“Moi, avec les barons de ma terre dont j’ai éprouvé la valeur, avec ma compagnie et mes intimes, avec les Toulousains, en qui j’ai toute confiance, et avec mon frère Bertrand, qui s’y est bien préparé, j’irai vous secourir avant que vous n’ayez guère eu à soutenir la lutte, de sorte qu’à la fin du combat l’honneur nous en restera.”- Raimond Le Jeune (futur Raymond VII) avant la bataille de Baziège en 1219, tiré de la Chanson de la Croisade.
Cette citation révèle le contexte particulier du comté de Toulouse au XIIIème siècle et la volonté de sauvegarder son intégrité par les Raimondins, ici Raymond Le Jeune (futur Raymond VII), fils de Raymond VI et de Jeanne d’Angleterre.
Raymond VII est né en juillet 1197 à Beaucaire et meurt en septembre 1249 à Millau. C’est donc principalement sur la première moitié du 13eme s. que portera notre analyse. Raymond VII fut donc comte de Toulouse, un comté du sud-ouest de la France qui a pour chef lieu Toulouse. Durant son règne, agité par les divergences religieuses et notamment cathares, Raymond VII doit faire face comme son père avant lui aux croisades albigeoises. Il développe d’ailleurs des relations compliquées avec l’Église ainsi que la famille royale. Nous savons également qu’il est à ce jour le dernier comte du comté de Toulouse avant que celui-ci soit rattaché à la couronne de France en 1271. Nous nous demanderons donc, quel rôle a joué Raymond VII dans le rattachement du comté de Toulouse à la couronne de France ?
Pour répondre à cette problématique nous allons aborder plus en détail le comté de Toulouse ainsi que la gouvernance qu’a mené Raymond VII à sa tête, afin d’analyser le rapport qu’entretenait Raymond VII avec les cathares et enfin étudier les raisons du rattachement du comté à la couronne de France.
Pour remettre dans le contexte, le comté de Toulouse est créé par Charlemagne en 778 après la défaite de Roncevaux. Jusqu’en 848 le comté de Toulouse est rattaché au royaume d’aquitaine, cependant après l’éclatement politique de ce dernier et le déplacement de son centre de puissance à Poitier, le comté de Toulouse arrive dans les mains des comtes du Rouergue. C’est le début de la dynastie des Raimondins. En 1094, c’est Raymond IV de St-Gilles qui devient à son tour comte de Toulouse et qui va notamment mener le comté à son apogée en termes de superficie. On retrouve notamment le comté de Rouergue, du Quercy, le duché de Narbonne, le marquisat de Gothie etc. C’est donc un très large territoire qui ne se limite plus du tout à la ville de Toulouse et ses alentours. En 1197 Raymond VI comte de Toulouse vient d’avoir son premier fils Raymond dit le jeune qui héritera donc plus tard du comté sous le nom de Raymond VII. Pour mieux cerner Raymond, nous allons nous intéresser à sa politique et la gestion de son territoire.
Manière de gérer son territoire
On peut distinguer des décisions de Raymond VII et de son père notamment à Toulouse qui révèlent leur volonté d’unité de la population autour de leur personne.
En 1219, Raymond VI décide d’exempter les marchands toulousains du paiement de toutes taxes ou péages dans ses domaines, cela fait suite à la défense victorieuse de la ville fâce au siège de Louis VIII et Amaury VI de montfort qui fûrent résignés à retourner sur leurs terres. Cette exemption fût suivis par différents seigneurs (Comte de foix, d’Astarac) et surtout confirmer par Raymond VII à son arrivée au pouvoir en 1222, il ne manquera pas de conserver aussi toutes les coutumes de la ville, et la conservation de la monnaie, il établit ainsi la continuité avec son père tout en récupérant les faveurs de la population. On pourrait aussi évoquer le fait qu’il donne plus de pouvoirs aux consuls en leur attribuant la gestion des bâtiments religieux
Raymond VII et les troubadours
Raymond VII est entouré de troubadours à sa cours avec lesquels il a parfois grandis. On pourrait citer par exemple : Peire Cardenal ou encore Gui de Cavaillon (pour les plus connus). Ces derniers jouent un rôle important que ce soit pour l’image du comte en termes de communication avec de nombreux poèmes élogieux (grands comptes, aristocrates, idéal chevaleresque, …).
Toutefois, on peut relever, la cas du troubadour de Lamanon appartenant à la cour du comte d’Aix en Provence, rival de Raymond VII qui dépeint une image dévalorisante du comte. Ce n’est donc pas le seul à utiliser ces méthodes, d’autre comte le font. Cependant, il faut quand même souligner une sorte de consensus de la grande majorité des troubadours du midi qui sont assez “anti-français” ou “anti-seigneurs” (cela peut s’expliquer par les croisades albigeoise antérieures ou plus largement dans un contexte de ressentiment face aux seigneurs du Nord cherchant à s’imposer dans le Languedoc) . Dans tous les cas, cela a pour effet de renforcer l’aristocratie et la population à lutter contre l’ennemi : le roi, le pape ou encore des barons du nord sous la coupe du roi comme Simon de Montfort. Ainsi, grâce à cavaillon et Peire, Raymond VII est représenté comme la figure de proue de résistance face aux seigneurs du nord.
Autre fonction des troubadours : Raymond VII va jusqu’à attribuer des fonctions politiques et diplomatiques à ces troubadours. En effet, le cas de Peire de Cardenal le confirme puisque celui-ci est utilisé comme une sorte de chancelier ou plutôt de représentant du compte à Paris. En effet, après le traité de Meaux Paris en 1229, il est envoyé à la cour de Louis IX afin de représenter le compte et d’assurer qu’il tiendra ses engagements vis à vis du traité, cela n’est pas absurde car il faut rappeler que les troubadours notamment à cette période descendent de famille aristocratique et ont donc reçu une éducation, c’est son cas puisque son père était un chevalier respecté et puissant, il le fera entrer encore enfant à la chanoinerie du Puy-Notre-Dame, où il y apprendra notamment à lire et à chanter.
On voit bien l’utilisation politique des troubadours servant d’une manière générale les seigneurs du midi pour valoriser leurs images ou nuire à celle de leurs rivaux voire ennemis. Ainsi que l’intérêt politique des troubadours grâce notamment à leur éducation.
Le cas de cordes, étude de cas illustrant volonté de Raymond VII
Elle fût construite en 1222, on a encore aujourd’hui la charte originale de sa fondation aux archives départementales d’Albi. La cité de Cordes est construite comme une place forte dans le pays albigeois sur le plateau de mordagne (en hauteur pour mieux se prémunir en cas d’attaque) entouré de remparts, on peut penser qu’elle servirait seulement un rôle défensif en cas d’invasion ou d’attaque. Toutefois, on ne peut pas la réduire à un simple bastion, en effet, dans l’article 2 de la charte, il est stipulé que toutes personnes venant habiter la cité deviendra libre (propriétaire de la maison qu’il construit, pouvant être en transmit de père en fils …). Raymond VII va à contre-courant du principe de féodalité et de servitude d’un paysan à un seigneur et les incite donc à venir habiter la cité, comme dit l’adage « l’air de la ville rend libre ». En réalité, on sait qu’au XIIème et même XIIIème siècle, on constate une forte croissance démographique en France, on peut conjecturer qu’il cherche à les rassembler sous son autorité, et créer une forme de dynamisme entre ces gens en les rassemblant (dynamisme commercial, économique, fraternel, …).
Désormais que l’on peut cerner Raymond VII à travers ces choix, il faudra nous intéresser à sa gestion des conflits en l’occurrence les croisades albigeoises et surtout à quoi rime t-elle ?
Raymond VII fâce aux croisades albigeoise
Lorsque Raymond VII monte à la tête du comté il va se retrouver comme son père face à l’hérésie cathare qui est utilisée par le Pape et le Roi pour leur propres intérêts.
Pour rappel le catharisme est un mouvement chrétien considéré comme hérétique par les catholiques qui a pour particularité de considérer que dieux est absent de ce monde et donc en conséquence rejettent toute théologie, sacrements (donc l’autorité de l’Eglise) et ils considèrent que le Paradis doit se vivre dans ce monde.
Dans le midi bien qu’étant la zone où ils se développent le plus, le mouvement reste peu influent, son importance est exagéré par divers acteurs pour l’utiliser comme prétexte. Ces acteurs sont notamment les Papes dont Innocent III qui veulent voir notamment l’ordre monastique Dominicain se développer dans le Midi et qui voient dans une croisade l’occasion de créer diverses institutions ou placer les dominicains à leur tête. Les seconds acteurs sont les Roi de France qui souhaitent étendre leur royaume face à Toulouse, dernier grand comté indépendant et qui refuse la vassalisation.
Au XIIIe siècle, la croisade des Albigeois plonge le comté de Toulouse dans un conflit sanglant, opposant les forces du pouvoir temporel et celles du pouvoir spirituel. En 1216, Raymond Le Jeune décide d’assiéger la ville stratégique de Beaucaire, aux mains de Simon IV de Montfort, marquant le début d’une série d’événements qui bouleverseront la région. Ce siège, motivé par des considérations politiques et religieuses, est perçu comme le point de départ de la reconquête du comté de Toulouse.
L’année suivante, Raymond VI, alors en exil en Aragon, rassemble des chevaliers aragonais et retourne à Toulouse pour reprendre la ville avec l’aide de son fils, où il est accueilli en héros par ses sujets. Cette victoire marque un tournant dans le conflit, renforçant la position de Raymond VII face aux forces de Simon de Montfort. Les récits contemporains, comme la Chanson de la Croisade, célèbrent le retour triomphal de Raymond VI, soulignant le soutien populaire dont il bénéficie.
La mort de Simon de Montfort en 1218 donne un nouvel élan aux partisans de Raymond VII, mais la succession par son fils Amaury prolonge le conflit. Ce n’est qu’en 1222 que Raymond VII parvient à récupérer la plupart de ses terres, à l’exception de quelques places fortes. Pendant ce temps, Louis VIII, nouveau roi récemment monté sur le trône de France, s’engage dans la croisade des Albigeois, cherchant à étendre son autorité dans le sud.
La mort prématurée de Louis VIII en 1226 laisse son fils Louis IX sur le trône, alors que le conflit se poursuit. Cette continuité entre les rois démontrent bel et bien la volonté de la royauté de mettre la main sur le Languedoc. En 1229, le traité de Paris est signé, mettant officiellement fin à la croisade et imposant une pénitence publique à Raymond VII. Cependant, des tensions persistent, alimentées par l’émergence de l’Inquisition en 1233 et les rébellions sporadiques contre l’autorité royale.
Ainsi, la croisade des Albigeois laisse des cicatrices profondes dans le comté de Toulouse, façonnant son histoire politique et religieuse pour les décennies à venir, tandis que les récits contemporains comme la Chanson de la Croisade continuent à inspirer la mémoire collective de cette période tumultueuse.
Le traité de Paris de 1229 a redessiné la géopolitique du comté en laissant à Raymond VII seulement le haut Languedoc, tandis que le bas Languedoc était occupé par des vassaux de la couronne de France. Malgré cela, certains vassaux reconnaissaient toujours Raymond VII comme leur seigneur supérieur plutôt que le roi de France. En 1241, Raymond VII prête serment au roi de France mais ne met que peu d’efforts pour assiéger Montségur, un bastion cathare. Il prépare plutôt des alliances avec des nobles locaux ainsi que le roi d’Aragon et Henri III d’Angleterre pour attaquer la France sur deux fronts. Cependant, cette tentative échoue, le roi de France remportant la bataille de Taillebourg et Hugues de Lusignan capitulant. Raymond VII signe finalement la paix de Lorris en 1242, renouvelant le traité de Paris.
Par ailleurs, l’imposition de la foi catholique devient un moyen important d’imposer l’autorité du Pape et celui du roi. Le traité de Meaux-Paris en 1229 ordonne la construction de l’université de Toulouse, où de nombreux théologiens réputés y venaient notamment de l’université de Paris pour lutter contre l’hérésie. Par exemple, Jean de Garlande, qui fût un grammairien connu pour la confection d’un dictionnaire en latin, ce dernier s’occupa de la défense de la foi et était connu pour son tempérament de “croisés” et son mépris pour les Toulousains. On pourrait conjecturer que ces derniers représentait aussi la personne de Louis IX, et donc son autorité sur Toulouse. Cette idée était renforcée par le fait que l’entretien des maîtres en théologies et des locaux étaient à la charge de Raymond VII, on y voit ici l’assujetisation du comte au roi.
De plus, l’une des clauses du traité de Mont-Paris est de mener une politique de répression à l’égard des hérétiques. En 1229, après Meaux-Paris, se tint à Toulouse un concil présidé par le légat pontifical, qui institue dans chaque paroisse une commission d’enquête qui “rechercherait les hérétiques et exigerait des habitants le serment de rester fidèle aux enseignements de l’église”. Cette politique s’accentue en 1234 avec la création de tribunaux placés sous la direction du pape et spécialement créés pour lutter contre l’hérésie. Ces derniers fonctionnent avec des enquêtes, des dénonciations de voisins… Et même parfois dans certains interrogatoire, on retrouve l’emploie de la question (torture), si l’accusé est reconnue coupable, il sera tué et souvent par les flammes. En témoigne l’épisode qui nous est relaté par Wolff dans son ouvrage sur l’histoire de Toulouse de Jean de Teisseire, un habitant du bourg, cité et condamné par les inquisiteurs, il sera arrêté avec d’autre cathares et livrés aux flammes à cause de leurs croyances hérétique.
Le Rattachement du comté à la couronne
Finalement, ce qui scellera le rattachement du comté à la couronne, c’est le mariage de la fille de Raymond VII au frère du roi.
Stratégie matrimoniale
Si on constate que Raymond VII perd progressivement son pouvoir et gouverne de moins en mois un comté qui perd en puissance. Il reste toutefois l’autorité légitime pour régner sur celui-ci. L’un des éléments essentiels qui achève le processus de rattachement du comté à la couronne, c’est le mariage de sa fille au frère du roi. En effet, en 1227 (2 ans avant le traité de Mont-Paris) Jeanne de Toulouse, fille de Raymond VII se marie avec Alphonse de France, frère du roi Louis IX (futur Alphonse de Poitiers). Ce mariage est évidemment un événement symbolique et diplomatique qui témoigne certes de la soumission de Raymond VII mais qui entérine surtout le rattachement du comté à la couronne de France.
Toutefois, on peut relever l’ultime tentative de Raymond VII de conserver son comté en répudiant son épouse Sancie d’Aragon, qui avait près de quarante-cinq ans, et se remarier avec Marguerite de la Marche et espérer avoir un fils, dont la seule existence, malgré les clauses du traité de Paris, aurait pesé lourd dans le jeu politique. Le mariage fût donc célébré à Angoulême en 1243 mais n’aboutira lui non plus à aucune descendance.
Ainsi, à la mort de Raymond VII en 1249, le comté revient à Alphonse de Poitiers et devient officiellement la propriété de la couronne de France.
Lien vers bibliographie : http://blogs.univ-jfc.fr/vphn/?p=13928(ouvre un nouvel onglet)