« Le Corps Franc Pommiès n’est pas seulement la plus exceptionnelle unité de la Résistance Française. Il est plus que cela. Il est la résistance dans sa pureté originelle, la résistance sans arrière-pensée et sans calcul, la résistance spontanée née d’un refus du fond des êtres. » Gabriel Delaunay
De la défaite de 1940 à nos jours, le CFP s’est toujours revendiqué comme une unité de l’armée. Il semble difficile de trouver des points communs en terme d’action, de structure et de mémoire entre une organisation voulant incarner les forces militaires françaises, et des groupes de résistance issus du monde civil, et pour la plupart politisés.
22 juin 1940 – 6 juin 1944 : la structuration et la clandestinité
Après la débandade de l’été 1940, l’Allemagne impose à la France vaincue une petite Armée d’Armistice. Mais de nombreux cadres de l’Etat-Major la voient comme un outil primordial de la revanche. Dans ce contexte, le capitaine Pommiès fait partie du Camouflage du Matériel et de la Mobilisation Secrète. Malgré la dissolution de l’Armée d’Armistice à la suite de l’invasion de la zone libre le 11 novembre 1942, ce contexte permet de comprendre la structuration du CFP.
Le caractère de Pommiès a fortement impacté la structuration interne et externe de son unité. Malgré les controverses entourant ses liens compliqués avec certains groupes de la résistance locale, il réussit malgré tout à rejoindre l’ORA. Pommiès crée du néant une véritable organisation militaire tentaculaire centralisée à travers une grande partie du Sud-Ouest, qui aligne à la veille du 6 juin 1944 9 000 hommes. Comme dans les autres groupes de la Résistance, chaque “chasseur” a une relation très forte avec son chef de groupe, ce qui fait cohabiter la vision de “chef de bande” et celle du monde militaire au sein du CFP.
Entre le 11 novembre 1942 et le 6 juin 1944, le CFP effectue des actes clandestins similaires aux actions de la Résistance, parfois en collaboration avec celle-ci, et en bénéficiant d’importants largages d’armes, grâce aux relations avec les Alliés. Mais alors que les autres groupes de la Résistance ont commencé par des actions civiles isolées comme la publication anonyme de tracts, le CFP a d’emblée organisé des actions asymétriques à caractère militaire.
6 juin 1944 – 8 mai 1945 : “l’épopée” à travers la France et l’Allemagne
L’objectif premier des unités de Résistance fut de bloquer les renforts Allemands venus du Sud pour renforcer les unités combattantes au contact avec les Alliés en Normandie. Le CFP s’est démarqué par son efficience importante : plus de 200 actes de harcèlement, et prise de plusieurs villes comme Pau ou Mont-de-Marsan. D’autant plus notable qu’elle a réussi sans l’aide directe des Alliés. Ces exploits sont rendus possibles par l’organisation particulière du Corps. Elle participa à des actions classiques comme le sabotage des communications ou la paralysie du trafic ferroviaire. Après une période de récupération des forces et face aux contre-attaques allemandes, le CFP reprit le combat dans le but de poursuivre les Allemands en déroute, en formant avec d’autres groupes de résistants la Division Légère de Toulouse.
Le CFP se distingua par des faits d’armes exceptionnels. La bataille d’Autun, qui se déroula du 8 au 10 septembre, fut un moment crucial pour le CFP, menée pour la première fois avec la 1ère Armée française. Son expertise permit à d’autres unités comme les FTP d’être plus efficaces dans le combat urbain. S’en suivit la Bataille des Vosges durant novembre et décembre 1944, nettement plus complexe car faisant face à des unités allemandes galvanisées par la propagande. Malgré un manque extrême de ravitaillement et des conditions climatiques particulières, il a su en sortir victorieux. Le CFP traversa ensuite le Rhin : la campagne d’Allemagne put commencer. L’unité marcha sur Stuttgart après d’âpres combats où elle enregistra ses plus grosses pertes, et résista à de nombreuses contre-attaques allemandes. Au total, l’unité fit plus de 4 500 prisonniers et infligea plusieurs milliers de pertes humaines et matérielles.
Au vu des exploits du CFP, et dans le contexte de l’amalgame des FFI à l’armée régulière, le général de Lattre de Tassigny décida de transformer le CFP en régiment d’infanterie. Parallèlement, la très large majorité des unités de résistants était constituée en régiments de sécurité au sein de divisions de seconde ligne, en raison de leur trop faible efficacité au combat. Et malgré son manque d’entraînement et d’équipement, le 49ème RI comptait sur un excellent encadrement et un bon moral sous le feu, ce qui lui permit d’accomplir plusieurs faits d’armes durant les campagnes d’Alsace et d’Allemagne.
Depuis le 8 mai 1945 : la postérité du Corps Franc Pommiès
Après les hommages rendus au 49ème RI à travers les nombreux défilés d’après-guerre, notamment à Paris et à Berlin, le devenir des hommes de Pommiès fut très divers. Beaucoup d’entre eux moururent en restant dans l’armée lors de la Guerre d’Indochine. D’autres entrèrent dans la Légion étrangère. Pommiès eut d’ailleurs une carrière fulgurante dans l’armée, atteignant le grade de général de brigade.
Comme tous les autres groupes de la Résistance française, le CFP a été victime de la barbarie nazie. Alors que le mouvement en était encore à sa phase de clandestinité, certains de ses membres furent activement pourchassés par la Gestapo et par leurs supplétifs. La torture fut souvent pratiquée, et 156 chasseurs furent déportés dans les camps de concentration. Pendant la phase de lutte ouverte contre l’occupant à l’été 1944, la Wehrmacht, mais surtout la Waffen SS, commirent des atrocités sur les chasseurs, mais aussi sur les populations civiles. Durant cette période, les forces allemandes ne considéraient pas les combattants du CFP comme des soldats mais comme des “terroristes”, ne pouvant bénéficier des clauses de la Convention de Genève.
La mémoire collective est aujourd’hui entretenue par les vétérans du CFP, notamment à travers une amicale, un périodique (L’Étoile noire) et un musée-mémorial à Castelnau-Magnoac. Il s’agit de mettre en valeur l’histoire particulière du CFP vis-à-vis des autres unités de la Résistance, d’être reconnu, parfois en entrant en conflit avec d’anciens membres FFI. Il est ainsi reproché l’oubli de l’histoire du CFP dans les médias au profit de l’histoire d’une Résistance française unifiée, mettant en valeur les résistants gaullistes et communistes. Des ouvrages racontant l’histoire du CFP, comportant plusieurs témoignages, comblent des lacunes et enrichissent l’historiographie, même s’ils exposent des points de vue subjectifs. Plusieurs historiens, même si peu d’entre eux traitent du CFP, assimilent ses membres à des vichysto-résistants. La question qui anime encore l’Amicale du CFP est la préférence entre l’exclusion ou la dissolution dans la mémoire et l’historiographie de la Résistance française.
Étudiants : DARCIAL Milo, QUINET Pierre