BERNARD GUI : inquisiteur et écrivain du XIVe siècle

Bernard Gui, né dans le Limousin, plus précisément dans la commune de La Roche-l’Abeille, en 1261, est une figure centrale de l’inquisition dans le Midi au Moyen-Age. Il embrasse les ordres à l’âge de 19 ans comme novice et entre dans un couvent de l’ordre dominicain. Il est membre de cet ordre religieux mendiant, aussi appelé ordre des prêcheurs, créé en 1215 à Toulouse. Il devient lecteur puis prieur d’Albi dix ans plus tard, puis de Castres, Carcassonne ou encore Limoges. Finalement, il est mandaté Grand Inquisiteur de Toulouse en 1307, et fera face aux grandes hérésies de son époque, le catharisme et l’hérésie vaudoise.

Lettrine d’une copie anonyme du Speculum Sanctorale représentant Bernard Gui

Durant sa carrière, il se consacre à la mémoire dominicaine en faisant œuvre d’hagiographe, c’est-à-dire en écrivant des ouvrages consacrés à la vie et à l’œuvre d’un ou de plusieurs saints. Il s’intéresse également à l’histoire des laïcs.

Nous allons ici nous centrer sur cette dernière partie de sa vie et présenter Bernard Gui comme un écrivain à l’envergure imposante.


Ses sources

Comme tous les historiens et les clercs de son époque, Bernard Gui se base surtout sur des sources antérieures, provenant en grande partie de ses prédécesseurs. Il constitue ainsi tout au long de sa vie et de ses voyages un corpus conséquent de sources. Son travail est donc marqué par d’incessantes corrections de ses ouvrages dont il existe pour la plupart plusieurs versions.

Le dominicain s’appuie principalement sur deux types de sources. Il y a d’abord les sources écrites, souvent reprises d’autres historiens. Il se base ainsi sur des chroniques universelles (celles de Guillaume de Nangis par exemple), des biographies et compilations de notices biographiques (la Vita Karoli d’Eginhard par exemple), quelques sources locales (textes de clercs méridionaux racontant l’histoire de lieux locaux) ainsi que des sources de première main. Ces sources sont souvent citées très imprécisément, voire pas du tout. On remarque aussi la présence de sources orales, c’est-à-dire de récits qui lui sont faits directement, surtout pour les événements plus proches de son époque.

Ses méthodes

Pour traiter et exploiter au mieux ses sources, Bernard Gui fait preuve d’une méthode très rigoureuse, qui passe par différents procédés. Il va ainsi faire de la compilation, une méthode très répandue à l’époque, liant les sources entre elles pour former des ensembles cohérents et complets. Ce procédé implique parfois de faire des choix entre des sources en désaccord. Il privilégie alors la source qui fait le plus autorité selon lui ou à défaut les cite toutes sans émettre de choix. Ainsi, il choisit de faire confiance à Eginhard plutôt qu’aux autres sources portant sur Charlemagne, car il considère comme plus fiable.

Bernard Gui est également un abréviateur, rédigeant des versions courtes de nombreux ouvrages, les siens mais aussi ceux d’autres clercs qu’il recopie, comme cela se faisait beaucoup à son époque. Ces textes abrégés sont présentés comme des sortes de manuels, plus pratiques et centrés sur quelques éléments, notamment la généalogie et la chronologie.

Enfin, comme le dit Anne-Marie Lamarrigue, une des grandes spécialistes du personnage, « Bernard Gui, s’il est mesuré, n’est pas neutre pour autant ». Le dominicain est influencé par ses fonctions ecclésiastiques et inquisitoriales ainsi que par ses origines méridionales. Cela se remarque dans le choix de ses sources et des ses sujets, mais aussi dans sa façon d’aborder certains desdits sujets. Il s’intéresse ainsi particulièrement aux croisades méridionales des rois de France en omettant de nombreuses autres batailles qu’ils ont menées.

Une œuvre historique importante

L’œuvre historique de Bernard Gui est, à bien des égards, ambitieuse pour son époque et constitue un corpus de grande qualité. Parmi tous ses ouvrages, on retiendra quelques œuvres particulièrement importantes et complètes.

Premièrement, on peut citer le Reges Francorum, la chronique des rois de France, dont il existe 6 versions rédigées entre 1312 et 1331. Ce texte, qui retrace les règnes de tous les rois de France depuis Clovis, est, malgré quelques erreurs, extrêmement précis dans les dates et les faits. Ainsi, il ne se trompe jamais de plus de 7 ans sur une date, ce qui est une prouesse pour l’époque. De plus, Bernard Gui innove en y réalisant le premier arbre généalogique connu des rois de France.

Extrait du Reges Francorum, issu d’un manuscrit conservé à Toulouse

Il rédige également, sur un modèle similaire mais sans arbre généalogique, une chronique des comtes de Toulouse et une chronique des empereurs. On citera également Flores chronicorum (Fleurs des chroniques), une chronique universelle où il traite entre autres de l’histoire de France, et quelques ouvrages sur l’histoire de lieux locaux comme le monastère saint-augustin de Limoges.

Globalement, Bernard Gui se voit comme un chroniqueur, c’est-à-dire comme quelqu’un qui enregistre les faits dans l’ordre de leur succession, détaillant la continuité historique sans forcément d’analyse. Ce genre des chroniques est très répandu au Moyen-Age et Bernard Gui s’inscrit donc dans une longue tradition.

Son œuvre hagiographique

Pour autant on peut noter que Bernard Gui se livre également tout au long de sa vie à la rédaction d’œuvres hagiographiques, c’est-à-dire des ouvrages qui racontent la vie des Saints et qui sont destinés à la lecture en public dans le cadre de prédication par exemple.

Parmi ces œuvres hagiographiques de grande ampleur, on retrouve des catalogues comme Noms des apôtres écrit en 1313 ou les 72 disciples du Christ qu’il remaniera à plusieurs reprises pour plus de clarté. Également d’autres ouvrages écrits de sa main s’intéressent à des saints plus locaux comme le Traité sur les Saints du Limousin et un Catalogue des saints du diocèse de Toulouse qu’il remaniera en 1317 pour y intégrer des modifications survenues dans la géographie ecclésiastique.

Mais son œuvre hagiographique qui reste de loin la plus importante et mémorable est le Speculum Sanctorale, un immense légendier que Bernard Gui va composer durant les 20 dernières années de sa vie. Cet ouvrage tient une place à part dans les œuvres hagiographiques de l’époque de par sa singularité. En effet, malgré une bibliothèque dominicaine déjà bien riche, ce livre est commandé vers 1312 par Béranger de Landorre, un dominicain très influent. Cet ouvrage sera donc conservé dans la bibliothèque des dominicains et fera l’inventaire des fêtes dédiées au Christ, à la Vierge ainsi qu’à l’Église, aux apôtres, martyrs et confesseurs. 

Extrait du Speculum Sanctorale, datant de 1329-1331, conservé à Toulouse

Les ouvrages pratiques

Enfin, Bernard Gui est l’auteur d’ouvrages pratiques tels que la Practica ou le Livre des sentences : la Practica est le premier manuel d’Inquisition, écrit entre 1319 et 1323, il porte sur les pratiques et les méthodes d’inquisition, il développe et analyse les différentes hérésies rencontrées mais également les sentences qui leur sont administrées (par exemple : l’élargissement, l’enlèvement des croix ou le pèlerinage).

Cet ouvrage nous permet de comprendre l’influence de l’Église ainsi que la lutte qu’elle entreprend contre les hérésies occitanes très localisées comme l’hérésie albigeoise. Cet ouvrage est donc une source clé qui sera utilisée et étudiée par les historiens.

Traduction moderne du Manuel de l’inquisiteur (Practica) par G.Mollat, 2006

Bernard Gui élabore un autre ouvrage célèbre de par son ampleur, le Le livre des sentences, destiné aux autres inquisiteurs. Il recueille les actes de 11 sermons généraux et ses 916 décisions de justice, pendant son mandat d’inquisiteur à Toulouse, contre 636 personnes (décisions individuelles ou concernant toute une communauté hérétique). Ces sermons révèlent l’objectif premier des Inquisiteurs occitans qui est la conversion des hérétiques et non l’anéantissement de l’individu. En effet, il semble plus sage et en accord avec la doctrine chrétienne pour l’Eglise que de pardonner les péchés plutôt que de sanctionner les hérétiques à la mort.

La postérité de Bernard Gui de par son œuvre et repris dans la culture populaire

Finalement, en tant que figure historique, Bernard Gui laissera un héritage non négligeable à la postérité. Pour ce qui est de son influence de nos jours, on peut distinguer son image populaire très négative d’un inquisiteur sans pitié, répandu notamment via des œuvres telles que le film ou le livre d’Umberto Eco, Le Nom de la rose dans lequel le personnage apparaît et est interprété à la limite d’une parodie de lui même comme la figure de l’inquisiteur par excellence, c’est à dire un inquisiteur sanguinaire et malfaisant. Outre cet exemple, on retrouve aussi une manifestation de cette vision grand public de la figure de Bernard Gui dans la statue en cire de lui se trouvant dans du musée de la torture de Carcassonne.

Bernard Gui dans le film Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud

Outre son image dans la culture populaire, Bernard Gui a un impact encore aujourd’hui notamment avec l’héritage qu’il laisse derrière lui en tant qu’écrivain. En effet, ses travaux sont étudiés par les historiens spécialistes de l’inquisition et des hérésies occitanes: Bernard Gui est aujourd’hui devenu une source d’époque de premier choix.

Pour conclure, la figure de Bernard Gui a plusieurs aspects, son activité d’homme d’église et d’inquisiteur n’étant pas la partie de sa vie la plus mémorable et remarquable bien qu’elle soit importante. Ses écrits comme ses ouvrages sur les hérésies occitanes et l’inquisition, en firent, plus qu’un personnage historique, un historien marquant de son époque. Et enfin la postérité de son œuvre et sa redécouverte par le public, via le cinéma ou la littérature, font de lui une figure emblématique dans l’imaginaire collectif. Le travail d’inquisiteur de Bernard Gui et ses écrits lui ont permis de devenir une figure incontournable de son temps et de sa fonction, tant chez les spécialistes que dans la culture populaire.

Pour aller plus loin

BIGET Jean-Louis (études réunies par J. Théry), dans Église, dissidences et société dans l’Occitanie médiévale, CIHAM Editions, Lyon, 2020

LE FUR Didier, “L’inquisition, enquête historique : France, XIIIe-XVe siècle”, Librairie générale française, Paris, 2012

AMARGIER Paul, “Eléments pour un portrait de Bernard Gui”, dans Les Cahiers de Fanjeaux, n°16,  Toulouse : Éditions Privat, 1981, p.19-37

PAUL Jacques, “La mentalité de l’inquisiteur chez Bernard Gui”, dans les Cahiers de Fanjeaux, Année 1981, p.279-316

LAMARRIGUE Anne-Marie, “Bernard Gui, 1261-1331 : un historien et sa méthode”, Honoré Champion, Paris, 2000

MONTAGNES Bernard, “Bernard Gui dans l’historiographie dominicaine” dans Les Cahiers de Fanjeaux, n°16, Toulouse : Éditions Privat, 1981, p.183-203

Raymond VII et le comté de Toulouse

“Moi, avec les barons de ma terre dont j’ai éprouvé la valeur, avec ma compagnie et mes intimes, avec les Toulousains, en qui j’ai toute confiance, et avec mon frère Bertrand, qui s’y est bien préparé, j’irai vous secourir avant que vous n’ayez guère eu à soutenir la lutte, de sorte qu’à la fin du combat l’honneur nous en restera.”- Raimond Le Jeune (futur Raymond VII) avant la bataille de Baziège en 1219, tiré de la Chanson de la Croisade.

Cette citation révèle le contexte particulier du comté de Toulouse au XIIIème siècle et la volonté de sauvegarder son intégrité par les Raimondins, ici Raymond Le Jeune (futur Raymond VII), fils de Raymond VI et de Jeanne d’Angleterre.

Raymond VII est né en juillet 1197 à Beaucaire et meurt en septembre 1249 à Millau. C’est donc principalement sur la première moitié du 13eme s. que portera notre analyse. Raymond VII fut donc comte de Toulouse, un comté du sud-ouest de la France qui a pour chef lieu Toulouse. Durant son règne, agité par les divergences religieuses et notamment cathares, Raymond VII doit faire face comme son père avant lui aux croisades albigeoises. Il développe d’ailleurs des relations compliquées avec l’Église ainsi que la famille royale. Nous savons également qu’il est à ce jour le dernier comte du comté de Toulouse avant que celui-ci soit rattaché à la couronne de France en 1271. Nous nous demanderons donc, quel rôle a joué Raymond VII dans le rattachement du comté de Toulouse à la couronne de France ?

Pour répondre à cette problématique nous allons aborder plus en détail le comté de Toulouse ainsi que la gouvernance qu’a mené Raymond VII à sa tête, afin d’analyser le rapport qu’entretenait Raymond VII avec les cathares et enfin étudier les raisons du rattachement du comté à la couronne de France.

Carte représentant le comté de Toulouse à partir de la carte « La France en 1180 » réalisée par Zigeuner

Pour remettre dans le contexte, le comté de Toulouse est créé par Charlemagne en 778 après la défaite de Roncevaux. Jusqu’en 848 le comté de Toulouse est rattaché au royaume d’aquitaine, cependant après l’éclatement politique de ce dernier et le déplacement de son centre de puissance à Poitier, le comté de Toulouse arrive dans les mains des comtes du Rouergue. C’est le début de la dynastie des Raimondins. En 1094, c’est Raymond IV de St-Gilles qui devient à son tour comte de Toulouse et qui va notamment mener le comté à son apogée en termes de superficie. On retrouve notamment le comté de Rouergue, du Quercy, le duché de Narbonne, le marquisat de Gothie etc. C’est donc un très large territoire qui ne se limite plus du tout à la ville de Toulouse et ses alentours. En 1197 Raymond VI comte de Toulouse vient d’avoir son premier fils Raymond dit le jeune qui héritera donc plus tard du comté sous le nom de Raymond VII. Pour mieux cerner Raymond, nous allons nous intéresser à sa politique et la gestion de son territoire.

Manière de gérer son territoire 

On peut distinguer des décisions de Raymond VII et de son père notamment à Toulouse qui révèlent leur volonté d’unité de la population autour de leur personne. 

En 1219, Raymond VI décide d’exempter les marchands toulousains du paiement de toutes taxes ou péages dans ses domaines, cela fait suite à la défense victorieuse de la ville fâce au siège de Louis VIII et Amaury VI de montfort qui fûrent résignés à retourner sur leurs terres. Cette exemption fût suivis par différents seigneurs (Comte de foix, d’Astarac) et surtout confirmer par Raymond VII à son arrivée au pouvoir en 1222, il ne manquera pas de conserver aussi toutes les coutumes de la ville, et la conservation de la monnaie, il établit ainsi la continuité avec son père tout en récupérant les faveurs de la population. On pourrait aussi évoquer le fait qu’il donne plus de pouvoirs aux consuls en leur  attribuant la gestion des bâtiments religieux 

Raymond VII et les troubadours 

Raymond VII est entouré de troubadours à sa cours  avec lesquels il a parfois grandis. On pourrait citer par exemple : Peire Cardenal ou encore Gui de Cavaillon (pour les plus connus). Ces derniers jouent un rôle important que ce soit pour l’image du comte en termes de communication avec de nombreux poèmes élogieux (grands comptes, aristocrates, idéal chevaleresque, …).  

Toutefois, on peut relever, la cas du troubadour de Lamanon appartenant à la cour du comte d’Aix en Provence, rival de Raymond VII qui dépeint une image dévalorisante du comte. Ce n’est donc pas le seul à utiliser ces méthodes, d’autre comte le font. Cependant, il faut quand même souligner une sorte de consensus de la grande majorité des troubadours du midi qui sont assez “anti-français” ou “anti-seigneurs” (cela peut s’expliquer par les croisades albigeoise antérieures ou plus largement dans un contexte de ressentiment face aux seigneurs du Nord cherchant à s’imposer dans le Languedoc) . Dans tous les cas, cela a pour effet de renforcer l’aristocratie et la population à lutter contre l’ennemi : le roi, le pape ou encore des barons du nord sous la coupe du roi comme Simon de Montfort. Ainsi, grâce à cavaillon et Peire, Raymond VII est représenté comme la figure de proue de résistance face aux seigneurs du nord. 

Autre fonction des troubadours : Raymond VII va jusqu’à attribuer des fonctions politiques et diplomatiques à ces troubadours. En effet, le cas de Peire de Cardenal le confirme puisque celui-ci est utilisé comme une sorte de chancelier ou plutôt de représentant du compte à Paris. En effet, après le traité de Meaux Paris en 1229, il est envoyé à la cour de Louis IX afin de représenter le compte et d’assurer qu’il tiendra ses engagements vis à vis du traité, cela n’est pas absurde car il faut rappeler que les troubadours notamment à  cette période descendent de famille aristocratique et ont donc reçu une éducation, c’est son cas puisque son père était un chevalier respecté et puissant, il le fera entrer encore enfant à la chanoinerie du Puy-Notre-Dame, où il y apprendra notamment à lire et à chanter. 

On voit bien l’utilisation politique des troubadours servant d’une manière générale les seigneurs du midi pour valoriser leurs images ou nuire à celle de leurs rivaux voire ennemis. Ainsi que l’intérêt politique des troubadours grâce notamment à leur éducation.

Le cas de cordes, étude de cas illustrant volonté de Raymond VII

Photo de cordes-sur-ciel

Elle fût construite en 1222, on a encore aujourd’hui la charte originale de sa fondation aux archives départementales d’Albi. La cité de Cordes est construite comme une place forte dans le pays albigeois sur le plateau de mordagne (en hauteur pour mieux se prémunir en cas d’attaque) entouré de remparts, on peut penser qu’elle servirait seulement un rôle défensif en cas d’invasion ou d’attaque. Toutefois, on ne peut pas la réduire à un simple bastion, en effet, dans l’article 2 de la charte, il est stipulé que toutes personnes venant habiter la cité deviendra libre (propriétaire de la maison qu’il construit, pouvant être en transmit de père en fils …). Raymond VII va à contre-courant du principe de féodalité et de servitude d’un paysan à un seigneur et les incite donc à venir habiter la cité, comme dit l’adage « l’air de la ville rend libre ». En réalité, on sait qu’au XIIème et même XIIIème siècle, on constate une forte croissance démographique en France, on peut conjecturer qu’il cherche à les rassembler sous son autorité, et créer une forme de dynamisme entre ces gens en les rassemblant (dynamisme commercial, économique, fraternel, …).

Désormais que l’on peut cerner Raymond VII à travers ces choix, il faudra nous intéresser à sa gestion des conflits en l’occurrence les croisades albigeoises et surtout à quoi rime t-elle ?

Raymond VII fâce aux croisades albigeoise 

Lorsque Raymond VII monte à la tête du comté il va se retrouver comme son père face à l’hérésie cathare qui est utilisée par le Pape et le Roi pour leur propres intérêts.

Pour rappel le catharisme est un mouvement chrétien considéré comme hérétique par les catholiques qui a pour particularité de considérer que dieux est absent de ce monde et donc en conséquence rejettent toute théologie, sacrements (donc l’autorité de l’Eglise) et ils considèrent que le Paradis doit se vivre dans ce monde. 

Dans le midi bien qu’étant la zone où ils se développent le plus, le mouvement reste peu influent, son importance est exagéré par divers acteurs pour l’utiliser comme prétexte. Ces acteurs sont notamment les Papes dont Innocent III qui veulent voir notamment l’ordre monastique Dominicain se développer dans le Midi et qui voient dans une croisade l’occasion de créer diverses institutions ou placer les dominicains à leur tête. Les seconds acteurs sont les Roi de France qui souhaitent étendre leur royaume face à Toulouse, dernier grand comté indépendant et qui refuse la vassalisation.

Au XIIIe siècle, la croisade des Albigeois plonge le comté de Toulouse dans un conflit sanglant, opposant les forces du pouvoir temporel et celles du pouvoir spirituel. En 1216, Raymond Le Jeune décide d’assiéger la ville stratégique de Beaucaire, aux mains de Simon IV de Montfort, marquant le début d’une série d’événements qui bouleverseront la région. Ce siège, motivé par des considérations politiques et religieuses, est perçu comme le point de départ de la reconquête du comté de Toulouse.

L’année suivante, Raymond VI, alors en exil en Aragon, rassemble des chevaliers aragonais et retourne à Toulouse pour reprendre la ville avec l’aide de son fils, où il est accueilli en héros par ses sujets. Cette victoire marque un tournant dans le conflit, renforçant la position de Raymond VII face aux forces de Simon de Montfort. Les récits contemporains, comme la Chanson de la Croisade, célèbrent le retour triomphal de Raymond VI, soulignant le soutien populaire dont il bénéficie.

La mort de Simon de Montfort en 1218 donne un nouvel élan aux partisans de Raymond VII, mais la succession par son fils Amaury prolonge le conflit. Ce n’est qu’en 1222 que Raymond VII parvient à récupérer la plupart de ses terres, à l’exception de quelques places fortes. Pendant ce temps, Louis VIII, nouveau roi récemment monté sur le trône de France, s’engage dans la croisade des Albigeois, cherchant à étendre son autorité dans le sud.

Siège d’Avignon (1226). Mort de Louis VIII. Couronnement de Saint Louis (Louis IX). Miniature dans les « Grandes Chroniques de France » (251v) de Jean Fouquet.

La mort prématurée de Louis VIII en 1226 laisse son fils Louis IX sur le trône, alors que le conflit se poursuit. Cette continuité entre les rois démontrent bel et bien la volonté de la royauté de mettre la main sur le Languedoc. En 1229, le traité de Paris est signé, mettant officiellement fin à la croisade et imposant une pénitence publique à Raymond VII. Cependant, des tensions persistent, alimentées par l’émergence de l’Inquisition en 1233 et les rébellions sporadiques contre l’autorité royale.

Ainsi, la croisade des Albigeois laisse des cicatrices profondes dans le comté de Toulouse, façonnant son histoire politique et religieuse pour les décennies à venir, tandis que les récits contemporains comme la Chanson de la Croisade continuent à inspirer la mémoire collective de cette période tumultueuse.

Le traité de Paris de 1229 a redessiné la géopolitique du comté en laissant à Raymond VII seulement le haut Languedoc, tandis que le bas Languedoc était occupé par des vassaux de la couronne de France. Malgré cela, certains vassaux reconnaissaient toujours Raymond VII comme leur seigneur supérieur plutôt que le roi de France. En 1241, Raymond VII prête serment au roi de France mais ne met que peu d’efforts pour assiéger Montségur, un bastion cathare. Il prépare plutôt des alliances avec des nobles locaux ainsi que le roi d’Aragon et Henri III d’Angleterre pour attaquer la France sur deux fronts. Cependant, cette tentative échoue, le roi de France remportant la bataille de Taillebourg et Hugues de Lusignan capitulant. Raymond VII signe finalement la paix de Lorris en 1242, renouvelant le traité de Paris.

1229 – le traité de Meaux – appelé aussi « Traité de Paris » ou de « Paris-Meaux ».

Par ailleurs, l’imposition de la foi catholique devient un moyen important d’imposer l’autorité du Pape et celui du roi. Le traité de Meaux-Paris en 1229 ordonne la construction de l’université de Toulouse, où de nombreux théologiens réputés y venaient notamment de l’université de Paris  pour lutter contre l’hérésie. Par exemple, Jean de Garlande, qui fût un grammairien connu pour la confection d’un dictionnaire en latin, ce dernier s’occupa de la défense de la foi et était connu pour son tempérament de “croisés” et son mépris pour les Toulousains. On pourrait conjecturer que ces derniers représentait aussi la personne de Louis IX, et donc son autorité sur Toulouse. Cette idée était renforcée par le fait que l’entretien des maîtres en théologies et des locaux étaient à la charge de Raymond VII, on y voit ici l’assujetisation du comte au roi. 

De plus, l’une des clauses du traité de Mont-Paris est de mener une politique de répression à l’égard des hérétiques. En 1229, après Meaux-Paris, se tint à Toulouse un concil présidé par le légat pontifical, qui institue dans chaque paroisse une commission d’enquête qui “rechercherait les hérétiques et exigerait des habitants le serment de rester fidèle aux enseignements de l’église”. Cette politique s’accentue en 1234 avec la création de tribunaux placés sous la direction du pape et spécialement créés pour lutter contre l’hérésie. Ces derniers fonctionnent avec des enquêtes, des dénonciations de voisins… Et même parfois dans certains interrogatoire, on retrouve l’emploie de la question (torture), si l’accusé est reconnue coupable, il sera tué et souvent par les flammes. En témoigne l’épisode qui nous est relaté par Wolff dans son ouvrage sur l’histoire de Toulouse de Jean de Teisseire, un habitant du bourg, cité et condamné par les inquisiteurs, il sera arrêté avec d’autre cathares et livrés aux flammes à cause de leurs croyances hérétique.

Le Rattachement du comté à la couronne

Finalement, ce qui scellera le rattachement du comté à la couronne, c’est le mariage de la fille de Raymond VII au frère du roi.

Stratégie matrimoniale

Si on constate que Raymond VII perd progressivement son pouvoir et gouverne de moins en mois un comté qui perd en puissance. Il reste toutefois l’autorité légitime pour régner sur celui-ci. L’un des éléments essentiels qui achève le processus de rattachement du comté à la couronne, c’est le mariage de sa fille au frère du roi. En effet, en 1227 (2 ans avant le traité de Mont-Paris) Jeanne de Toulouse, fille de Raymond VII se marie avec Alphonse de France, frère du roi Louis IX (futur Alphonse de Poitiers). Ce mariage est évidemment un événement symbolique et diplomatique qui témoigne certes de la soumission de Raymond VII mais qui entérine surtout le rattachement du comté à la couronne de France.

Toutefois, on peut relever l’ultime tentative de Raymond VII de conserver son comté en  répudiant son épouse Sancie d’Aragon, qui avait près de quarante-cinq ans, et se remarier avec Marguerite de la Marche et espérer avoir un fils, dont la seule existence, malgré les clauses du traité de Paris, aurait pesé lourd dans le jeu politique. Le mariage fût donc célébré à Angoulême en 1243 mais n’aboutira lui non plus à aucune descendance.

Ainsi, à la mort de Raymond VII en 1249, le comté revient à Alphonse de Poitiers et devient officiellement la propriété de la couronne de France.

Lien vers bibliographie : http://blogs.univ-jfc.fr/vphn/?p=13928(ouvre un nouvel onglet)

Les survivants des camps de la Seconde Guerre mondiale

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une période dite d’après-guerre s’installe et est marquée par de profonds bouleversements politiques, économiques et sociaux. Cela est lié à l’héritage laissé par le régime totalitaire nazi (1933-1945) en Allemagne qui, guidé par des idées radicales, réalise des assassinats arbitraires et des génocides envers les Juifs et les Tsiganes. Pour éviter le renouvellement d’un tel massacre, une coordination mondiale s’établit à la suite du procès de Nuremberg. Ainsi, l’Organisation des Nations Unies voit le jour en 1945 et a pour but de maintenir la paix, la sécurité internationale et de protéger les droits humains.

Pourtant, le lendemain de la guerre est marqué par des cicatrices profondes, notamment dues par la volonté passée d’exterminer des groupes ciblés comme les Tziganes, les Roms, les Sintis, les membres de la Résistance, les prisonniers militaires des guerres soviétiques, les opposants politiques, les homosexuels et les handicapés. Ils ont été victimes d’une haine profonde incarnée par la création de camps de concentration. A la libération de ces camps en 1944, on estime la mort de plus de 15 millions de personnes pour seulement 250 000 à 300 000 survivants.

Si ces évènements sont enseignés dans les livres scolaires ou encrés dans les mémoires communes, on observe que ces connaissances ne sont apparues que durant la fin du XXe siècle. Pourquoi les survivants, au lendemain de la guerre, n’ont-ils pas transmis leur histoire ? Quand et comment ont-ils pu les raconter ? De quelle manière leurs histoires ont-elles influencé l’historiographie de la période ?

Georges Loinger 

Georges Loinger est une figure de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale, il aurait sauvé des centaines d’enfants juifs pendant l’Occupation (1940-1944).  

Photographie de Georges Loinger (1910-2018)  
Source : Mémorial de la Shoah

Né de parents juifs en 1910 à Strasbourg, il est élevé par sa mère tandis que son père est mobilisé dans l’armée autrichienne durant la Première Guerre mondiale (1914-1918). Après s’être marié en 1934 à Flore, une jeune strasbourgeoise participant au mouvement de jeunesse sioniste, et avoir suivi des études d’ingénieurs, il devient professeur d’éducation physique à Paris. En 1939, il est mobilisé en Alsace mais se fait emprisonné et envoyé dans un camp en Bavière. Pendant ce temps, sa femme se réfugie dans le château de la baronne de Rothschild où elle prend soin de 123 enfants juifs rescapés du Reich. Georges réussi à s’évader et rejoint sa femme avec les enfants dont elle s’occupe dans un ancien hôtel près de Clermont-Ferrand. Étant en lien avec un de ses anciens amis et dirigeant de l’association de l’Œuvre de secours aux enfants Juifs, le docteur Joseph Weill, Georges arrive à cacher les enfants dans différents foyers de la Creuse. Cependant, en 1942, les nazis occupent le département. Avec le soutien du maire d’Annemasse et de cheminots locaux, Georges arrive à faire évacuer plus de quatre cents enfants juifs. 

Suite à la Libération, il facilite le passage de rescapés juifs en Palestine et devient le président de l’Association des anciens déportés de la résistance juive en France. En parallèle, il publie de nombreux livres dans lesquels il rapporte son histoire en précisant les étapes du combat auquel il a participé. Après une longue vie mouvementée, il finit par s’éteindre en 2018, à l’âge de 108 ans. 

Antoni Dobrowolski 

Antoni Dobrowolski a organisé des cours clandestins à des enfants polonais pour éviter l’endoctrinement face aux tentatives nazies.

Né en 1904 en Pologne, il suit un cursus afin de devenir instituteur. Il se dédie à faire une éducation clandestine pendant plusieurs années à des enfants polonais. En effet, cette éducation était freinée par l’Allemagne nazie qui l’a réduit à une période de quatre années de cursus afin de limiter leur savoir. En juin 1942, il est découvert par la Gestapo et envoyé dans le camp de concentration d’Auschwitz avant d’être transféré dans les camps de Gross-Rosen puis de Sachsenhausen en Allemagne. Malgré les risques, il continua à enseigner aux autres détenus dans le camp, utilisant chaque occasion pour transmettre des connaissances et maintenir l’esprit de résistance. 

Antonio Dobrowolski (1904-2012)
Source : Archives de illustrations  Wydawnictwo

Après une telle expérience, comment a-t-il pu s’insérer de nouveau dans la société ? A la Libération, il retourna en Pologne pour devenir enseignant, continuant à inspirer des générations d’élèves par son courage et son dévouement envers l’éducation.  

Son engagement courageux envers l’éducation malgré les risques démontre la puissance de la connaissance et de la transmission culturelle même dans les conditions les plus extrêmes. L’éducation peut être utilisée comme outil de résistance et de préservation de l’humanité face à l’oppression. Son histoire montre que la résistance n’était pas uniquement armée, mais qu’elle prenait de nombreuses formes, y compris celles qui valorisent la culture et le savoir.  

Simone Veil 

 L’histoire de Simone Veil illustre la manière dont les traumatismes liés à la guerre restent omniprésents dans la vie des victimes. Cependant, elle prouve que les victimes ont une voix et que malgré ce passé, il n’est pas un obstacle à la réussite professionnelle.  

Photographie de Simone Veil (1927-2017)
Source : Toute l’Europe

Elle est arrêtée à l’âge de 16 ans par les Allemands dans les rues de Nice et est déportée dans le camp de concentration d’Auschwitz le 15 avril 1944. Face à l’avancée des alliés, elle réalise une marche de la mort jusqu’au camp de Bergen-Belsen. Suite à la Libération du camp par les Britanniques, elle est de retour à Paris avec sa sœur le 23 mai 1945.

Après la guerre, elle mène une carrière professionnelle brillante : elle devient magistrate, elle est la première femme présidente du Parlement européen et son combat pour les droits des femmes vaudra la création d’une loi portant son nom en 1975 qui autorise l’interruption volontaire de grossesse en France.

Si le lendemain de la guerre est marqué par l’émergence du négationnisme, celui-ci tend à s’essouffler avec le temps. A cela s’ajoute la multiplication des travaux scientifiques qui s’interroge sur l’historiographie de la période. Dans ce contexte, elle réalise en 1995 ses premiers témoignages sur son histoire en Pologne. S’ils sont diffusés pour la plupart à la télévision, elle achèvera de transmettre l’entièreté de son passé avec son autobiographie intitulée Une vie parue en 2007.  

Si l’histoire de Simone Veil prouve que certaines victimes ont continué à vivre et à mener des combats malgré les traumatismes subis, ses témoignages tardifs illustrent avant tout le premier réflexe des victimes qui, au lendemain de la guerre, taisent leur histoire soit pour des raisons personnelles de vouloir effacer les évènements de leurs mémoires soit face au rejet de celles-ci dans la sphère publique.

Conclusion 

Au lendemain de la guerre, l’établissement d’un négationnisme fort, autant dans la sphère politique que publique, empêche les victimes de raconter leur histoire. A cela s’ajoute la volonté d’oublier ce passé traumatisant. Cependant, survivants d’un génocide ou Résistants face aux politiques nazis, tous ont en commun la volonté de continuer à vivre après la guerre. Georges Loinger défend le sionisme, Antoni Dobrowolski poursuit sa passion d’enseigner et Simone Veil défend la reconnaissance de droits humains en France et en Europe. Chacun à leur échelle contribue au devoir de mémoire en transmettant leurs histoires.

Etudiant.e.s. : Darparens Emma, Lassevaine Gabriel, Leblanc Eurydice,  Riesenmey Lea, Peyre Célia

Sainte Sigolène de Troclar

Photographie anonyme de Sainte Sigolène, Cathédrale Sainte-Cécile, Albi

Si vous vous promenez régulièrement autour de la Cathédrale Sainte Cécile, vous aurez sûrement remarqué cette statue en pierre, figure féminine de ce qui semble être une simple bergère sur le baldaquin ouest, cette statue porte en réalité le nom de Sigolène. Devenue une sainte régionale, elle aurait accompli divers miracles près du monastère qu’elle fonde dans l’albigeois.

Les premières fouilles archéologiques sur la commune de Lagrave dans Tarn, entre Gaillac et Albi, débutent en 1820 : le mobilier excavé est mis au jour par un agriculteur souhaitant exploiter à nouveau ses terres. C’est bien plus tard grâce au Comité Départemental d’Archéologie, qu’une ancienne crypte, celle du Troclar (Du latin torcular signifiant pressoir), est dévoilée contenant de nombreux sarcophages, dont celui de Sainte Sigolène. Ces fouilles ont permis la découverte de plusieurs vestiges datant du Haut Moyen-Âge (395 – 987), mais l’appui principal de ces découvertes archéologiques est la vita de Sainte Sigolène. Ainsi bien que ces diverses sources nous indiquent de précieuses informations nous nous sommes demandés en quoi la figure de Sigolène et sa crypte sont-ils représentatifs de la vie au Haut Moyen-Âge en albigeois ? 

Premièrement nous nous demanderons à travers les mythes de son histoire qui était Sigolène pour ensuite étudier plus en détail les fouilles du Troclar et enfin comprendre la société médiévale qui l’entourait.

Carte issue du site histoire de l’Europe

Au VIème siècles le Royaume Franc que l’on connaît est coupé en deux entités territoriales distinctes : La Neustrie et l’Austrasie avec pour capitale Metz dont est issue la famille de Sigolène ainsi proche du pouvoir. 

Albi à la fin du VIIème devient austrasienne faisant de cette région une zone disputée notamment pour ses routes commerciales, c’est pourquoi la famille de Sigolène est missionnée de s’installer à Albi pour asseoir la domination austrasienne. 

Quant à Sigolène, elle est mariée jeune à un notable de la région. Elle prend ainsi part dans cette mise en place du pouvoir familial puisqu’il est important qu’une famille qui arrive de la capitale Metz ainsi considérée comme étrangère puisse affirmer son pouvoir. En plus de cela elle fonde un monastère féminin au Troclar étendant donc leur emprise au domaine religieux puisque son ascension est plus largement l’ascension de sa famille dans un maillage tant social que politique et religieux. 

Dans le récit de sa vie dite son hagiographie ou vita il est écrit qu’elle fait voeux de chasteté dès les premiers temps de son mariage et convainc son époux de respecter sa vie pieuse. Le rôle de l’historien ici n’est pas d’étudier la véracité de la légende mais de l’analyser pour comprendre la société médiévale.Elle est devenue une sainte populaire en accomplissant divers miracles comme la création d’une fontaine avec de l’eau bénite guérisseuse, elle aurait ainsi guérit des lépreux ou permit à un infirme de retrouver l’usage de ses jambes.

 

La présence de monnaies antiques permet de penser que Sigolène s’est installée sur un lieu déjà vénéré tout comme les fragments de sarcophages en marbre provenant des Vème et VIème siècle ainsi antérieurs.

Sauville, 1926 Poteries mérovingiennes , Vilminot , BNF

De plus, la céramique retrouvée cuite au four, sans décor, témoigne de la transition entre des poteries mérovingiennes du Vème siècle et le mobilier attribué aux VIII – Xè qui quant à lui revêt des ornements. Mais la prudence s’impose d’autant que cet habitat a donc connu plusieurs occupations rappelant l’origine franque de la famille de Sigolène dont les tombes recouvrent souvent des nécropoles plus anciennes comme à Tournai ou Krefeld-Gellep (1).

La reconstitution de fouilles nous permet de comprendre que la nécropole comptait trente deux sarcophages d’une certaine régularité dans l’alignement et dans l’orientation de la troisième zone de fouille appelée chronologiquement Troclar III (2) alors que le désordre règne dans la disposition de ceux de Troclar I qui contiennent parfois les restes de trois corps superposés : résultat de leur réutilisation et déplacement le plus souvent pour obtenir une place près de celui de la sainte .

Quant au monastère il est installé sur la villae soit le domaine agricole du père de Sigolène. Cela permet donc d’accélérer la construction de ce dernier. Le monastère aurait été divisé en cabanes individuelles dites laures où les moniales entretiendraient une vie seule mais les réfectoires et dortoirs communs aux autres monastères de cette époque comme Altaripa sur les rives du Thoré permettent de penser ici que seule Sigolène s’isolait quotidiennement. En effet, la retraite volontaire des servantes du Christ était matérialisée par l’enceinte en bois qui encadre les bâtiments dont il est difficile d’évaluer les dimensions précises tout comme le nombre de moniales qui y vivaient. Grâce à l’hagiographie de Sigolène, nous savons qu’il existait également à l’extérieur du monastère au moins un petit hospice pour accueillir les malades et pèlerins desquels prenait soin l’abbesse grâce aux plantes médicinales. En réalité, ces incertitudes quant à l’architecture sont dûes aux étapes de constructions successives dont les fouilles ont fait connaître une partie des vestiges de la première église sous le sol de l’abside et de la nef d’une plus récente. Ce petit édifice abritait temporairement la sépulture de Sigolène avant d’être amené dans l’église romane à l’extérieur du monastère. En somme, nous ne pouvons affirmer la présence de deux églises seulement !

Photographie personnelle, Janvier 2023

Enfin à propos de la diffusion du culte de sainte Sigolène à son époque, l’édifice dut rester modeste mais les multiples provenances des monnaies byzantine datant de 870, semblent indiquer la renommée croissante des miracles. Au début du XIIè, après le transfert d’une partie des reliques dans l’église Saint-Salvy puis dans la cathédrale d’Albi, la crypte est arasée et scellée par un béton de chaux sous le sol d’une dernière église. Désormais à Troclar, seules quelques traces de peintures sur le chevet de la confession subsistent pouvant évoquer des motifs de l’époque romane (VI – IXè) dont des draperies stylisées malheureusement abîmées par la conservation négligée au début des fouilles.

Enfin, Les fouilles témoignent donc d’une occupation plus ancienne d’origine gallo-romaine sur le site de Lagrave, grâce à de nombreux objets retrouvés sur place, comme des outils, ou encore des céramiques. Mais cette occupation s’avère antérieure, remontant jusqu’au Paléolithique, comme l’attestent les terrasses alluviales, vastes plaines accolées à une vallée. De plus, Lagrave pouvait facilement communiquer avec Toulouse, Montans et Albi grâce au cami fèrrat (chemin « ferré », c’est-à-dire solidement empierré), situé tout proche et qui reliait ces trois grandes agglomérations. 

Photographie du Comité Départemental d’Archéologie du Tarn

Au haut Moyen Âge les villages s’apparentaient plus à un regroupement de bâtiments d’habitations, de lieux de réserves et de champs. Malgré l’importance de la religion pour les sociétés du Moyen Âge, les agglomérations n’étaient pas polarisés autour des édifices religieux, les bâtiments étaient composés d’une structure en bois et de murs en torchis.

Dans ces unités d’habitations on retrouvait des silos pour la conservation du blé, ce sont de grandes fosses en formes de bouteilles enterrées et fermées hermétiquement pour favoriser la conservation. Les agglomérations possédaient des fours, qui servaient aux habitants à faire cuire leur pain, partie importante de leur alimentation. La majorité de leur alimentation était ainsi composée de céréales et de viandes, provenant de leurs élevages ou de la chasse. Le site du Troclar a, quant à lui, prouvé la présence de l’exploitation du Tarn par les coquillages et restes de poissons retrouvés. 

Enfin, pour l’agriculture bien que ressource majoritaire, est complétée notamment par une activité textile ayant retrouvé sur le site le matériel nécessaire à la tonte des moutons et au tissage de la laine. 

Enfin, en albigeois existent des organisations politiques plurielles, au haut Moyen-Âge, l’Occitanie était composée de différentes entités politiques comme des duchés et des comtés, ainsi que de nombreuses seigneuries administrées par les seigneurs locaux. L’équilibre des pouvoirs ne pouvait se faire sans l’intervention des alliances matrimoniales et des rivalités politiques. 

Les monastères, qu’ils soient féminins ou masculins, ne servaient pas uniquement de centre religieux. Ils avaient également une forte dimension politique. En effet, lorsque les monastères étaient construits par des familles aristocratiques, ceux-ci servaient avant tout à asseoir le pouvoir politique de la famille dans les territoires alentours du monastère. Par conséquent, les femmes se trouvant dans le monastère, pour les monastères féminins, jouaient ainsi un rôle d’éducation pour les jeunes de sa famille, mais l’abbesse à la tête du monastère, et par extension sa famille à l’origine de la construction du monastère, avait un rôle de protection des septa secreta, c’est-à-dire des lieux saints du monastère, qui pouvaient contenir des reliques.
Dans le cas de Sainte-Sigolène, son monastère au Troclar a été construit sur des terres familiales, avec l’aide financière de son père notamment. Sa famille, originaire de Metz, vient d’arriver à Albi et à besoin d’asseoir son influence sur leurs terres qui étaient alors inoccupées. 

En somme, à travers la personne de Sigolène et sa famille s’exposent les relations géopolitiques médiévales témoignant des liens entre religion, politique et travail exprimés dans la tripartition de la société rythmée par le calendrier agro-liturgique.

Quant à son monastère, il représente bien le Haut Moyen-Âge en manque de sources laissant malgré de nombreux efforts des incertitudes sur les diverses constructions ecclésiales et leur datation.

(1) Nécropole mérovingienne située en Allemagne sur un édifice romain antérieur
(2) Dénomination chronologique des fouilles de I à IV :
1971 : l’extension du cimetière communal révèle 15 sarcophages et une majeure partie de l’église gothique qui recouvrait la première crypte classé Monument historique en 1994.
1972 – 1974 : découverte sur une rive du Tarn d’un habitat semi-enterré détruit par des constructions contemporaines.
1974- 1986 : sondage sur la zone de Troclar I révélant un bâtiment arasé et 17 sarcophages.
1993 – 1995 : au nord de Troclar I la reprise des fouilles révèle un regroupement de six habitats entourés de 81 silos.

Bibliographie

• ALLIOS Dominique, La céramique médiévale en Midi-pyrénées (VIe – XIIe siècles), Université Toulouse II, 1998

• AUDISIO Gabriel (dir.), Saint et sainteté, Aix-en-Provence, Rives nord-méditerranéennes, 1999, 76 p.

• BIGET Jean-Louis, Église, dissidences et société dans l’Occitanie médiévale, Lyon, CIHAM, 2020, 946 p.

• CABOT Marie-Claude, CABOT Pierre, POUSTHOMIS-DALLE Nelly, REAL Isabelle, Sainte Sigolène, sa vie, ses églises au Troclar, Toulouse, Archéologie du Midi médiéval, 1997, 340 p.

• DUBY Georges, KLAPISCH-ZUBER Christiane, PERROT Michelle, L’histoire des femmes en Occident, Paris, Perrin, Tempus, 2002, 704 p.

• ECO Umberto, Art et beauté dans l’esthétique médiévale, Paris, Librairie générale française, Le livre de poche, 2002 [1986], 316 p.

• LE GOFF Jacques, La civilisation de l’occident médiéval, Paris, Flammarion, Champs Histoire, 2008 [1964], 374 p.

• VICAIRE Marie-Humber, La femme dans la vie religieuse du Languedoc, Toulouse : Editions Privat, Cahiers de Fanjeaux, 1988, 396 pages


Bernel Manon, Tragné Emma, Belaygue Ana et Monmouton Guillaume

Robespierre : entre mythe et réalité [2023]

Maximilien de Robespierre est né le 6 mai 1758 à Arras et est mort guillotiné à Paris le 28 Juillet 1794. Il est l’une des principales figures des nombreux bouleversements politiques et institutionnels que connaît la France lors de la révolution de 1789. 

Ce personnage est une figure clivante et qui à de nombreuses reprises fut instrumentalisée à des fins politiques et idéologiques si bien que l’historien Marc Bloch, lui même, à la page 124 de sa thèse Apologie pour l’histoire ou métier d’historien demander : “Robespierristes, anti-robespierristes, nous vous crions grâce : par pitié, dites nous simplement, quel fut Robespierre”.  

Entre mythes et réalité nous tenterons ainsi dans cet article de comprendre : Comment la figure de Robespierre a-t-elle évolué de son vivant à nos jours ?

Musée Carnavalet, Portrait de Maximilien de Robespierre (1758-1794), homme politique, Auteur anonyme, portrait, 1790

I) La Carrière de Robespierre avant la révolution Française

A) Un avocat du peuple

Enfant étant issu d’une famille bourgeoise, Robespierre est admis au prestigieux Collège Louis-le-Grand de Paris. Par la suite, il se lance dans des études de droit et devient à seulement 22 ans, avocat dans le comté de l’Artois. Le futur révolutionnaire est très impliqué dans la vie de la province et s’aide du réseau très étendu de sa famille pour acquérir de la notoriété. Le 9 mars 1782 il obtient le poste d’homme de fief gradué, lui permettant d’avoir la capacité de juger les affaires en matière criminelle et civile pour la cité d’Arras. En tant qu’avocat, il est très apprécié par ses pairs ainsi que par le second président du Conseil. En tout, il plaidera entre 12 et 24 affaires devant le Conseil d’Artois, intervenant dans une vingtaine d’audiences par an entre 1782 et 1789. 

Robespierre devient célèbre avec l’affaire du “Paratonnerre de Saint-Omer”, dans laquelle il défend Vissery de Bois- Valé, un scientifique accusé par les habitants de Saint-Omer d’attirer la foudre avec son paratonnerre et de mettre en danger la vie des riverains. Il parvient grâce à ses talents d’orateur à ridiculiser des juges audomarois quant à leur ignorance des aspects scientifiques que représente le paratonnerre. 

C’est alors que la presse nationale et internationale se passionne pour cette affaire et met en avant Robespierre comme nous l’indique un article du journal  Le Mercure de France du 21 juin 1783  dans lequel il sera notamment écrit : “ M. de Robespierre, jeune avocat d’un mérite rare, a déployé dans cette affaire, qui était la cause des sciences et des arts, une éloquence et une sagacité qui donnent la plus haute idée de ses connaissances.”

B) Les concours les littéraires: un poids important pour l’avenir 

Outre son activité d’avocat, Robespierre se consacre à la littérature. Cette activité est monnaie courante chez les élites. Il participe à plusieurs concours comme celui de 1784 réalisé par l’académie de Metz dans lequel il envoie ses écrits intitulé Éloge de Gresset. Dans ces derniers il critique le luxe et l’irréligions des thématiques qui annoncent les prises de positions qu’il défendra lors de la Révolution et qui seront partagées avec d’autres futurs révolutionnaires tel que Danton. Il est cependant à noter qu’il critiquait la religion catholique et souhaitait la réformer. 

Il défend plusieurs causes comme la protection de la société avec une volonté d’avoir une justice plus égalitaire pour le peuple, des droits égaux pour tous les enfants (légitime/illégitime) qui seront entre autres accordés par le code civil en 1794. Autant d’idées et d’écrits qui se traduiront dans ses combats politiques. 

Robespierre, Éloge de Gresset, Paris, 1785

II) Rôle de Robespierre dans la révolution Française

A) Construction de son image politique  

La carrière politique de Robespierre commence en 1789 avec la convocation des états généraux par le roi Louis XVI. Robespierre occupe alors la fonction de député représentant le tiers état du Comté de l’Artois. Malgré des débuts discrets, ce dernier en profite pour se constituer un réseau politique. Suite au serment du jeu de paume du 17 et 20 juin, Robespierre entre activement dans la vie politique en s’affirmant en tant que défenseur du peuple comme on a pu le voir précédemment lors de ses écrits ou de ses plaidoiries. Par ailleurs, le 21 octobre 1789, Il prend position contre la loi martiale la jugeant dangereuse.

Musée Carnavalet, Le Serment du Jeu de paume, le 20 juin 1789, Jacques-Louis David, huile sur toile, Paris

Par la suite, en 1789, Robespierre devient député de l’assemblée constituante. Il ne fait cependant pas l’unanimité puisqu’il est souvent caricaturé à cause de sa faible voix et de ses longs discours. 

B) Implication dans la terreur

Lors de la fuite du roi et sa famille à Varenne en 1791, la position politique de Robespierre change. Lui qui avait tenu le rôle de défenseur du peuple passe à celui de dénonciateur de complot en accusant entre autres les membres du gouvernement de vouloir rétablir l’absolutisme monarchique. A la chute de la monarchie, il est élu à la convention, ses discours deviennent de plus en plus virulents à l’encontre des contre-révolutionnaires comme, par exemple,  les royalistes vendéens qui souhaitent le retour du roi. Il va avec l’aide du député Saint-Just lentement glisser dans ce qui le rendra célèbre : la terreur, un régime qui va durer 12 mois. 

A la tête du comité de salut public le 27 juillet, il met en place un comité de surveillance pour contrôler et espionner les opposants politiques.Il met également en place une loi permettant l’arrestation des potentiels opposants à la république. Cette politique déclenche une vague de dénonciations et d’exécutions. On estime entre 35 000 à 40 000 victimes. De plus, Robespierre, président de la convention nationale la 4 juin 1794, décide également d’éliminer ses opposants politiques au sein des Montagnards.« Les indulgents » comme Danton et Desmoulins ainsi que les  « les hébertistes » et « les enragés » sont tour à tour arrêtés puis exécutés. La peur d’être tués est de plus en plus présente dans la tête des membres de la convention nationale  qui vont alors conspirer contre Robespierre et ses alliés. En quelques jours, ils obtiennent sa condamnation. Robespierre est guillotiné le 28 juillet 1794 à l’âge de 36 ans avec ses alliés politiques Couthon et Saint-Just.

Bibliothèque Nationale de France, Exécution de Robespierre et de ses complices conspirateurs contre la Liberté et l’Égalité, graveur anonyme, Gravure, Paris, 1794

III) La mémoire de Robespierre post-révolution française

A) La construction et la diffusion de l’image d’un tyran 

L’implication de Robespierre dans la terreur va amener ses opposants politiques (thermidoriens, dantonistes, hébertistes, girondin etc..) à façonner son image de tyran encore présente dans la mémoire collective de nos jours.

Ainsi à sa mort en 1794, des députés tels que Barras, Fouché et Tallien pour faire oublier leurs propres exactions lors de cette période vont conspuer Robespierre, l’accablant alors de tous les maux de la France. En outre les journalistes et écrivains à la même époque se spécialisent parfois dans la dénonciation de Robespierre comme, Jean Joseph Dussault qui dans son pamphlet : « Portraits exécrables du traître Robespierre et ses complices tenus par la Furie, avec leurs crimes et forfaits que l’on découvre tous les jours » publiée en 1794 décrit un tyran assoiffé de sang, un scélérat ou encore un Cromwell moderne.

Jean Joseph Dussault, Portraits exécrables du traître Robespierre, Paris, 1794

Au XIXème siècle, la France connaît une longue période d’instabilité politique. Les royalistes et les républicains vont à tour de rôle utiliser la figure de Robespierre dans diverses œuvres pour attester ou non de la légitimité de leur système politique. Nous pouvons notamment citer des pièces de théâtre comme « Robespierre ou les drames de la Révolution » de Louis Combet, écrits en 1879 ou des œuvres littéraires tel que « Louis XVI et la révolution, le drame de 93 » d’Alexandre Dumas. 

B) Vers une réhabilitation de l’image de Robespierre ? 

Dénigrer Robespierre a été en somme une manœuvre politique qui va finalement avoir un impact fort jusqu’à nos jours. Il est cependant à noter que des personnalités politiques comme, le socialiste, Jean Jaurès vont tenter de réhabiliter la mémoire du révolutionnaire. Dans son ouvrage « Histoire Socialiste De La Révolution Française » Jean Jaurès dit aux pages 64-65 : 

« Ce qui fait la grandeur impérissable de Robespierre, c’est qu’en même temps qu’il avait des vues très vastes, il a eu une attention prodigieuse à tout le détail de l’action publique, aux plus menus ressorts des partis, au moindre tressaillement de la foule ; il surveillait, pour gouverner vers le but, vers l’étoile, tous les accidents de la route, toutes les nuances changeantes de la mer orageuse et trouble. Son effort de détail, quand on le suit dans la minutie des heures, est incomparable, et il avait dans l’esprit infiniment plus de réalité que son critique Taine, qui l’a dénoncé puérilement comme un ignorant et comme un idéologue, et qui croyait savoir beaucoup de faits parce qu’il avait pris beaucoup de notes ».

Dans cette citation l’auteur décrit Robespierre presque comme un visionnaire incompris. Un homme dont le seul objectif était de guider et d’amener la France et les français vers “le but, l’étoile”. De plus, nous comprenons dans cet extrait que le révolutionnaire à dû faire face à des trahisons d’autres révolutionnaires. Il est cependant à noter que Robespierre lui-même à trahi certains de ses anciens compagnons révolutionnaires comme Danton qu’il fera envoyer à la guillotine. 

L’image de Robespierre sera également récupérée à l’étranger, en particulier dans des pays communistes comme en URSS, Yougoslavie ou encore à Cuba, faisant de lui la figure révolutionnaire par excellence. 

Le Monument Robespierre dévoilé le 3 novembre 1918 en ex-URSS,  Statue de Béatrice Yuryevna Sandomierz

Nous l’avons donc vu ici Robespierre de sa mort à nos jours est une personnalité politique clivante qui est rarement racontée avec nuance et retenue. D’une part il est soit monstre assoiffé de sang et de l’autre un révolutionnaire socialiste qui se bat pour le peuple comme nous laisse à penser Jean Jaurès. 

Pour conclure, Robespierre est une personnalité politique qui a été instrumentalisée à des fins politiques et idéologiques. D’avocat proche du peuple, il est devenu au fil des siècles et des caricatures un révolutionnaire assoiffé de sang et de pouvoir. L’historien spécialiste de la révolution française, Jean-Clément Martin nous explique notamment dans son livre “Robespierre : la fabrication d’un monstre” que ce dernier à surtout servi de bouc émissaire pour expliquer la période trouble de la terreur. 

Ferdinand Foch (1851-1929)

Ferdinand Foch naît en 1851 en France. Il est admis à l’école supérieure de guerre en 1885. Au début de la Première Guerre mondiale, il contribue à la victoire de la Marne. En octobre 1914, il devient l’adjoint du maréchal Joffre puis meurt en 1929.

Joseph Gallieni (1849-1916)

Joseph Gallieni naît en 1849 en France. Il fait ses études à l’école militaire de Saint Cyr en 1868. A partir de 1877, il participe à des expéditions coloniales comme au Sénégal ou au Soudan pour affirmer la puissance française dans les colonies. Gallieni rentre en France en 1905. En août 1914, Joseph Gallieni prend sa retraite mais il est rappelé pour devenir gouverneur militaire de Paris c’est-à-dire qu’il organise la défense de la capitale face à l’offensive allemande. Gallieni est nommé ministre de la Guerre en 1915 mais pour des raisons de santé il démissionne. L’année suivante, Joseph Gallieni meurt. 

La mémoire d’Emmanuel de Las Cases dans le Tarn

Collection Jean de Bonnot Le mémorial de Saint Hélène par Emmanuel de Las Cases 1969.

Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases né le 21 juin 1766 dans le Tarn et décédé le 15 mai 1842 à Passy. Dans le contexte des guerres napoléoniennes, il soutient Napoléon I et lui reste fidèle après la défaite de Waterloo en 1815. Il est notamment reconnu pour avoir suivi l’Empereur lors de son exil à Sainte-Hélène et rédigé ses mémoires.
Après la mort de Las Cases, son département natal a fait perdurer sa mémoire à travers divers monuments comme des statues, des stèles ou encore des écoles à son nom.


I. Un personnage extérieur au département
A. Présentation

Emmanuel-Augustin-Dieudonné-Joseph, comte de Las Cases est un historien français. Il a suivi une école militaire à Vendôme par la suite il rentre dans la marine royale en 1782.


B. Vie politique

Napoléon dictant au comte Las Cases le récit de ses campagnes, par William Quiller en 1892, Grande-Bretagne.

Las Cases partageait les opinions royalistes de tout le corps de la marine refusant d’adhérer à la Révolution. Il essaye à plusieurs reprises avec des officiers de sauver Louis XVI. Mais il est contraint d’émigrer pendant l’été 1791. Durant plusieurs années il alterne entre émigré, soldat, professeur et en 1801 profitant des mesures de pacification prises par Bonaparte pour allier les émigrés au nouveau régime, il rentre en France. Il fut pris d’une admiration sans borne pour le premier consul et ensuite l’Empereur en qui il voyait le véritable restaurateur de l’ordre et de la grandeur de la France au point même de renier son soutien à la monarchie des Bourbons. Il offrit ses services à Napoléon qui le nomma Chambellan de l’empereur en 1808, durant les années suivantes il sera chargé de nombreux projets pour l’Empire jusqu’au dernier combat livré à Clichy avant la capitulation de l’empereur. Après la défaite de Waterloo, Las Cases supplia Napoléon de l’emmener et le 8 Juillet 1815, il dormait avec Napoléon à bord du bateau qui les amena sur l’île de Sainte-Hélène.

C. L’exil de Sainte Hélène

La période la plus marquante de sa vie restera sans aucun doute son passage sur l’île de
Sainte-Hélène durant l’exil de Napoléon Bonaparte en 1815. Las Cases fait partie des derniers fidèles de l’empereur qui embarquèrent à ses côtés dans le Northumberland, bateau anglais qui les transporta à Sainte-Hélène. Au-delà des qualités du comte, Napoléon lui accordait une grande confiance et appréciait réellement sa compagnie, il ne manqua pas de le lui faire savoir à de nombreuses reprises notamment lorsqu’il lui donna une de ses propres décorations ou encore lorsqu’il l’autorisa à amener son fils sur l’île. C’est également durant ce voyage que les deux hommes parlèrent pour la première fois de profiter de l’exil afin de rédiger les mémoires de l’empereur. Une fois arrivé sur l’île Las Cases fît cette fois office de secrétaire pour Napoléon qui lui faisait la dictée tous les jours. Le comte retranscrit alors les grands événements passés de la légende napoléonienne décrite et analysée par Napoléon lui-même. Il accumule donc au fil du temps bon nombre de renseignements sur la vie, la politique ou encore les batailles de Napoléon qui lui permettront plus tard de rédiger le Mémorial de Sainte-Hélène encore reconnu aujourd’hui comme l’une des sources les plus détaillées sur Napoléon. Cependant, Hudon Lowe le gouverneur en charge de garder napoléon, voit d’un mauvais œil ces écrits dans lesquels Napoléon ne manque pas de faire savoir les conditions de sa captivité qui sont selon lui indigne de son rang. Le gouverneur, voulant se débarrasser de Las Cases, lui tend donc un piège afin d’intercepter un courrier destiné à Lucien Bonaparte, le frère de Napoléon, et en profite donc pour l’arrêter. Il sera ensuite retenu prisonnier pendant 8 mois au Cap de Bonne-Espérance puis ramené en Europe toujours avec le statut de prisonnier.
Durant cette période il reçut tout de même une dernière lettre de l’empereur, qui fut très
touché par ce départ forcé, dans laquelle il résume le passage de Las Cases à Sainte-Hélène avec une phrase : « Votre conduite à Sainte-Hélène a été, ainsi que votre vie, sans reproche ».

II. La mémoire d’Emmanuel de Las Cases dans le Tarn
A. Une mémoire à l’initiative du département

Statue du comte Emmanuel de Las Cases par Jean Bonnassieux, 1865, Lavaur.

La mémoire d’Emmanuel de Las Cases est toujours présente dans le département, notamment à Lavaur où se trouve une statue du mémorialiste de Napoléon. Cette statue est à l’initiative du département et de la ville afin de sauvegarder la mémoire du comte. Cependant sa construction fut longtemps sujet à controverse en raison du lieu choisi pour porter le projet, deux députés s’entretiennent d’ailleurs avec Napoléon III pour lui en parler, suite à cela un accord est convenu ainsi qu’un choix préalable de sculpteurs parmi lesquels Jean Bonnassieux. La statue représente le comte de Las Cases debout en pleine réflexion. Dans sa main gauche il tient le Mémorial de Sainte-Hélène son œuvre. Dans sa main droite, on retrouve une lettre que l’empereur lui aurait adressée. Sur le socle on retrouve le texte qui y est inscrit, il s’agit de la dernière lettre que l’empereur lui aurait envoyée. Dans cette lettre l’empereur le remercie. Il s’agit en quelque sorte d’une lettre d’adieu. Sur le socle on retrouve aussi des représentations et une chronologie des éléments marquants de la vie du comte. On voit ainsi une volonté de perpétuer la mémoire de cet homme à travers la postérité de la statue dans la ville puisque désormais on peut connaître ce comte et les éléments marquants de sa vie. Cela s’inscrit dans une volonté de créer une mémoire collective, la population peut chercher à le connaître davantage, on a donc une histoire, une mémoire à l’échelle locale. De même, lors de l’inauguration de la statue en 1865 c’est tout un programme qui est proposé par le maire de la ville, autour de la mémoire du comte avec un banquet, un feu d’artifice ou encore une promenade. On peut lier ce programme mené par la ville autour du comte avec le contexte politique qui règne, lors de l’inauguration le régime politique qui prévaut en France est celui du Second Empire. En effet, une expédition pour récupérer les cendres de Napoléon 1er est organisé en 1840, 25 ans plus tôt, il peut donc paraître étonnant qu’une mémoire de l’Empire surgisse à ce moment là, or en 1865 le Second Empire cherche à s’ancrer, il s’agit d’un modèle politique assez récent. De plus, les fils du comte perpétuent le lien qui uni leur famille à l’Empire, tous deux hommes politiques qui accumulent des fonctions. Le second fils du comte Barthélémy de Las Cases est même nommé chambellan honoraire de l’empereur Napoléon III en 1859. Il est aussi le filleul de l’Impératrice Joséphine. Par ces nombreux éléments la famille De las Cases est très liée à l’Empire ce qui peut légitimer la construction de la statue afin d’appuyer sur le lien qui uni le département et l’Empire à travers cette famille. Cette statue représente donc une forme de propagande et de diffusion du modèle politique de l’Empire.


B. Utilisation dans les institutions

Stèle : Nostre de Las Cases, inaugurée le 30 septembre 1995, Blan.

L’origine d’Emmanuel de Las Cases dans le Tarn, se retrouve dans le paysage du département, surtout aux alentours de Lavaur et de Revel. D’autres institutions publiques participent aussi à conserver cette mémoire. En 1996 le lycée public de Lavaur revêt le nom du comte Emmanuel de Las Cases, suivi en 2013 par l’école primaire publique de Blan suite à une demande de Martine Languillon ancienne maire adressée au conseil municipal en 2004, c’est finalement son successeur Jean Claude de Bortoli qui réalise celle-ci. Mais, certaines zones plus proches du lieu de vie d’Emmanuel de Las Cases sont plus marquées par cette mémoire. Le 30 septembre 1995 est une journée consacrée au comte en raison d’un colloque tenu à Revel mais c’est aussi la date de l’inauguration d’un monument appelé le Nostre de Las Cases situé à Blan au pied de la Montagne Noire près de la maison d’enfance du comte. Celui-ci est à l’initiative du maire de Lescout et président de la délégation du Tarn des vieilles maisons françaises : Francis Carrade. On voit donc que dans la région la mémoire de ce comte est présente par les nombreuses actions qui y sont menées ce qui peut attirer des touristes et ainsi diffuser la mémoire du comte à une plus grande échelle.


C. Comment cette mémoire perdure dans le Tarn.

M. Ghestin dépose une gerbe au pied du monument,
au nom du Souvenir Napoléonien
À l’arrière-plan, Mme Lacombe, propriétaire de la maison natale d’Emmanuel de Las Cases.

Au cours des différentes années, la mémoire de Las Cases s’est développée dans le Tarn. Suite à l’inauguration du Nostre de las Cases, un colloque se tient le 30 septembre à Revel à l’initiative du Bernard Carayon, suivi d’une exposition à Sorèze de mai à septembre 1996, organisée par Yves Blaquière. En 2015, trois manifestations ont été organisées pour honorer «l’enfant du pays tarnais », une appellation que les sociétés tarnaises utilisent. Le 8 mars 2015 à Sorèze se tient une conférence du récit de Pierre-Emilie Renard, président d’une association d’histoire de Chambourcy (Yvelines) qui, en février 2014, avait visité l’île de Sainte-Hélène où il avait mis ses pas dans ceux du compagnon de Napoléon Ier. Dans sa conférence intitulée « Sainte-Hélène, sur les traces de Las Cases », il a mis en évidence quelques similitudes entre la vie de Napoléon Bonaparte et celle d’Emmanuel de Las Cases. Le 11 octobre à Blan, M. Bertrand de Viviès, président de la Société des Sciences Arts et Belles-Lettres du Tarn, a organisé leur sortie annuelle afin de rendre hommage à Las Cases. 10 jours plus tard, le 21 octobre à l’occasion du 150e anniversaire de l’inauguration de la statue, l’association Emmanuel de Las Cases avait programmé un colloque suivi d’un hommage en déposant une gerbe en hommage au Mémorialiste de l’Empereur. En 2016, pour le 250e anniversaire de la naissance de Las Cases, le 26 juin un comité d’organisation se met en place pour organiser cet événement, mais aussi le 200e anniversaire de sa présence à Sainte-Hélène avec son fils et le 20e anniversaire de l’érection du monument de Blan. C’est en 2017 que la mémoire de Las Cases a touché le plus de monde car une exposition au Musée Jean Jaurès de Castres voit le jour sur ce personnage, à la demande Jean-Pierre Gaubert, auteur de Las Cases, l’abeille de Napoléon.

Bibliographie :

DE LAS CASES, Emmanuel, Le mémorial de saint Hélène, Paris, Ed. Du Seuil, 1815, p.
353.
DE LAS CASES, Emmanuel, Las Cases: le mémorialiste de Napoléon, Paris, Ed. Fayard,
1959, p. 412.
LEROY, Gérard, « Emmanuel de Las Cases (1766-1842) », Revue du Tarn, 1995, pp. 489-
493.
BARON, Félix, « Inauguration de la statue de Las Cases », Revue du Tarn, 1995, n° 160, pp.
684-687.

L2 : Pagès Amélie, Vialade Emilie
L1 : Coste Mattéo

La figure du Maréchal Joseph Joffre

Portrait du Maréchal Joffre en 1915 par Henri Jacquier, Wikipédia.

En 2004, l’auteur belge, Roger Fraenkel, publie “L’âne qui commandait les lions” au sujet du Maréchal. Ce titre illustre parfaitement la figure controversée de Joseph Joffre. Celui-ci naît dans une famille aisée le 12 janvier 1852 à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales). Joseph Joffre intègre par la suite la prestigieuse Ecole Polytechnique en 1869. Alors âgé de seulement 17 ans, il se destine à une carrière militaire. Au cours de la Grande Guerre, avec toute l’expérience acquise au cours de sa carrière, Joffre est perçu comme le « héros » de la Marne. Mais plus tard, il est frappé d’une controverse : Joffre est critiqué par une partie de l’armée. En effet, sa stratégie de combat d’offensive à outrance lui vaut des critiques par une partie de l’armée et de la population.

Ainsi, comment la figure du Maréchal Joseph Joffre s’est-elle construite et de quelle manière a-t-elle évolué ?

I. La figure du militaire

Carte issue du site internet Französisch-Indochina. 

Le capitaine Joffre reçoit sa mutation pour l’Extrême Orient (Asie orientale) en 1884. C’est le début de son ascension militaire. Cette mutation s’inscrit dans un contexte où la France cherche à s’affirmer par sa puissance coloniale. Il est également chargé de gagner le Tonkin (Viêt Nam) dans la guerre franco-chinoise (1881-1885). Joseph Joffre a un objectif, celui d’améliorer et d’aménager des hôpitaux et des bureaux pour l’armée française. Le Colonel Mensier en 1885 déclare à propos de Joffre que c’est un « Officier très intelligent et instruit. Capable, zélé, tout dévoué à son service. A déjà eu l’occasion de faire de grands travaux de fortification […]. Par son mérite, par sa manière de servir, cet officier est digne d’arriver aux grades élevés de l’armée du génie. » (Joffre, Arthur Conte, p. 54). Le 7 septembre, l’officier du génie reçoit la plus haute distinction qui est la Légion d’honneur. Le génie militaire désigne l’art de la construction des ouvrages militaires mais également la technique de maintien de l’infrastructure de communication. Par la suite, il y a la conquête de Tombouctou (Mali) de 1894 qu’il mène avec ses hommes. Depuis 1895, une campagne de colonisation est organisée sur l’île de Madagascar. A ce moment-là, Joffre est sous les ordres du général Gallieni et doit fortifier le port de Diego-Suarez tout en luttant contre les résistants malgaches. Ses expéditions coloniales témoignent du succès de Joseph Joffre dans sa carrière professionnelle.

 Carte issue du site internet Britannica.

Joseph Joffre reste au sommet de la hiérarchie militaire de juillet 1911 à décembre 1916. Il s’investit beaucoup dans l’élaboration des plans de mobilisation. En août 1911, éclate le coup d’Agadir qui est un incident militaire et diplomatique entre la France et l’Allemagne à cause de l’envoi d’une canonnière allemande dans la baie d’Agadir au Maroc. Ceci témoigne d’une forte tension et montre les rivalités impérialistes européennes. L’Allemagne estimait avoir un retard dans la colonisation de l’Afrique et convoitait le Maroc qui était sous protectorat français. La situation est tendue. Joffre prend plusieurs décisions face à cet incident avec l’Allemagne. Il réorganise l’armée en obtenant plus de financements, il met en place la logistique et mise sur de nouvelles unités comme l’artillerie lourde et l’aviation. De plus, en 1913, le généralissime renforce les liens entre l’Empire Russe et le Royaume-Uni. Les tensions avec l’Allemagne sont annonciatrices du conflit armé mondial qui éclate le 28 juillet 1914. 

II. Les controverses sur le Maréchal Joffre

Joseph Joffre est souvent qualifié de « héros » de la Marne. Quand la Première Guerre mondiale éclate, les Allemands mettent en place le plan Schlieffen. Ce plan a été réalisé par le général von Schlieffen, chef de l’Etat-Major général de l’Armée allemande. Il a pour but de positionner la majeure partie de l’armée allemande le long des frontières occidentales et d’attaquer la Belgique ainsi que le Luxembourg par le nord pour contourner la France et son armée. L’Allemagne entre en France en août 1914, à 40 kilomètres de Paris. Le 24 août, Joffre fait reculer ses troupes vers Paris pour protéger la capitale mais aussi pour induire en erreur l’ennemi et faire croire à un repli. Sa stratégie fonctionne puisque l’ennemi, trop sûr de sa victoire, retire 2 troupes du front français. Le général Joseph Gallieni, subordonné de Joffre, est informé de ce changement et le convainc de lancer une contre-offensive. La bataille se déroule entre le 5 septembre et le 12 septembre 1914, de part et d’autre de la rivière de la Marne entre Paris et Verdun. La bataille de la Marne est une guerre de mouvement c’est-à-dire que d’importants mouvements de troupes se réalisent. En quelques jours seulement le militaire parvient à faire reculer les Allemands. Il sauve Paris et met en échec le plan Schlieffen. Joseph Joffre est décrit comme un homme qui réagit vite et fermement par sa hiérarchie en 1914. Le général Foch le complimente dans une citation à son sujet : « Ce qu’il a fait à la Marne, aucun n’eût été capable, à ce moment-là, de le faire » (Joffre, Rémy Porte, p. 88). À la fin de la bataille, une partie de la population considère Joseph Joffre comme le « héros » de la Marne.

Mais d’un autre côté certains détracteurs le surnomment le mauvais stratège de la Somme. Joffre pense l’offensive de la Somme pour alléger la pression sur le front de Verdun. Ces offensives ont aussi pour but de sortir des guerres de positions pour se réorienter vers des guerres de mouvement. La guerre de position est une phase défensive durant laquelle les troupes se cachent dans les tranchées et tentent de conserver leurs positions. Mais la bataille s’enlise. Pendant 5 mois les armées vont s’affronter lors d’attaques et de contre-attaques autant inefficaces que meurtrières. L’offensive se termine le 18 novembre 1916. Le bilan humain est terrible, on estime qu’il y a environ 1 million de soldats tués, blessés ou disparus (français et allemands) et la ligne de front n’a presque pas bougé. On accuse Joseph Joffre responsable de ce massacre. Joseph Joffre avait proclamé : « Une troupe qui ne pourra plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. » (La bataille de la Somme : l’hécatombe oubliée, 1 juillet-18 novembre 1916, Marjolain Boutet et de Philippe Nivet, p. 23). Ses adversaires lui reprochent son obstination et sa stratégie d’offensive à outrance. Suite au désastre de la bataille de la Somme, Joffre est remplacé par Robert Nivelle, général de l’armée française, en 1916.

Malgré tout, il est réducteur de ne résumer Joffre qu’au héros de la Marne déchu par la bataille de la Somme. On lui reproche son autoritarisme et sa façon de préparer la guerre. Dans son ouvrage intitulé Joffre, l’historien Rémy Porte essaie de nuancer et de réfuter ces critiques. La bataille de la Marne a tout de même causé la mort de 500 000 soldats. De plus, il est important de rappeler qu’il n’est pas seul à commander l’armée. Joseph Gallieni, gouverneur de Paris et commandant, a contribué à la réussite de la Marne. Joseph Joffre n’est pas un individualiste comme ses adversaires tendent à le faire croire. La bataille de la Somme est le résultat de 6 mois de discussion. Joffre, joue un peu le rôle de chef de la coalition en une conférence interalliée en 1915 à Chantilly. La bataille de la Somme comptabilise énormément de morts car c’est l’une des premières batailles industrielles. Elle se caractérise par la brutalité des combats, par l’expansion du champ de bataille sans oublier que le secteur industriel comme l’armement tourne à plein régime. 

III. La postérité de Joseph Joffre

Photographie de la place de la Concorde lors des obsèques nationales le 7 janvier 1931, tiré du site BNF Gallica.

Dès la fin de la guerre en 1918, le maréchal est nommé à l’Académie française et ce sans même avoir à cette date publié d’ouvrage. Cette nomination reste prestigieuse et c’est en remerciement à ses services rendus pour la victoire de la France lors de la Première Guerre mondiale, qu’ il est élu à l’Académie française. Preuve de son succès, sont invités à sa cérémonie d’accueil les présidents français et américain Raymond Poincaré et Woodrow Wilson. De même le 14 juillet 1919 à Paris, il est plébiscité par la foule afin qu’il défile à cheval aux côtés du général Foch et que tous deux soient acclamés : non pas pour leur victoire mais pour le statut qu’ils incarnent de la gloire française. Le 3 janvier 1931, sept mois après sa dernière apparition à Chantilly, le maréchal meurt. Quatre jours plus tard, lors de ses obsèques nationales, la France pleure le héros de la Marne. C’est ainsi que dans la même année le parlement vote une loi afin d’apposer des plaques sur les édifices publics des communes déclarant :  » Joseph Joffre maréchal de France, a bien mérité de la patrie ».

Carte de l’île de Madagascar montrant Joffreville issue du site Google Earth.

Désormais, bien que son nom apparaisse dans les programmes d’histoire contemporaine et surtout dans de nombreuses villes françaises comme Dijon avec son boulevard Maréchal Joffre ou Rivesaltes avec une rue qui lui est dédiée. Il est souvent éclipsé par la figure du Général Foch ayant œuvré à ses côtés. Le Maréchal depuis le début du conflit et encore aujourd’hui tout de même reconnu par ses pairs pour ses expéditions coloniales qui font rayonner le pays. Comme la conquête de l’île de Madagascar que la France compte toujours dans ses départements et pour laquelle il laisse aujourd’hui au nord de l’île la ville très touristique de Joffreville.

Conclusion : 

Le maréchal Joffre est un militaire hautement respecté par sa hiérarchie. Détenteur d’un grand nombre de distinctions militaires. En 1916, sa carrière militaire est à son apogée lorsqu’il est nommé maréchal. En parallèle, on lui reproche sa stratégie « d’offensive à outrance » lors de la bataille de la Somme. Une fois la Grande Guerre terminée et malgré les reproches, il incarne avec les généraux Foch et Pétain la gloire française. De plus, il aura le droit à des obsèques nationales, souvenir du « héros » de la bataille de la Marne. Aujourd’hui, le maréchal reste un personnage connu pour ses victoires coloniales et des villes arborent des rues à son nom. Rémy Porte exprime dans son livre « Il serait artificiel (…) de séparer l’officier qu’il fut auparavant du chef du temps de paix, puis du commandant des armées en campagne du temps de guerre. Il s’agit du même homme » (Joffre, Rémy Porte, p. 116). 

Bibliographie : 

  • COCHET François, La Grande Guerre, Paris, Perrin, « Tempus », 2018, 648 p.
  • CONTE Arthur, Joffre, Paris, Perrin, 1998, 502 p. 
  • PORTE Rémy, Joffre, Paris, Perrin, « Tempus »,  2016, 416 p.

Delmas Prescillia, Combes Clara (L2), Tragné Emma, Castres Séverin (L1)

La mémoire de Georges Pompidou dans le Tarn

Du lycéen albigeois au professeur de lettres jusqu’à la présidence de la République, Georges Pompidou a construit sa propre histoire. Originaire du Cantal, il entame ses études dans la ville d’Albi. Le lycée Lapérouse sera le lieu de ses études qui le conduiront à l’École Normale Supérieure.

Georges Pompidou lors de la cérémonie d’investiture le 20 Juin 1969


Engagé pendant la seconde guerre mondiale, il est décoré de la Croix de guerre et séduit par le gaullisme ; Professeur de lettres classiques en hypokhâgne au lycée Henri IV , il est chargé de mission auprès du Ministère de l’Education nationale .

Sa carrière politique est lancée: Conseil d’Etat Conseil Constitutionnel , Premier Ministre, Président de la République . Il mènera simultanément ses deux passions : la politique et l’art.

Il incarne pleinement les Trente Glorieuses : cette parenthèse marquée par la croissance et le progrès tous azimuts ( technologie , culture … ). Homme de culture , roué aux instances politiques, sociales, économiques et financières, il va marquer de son empreinte toute la France de la fin du 20ème siècle : un héritage important . 

Les études de Georges Pompidou:

Lycée Lapérouse, Albi.

Pour commencer, il étudie d’abord ici à Albi au lycée Lapérouse où il obtient son bac.
Élève brillant, il obtient le premier prix de version grecque au concours général en 1927.

Il entre par la suite au lycée Pierre de Fermat à Toulouse et fait une classe préparatoire littéraire, Puis à Paris au lycée Louis le Grand où il étudie notamment avec un autre grand homme, Aimé Césaire

Il milite lors de cette époque à la LAURS (ligue d’action universitaire républicaine et socialiste), mais aussi au SFIO (section française internationale ouvrière )  sous l’impulsion de son père. 

Il se passionne avant tout pour la littérature et la politique à ce moment là de sa vie 

Georges Pompidou est admis à l’école normale supérieure à Paris et obtient l’agrégation de lettres en 1934.  Il obtient également le diplôme de l’école libre des Sciences politiques.

A la fin de ses études, il hésite entre une carrière littéraire et une carrière dans le secteur de la haute fonction publique. Finalement il  choisit la politique pour l’aspect financier mais aussi pour sa volonté de faire bouger les choses et faire part de sa vision. Néanmoins il gardera sa passion première pour la littérature et écrira des livres durant sa vie. 

Son rôle durant la guerre et son ascension politique:

En 1940 au début de la seconde guerre mondiale Pompidou intègre le 141ème régiment d’infanterie alpine qui opère en Allemagne, Alsace, Bretagne et lors des combats dans la Somme. Il est nommé officier de renseignement pour sa maîtrise de la langue germanique.

Il est même décoré de la croix de guerre avec son régiment.
Il est ensuite démobilisé après la bataille de France à la fin du mois de juin 1940 et retourne enseigner au lycée Henri IV en classe préparatoire littéraire. La guerre a été pour lui un véritable tournant.

Pompidou se sent alors investi d’une nouvelle envie : aider à la reconstruction du pays. Grâce à son ami résistant René Brouillet, il entre dans l’équipe du chef du Gouvernement provisoire de la République Française. Étant donné son passé de professeur, il est chargé du secteur de l’éducation et devient un proche collaborateur du Général de Gaulle. Au départ de ce dernier en Janvier 1946, Pompidou devient directeur du commissariat au tourisme jusqu’en 1949, avant d’entrer en 1953 à la banque de Rothschild.  

Georges Pompidou revient sur la scène politique en 1962 suite au retour au pouvoir du général De Gaulle. Le 14 Avril 1962, il devient le deuxième Premier Ministre de la Ve République. Alors inconnu des français, il a dû faire face à de nombreux défis jusqu’en 1968. Il est vu comme le successeur de De Gaulle, de par sa qualité de gaulliste et par la nouvelle impulsion qu’il souhaite donner à la France . Mais la crise de mai 68 fragilise la relation entre le Président et son Premier ministre.

Georges Pompidou en 1965, il est alors Premier Ministre.

Il abandonne son poste de premier ministre et l’année suivante, le général De Gaulle démissionne de la Présidence de la République le 28 avril 1969.

L’apogée d’une carrière

C’est le 30 Avril 1969, suite à la démission de De Gaulle que Georges Pompidou se déclare candidat à la présidence. Il bénéficie du soutien de l’UDR et est nommé Président de la République à 58,3 % contre Alain Poher. Il fait de Jacques Chaban-Delmas son premier ministre.

Le septennat de Pompidou est placé sous le signe de la continuité de De Gaulle. Le tout en s’ouvrant sur des réformes économiques et sociales encore en vigueur de nos jours comme le SMIC et les salaires mensualisés.

Portrait officiel de Georges Pompidou en tant que président de la république.

Bien qu’étant considéré comme conservateur il était aussi assez moderne sur le plan industriel en encourageant notamment les investissements dans les entreprises. 
C’est sous sa présidence que le Royaume-Uni fut enfin accepté dans la CEE.
En 1973, Pierre Messmer devient son Premier ministre tandis que des rumeurs autour de l’état de santé défaillant du Président commencent à émerger.

C’est après des mois de bataille pour cacher sa maladie, sans jamais penser à démissionner, que finalement le 2 Avril 1974  le président de la Ve République s’éteint à l’âge de 62 ans. 

Pompidou un héritage riche

A l’échelle nationale…

La Présidence de Georges Pompidou fait office de référence nostalgique. En effet, Pompidou laisse un héritage riche. Tout d’abord au niveau politique avec le Gaullisme, mais aussi avec l’aménagement du territoire et la création de la DATAR notamment. 

Le centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, Paris.

Son héritage reste aussi sur le plan culturel , avec le Centre Beaubourg prenant son nom à sa mort.

Il marque également de son empreinte la culture populaire, avec de nombreuses chansons sur son compte  comme “Il était un petit ministre d’André Pacher en 1998 ou encore “Pompidou “de François Morel en 2006. Un film fait aussi référence au président Pompidou : Mort d’un Président de Pierre Aknine en 2011.

On compte aussi de nombreux ouvrages, celui d’Eric Roussel: Georges Pompidou, ainsi que des articles dans les encyclopédies sur les présidents. Enfin on le retrouve aussi dans les manuels d’histoire scolaires.
 Plus de 424 lieux portent son nom en France comme des avenues et des places ou même des bâtiments comme l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris. 

…dans notre région ?

Les deux  grandes étapes majeures de son éducation se déroulent à Albi et Toulouse avant son départ pour la capitale.

Concernant Albi, on retrouve une plaque commémorative, encore présente aujourd’hui,  installée en 2019 à l’ancien domicile de ses parents . 
Nous retrouvons également une rue très importante pour la ville, en effet l’axe reliant le Pont Neuf à la place Jean Jaurès, appelé auparavant « les Lices » accueille désormais un boulevard passant devant le lycée où à étudié l’ex Premier Ministre, et est ainsi nommé Lices Pompidou. 

Lices Georges Pompidou, Albi.

Des projets à son initiative sont toujours présents dans le paysage Albigeois, c’est le cas de l’ancienne centrale thermique Pélissier ou encore la carte scolaire des trois lycées du centre ville comprenant son ancien lycée Lapérouse mais aussi les lycées Rascol et Bellevue.

Concernant Toulouse, une des allées les plus connues de la ville rose porte le nom de l’ancien président. En effet à la mort de ce dernier, le maire de Toulouse à cette époque Pierre Baudis décide de donner le nom de Pompidou à l’allée Marengo, choisie géographiquement car se situant dans le prolongement des avenues Jean-Jaurès et Léon Blum, eux aussi des personnages historiques importants.

Pour le reste de notre région, Pompidou n’est pas omniprésent mais laisse sa trace dans plusieurs autres villes à Castres notamment ou encore à Montauban où respectivement un pont et un stade portent son nom.

BREBAN Romain, BALDIT Léo, BILLARD Camille, TREILLES Thibaut.