin de limiter leur savoir. En juin 1942, il est découvert par la Gestapo et envoyé dans le camp de concentration d’Auschwitz avant d’être transféré dans les camps de Gross-Rosen puis de Sachsenhausen en Allemagne. Malgré les risques, il continua à enseigner aux autres détenus dans le camp, utilisant chaque occasion pour transmettre des connaissances et maintenir l’esprit de résistance. 

Antonio Dobrowolski (1904-2012)
Source : Archives de illustrations  Wydawnictwo

Après une telle expérience, comment a-t-il pu s’insérer de nouveau dans la société ? A la Libération, il retourna en Pologne pour devenir enseignant, continuant à inspirer des générations d’élèves par son courage et son dévouement envers l’éducation.  

Son engagement courageux envers l’éducation malgré les risques démontre la puissance de la connaissance et de la transmission culturelle même dans les conditions les plus extrêmes. L’éducation peut être utilisée comme outil de résistance et de préservation de l’humanité face à l’oppression. Son histoire montre que la résistance n’était pas uniquement armée, mais qu’elle prenait de nombreuses formes, y compris celles qui valorisent la culture et le savoir.  

Simone Veil 

 L’histoire de Simone Veil illustre la manière dont les traumatismes liés à la guerre restent omniprésents dans la vie des victimes. Cependant, elle prouve que les victimes ont une voix et que malgré ce passé, il n’est pas un obstacle à la réussite professionnelle.  

Photographie de Simone Veil (1927-2017)
Source : Toute l’Europe

Elle est arrêtée à l’âge de 16 ans par les Allemands dans les rues de Nice et est déportée dans le camp de concentration d’Auschwitz le 15 avril 1944. Face à l’avancée des alliés, elle réalise une marche de la mort jusqu’au camp de Bergen-Belsen. Suite à la Libération du camp par les Britanniques, elle est de retour à Paris avec sa sœur le 23 mai 1945.

Après la guerre, elle mène une carrière professionnelle brillante : elle devient magistrate, elle est la première femme présidente du Parlement européen et son combat pour les droits des femmes vaudra la création d’une loi portant son nom en 1975 qui autorise l’interruption volontaire de grossesse en France.

Si le lendemain de la guerre est marqué par l’émergence du négationnisme, celui-ci tend à s’essouffler avec le temps. A cela s’ajoute la multiplication des travaux scientifiques qui s’interroge sur l’historiographie de la période. Dans ce contexte, elle réalise en 1995 ses premiers témoignages sur son histoire en Pologne. S’ils sont diffusés pour la plupart à la télévision, elle achèvera de transmettre l’entièreté de son passé avec son autobiographie intitulée Une vie parue en 2007.  

Si l’histoire de Simone Veil prouve que certaines victimes ont continué à vivre et à mener des combats malgré les traumatismes subis, ses témoignages tardifs illustrent avant tout le premier réflexe des victimes qui, au lendemain de la guerre, taisent leur histoire soit pour des raisons personnelles de vouloir effacer les évènements de leurs mémoires soit face au rejet de celles-ci dans la sphère publique.

Conclusion 

Au lendemain de la guerre, l’établissement d’un négationnisme fort, autant dans la sphère politique que publique, empêche les victimes de raconter leur histoire. A cela s’ajoute la volonté d’oublier ce passé traumatisant. Cependant, survivants d’un génocide ou Résistants face aux politiques nazis, tous ont en commun la volonté de continuer à vivre après la guerre. Georges Loinger défend le sionisme, Antoni Dobrowolski poursuit sa passion d’enseigner et Simone Veil défend la reconnaissance de droits humains en France et en Europe. Chacun à leur échelle contribue au devoir de mémoire en transmettant leurs histoires.

Etudiant.e.s. : Darparens Emma, Lassevaine Gabriel, Leblanc Eurydice,  Riesenmey Lea, Peyre Célia