L’abbaye Saint-Pierre de Moissac

Source : Dominique Viet, Office de Tourisme Tarn-et-Garonne.

L’abbaye Saint-Pierre se situe à Moissac dans le Tarn-et-Garonne. À la fin du VIIIe siècle, des moines bénédictins se sont installés dans le Quercy où l’abbaye fut construite. Ce monastère bénédictin abrita au cours du Moyen-Âge une des plus grandes communautés religieuses du monde occidental chrétien. Durant cette même période, l’abbaye connut un important rayonnement culturel, politique et économique. Son apogée se fit au XIIe siècle. Le monument est placé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

L’histoire de l’abbaye

Les études d’Ernest Rupin  ou encore celles d’Adrien Lagrèze Fossat, situent l’origine de l’abbaye Saint-Pierre au VIIe siècle au temps de l’évêque de Cahors Saint Didier. En 814, Louis le Pieux accorde à l’abbaye un privilège : l’immunité (droit par lequel les clercs et les religieux étaient dispensés de certaines obligations jugées incompatibles avec leur état, comme le service militaire). Tout d’abord, il faut savoir que l’endroit n’est pas désert lorsque le nouvel établissement religieux est édifié car il y avait la présence d’un hypocauste gallo romain. A la suite de la disparition de l’empire carolingien, les prérogatives de l’autorité royale sur le monastère reviennent au comte de Toulouse qui assure  la protection de l’abbaye. Cependant, lorsque le comte de Toulouse Guillaume III a besoin d’argent, il décide de vendre sa charge d’abbé à Gausbert de Gourdon en 1037. Durant l’abbatiat de Gausbert de Gourdon aucuns travaux ne sont réalisés. Ainsi, l’abbaye est presque en ruine. La reconstruction de l’église est entreprise au milieu du XIIe siècle durant le long abbatiat d’Ansquitil (1085-1115) qui correspond à l’apogée de la puissance et du rayonnement de l’abbaye.

                Source : Photo et plan de l’abbaye Saint-Pierre de Jean-François Peiré, La ville de Moissac Tarn et Garonne.

Le rattachement à Cluny

Selon la chronique d’Aymeric de Peyrac, Moissac entre dans l’ordre de Cluny en 1047. Cependant, des historiens comme Jules Marion prétendent que Moissac n’a reçu Cluny qu’en 1052-1053. Comment à été réalisée la remise de Moissac à Cluny ? Plusieurs conditions étaient nécessaires : après la mort de l’abbé Etienne, en 1045, Odilon désigne un nouveau titulaire, l’abbé Durand de Bredons qui commence à restaurer la vie monastique. Le comte de Toulouse et l’abbé séculier donnent leur consentement. Puis il y a une approbation apostolique : elle paraît en 1058 lorsque Etienne IX confirme l’ensemble des biens de Cluny en incluant Moissac. En  1466, l’abbaye obtient la séparation avec l’ordre de Cluny.

Source : Reconstitution de la façade de l’abbaye de Cluny III, OpenEdition Journals. 

L’environnement architectural de l’abbaye

Le cloître de l’abbaye est perçu comme l’un des plus grands projets architecturaux, en particulier grâce aux nombres de chapiteaux et de piliers. De plus, les archéologues et historiens ont pu découvrir que ce sont des sculpteurs et des architectes occitans qui ont conçu le cloître puisque ce sont les mêmes qui sont intervenus auparavant sur le chantier de la basilique Saint-Sernin de Toulouse.

Les chapiteaux 

Les chapiteaux représentent notamment des scènes bibliques, des vies de saints ou encore des sujets contemporains du XIIe siècle comme les Croisés devant Jérusalem notamment. Ces représentations sont d’aspect diverses puisque l’on retrouve parfois des motifs dits « islamisants ». De même, l’ordonnancement des chapiteaux reste un mystère pour les historiens tant il ne respecte aucune logique qu’elle soit narrative ou chronologique. En outre, les chercheurs ont remarqué que certaines scènes, notamment celle du sacrifice d’Isaac, ne respectent pas le récit biblique et qu’elles présentent donc des variantes.

Les piliers

Les piliers du cloître sont tous faits de marbre et majoritairement cylindriques. Mais aux angles ainsi qu’au milieu des ailes est et ouest se trouvent des piliers de formes carrées. Les piliers angulaires représentent sur deux faces chacune une représentation d’apôtres. Cependant, seulement huit apôtres sont représentés et non douze. Là encore, il s’agit d’un mystère pour les chercheurs qui n’arrivent pas à déterminer pourquoi les architectes en ont privilégié certains plus que d’autres. Les piliers angulaires, en revanche, figurent la représentation de deux religieux : Ansquitil (fondateur de l’abbaye) et saint Durand (premier abbé clunisien). 

Source : Photo des piliers prise par Tarn et Garonne Tourisme. 

Le portail 

Le portail est surtout renommé pour son tympan. En effet, il est le plus important témoignage de l’art roman à Moissac. D’une part, son aspect permet d’affirmer la puissance de l’abbaye et d’autre part, le tympan présente un thème répandu au XIIe siècle. En l’occurrence, une représentation d’un Christ glorieux revenant après l’Apocalypse bénissant la foule. Cette scène s’accompagne également de diverses autres représentations bibliques et notamment une de l’enfance du Christ. 

Source : Photo personnelle, prise par Sarah D.

Le rayonnement économique

Les abbayes fonctionnent grâce à une économie de consommation. Elle est divisée en deux besoins : alimentaire (victus) et d’équipement (vesticus), qui se complètent. Le premier consiste à créer ses propres denrées alimentaires via le maraîchage et la viticulture. Ce dernier point diffère selon la lecture des règles de l’ordre de Saint Benoît. Les repas étant ensuite codifiés (rationnement des repas), les surplus sont vendus. Cela permet d’alimenter le second point de l’économie : l’équipement. En vendant ce qui n’est pas consommé, ça leur permet d’acheter des biens meubles ou immeubles pour enrichir les abbayes. Comme à Moissac, ils peuvent aussi acheter des terres pour implanter d’autres églises afin d’élargir leur rayonnement, leur domination. Également, l’abbaye de Moissac possède ses propres terres agricoles à ce miment-là. Le vin qu’ils en tiraient servait à leur consommation, à la messe (lors de la liturgie) mais permettait aussi d’être vendu.

La rayonnement culturel 

Le second rayonnement de l’abbaye est culturel. Placé au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques de Compostelle, ce titre lui permet un rayonnement à travers le monde. Ce ne sont plus seulement des pèlerins qui viennent mais également des touristes. Désormais, les personnes viennent visiter le lieu comme ils iraient visiter Notre-Dame-de-Lourdes ou n’importe quel lieu saint important. Également, cela vient influencer les programmes d’Histoire de l’Art américains. En effet, les étudiants travaillent sur les gravures du tympan. Les représentations religieuses, en parfait état, permettent de s’y appuyer dessus afin d’étudier les relations entre l’Église et les habitants de Moissac. En dernier point, nous pouvons citer le film “Le nom de la Rose”, réalisé par Jean-Jacques Annaud où le tympan apparaît. Le fait que cette scène existe a suscité un surcroît de tourisme à Moissac. Mondialement connu, son rayonnement en est renforcé.

Source : Image tirée du film « Le Nom de la Rose », Jean-Jacques ANNAUD, 1986.

Biliographie pour aller plus loin : https://blogs.univ-jfc.fr/vphn/?page_id=11695in