Robespierre : entre mythe et réalité [2023]

Maximilien de Robespierre est né le 6 mai 1758 à Arras et est mort guillotiné à Paris le 28 Juillet 1794. Il est l’une des principales figures des nombreux bouleversements politiques et institutionnels que connaît la France lors de la révolution de 1789. 

Ce personnage est une figure clivante et qui à de nombreuses reprises fut instrumentalisée à des fins politiques et idéologiques si bien que l’historien Marc Bloch, lui même, à la page 124 de sa thèse Apologie pour l’histoire ou métier d’historien demander : “Robespierristes, anti-robespierristes, nous vous crions grâce : par pitié, dites nous simplement, quel fut Robespierre”.  

Entre mythes et réalité nous tenterons ainsi dans cet article de comprendre : Comment la figure de Robespierre a-t-elle évolué de son vivant à nos jours ?

Musée Carnavalet, Portrait de Maximilien de Robespierre (1758-1794), homme politique, Auteur anonyme, portrait, 1790

I) La Carrière de Robespierre avant la révolution Française

A) Un avocat du peuple

Enfant étant issu d’une famille bourgeoise, Robespierre est admis au prestigieux Collège Louis-le-Grand de Paris. Par la suite, il se lance dans des études de droit et devient à seulement 22 ans, avocat dans le comté de l’Artois. Le futur révolutionnaire est très impliqué dans la vie de la province et s’aide du réseau très étendu de sa famille pour acquérir de la notoriété. Le 9 mars 1782 il obtient le poste d’homme de fief gradué, lui permettant d’avoir la capacité de juger les affaires en matière criminelle et civile pour la cité d’Arras. En tant qu’avocat, il est très apprécié par ses pairs ainsi que par le second président du Conseil. En tout, il plaidera entre 12 et 24 affaires devant le Conseil d’Artois, intervenant dans une vingtaine d’audiences par an entre 1782 et 1789. 

Robespierre devient célèbre avec l’affaire du “Paratonnerre de Saint-Omer”, dans laquelle il défend Vissery de Bois- Valé, un scientifique accusé par les habitants de Saint-Omer d’attirer la foudre avec son paratonnerre et de mettre en danger la vie des riverains. Il parvient grâce à ses talents d’orateur à ridiculiser des juges audomarois quant à leur ignorance des aspects scientifiques que représente le paratonnerre. 

C’est alors que la presse nationale et internationale se passionne pour cette affaire et met en avant Robespierre comme nous l’indique un article du journal  Le Mercure de France du 21 juin 1783  dans lequel il sera notamment écrit : “ M. de Robespierre, jeune avocat d’un mérite rare, a déployé dans cette affaire, qui était la cause des sciences et des arts, une éloquence et une sagacité qui donnent la plus haute idée de ses connaissances.”

B) Les concours les littéraires: un poids important pour l’avenir 

Outre son activité d’avocat, Robespierre se consacre à la littérature. Cette activité est monnaie courante chez les élites. Il participe à plusieurs concours comme celui de 1784 réalisé par l’académie de Metz dans lequel il envoie ses écrits intitulé Éloge de Gresset. Dans ces derniers il critique le luxe et l’irréligions des thématiques qui annoncent les prises de positions qu’il défendra lors de la Révolution et qui seront partagées avec d’autres futurs révolutionnaires tel que Danton. Il est cependant à noter qu’il critiquait la religion catholique et souhaitait la réformer. 

Il défend plusieurs causes comme la protection de la société avec une volonté d’avoir une justice plus égalitaire pour le peuple, des droits égaux pour tous les enfants (légitime/illégitime) qui seront entre autres accordés par le code civil en 1794. Autant d’idées et d’écrits qui se traduiront dans ses combats politiques. 

Robespierre, Éloge de Gresset, Paris, 1785

II) Rôle de Robespierre dans la révolution Française

A) Construction de son image politique  

La carrière politique de Robespierre commence en 1789 avec la convocation des états généraux par le roi Louis XVI. Robespierre occupe alors la fonction de député représentant le tiers état du Comté de l’Artois. Malgré des débuts discrets, ce dernier en profite pour se constituer un réseau politique. Suite au serment du jeu de paume du 17 et 20 juin, Robespierre entre activement dans la vie politique en s’affirmant en tant que défenseur du peuple comme on a pu le voir précédemment lors de ses écrits ou de ses plaidoiries. Par ailleurs, le 21 octobre 1789, Il prend position contre la loi martiale la jugeant dangereuse.

Musée Carnavalet, Le Serment du Jeu de paume, le 20 juin 1789, Jacques-Louis David, huile sur toile, Paris

Par la suite, en 1789, Robespierre devient député de l’assemblée constituante. Il ne fait cependant pas l’unanimité puisqu’il est souvent caricaturé à cause de sa faible voix et de ses longs discours. 

B) Implication dans la terreur

Lors de la fuite du roi et sa famille à Varenne en 1791, la position politique de Robespierre change. Lui qui avait tenu le rôle de défenseur du peuple passe à celui de dénonciateur de complot en accusant entre autres les membres du gouvernement de vouloir rétablir l’absolutisme monarchique. A la chute de la monarchie, il est élu à la convention, ses discours deviennent de plus en plus virulents à l’encontre des contre-révolutionnaires comme, par exemple,  les royalistes vendéens qui souhaitent le retour du roi. Il va avec l’aide du député Saint-Just lentement glisser dans ce qui le rendra célèbre : la terreur, un régime qui va durer 12 mois. 

A la tête du comité de salut public le 27 juillet, il met en place un comité de surveillance pour contrôler et espionner les opposants politiques.Il met également en place une loi permettant l’arrestation des potentiels opposants à la république. Cette politique déclenche une vague de dénonciations et d’exécutions. On estime entre 35 000 à 40 000 victimes. De plus, Robespierre, président de la convention nationale la 4 juin 1794, décide également d’éliminer ses opposants politiques au sein des Montagnards.« Les indulgents » comme Danton et Desmoulins ainsi que les  « les hébertistes » et « les enragés » sont tour à tour arrêtés puis exécutés. La peur d’être tués est de plus en plus présente dans la tête des membres de la convention nationale  qui vont alors conspirer contre Robespierre et ses alliés. En quelques jours, ils obtiennent sa condamnation. Robespierre est guillotiné le 28 juillet 1794 à l’âge de 36 ans avec ses alliés politiques Couthon et Saint-Just.

Bibliothèque Nationale de France, Exécution de Robespierre et de ses complices conspirateurs contre la Liberté et l’Égalité, graveur anonyme, Gravure, Paris, 1794

III) La mémoire de Robespierre post-révolution française

A) La construction et la diffusion de l’image d’un tyran 

L’implication de Robespierre dans la terreur va amener ses opposants politiques (thermidoriens, dantonistes, hébertistes, girondin etc..) à façonner son image de tyran encore présente dans la mémoire collective de nos jours.

Ainsi à sa mort en 1794, des députés tels que Barras, Fouché et Tallien pour faire oublier leurs propres exactions lors de cette période vont conspuer Robespierre, l’accablant alors de tous les maux de la France. En outre les journalistes et écrivains à la même époque se spécialisent parfois dans la dénonciation de Robespierre comme, Jean Joseph Dussault qui dans son pamphlet : « Portraits exécrables du traître Robespierre et ses complices tenus par la Furie, avec leurs crimes et forfaits que l’on découvre tous les jours » publiée en 1794 décrit un tyran assoiffé de sang, un scélérat ou encore un Cromwell moderne.

Jean Joseph Dussault, Portraits exécrables du traître Robespierre, Paris, 1794

Au XIXème siècle, la France connaît une longue période d’instabilité politique. Les royalistes et les républicains vont à tour de rôle utiliser la figure de Robespierre dans diverses œuvres pour attester ou non de la légitimité de leur système politique. Nous pouvons notamment citer des pièces de théâtre comme « Robespierre ou les drames de la Révolution » de Louis Combet, écrits en 1879 ou des œuvres littéraires tel que « Louis XVI et la révolution, le drame de 93 » d’Alexandre Dumas. 

B) Vers une réhabilitation de l’image de Robespierre ? 

Dénigrer Robespierre a été en somme une manœuvre politique qui va finalement avoir un impact fort jusqu’à nos jours. Il est cependant à noter que des personnalités politiques comme, le socialiste, Jean Jaurès vont tenter de réhabiliter la mémoire du révolutionnaire. Dans son ouvrage « Histoire Socialiste De La Révolution Française » Jean Jaurès dit aux pages 64-65 : 

« Ce qui fait la grandeur impérissable de Robespierre, c’est qu’en même temps qu’il avait des vues très vastes, il a eu une attention prodigieuse à tout le détail de l’action publique, aux plus menus ressorts des partis, au moindre tressaillement de la foule ; il surveillait, pour gouverner vers le but, vers l’étoile, tous les accidents de la route, toutes les nuances changeantes de la mer orageuse et trouble. Son effort de détail, quand on le suit dans la minutie des heures, est incomparable, et il avait dans l’esprit infiniment plus de réalité que son critique Taine, qui l’a dénoncé puérilement comme un ignorant et comme un idéologue, et qui croyait savoir beaucoup de faits parce qu’il avait pris beaucoup de notes ».

Dans cette citation l’auteur décrit Robespierre presque comme un visionnaire incompris. Un homme dont le seul objectif était de guider et d’amener la France et les français vers “le but, l’étoile”. De plus, nous comprenons dans cet extrait que le révolutionnaire à dû faire face à des trahisons d’autres révolutionnaires. Il est cependant à noter que Robespierre lui-même à trahi certains de ses anciens compagnons révolutionnaires comme Danton qu’il fera envoyer à la guillotine. 

L’image de Robespierre sera également récupérée à l’étranger, en particulier dans des pays communistes comme en URSS, Yougoslavie ou encore à Cuba, faisant de lui la figure révolutionnaire par excellence. 

Le Monument Robespierre dévoilé le 3 novembre 1918 en ex-URSS,  Statue de Béatrice Yuryevna Sandomierz

Nous l’avons donc vu ici Robespierre de sa mort à nos jours est une personnalité politique clivante qui est rarement racontée avec nuance et retenue. D’une part il est soit monstre assoiffé de sang et de l’autre un révolutionnaire socialiste qui se bat pour le peuple comme nous laisse à penser Jean Jaurès. 

Pour conclure, Robespierre est une personnalité politique qui a été instrumentalisée à des fins politiques et idéologiques. D’avocat proche du peuple, il est devenu au fil des siècles et des caricatures un révolutionnaire assoiffé de sang et de pouvoir. L’historien spécialiste de la révolution française, Jean-Clément Martin nous explique notamment dans son livre “Robespierre : la fabrication d’un monstre” que ce dernier à surtout servi de bouc émissaire pour expliquer la période trouble de la terreur.