L’intolérance religieuse en Occitanie à travers l’Affaire Sirven.

L’affaire Sirven est une affaire judiciaire tarnaise et plus précisément castraise. Elle a mobilisé de grands auteurs comme Voltaire afin de défendre l’accusé.
Dans le cadre de ce blog, nous allons revenir plus en détail sur cette célèbre affaire qui a eu lieu dans les années 1760, sur un fond de conflit religieux, et qui a bouleversé l’Occitanie. Nous allons voir qu’elle possède des particularités qui la différencie des autres conflits religieux de la période, comme l’affaire Calas. Pour cela, il est important de rappeler au lecteur le contexte d’intolérance religieuse qui touche la France durant cette époque, puis de façon plus détaillée l’Occitanie avec la ville de Castres. Pour cela, nous avons rassemblé à l’aide de deux frises chronologiques les dates les plus importantes et marquantes à retenir afin de comprendre l’installation de ce climat d’intolérance religieuse, ainsi que les effets qu’elle provoque partout en France, et notamment dans la ville de Castres.

Frises chronologique réalisée par Salvat. Elisa, étudiante, INU Champollion.

Maintenant que le contexte est plus clair, la question que nous allons approfondir au travers de ce blog est : l’affaire Sirven, un exemple de l’intolérance religieuse en Occitanie ou une exception ?
Pour cela, nous allons voir sous forme d’un journal de bord les débuts de l’affaire, puis nous verrons plus en détail la défense de Voltaire et son poids dans le dénouement de cette dernière qui correspond à un cas d’école, pour finir avec la représentation d’un cas inédit.

Mars 1760 :  Présentation de la Famille et début de l’affaire 

Arbre généalogique de la famille Sirven, par Gaëtan. Robert, étudiant, INU Champollion

La famille Sirven, originaire de Castres, se compose de cinq membres, à savoir Pierre-Paul Sirven, spécialiste du droit féodal, sa femme et leurs trois filles. (Cette affaire débute avec la disparition d’une des filles, Élisabeth, qui montrait des signes d’aliénation mentale.) Au moment de la disparition d’Élisabeth, le père de famille travaillait pour la famille d’Espérandieu au château d’Aiguefonde. Élisabeth sera donc au cœur de cette affaire, notamment par les répercussions que ses actions auront sur l’ensemble de la famille, mais aussi et avant tout avec sa disparition. Revenons en mars 1760, la jeune Élisabeth rejoint le couvent catholique des dames noires à Castres, une institution qui recevait des filles de protestants enfermées par lettre de cachet. Cependant, ces quelques mois ne se déroulent pas comme prévu, dus au comportement d’Élisabeth qui montrait des signes d’instabilité mentale. Elle a souhaité rejoindre ce couvent afin de se convertir au catholicisme, elle qui provenait d’une famille protestante très pratiquante. On parlait même du fait que le protestantisme était héréditaire dans la famille Sirven. Rapidement enfermée dans sa cellule et déclarée démente, Élisabeth Sirven décide de fuir et revient chez sa famille en octobre 1760.

4 janvier 1762 : Découverte du corps

L'AFFAIRE SIRVEN
Puits Sirven à Saint-Alby L’AFFAIRE SIRVEN (site-magister.com)

Le cadavre d’Élisabeth est retrouvé au fond du puits asséché du village de Saint-Alby. Les experts qui l’autopsie ne relèvent aucune trace de violence, mais ont été contraints de modifier leur rapport par le procureur Trinqué de Mazamet. L’expertise conclut que le cou porte des traces de serrements et le crâne la trace d’un choc violent, ce qui écarte la piste de la noyade. Très vite, on observe que l’autopsie a été très négligée et rudimentaire, car elle a été associée à la religion. Suite à la découverte du corps, la famille Sirven est donc la principale suspecte et les parents seront déclarés coupables. Ces accusations et cette autopsie erronée suffisent au juge de Mazamet pour lancer le décret du parricide. Face au danger immédiat, les Sirven sont obligés de prendre la fuite.

15 janvier 1762 : La décision de justice de Toulouse

Monitoire contre Pierre-Paul Sirven publié le 15 Janvier 1762, issu du guide d’exposition des archives de castres

Le procès de Pierre-Paul Sirven débute en janvier 1762. Il est jugé selon le concept de la justice seigneuriale. Les juges de Pierre-Paul Sirven sont ses anciens clients, vassaux du comté de Belle-Isle. Monsieur Sirven pense ainsi pouvoir gagner le procès. Cependant, ce territoire est riche et donc convoité par les juges. Le procès se conclut par la confiscation des biens de la famille Sirven.
Suite à ce procès, le procureur fiscal de Mazamet demande à l’Église la publication d’un monitoire afin d’apporter les preuves de la culpabilité de Pierre-Paul Sirven. Le premier monitoire est publié le 15 janvier 1762, et tout est fait pour incriminer les Sirven. Il est impossible de témoigner en leurs faveurs, ils sont donc condamnés par contumace. Pierre-Paul Sirven doit être brûlé vif, Toinette sera pendue. Les filles Sirven, quant à elles, sont bannies à vie et doivent assister à l’exécution. Le 29 mars 1764, en l’absence du couple, leurs effigies sont pendues puis brûlées sur la place du Plô face à l’église de Mazamet.

19 janvier 1762 : La fuite des Sirven 

Le cardinal de Mazamet ordonne l’arrestation de Pierre-Paul Sirven le 19 janvier 1762. Ce dernier, prévenu de sa condamnation, fuit, car au vu de la décision de justice pour l’affaire Calas, il sait ce qui l’attend. Il arrive en Suisse dans la ville de Lausanne en avril 1762. Il sera rejoint par sa femme et ses filles 15 jours plus tard. Le trajet sera cependant périlleux, Toinette et ses filles seront secourues par le pasteur du désert Paul Rabaut et atteignent leur destination en juin 1762. Hélas, la mère tombe malade et meurt durant son exil en septembre 1765. C’est durant cette fuite que Pierre-Paul Sirven rencontre, à Ferney, celui qui l’aidera à survivre : Voltaire.

1764 : Un échange de lettres important

Afin de mieux comprendre cette affaire et son déroulement, nous pouvons nous appuyer sur un important flux de lettres entre les membres de la famille Sirven et les défenseurs de celle-ci. Ces discussions épistolaires sont le fruit d’une dispersion familiale entre : Pierre- Paul Sirven et son épouse à Genève, les sœurs d’Elizabeth, Jeanne et Marianne à Lausanne et Jean-Pierre Ramond à Castres.
Il faut tout de même nuancer le fait que ces lettres ont des émetteurs différents. En effet, nous retrouvons dans un premier temps des échanges entre la famille. C’est le cas des lettres que se sont envoyées Pierre-Paul Sirven et son gendre en 1764 et en 1771 (nous pouvons voir en cela que l’échange de lettres se fait tout au long de l’affaire.). Mais nous trouvons aussi des correspondances entre les défenseurs de M. Sirven avec, par exemple, une lettre entre Voltaire et M. Cathala, en 1765, qui montre que ce premier veut rendre justice à la famille persécutée.
Très récemment, en 2019, de nouvelles lettres ont pu alimenter la construction historique de cette affaire. Celles-ci nous parviennent de la descendance de la famille Sirven. Ce fond de lettres, avec plus de 482 documents, constitue les traces que la famille a pu laisser de 1598 à 1926. Nous retrouvons tout un ensemble d’archives familiales. Parmi celles-ci, plus d’une centaine sont liées à l’affaire, c’est le cas par exemple avec des lettres entre Pierre- Paul Sirven et son gendre.

le fanatisme de la superstition subsiste dans toute sa force, et que le seul moyen de l’écraser est de faire rendre justice à la famille Sirven”. Selon Voltaire

1765 : La défense de Voltaire

La défense de Voltaire se fait sur deux fronts. En effet, à part porté secours à M. Sirven (physiquement en l’appelant à se réfugier en Suisse et par les multiples lettres envoyées à plusieurs défenseurs), c’est une défense pour la liberté de pensée, contre le fanatisme religieux qui est mis en place (comme on peut le voir avec le Traité sur la tolérance publié en 1763). Après que la famille du condamné a pris contact avec Voltaire, cette défense se déclenche rapidement. De là, débouche le texte écrit par ce dernier intitulé J’éclaire à l’intention des Sirven. M. Voltaire a un poids considérable au cours de l’affaire, mais il n’est pas le seul à apporter son aide. Les écrits de Voltaire ont pour la plupart traversé les frontières du royaume de France. Nous pouvons retrouver alors certains monarques protestants comme Christian VII du Danemark, qui offrent une contribution financière à Voltaire en faveur des Sirven (100 rigsdaler danois pour Christian VII en 1766). Sur cette même lancée, nous pouvons évoquer les avocats qui ont aidé Pierre-Paul Sirven. Il s’agit notamment d’Élie de Beaumont pour le début de l’affaire et de Pierre-Firmin de Lacroix.

Le retour de Sirven en 1769
Sous les conseils de Voltaire, Pierre-Paul Sirven revient à Castres, dans l’espoir d’être réhabilité. Il se fait emprisonner et juger, les nobles de Mazamet ne veulent pas le réhabiliter, car cela signifierait lui restituer tous ses biens, qu’ils n’ont pas.

Le 16 novembre 1769
Pierre -Paul Sirven est déclaré hors d’instance (c’est-à-dire que l’accusation n’est pas prouvée, mais son innocence non plus). Cette condamnation permet à la seigneurie de ne rendre aucun bien à Sirven et de mettre les frais du procès à sa charge. Pierre-Paul fait appel au Parlement de Toulouse pour condamner la justice seigneuriale de Mazamet afin qu’il lui restitue ses biens.
Il finit par être définitivement réhabilité en 1771 par la chambre criminelle de Toulouse.

« Je vous dois la vie, et plus que cela le rétablissement de mon honneur, et de ma réputation. Vous m’aviez jugé et le public instruit n’a pas osé penser autrement que vous, en éclairant les hommes vous êtes parvenu à les rendre humains ! »
Sirven dans une lettre adressée à Voltaire

  • Les conséquences sur la postérité

    27 juin 1820
    Pour la première fois et tous les jours pendant un mois, se déroule au théâtre de Gaîté à Paris une pièce intitulée : « La famille Sirven ou Voltaire à Castres » écrite par Dupetit-Méré. Cette pièce s’éloigne complètement de la réalité puisque la fille s’appelle Poète, elle ne meurt pas et elle devient folle, car elle a failli se noyer.

24 juin au 18 septembre 2022
Exposition sur l’Affaire Sirven à Castres

28 novembre au 22 décembre 2023
Exposition au CDI du lycée international Victor Hugo à Colomiers

Bibliographie:

  • Guide d’exposition des archives municipales de Castres.
  • Voltaire, « Traité sur la tolérance », 1763

 

Le 8e RPIMa et Castres [2024]

Défilé suite à une remise de fourragères

Le 8e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine (8e RPIMa), basé à Castres, constitue l’un des piliers fondamentaux de la défense nationale française, il incarne le courage des forces armées et perpétue une tradition d’excellence héritée des troupes de marine et des unités aéroportées.

La ville de Castres, qui a presque toujours été une ville de garnison, offre depuis plus de sept décennies un solide socle à cette unité d’infanterie. Le  8e RPIMa a su s’imposer comme une force opérationnelle majeure, intervenant tant sur le territoire national qu’à l’étranger, et ce, dans des missions aussi variées que cruciales. Ce régiment, dont le nom est devenu synonyme d’efficacité et de loyauté, perpétue avec fierté les traditions militaires tout en s’adaptant aux évolutions stratégiques et aux défis contemporains.

Au-delà de son rôle tactique et de sa contribution aux opérations extérieures, le 8e RPIMa est également le gardien d’une riche histoire. Cette histoire, tissée de faits d’armes et de sacrifices, forge l’identité de cette unité d’élite, ancrée dans l’esprit du « para » et des troupes de marine.

Cette introduction se propose donc de plonger dans l’histoire, le rôle opérationnel actuel, et l’héritage remarquable du 8e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine de Castres, ainsi que son intégration dans la ville. En scrutant les racines de cette unité prestigieuse, nous chercherons à comprendre ce qui fait de ce régiment un acteur incontournable de la défense nationale, et quels sont les aspects sociaux, économiques et politiques de son intégration à Castres ?

I. L’histoire de Castres

a) Une ville de garnison

Plan de la ville de Castres tiré des archives

Dès sa création (IXe siècle), Castres s’érige en castrum, ou motte castrale, une fortification très répandue à cette époque, d’où la ville tire son nom. Au départ assurée par les hommes d’armes des différents seigneurs féodaux , la défense de la ville est très vite autogérée par des milices urbaines. En effet, des chartes lui sont accordées au IXe siècle par le vicomte d’Albi, privilèges qui dureront sans discontinuer jusqu’à la Révolution française. C’est le début d’une longue histoire militaire.

Les premières traces d’une garnison militaire régulière remontent au début du XVe siècle, avec l’installation d’un régiment de cavalerie royale. À la veille de la Révolution, le 18e régiment de Dragons, ex Dragons du Roi, appartenant aussi à la cavalerie, y tient garnison. En 1793, suite aux guerres de la Révolution, Castres demande à recevoir une garnison régulière. De 1794 à 1796, le 13e régiment de hussards stationne à Castres jusqu’à sa dissolution. L’année suivante (1797), Castres, suspectée d’être trop modérée dans le cadre de la Révolution, est privée de son rang de préfecture (obtenu en 1790) au profit d’Albi.

Sous l’Empire puis la Restauration, on profite du vaste fourrage présent autour de Castres pour y mettre au vert les chevaux des régiments de cavalerie, d’artillerie hippomobile ou du train des équipages. La ville est surtout un lieu de résidence temporaire pour des troupes en déplacement. Malgré un décret (1811) fixant le nombre d’hommes en garnison à 920, il faut attendre 1873 et 1874, dates respectives d’arrivée des 3e et 9e régiments d’artillerie de campagne, pour voir Castres se doter de garnisons régulières. Jusque-là, la ville demeure un carrefour de passage de régiments de cavalerie légère ou lourde, sans régiment unique à l’intérieur de ses murs. Le 3e et 9e RAC sont hébergés jusqu’au début de la Seconde guerre mondiale, où ils sont mobilisés.

Le nombre de garnisons à Castres atteint son apogée lors de l’Entre-deux-guerres. Entre 1923 et 1939 y stationnent, parfois simultanément : deux régiments de Dragons, le 115e régiment d’artillerie hippomobile, un régiment d’artillerie lourde, deux d’artillerie portée, le 20e d’artillerie, une partie du 15e régiment d’infanterie alpine, une brigade de gendarmerie, les bureaux de recrutements départementaux et le cercle de restauration des officiers. Vous trouverez ici la liste des régiments ayant stationné à Castres.

L’abandon du cheval comme moyen militaire, après la Seconde guerre mondiale, a eu un impact négatif sur la culture du foin, à l’instar de l’abandon du charbon de bois qui servait à fabriquer de la poudre noire. Cela a mis un frein à l’industrie des charbonniers de la montagne. De 1945 à 1955, Castres héberge successivement le 1er et le 2e régiment d’artillerie coloniale, puis le 13e de dragons parachutistes. Il n’y a ensuite plus de garnison jusqu’en 1962, avec l’installation du 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine.

b) Une ville guerrière

Avec ses nombreuses garnisons, Castres a joué un rôle dans plusieurs conflits.

Carte postale du 35e RA

La première trace de sa participation à un conflit remonte à la bataille de Bouvines (1214), où la ville aurait envoyé des milices urbaines pour aider le Roi de France, Philippe II dit Auguste. Même si sa contribution reste anecdotique, Castres a joué un rôle dans la croisade des Albigeois (1209-1229), ou encore dans les Guerres de religions (1562-1598), tour à tour place forte catholique et protestante. Devenue place de sûreté protestante, la ville participe activement aux rébellions huguenotes sous Louis XIII, ou Guerres de Rohan (1621-1629).

Sous le Directoire puis l’Empire, Castres devient un pôle logistique majeur, notamment pour la cavalerie avec ses grands espaces, ses casernes héritées de l’Ancien régime, et sa forte production de fourrage.

Pour leurs faits d’armes lors de la bataille de Verdun, le 3e et le 9e régiment d’artillerie de campagne, reçoivent chacun une citation à l’ordre de l’armée (lire la citation du 3e RAC et du 9e RAC). Une citation à l’ordre est une distinction sous la forme de textes décrivant les comportements récompensés.

Lors de la Seconde guerre mondiale, les maquis et corps franc du Tarn jouent un rôle essentiel dans des opérations de sabotage et de guérilla : embuscade d’un train allemand entre Labruguière et Castres, ou encore sabotage du barrage de la Moulines et des ponts ferroviaires, empêchant ainsi l’envoi de renforts en Provence. Les résistants devaient même défiler au centre de Castres sous les fenêtres des dignitaires du parti nazi le 14 juillet.

c) Une ville industrielle impliquée dans l’armée

L’arsenal des castres en 1915, La Dépêche du Midi

Ville industrielle et agricole, Castres a eu un rôle militaire majeur, et ce depuis les premiers régiments de cavalerie royale. Sa forte productivité de fourrage a permis de ravitailler bon nombre de régiment de cavalerie, ou hippomobiles. En sus, lors de la Première guerre mondiale, plusieurs quartiers castrais sont transformés en véritables arsenaux, produisant obus et munitions, nuit et jour.

Enfin, l’industrie textile florissante au sein de la ville a pu fournir à l’armée vêtements et uniformes, encore actuellement. 

II. L’histoire du régiment

a) Issu et bercé par les guerres coloniales

Comme son nom l’indique, le 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine est issu des troupes de marine. Malgré une appellation trompeuse, les troupes de marine sont une arme de l’Armée de terre française. Rattachées en 1900 au ministère de la Guerre, elles faisaient partie depuis leur création, en 1622 par le cardinal De Richelieu, du département de la Marine, où elles étaient les « 100 compagnies ordinaires de la mer ». Elles se caractérisent par leur spécialité de servir en dehors de la métropole, d’où leur nom. Rebaptisées « troupes coloniales » avec le durcissement des guerres coloniales à la fin du XIXe siècle, ces troupes reprennent le nom de troupes de marine en 1961 après les Indépendances. L’usage du terme colonial reste toutefois particulièrement présent dans leurs rangs, notamment dans le répertoire de chants.

Le 8 s’inscrit pleinement dans cette tradition. Créé en 1951 à Hanoï par le général Lattre de Tassigny, sous le nom de 8e bataillon de parachutistes coloniaux, il répond aux besoins de l’époque : la Guerre d’Indochine. Il participe ensuite à la Guerre d’Algérie, puis gagne Castres en 1962, où il devait demeurer sous son nom final de 8e RPIMa.

Pour en savoir plus sur l’histoire du 8 : cliquer ici.

Bataille des Frontières (1958), 25e Division Parachutiste à laquelle appartenait le 8e RPC

b) Un des premiers régiments professionnels…

Un tournant majeur pour le régiment s’opère en 1970 : sa professionnalisation, ce qui entraîne l’intensification des incorporations. Un bureau de recrutement est créé, et les exigences sont peu élevées en vue du besoin d’effectifs. En 1975, ces derniers ne sont toujours pas satisfaisants alors que le Tchad réclame l’attention de la France. S’en suit alors une politique de valorisation, qui porte ses fruits : 10 ans après, on compte 700 hommes dans le régiment.

Pour en savoir plus sur la professionnalisation du 8 : cliquer ici.

“La saint Michel de 1975”, Allô ancre, ici dragon, 6/12/1975

c) … Qui s’inscrit dans la politique étrangère de la France

Depuis sa professionnalisation, le 8 participe à toutes les opérations extérieures de
la France.

À l’occasion du conflit israélo-arabe en 1978, le 8 est détaché au Sud-Liban sur
décision des Nations Unies : là, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban
(FINUL) a une mission de maintien de la paix dans cette région meurtrie. Le 8e RPIMa y relève ses homologues du 3e RPIMa. Les casques bleus français stationnent jusqu’en 1979, et remplissent leur mission avec difficulté, mais peu de pertes : on dénombre moins de dix blessés sans gravité.

La même année, le régiment est dépêché au Tchad, lors de la guerre civile qui secoue le pays, et en Centre-Afrique, où il compose l’essentiel de l’opération Barracuda, chargée de soutenir le président qui avait subit un coup d’État. L’opération vise principalement à protéger les ressortissants français, le nouveau gouvernement, et appuyer les forces armées centrafricaines, notamment par l’instruction. Le contingent regagne Castres en 1981, et repart au Liban entre 1982-1983.

Ouganda, Rwanda, Zaïre, Congo, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Cambodge,
Yougoslavie, Kosovo, Macédoine, Mali, Irak, ou encore Afghanistan, et maintenant
au Sahel, le 8 répond présent dès qu’il est sollicité. En 2008, de jeunes engagés subissent de plein fouet une embuscade à Uzbin (Afghanistan), où huit soldats du régiment sont tués. Cette embuscade marque durablement le 8, qui subit le plus de ses pertes depuis la guerre libanaise. Tout récemment, 250 « paras » sont à la base OTAN de Constanta en Roumanie dans le cadre de la guerre en Ukraine, où ils participent à la mission AIGLE, pour le renforcement de la ceinture défensive du flanc est. L’exercice interallié, en Roumanie, Belgique, ou encore en Grèce constitue une large partie des exercices actuels de l’Armée française.

III. L’intégration réussie du régiment dans sa ville

a) L’arrivée à Castres

L’arrivée du régiment dans cette ville fait suite au long passé militaire de cette dernière : on l’a vu, depuis au moins le XVIIe siècle s’y succèdent de nombreux régiments. Depuis son implantation en 1962, Castres a joué un rôle particulier dans l’histoire du 8e RPIMa : la ville devient officiellement sa marraine en 1997, ce qui est une exception en France. Les armes de la ville sont arborées fièrement sur l’uniforme de cérémonie du régiment.

La ville de Castres a su répondre aux besoins spécifiques du 8e RPIMa en termes
d’infrastructures, notamment grâce aux installations des anciens régiments, offrant des terrains d’entraînement et des casernements adaptés. La production textile de la ville continue de fournir des habillements au régiment : le pressing du Sidobre ou encore le Bazeilles Store. Ce dernier tire d’ailleurs son nom de la bataille de Bazeilles (1870),
symbole des troupes de marine : le combat est encore célébré chaque année au sein de
ces troupes.

Cette relation s’est approfondie au fil des années, évoluant vers une coopération bénéfique tant pour la communauté militaire que pour les citoyens de Castres. L’installation du 8e RPIMa a renforcé les liens entre la population locale et l’armée, favorisant une dynamique positive entre les deux.

b) Impacts socio-économiques et politiques

Le 8eme RPIMa aux côtés des enfants, Journal La Dépêche, 18 Novembre 2018

Les impacts sociaux, économiques et politiques de l’arrivée du 8ème RPIMa à Castres sont
significatifs. Sur le plan social, l’installation de militaires et de leurs familles a apporté un
dynamisme démographique à la région. Les membres du régiment participent activement à la vie communautaire, s’intégrant pleinement à Castres par leur engagement dans des activités sociales. Peuvent être cités :

  • la para night race, une course organisée dans la ville en passant par les monuments historiques, dont les fonds sont reversés aux militaires blessés en opération
  • les célébrations du 11 novembre, auprès des lycées de la ville
  • les journées du patrimoine à l’hôtel Beaudecourt, auxquelles participe le régiment
  • un repas de noël ouvert aux civils
  • une distribution de cadeaux de Noël de la part des élèves du lycée Barral pour les militaires qui devaient passer les fêtes en mission

Sur le plan économique, la présence d’une base militaire stimule l’économie locale. Les
investissements dans les infrastructures militaires bénéficient aux entreprises locales, créant des opportunités dans les secteurs de l’immobilier, de la restauration, de l’industrie ou des services.

La diversification de l’économie s’en trouve ainsi renforcée. Le régiment participe à la mise en avant du vin de Gaillac, qui est vendu au sein du personnel militaire, et le colonel est traditionnellement membre de la confrérie des vignerons. Ce sont également environ 1600 familles qui apportent de la main d’œuvre dans le marché du travail local, et une demande immobilière, en plus de constituer un apport de clientèle pour les producteurs locaux.

D’un point de vue politique, la relation entre la population locale et l’armée est étroite, en témoignent les votes à la municipalité majoritairement conservateurs. On compte aussi des interactions régulières entre les autorités locales et les responsables militaires, comme des rencontres entre le colonel de Courtivron et la directrice du cabinet du Tarn, Mme Quebre. Le colonel est en sus invité à toutes les cérémonies civiles. Le parrainage du régiment par la ville est également un élément politique important car il établit un lien
durable entre les deux entités : Castres protège le 8e RPIMa et le 8e RPIMa protège Castres. Il s’agit d’ailleurs d’une situation qui a fait l’objet de débat auprès du ministère de la Défense, qui s’y est d’abord opposé. Dans la continuité de cette idée d’interdépendance, l’un des conseiller municipaux est un délégué du 8e RPIMa, permettant un échange direct entre le régiment et la municipalité. La présence du 8 dans la politique locale montre l’importance de l’unité dans la région.

À Castres : le « 8 » propose des portes ouvertes en immersion dans le quartier Fayolle, Journal La Dépêche, 8 Octobre 2021

Pour conclure, en explorant la cohabitation entre une garnison militaire et une ville, notre étude a mis en lumière les nuances complexes de cette relation singulière. Cette étude espère avoir offert un éclairage approfondi sur la manière dont une garnison militaire peut s’intégrer dans la trame sociale, économique et politique d’une ville. Le cas du 8e RPIMa et de Castres illustre non seulement les défis inhérents à une telle coexistence, mais également les opportunités de collaboration et de prospérité mutuelle qu’elle peut engendrer. Ce modèle d’intégration réussie sert ainsi de source d’inspiration pour comprendre comment des institutions militaires et des communautés locales peuvent construire une relation harmonieuse au fil du temps.

Pour aller plus loin :

BUGIS, Pascal. CHASBOEUF, Éric. « Un régiment. Une ville. Le 8e RPIMA et Castres », dans Inflexions, vol. 20, no. 2, 2012, pp. 137-141.

CEHD (Centre d’Études d’Histoire de la Défense), Les troupes de marine dans l’Armée de terre. Un siècle d’histoire (1900-2000). Éditions Lavauzelle, 2001, 444 p.

DREVILLON,Hervé.WIEVIORKA Olivier. Quatrième partie. Les guerres coloniales des soldats perdus. 1945-1962, dans Histoire militaire de la France. II. De 1870 à nos jours. Perrin, 2022, pp 603-743.

DREVILLON, Hervé. WIEVIORKA Olivier. Cinquième partie. Accompagner les mutations de la puissance française de 1962 à nos jours, dans Histoire militaire de la France. II. De 1870 à nos jours. Perrin, 2022, pp. 747-845.

FABRE, Robert (dir.). « Le 8e RPIMa : le régiment du Tarn », dans Revue du Tarn, no. 227, Fédération des Associations Culturelles et Intellectuelles du Tarn, 2012, pp. 393-548.

FAURY, Jean. « Les mutations de Castres depuis deux siècles », dans Revue Tarn, no. 253, 2019, pp. 91-98.

NEGRE, Ernest. « Aux origines de Castres », dans Revue Internationale d’Onomastique, no. 3, 1971. pp. 207-214.

SOUYRI, Jean-Claude. « L’armée à Castres au début du XXe siècle », dans Revue du Tarn, no. 227, Fédération des Associations Culturelles et Intellectuelles du Tarn, 2012, pp. 549-552.

PONS, Frédéric. Opérations extérieures – Les volontaires du 8e RPIMa : Liban 1978-Afghanistan 2009. Paris, Presses de la Cité, 2009, 372 p.

Les Goulags, un instrument politique

Photographie d’un camp de travail où des déportés s’emploient

«Notre univers n’est-il pas une cellule de condamné à mort ?» C’est la question que se pose Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne, auteur l’Archipel du Goulag” parue en 1973. Ce questionnement fait référence à son expérience personnelle au sein des goulags. En effet, en 1945, il est condamné à passer 8 ans en détention dans un camp de travail pénitentiaire après avoir critiqué Staline. 

Encore aujourd’hui, le terme de “goulag” représente pour la plupart des gens le règne de Staline en URSS et la terreur qui en est issue. C’est une expression russe qui signifie « Direction principale des camps ». 

Les Goulags va rapidement évoluer en un instrument de terreur, visant à éliminer toute menace au régime Stalinien. Ces goulags sont omniprésents sur tout le territoire de l’URSS, de Moscou à l’ouest jusqu’à Vladivostok à l’extrême est. 

Les goulags sont présents en URSS de leur création jusqu’à la fin du régime mais qu’en est-il de leur évolution et de leur utilité politique ?

Carte des différents Goulags présents sur le territoire Soviétique entre 1923 et 1969

I. 1930-1941 : L’avènement d’un instrument politique et économique

Revenons tout d’abord au commencement, l’arrivée au pouvoir de Staline ne fût pas simple et de nombreuses luttes politiques ont défini le début de sa prise de pouvoir. C’est alors dans la continuité des luttes contre le pouvoir en place que les goulags apparaissent en URSS en 1930 sous sa direction. Leur objectif est simple, assurer la domination du régime de Staline et fonder la terreur en URSS afin de permettre une meilleure direction et gestion du peuple, mais aussi des opposants qui usent d’une propagande massive contre Staline. 

Mais si les goulags n’étaient que de simples prisons, leur importance historique  aurait été nulle. 

Prisonniers des goulags travaillant sur le chantier du “Belomorkanal”

Le fait est que les goulags ont bel et bien une particularité importante en plus d’être des prisons : ce sont des camps de travail. Ces camps ont ainsi permis de réaliser, et ce avec un faible coût, des projets d’ampleur parfois phénoménale tel que le Canal de la mer Blanche, reliant la mer Blanche et la mer Baltique en 1931. Pas besoin de préciser que de nombreux prisonniers ont perdu la vie lors de ce projet.


Cet exemple permet de mettre en lumière la deuxième fonction des goulags : l’industrie. En effet, si la répression politique apparaît comme la seule raison de l’existence des goulags, l’aspect économique n’en reste pas moins une raison majeure. 

Afin de mieux comprendre, il nous faut apporter une petite précision. En effet, le modèle économique de l’URSS reposent sur ce que l’on appelle l’économie planifiée, et comme son nom l’indique elle se repose sur le fait de prévoir à l’avance des objectifs de production à atteindre dans les domaines clés. Cette économie planifiée se base sur des plans de 5 ans, soit des plans quinquennaux. Afin de stimuler une croissance de la production, ce modèle économique force à produire plus, qu’importe la demande. Ainsi, les goulags furent une solution toute trouvée afin de pallier les manques de production notamment la production minière et ce qu’elle entraîne comme la production d’acier qui va d’ailleurs connaître une grande augmentation durant cette période.

II. 1941-1945: L’apogée des Goulags

C’est durant la période de la guerre (1941-1945) que l’importance des goulags s’est mise en exergue. Assurément, la lourde conscription et les déportations ont, de fait, réduits la main-d’œuvre disponible. 

Entre 1941 et 1945, dans un contexte de guerre mondiale, le nombre de prisonniers soviétiques dans la région de l’Oural a augmenté de 27,1 % à cause de projets toujours plus importants. Les détenus des camps ont construit des usines métallurgique et carbochimique, une entreprise de matériaux réfractaires, plusieurs mines, un tankodrome et des voies à l’usine de tanks. Ils ont aussi extrait du minerai, du gravier, du sable. Leur utilisation durant la guerre était primordiale afin de conserver la puissance de l’URSS sur le plan militaire mais aussi économique pour Staline. Mais ces prisonniers étaient soumis à de nombreuses difficultés quant à leur survie.

Détenus travaillant sur la voie morte à la fin des années 1940 dans le froid

Détenus travaillant sur la voie morte à la fin des années 1940 dans le froid

Dans les goulags, c’est durant la guerre que la mortalité a été la plus élevée. En effet, par manque de sommeil et à cause de l’uniformité de la nourriture à base de farine et de gruau et la saleté, la prolifération des poux et la diffusion de la phtiriase y était très importante.Plus de la moitier des détenus souffraient de maladies. Par manque de moyens médicaux et de personnels soignants, un très grand nombre d’entre eux ont péri dans ces camps.

III. Un impact sans précédent

Les goulags ont eu un impact sans précédent sur les populations. Comme dit précédemment, des millions de personnes ont perdu la vie durant la période encadrant les goulags. Mauvais traitement, surpopulation à l’intérieur des camps, famines et maladies et conditions de vie ont été des facteurs déterminant dans la mort des prisonniers. De plus, de nombreux abus physiques et psychologiques ont eu lieu à l’intérieur des camps. Ces conditions ont laissé des cicatrices psychologiques profondes chez les détenus, qui ont souvent souffert de dépression, d’anxiété, de stress post-traumatique et d’autres troubles mentaux. Certains prisonniers ont même développé un syndrome spécifique appelé « syndrome du camp de concentration », caractérisé par des cauchemars, des flashbacks et une anxiété chronique.

Les familles des prisonniers ont également été touchées. Elles étaient souvent stigmatisées et marginalisées par la société, vivant dans la peur constante de la répression politique et de la déportation. Les enfants des détenus grandissaient souvent sans leurs parents, ce qui pouvait avoir des effets durables sur leur développement émotionnel et psychologique.

Photographie d’enfant coupés de leurs parents déportés.

C’est aussi durant cette période que la propagande idéologique a battu son plein. En effet, ce conditionnement idéologique visait à rééduquer les prisonniers soviétiques aux principes du communisme, notamment les jeunes qui représentaient un enjeu puissant de maintien de cette doctrine avec le Komsomol ( Organisation de la jeunesse communiste du Parti communiste de l’Union soviétique ).

Pour conclure, les goulags ou camps de travail pénitentiaire en URSS sous le régime stalinien ont été un instrument de répression politique, de contrôle social et d’exploitation économique. À défaut d’être une simple institution pénale, le goulag instaure la terreur, brisant les libertés individuelles de ceux qui sont incarcérés en affectant profondément la société soviétique. Les goulags ont atteint leur apogée sous le régime Stalinien, étant utilisés comme un moyen de pression face aux opposants de toute forme qu’ils soient. Les conséquences humaines sont nombreuses et témoignent de la cruauté dévastatrice de cette période. 

Après l’ère Stalinienne le processus de déstalinisation initié par Nikita Khrouchtchev lors du XXème Congrès du Parti Communiste, a entraîné une baisse significative du nombre de prisonniers, notamment les prisonniers politiques. Il faudra toutefois attendre les politiques de la perestroïka et de la glasnost de Mikhaïl Gorbatchev dans les années 1980 afin qu’une libération plus poussée entraîne la libération d’un plus grand nombre de prisonniers politiques. 

Lien vers la bibliographie

Site réalisé par LAU Mériel (L2), PEZOU Mattéo (L2), CROMBEZ Antonin (L1), CZERYBA DIT TRUSZ Sasha (L1), POULOT Samuel (L1).

Natzweiler-Struthof : Un camp de concentration allemand en Alsace annexée

Bibliographie


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  • Nouschi Marc, Petit Atlas historique du XXe siècle, Paris, Armand Colin, « Petit Atlas historique », 2016 [2002], 224 p.

II. La Seconde Guerre mondiale

  • Buffotot Patrice, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Armand Colin, 2014, 128 p.
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III. Le nazisme

  • Bruneteau Bernard, Les totalitarismes, Paris, Armand Colin, « Collection U », 2014, 320 p.
  • Chapoutot Johann, Fascisme, nazisme et régimes autoritaires en Europe – 1918-1945, Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2013, 312 p.
  • Chapoutot Johann, Comprendre le nazisme, Paris, Tallandier, « Texto », 2020, 448 p.

IV. Le KL-Natzweiler

  • Brange Juliette, « Natzwiller (Bas-Rhin). Ancien camp De Natzweiler-Struthof » Archéologie Médiévale, 2021, n°51, p. 308-309. 
  • Steegmann Robert, Le Camp de Natzweiler-Struthof, Paris, Seuil, « L’Univers Historique », 2009, 384 p. 
  • Steegmann Robert, Le KL-Natzweiler et ses Kommandos, Paris, La nuée bleue, 2005, 520 p.
  • Site officiel du camp de Natzweiler-Struthof, [consulté le 18/04/2024] https://www.struthof.fr/
  • Site « Chemins de Mémoire », page « Le camp de Natzweiler-Struthof »[consulté le 18/04/2024] https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/le-camp-de-natzweiler-struthof

Paris Léa, Dartigolles Marianne, Leon Rohan, Bessière-Cousinié Juliette

La construction de la cathédrale d’Albi

Introduction :

La cathédrale Sainte-Cécile d’Albi est le siège de l’archidiocèse du Tarn(un diocèse dont l’ordinaire a le titre d’archevêque. La résidence de ce dernier est appelée archevêché). Construite de 1282 à 1480 elle est la plus grande cathédrale de briques du monde. Joyaux de l’architecture gothique elle fait partie de la cité épiscopale d’Albi, classée patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2010 (https://whc.unesco.org/fr/list/1337/).

Sa puissance s’affirme à travers un style typique du Midi languedocien, le gothique méridional. Son style unique est renforcé par sa décoration intérieure. Son architecture surprend par le contraste entre l’extérieur de l’édifice, austère et d’allure militaire, et son intérieur riche en fresques murales colorées mais aussi en sculptures. Il s’agit aujourd’hui d’une des cathédrales les plus visitées de France.

La cathédrale Sainte-Cécile - Albi Tourisme
https://www.albi-tourisme.fr/decouvrir-albi/patrimoine-unesco/la-cathedrale-sainte-cecile/

Nous pouvons nous demander dans quelle contexte la cathédrale d’Albi a été construite ?

Contexte socio-économique :

Tout d’abord, pour comprendre dans quel contexte la cathédrale d’Albi a été construite, il est important d’évoquer la situation économique, judiciaire religieuse d’Albi au Moyen-Âge. À cette époque, Albi était une ville fortifiée. Au début du XI ème siècle, si on compare à la situation actuelle, la partie de la ville qui se situe au Nord du Tarn n’existait pas. Le pont vieux a été construit de 1035 à 1042 et Albi en tire de nombreux avantages.

Le pont vieux :

Albi devient grâce à ce pont un lieu très important de la circulation monétaire dans le Languedoc.En effet, elle se trouve alors sur d’importantes routes commerciales comme celle qui relie la Mer Méditerranée à l’Océan Atlantique, ce qui permet d’attirer de nombreux voyageurs.

Au XII ème siècle, un faubourg va se développer de l’autre côté de l’édifice, cette partie de la ville sera alors appelée le « Bout du Pont ». Même si l’activité principale y est l’agriculture, de nombreuses personnes ont des métiers reliés à l’artisanat, par exemple des maçons, des forgerons… Ces activités artisanales permettent de développer l’activité économique générale de la ville. Le « Bout du Pont » a donc tenu une place importante à Albi au Moyen-Âge.

https://www.mairie-albi.fr/fr/le-pont-vieux

Les places de la ville :

Les places dans Albi font elles aussi partie des principaux éléments économiques, c’est sur ces dernières que des grands marchés sont organisés. Les produits vendus sont nombreux et variés, du tissu de soie, du sel, de l’huile d’olive, des poissons de mer, des épices,des légumes… Aux abords des places,d’autres commerces sont présents comme des coutelleries ou des cordonniers. Sur une place proche de l’actuelle cathédrale se trouvait la maison de la pile. La pile est l’unité de mesures des grains ou des liquides du marché. On pouvait y évaluer les quantités de grains récoltés par des agriculteurs.

La justice :

L’activité de la ville d’Albi est aussi marquée par la présence de fortes institutions judiciaires. Il existe deux cours de justices qui sont commandées par l’évêque. Il y a l’officialité qui concerne tous les crimes du domaine religieux et, la temporalité qui concerne les autres crimes. À cette époque, il y avait la présomption de culpabilité c’est-à-dire qu’avant que le verdict ne soit prononcé , l’accusé était considéré comme coupable. Les sanctions envers les accusés étaient souvent très sévères. Ils pouvaient être pendus, mutilés, marqués au fer rouge ou condamnés à la prison à perpétuité.

Religion:

Il existait jusqu’au XIII ème siècle, une autre cathédrale Sainte Cécile qui était en pierre et qui mesurait 57 mètres de long. C’était alors un des principaux lieux de culte. Au XII ème et au XII ème siècle, la religion cathare se développe fortement dans la région albigeoise. Les cathares sont des chrétiens hérétiques c’est-à-dire qu’ils s’opposent sur de nombreux points au dogme de l’Église. Ils dénoncent notamment une trop grande puissance et richesse de l’Église. Entre eux, les cathares s’appellent les Bons Hommes.

Le catharisme | Albi
https://www.mairie-albi.fr/fr/le-catharisme

C’est pour lutter contre le développement du catharisme que l’évêque Bernard de Castanet fait construire une nouvelle cathédrale Sainte Cécile à Albi. Elle se situe à proximité de l’ancienne. La première pierre de la nouvelle cathédrale est posée le 15 août 1282. L’édifice est très imposant et illustre la puissance catholique. Le chantier de cette cathédrale se déroule très lentement car la construction du palais de la Berbie (https://www.mairie-albi.fr/fr/le-palais-de-la-berbie) s’effectuait en parallèle. Une fois terminée, la cathédrale mesure 113 mètres de long, 35 mètres de large et 78 mètres de hauteur. Elle est construite en briques rouges typiques de la région.

Contexte artistique :

L’architecture gothique :

Son histoire :

Ce style est né en France au XII ème siècle dans les régions de l’Île-de-France et de la Haute-Picardie. Il s’est ensuite étendu dans toute l’Europe occidentale pendant la seconde moitié du Moyen-âge. Il était précédé par l’architecture romane qui était le style dominant dans la première moitié du Moyen-âge. La principale hypothèse pour expliquer ces lieux de naissance franciliens et picards serait la présence de monuments paléochrétiens à cette époque ; forme d’art produite entre l’an 200 et 500, comportant des cathédrales à murs fins, charpentées et percées de nombreuses baies. Ces régions sont donc déjà préparées aux choix techniques et esthétiques du gothique. Le style évolue dans le temps, au gothique dit « primitif » (xiie siècle) succèdent en France le gothique « classique » (1190-1230 environ), puis le gothique « rayonnant » (v.1230 – v.1350) et enfin le gothique « flamboyant » (xve siècle / xvie siècle). La cathédrale Sainte Cécile d’Albi appartient au style gothique languedocien que nous pouvons rattacher par ses dates de constructions au style rayonnant.

ARCHITECTURE GOTHIQUE
https://www.citedelarchitecture.fr/sites/default/files/documents/2017-04/dossier-pedagogique_architecture-gothique.pdf

Principales caractéristiques esthétiques :

Le style gothique en architecture a pour objectif de réussir à faire des bâtiments toujours plus grands grâce aux voûtes en arc d’ogive qui permettent d’atteindre de plus grandes hauteurs. Les murs sont très fins permettant une plus grande entrée de lumière que dans les structures romanes, entraînant une multiplication des jeux de lumières et de couleurs . De grands vitraux et rosaces font leurs apparition dans les cathédrales. L’une des caractéristiques principales de ce style est également la recherche de détail de plus en plus précis. De nombreuses statues très détaillées font leur apparition ainsi que des dentelles de pierre dans les tympans des églises et cathédrales ou dans le cas de Sainte Cécile d’Albi sur le porche mais aussi à l’intérieur de la cathédrale. Ces sculptures sont appelées ainsi car elles sont de très fines, taillées dans la pierre et très détaillées ce qui donne une impression de dentelle. L’élément qui rend le gothique remarquable est également la présence des arc-boutant qui permettent d’atteindre de plus grandes hauteurs car ceux-ci soutiennent les murs qui sont éloignés et fins ne permettant donc pas de soutenir toute la structure.

Fichier:(Albi) Door of the Sainte Cécile Cathedral west view.jpg — Wikipédia
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:%28Albi%29_Door_of_the_Sainte_C%C3%A9cile_Cathedral_west_view.jpg

Les Fresques murales :

Définition :

Abordons maintenant les fresques (style de peinture murale) qui ornent les murs de la cathédrale et de nombreuses structures gothiques. . Le mot fresque vient de l’italien :  « affresco » qui signifie « dans le frais ». Il existe différents styles de fresques selon leur époque comme celles de l’époque médiévale. Généralement les fresques représentent une histoire passée devenue importante ou transmettent un message religieux . Elles sont souvent réalisées dans les églises et cathédrales. La fresque est peinte sur un enduit frais qui va permettre aux pigments de tenir sur le mur : les couleurs dureront plus longtemps. Un enduit est une préparation d’une pâte fluide ou non qu’on applique sur une surface, ça peut être un mortier. Pour les peintres c’est un travail très délicat et assez long car on doit laisser poser l’enduit avant de remettre une couche de peinture par dessus.

Les fresques de Sainte Cécile d’Albi :

Dans la cathédrale d’Albi on trouve des fresques surtout de la Renaissance (1400 à 1600) il y en a plus que partout ailleurs en France, avec près de 20 000 mètres carrés de murs décorés. Presque toutes les surfaces de la cathédrale ont été décorées. Celles-ci sont très bien conservées. Sur les murs intérieurs différentes couleurs sont utilisées. Le bleu domine, comme à la Sainte Chapelle à Paris et la majorité des églises françaises de cette époque. Les fresques de la voûte font 97 mètres de long et 28 mètres de large il s’agit de peintures de la renaissance italienne.

Le jugement dernier de la cathédrale d’Albi :

Le jugement dernier est une fresque peinte dans la cathédrale qui se trouve sous l’orgue, épousant les deux colonnes le soutenant, il représente le sort réservé aux élus et aux damnés. C’est la représentation la plus importante de France (300m²).

La partie centrale, où le Christ apparaissait en gloire, a été détruite à la fin du XVII ème siècle. Le haut de la fresques représente le paradis que chaque chrétien espère atteindre, le bas l’Enfer que chacun souhaite éviter. La partie médiane représente l’attente face au jugement dernier. Les élus sont accueillis par les anges lors de leur résurrection et invités à rejoindre les apôtres et les saints. Les damnés quant à eux, sont envoyés en enfer, un monde de désolation.

Le jugement dernier de la cathédrale Sainte Cécile d’Albi est le premier à mettre en scène les sept péchés capitaux, tous sont représentés par un supplice. Le jugement dernier a était peint sous ordre de Louis 1 er d’Amboise.

La Cathédrale Sainte-Cécile • AGIT
https://www.lesguidesdutarn.com/visites/la-cathedrale-sainte-cecile/

Les peintres de la cathédrales :

Plusieurs peintres ont été nécessaires pour peindre la cathédrale, mais nous ne connaissons qu’un seul nom celui de Giovanni Francesco Donnela, originaire de Capri en Italie. Nous pouvons voir son nom inscrit sur les fresques de la cathédrale dans la chapelle 7. Les peintres ont utilisé les techniques de peinture de la renaissance italienne qui commence en Italie au XIV -ème siècle. L’art de la Renaissance représente surtout des rois ou des portraits mais aussi des figures catholiques du nouveau testament.

Bibliographie :

  •  Jean-Louis Biget et Michel Escourbiac, La cathédrale Sainte-Cécile, 1998
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  • Xavier Barrel, L’art médiéval ,Que sais je
  • Yves Esquieu , Quartier Cathédral, Paris, Rempart, 1994, 127 pages
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  • Damien Carraz,L’architecture médiévale en Occident , que sais je
  • Emmanuel Quidarré, Les représentations de Sainte-Cécile dans la cathédrale(article)
  • Erwin Panofsky, Architecture gothique et pensée scolastique, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1967
  • Gérard Monnier, Histoire de l’architecture, Que sais-je, 2021
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  • Jean Biget et Michel Escourbiac ,Sainte-Cécile sculpture, odyssée
  • Jean Louis Biget, Cathédrale d’Albi, la forteresse de la foi
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  • Jean-Louis Biget , Albi et l’Albigeois au Moyen-Âge, Paris, Archives et patrimoine, 2023, Tome 1, 616 pages
  • Jean-Louis Biget , Michel Escourbiac ,Sainte-Cécile d’Albi peintures, Éditions Odyssée,2005
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  • Michel Balard ,Michel Rouche , Jean-Philippe Genet , Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette Supérieur, 2008
  • Olivier Mignon, Architecture des cathédrales gothique, Ouest France,2015

L’arrivée des familles algériennes en Région Midi-Pyrénées après la Guerre d’Algérie (1962)

Communiqué de presse, 16/05/2023, Loi du 23 février 2023 portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis, Les services de l’Etat dans l’Aisne

La loi du 23 février 2022 reconnaît la responsabilité de la France dans l’accueil et les conditions de vie des Harkis et de leurs familles suite aux Accords d’Evian de 1962. La loi du 23 février 2022 marque une étape cruciale vers la reconnaissance officielle par la France de sa responsabilité dans l’accueil des Harkis et des conditions de vie difficiles auxquelles ils étaient confrontés. Le droit de réparation des Harkis est une mesure qui vise à réparer les difficultés subies du fait de l’accueil qu’ils ont reçu en France. Le terme familles algériennes désigne ici un ensemble des personnes vivant sous le même toit. Ces personnes désignent spécifiquement le père, la mère et les enfants qui vivaient et sont installées en Algérie. Ici, le but est de s’intéresser spécifiquement aux familles des Harkis. Le terme Harkis vient du mot arabe “harka”, qui signifie « mouvement ». Ce terme désigne principalement des Algériens de confession musulmane qui ont été recrutés comme auxiliaires dans l’armée française durant la guerre d’Algérie (1954-1962) pour lutter contre le FLN (Front libération nationale) qui est un parti politique algérien crée en 1954 et dont leur principal objectif est d’obtenir l’indépendance de l’Algérie. Midi-Pyrénées est une région du sud-ouest de la France. La région s’étendait sur plus de 45 000 km2 ce qui en fait la deuxième plus vaste région de France. La région regroupe huit départements : Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn et Tarn-et-Garonne. La guerre d’Algérie est aussi connue sous les appellations comme les événements d’Algérie ou révolution algérienne est un conflit armé qui se déroule de 1954 à 1962 en Algérie française. Cette guerre oppose principalement les FLN (Front libération nationale) face au OAS (organisation armée secrète), qui est une organisation clandestine française, créée en 1961 et leur objectif est de renverser le gouvernement pour assurer la présence française en Algérie. Au début de la période d’étude, la Région du Midi-Pyrénées, 45 348 km2, avec 8 départements, apparaît comme une région fort dans le domaine de l’agriculture, la région du Midi-Pyrénées bénéficie d’une économie agricole robuste avec des secteurs liés à l’élevage et la viticulture. Cependant, en 1962, les successions de faiblesses en Région Midi-Pyrénées dues aux arrivées massives des Harkis et de leur famille amputent la région Midi-Pyrénées.

Photographie, l’indépendance de l’Algérie, 5 juillet 1962, ina.fr

Lors de la seconde moitié du XXe siècle, La France fait face à un processus de décolonisation dans le Maghreb avec l’indépendance de la Tunisie le 20 mars 1956, et du Maroc le 7 avril 1956. Les accords d’Evian (18 mars 1962) signent la fin de la guerre d’Algérie et proclament l’indépendance de l’Algérie vis-à-vis de la France. Le 5 juillet 1962, les Algériens célèbrent leur indépendance et leur victoire. Dès lors, ces éléments de manifestations sont livrés à une chasse des Harkis sur le territoire algérien qui a eu lieu pendant la journée du 5 juillet 1962. À partir de juillet-août 1962, on assiste à un exode des Harkis, ils embarquent dans des bateaux de marchandises et dans les porte-avions. 

Comment la fin de la guerre d’Algérie provoque-t-elle une transformation importante dans la société française en Région Midi-Pyrénées ? 

Photographie, le débarquement des Harkis et leurs famille à Marseille, harkis.gouv.fr

Les procédures d’installations des Harkis en Midi-Pyrénées:

Le camp du Larzac:

Dès lors, les Harkis et leurs familles mettent ensemble le pied sur Marseille, Toulon, Sète et d’autres ports du sud de la France. En effet, le sud de la France était la région privilégiée par les Harkis et de leurs familles. Par ailleurs, le camp du Larzac, situé dans le département de l’Aveyron, a été créé pour accueillir les Harkis et leurs familles. Le camp du Larzac a ouvert ses portes au printemps 1959. Les raisons de la mise en place du camp Larzac étaient d’héberger les Harkis et leurs familles qui n’avaient pas d’autres endroits où vivre. De plus, le camp permettait de cacher les Harkis et leurs familles, qui étaient encore mal vu par les Français à cette époque. De plus, les violences provoquées par la guerre d’Algérie ont suscité la méfiance de l’opinion publique française, qui considérait les Harkis et leurs familles comme méfiants à l’égard de la collaboration avec le FLN. Mais le camp reste conçu pour apporter de l’aide et répondre aux besoins auprès des familles algériennes.

De plus, les conditions matérielles au camp du Larzac étaient mauvaises lors de son ouverture au printemps 1959. Par exemple, des membres des CRS (les compagnies républicaines de sécurité, créées en 1944, ils forment un corps spécialisé de la police nationale en France) ont forcé les Harkis et leurs familles à attendre pieds nus sous la pluie et la boue pendant des heures et ont enlevé de force leurs vêtements pour des examens médicaux. Mais il y eut aussi des manifestations contre le camp du Larzac, comme le 28 juin 1959 devant le camp du Larzac et devant le comté du Milo ; des manifestants non violents vinrent dénoncer le camp en disant que le camp était un camp de concentration en raison des conditions difficiles et des règles très strictes imposées aux familles algériennes. Les camps sont parfois confrontés à de véritables défis de survie, parfois ils n’ont pas pu nourrir des milliers de familles aveyronnaises pendant des hivers rigoureux.

Photographie, l’entrée du camp de Larzac, wikipedia.org

L’encadrement des Harkis dans le camp:

L’encadrement des Harkis dans un camp était très restreint. Par exemple, en moyenne, la capacité normale d’un camp comme le Larzac est d’environ 3 000 personnes. Pour aider les Harkis et leurs familles, des tentes ont été installées à l’extérieur du camp pour protéger les familles algériennes. L’armée française fournit l’hébergement et la nourriture. Mais encore, le ministère des Armées exige de choisir un encadrement de longue durée, de manière plus disciplinée, d’assurer la qualité de vie pour les familles, et de surveiller de près les Harkis. Cependant, les camps d’encadrements sont régis par un règlement intérieur qui se veut un véritable système disciplinaire et doit être respecté sous peine d’expulsion.

Par ailleurs, selon le témoignage d’un membre de la famille, outre la mauvaise alimentation et le mauvais logement, il y avait aussi des problèmes d’hygiène. Par exemple, à travers le reportage télévision France-Algérie, une affaire de famille, un membre de la famille Hafi déclare « On était comme des prisonniers. Il y’avait les douches publiques et les toilettes publiques, les douches publiques étaient une fois par semaine. » Cette déclaration nous donne une idée de la sévérité des autorités françaises envers les Harkis et leurs familles. La plupart des Harkis s’enferment et se cachent dans des camps car ils sont dévastés par ces humiliations. Ainsi, en août 1975, le président français Valéry Giscard d’Estaing annonce la fin de la politique des camps.

La campagnes, un nouveau lieu de refuge:

La campagne était un deuxième lieu de refuge pour les familles algériennes. En effet, les hameaux forestiers sont également considérés comme une continuation de la vie communautaire de l’Algérie. On a plusieurs petits villages forestiers se sont implanté en Midi-Pyrénées comme par exemple, Montourieux dans l’Ariège ; Brusque et Saint-Roman de Cernon dans l’Aveyron, Rome de Cernon, Juzet d’Izaut dans la Haute-Garonne, Mirand dans la Gers, et notamment dans le Tarn, Arfons, Puycelsi, Anglès et Vaour. La plupart des Harkis et leurs familles installées dans ces hameaux forestiers étaient issus du camp de Rivesaltes et parfois du camp du Larzac. Par exemple, on a 22 familles algériennes qui rejoignent le chantier de forestage de Vaour dans la semaine du 10 au 20 octobre 1964.

La particularité des villages forestiers est qu’ils sont également soumis à des régimes particuliers en matière d’encadrement. En effet, la tutelle sociale sur les familles était exercée par un chef de village et un instructeur de promotion sociale. Les premiers chefs de ces villages étaient des militaires dans le passé. C’est le représentant permanent de l’administration responsable, il assure la liaison avec les représentants des autorités locales. Le chef du village est considéré comme le successeur de Kayed de l’époque coloniale. Il comprend les Algériens, c’est-à-dire leur mentalité, leur culture, etc… Parfois, le chef du village parle l’arabe ce qui permet de faciliter la communication. 

L’impact économique de l’arrivée des Harkis en Midi-Pyrénées:

L’insertion dans le monde du travail:

Les Harkis sont confrontés à des difficultés au travail. Les candidats reclassés sont rarement réticents à accepter un emploi en dehors de leur lieu de résidence pour des raisons géographiques, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas s’éloigner de leur lieu de résidence car ils n’ont pas les moyens de se déplacer. En effet, l’arrivée des familles algériennes en Midi-Pyrénées entraîne une augmentation de la demande d’emploi, notamment dans les départements de la Haute-Garonne et de l’Hérault. Par exemple, on a 5 371 demandes d’emploi demandées de la part des Harkis pour 149 offres d’emploi dans le département Haute-Garonne en 1963. De plus, dans le département du Hérault, on a 2 163 demandes d’emploi demandées de la part des Harkis pour 287 offres d’emploi en 1963. Il est clair que l’arrivée des familles algériennes a également amené l’entreprise à augmenter les prix de vente des aliments et d’autres produits sur le marché afin de réaliser du profit à l’entreprise.

Nombre de population française en 1963 et 1968, persee.fr

Les difficultés des Harkis dans le milieu du travail:

Les Harkis ont rencontré quelques difficultés lors de leur entrée sur le marché du travail. D’une manière générale, il est difficile pour les Harkis d’accéder au marché du travail car la plupart sont analphabètes et ne possèdent pas les diplômes requis pour des bons emplois avec un bon salaire. La plupart des Harkis n’ont pas de diplôme qualifié comme le CAP. Par conséquent, les Harkis ont été contraints d’accepter de petits emplois comme creuseurs ou ouvriers. Les Harkis se sont tournés vers les petites entreprises pour trouver du travail, comme les épiceries, les cafés et les restaurants. De plus, les conditions de travail de nombreux Harkis sont très difficiles et les salaires sont bas. Un obstacle majeur est le manque de formation requise pour un travail spécifique. Les Harkis et leurs familles vivent souvent plusieurs mois dans des conditions médiocres ou très coûteuses. Par exemple, les Harkis expriment leur mécontentement face à ce qu’ils considèrent comme des mesures gouvernementales insuffisantes. Ils qualifient comme une administration qui est lente et contestent des salaires moyens estimés entre 350 et 400 francs par mois. 

Par exemple, la fédération nationale des anciens combattants d’Algérie, du Maroc et de Tunisie (FNACA) a été fondée le 21 septembre 1958. La FNACA est une organisation représentant les anciens combattants français impliqués dans les conflits en Algérie, au Maroc et en Tunisie, dont les Harkis. Cette organisation a plaidé pour une reconnaissance officielle du statut des Harkis, qui leur conférerait certains droits et avantages liés à une telle reconnaissance. La FNACA exige des améliorations des droits sociaux des Harkis, notamment en matière de protection sociale, de soins de santé et dans le monde du travail. 

L’intégration sociale entre les Harkis et la population française:

Les difficultés d’intégrations:

L’un des principaux obstacles à l’intégration des Harkis et leurs familles dans la société populaire française fut le racisme. Il existe un racisme répandu et fort contre les Algériens et les Maghrébins du côté des Français. En effet, la peur de l’inconnu ou d’être perçu comme différent peut conduire à des attitudes racistes, qui à leur tour peuvent être alimentées par les préjugés. Par exemple, le 14 décembre 1973, une bombe vient d’exploser dans le consulat algérien. Le bilan final fait état de 4 morts et 28 blessés. Cet attentat a été réalisé par un groupe se disant composé d’anciens Français d’Algérie, le « Club Charles Martel », susceptible d’avoir des liens avec des militants d’extrême droite et d’anciens militants de l’OAS. Les auteurs de cet attentat n’ont jamais été identifiés. L’attaque faisait suite à une vague de crimes racistes à Marseille au cours de l’été et de l’automne 1973, impliquant Gaston Defferre, alors ambassadeur d’Algérie en France. La police a été largement accusée par les familles algériennes d’être passive de cet attentat, et ne pas être impliquée dans ce type d’affaire. Cet exemple illustre la méfiance et le manque de considération à l’égard de l’arrivée et de l’installation des Harkis et de leurs familles en France. La plupart des Français sont opposés à l’installation des familles algériennes sur le sol français, comme à travers cet attentat, car ils ne les considèrent pas encore comme des Français mais des indigènes, autrement dit des étrangers qui ne partagent pas les mêmes valeurs ni la même mentalité, encore moins la même religion. Ces facteurs créent de la méfiance et de la confusion à l’égard des familles algériennes. 

Vidéo, L’Attentat contre le Consulat d’Algérie à Marseille, 14 Décembre 1973, Ina.fr

Une intégration possible:

Pourtant, l’intégration sociale entre les familles des Harkis et les Français était possible. Il existe des liens de réconciliation et des discussions amicales entre Français et Harkis, notamment sur le lieu de travail, à l’école qui permet de renforcer les liens d’amitié. Par exemple, Pascal Bouzbiba, président de l’association L’Eveil et fils d’un Harkis, a été aidé par M. Saboureau. Les Justes sont les individus qui ont apporté de l’aide humanitaire auprès des familles algériennes qui vivaient dans la pauvreté. À travers cet exemple avec M. Saboureau qui a apporté son aide à la famille algérienne Bouzbiba, la plupart des Français étaient impliqués pour aider les familles algériennes. On a également des affiches de journaux invitant les Français à aider les familles algériennes et à faire preuve de compassion, de solidarité envers eux. 

La plupart des Harkis parlent couramment le français. Par ailleurs, la religion ne constitue pas un obstacle à une réconciliation amicale entre les Harkis et les Français, car la plupart des Harkis n’avaient pas un réel attachement à la religion à cette époque. La religion n’avait pas beaucoup d’importance chez les Harkis qui souffraient encore des traumatismes de la guerre et des événements survenus. Les Harkis et leurs familles ont dû s’adapter à ce nouveau mode de vie et à cette nouvelle culture à laquelle ils n’avaient jamais été exposés auparavant.

Remise du titre des Justes de la République à M; Saboureau, Secours de France à gauche de l’image, et Pascal Bouzbiba à droite

CONCLUSION:

La région Midi-Pyrénées était mal préparée à un tel afflux. L’espoir d’un retour en Algérie a été effectivement abandonné par les Harkis et leurs familles. Désormais, ils parviennent à s’installer dans des camps de transition et de reclassement comme le camp du Larzac et les hameaux forestiers en région Midi-Pyrénées. Malgré les conditions difficiles, les Harkis et leur famille espèrent s’intégrer dans la société française par le travail, qui leur permet d’offrir une situation stable malgré les difficultés réelles de la vie quotidienne. Selon Pascale Bouzbiba, fils d’un Harkis, de nos jours, près de 5 000 et 6 000 Harkis se sont installés dans le département du Tarn. Les Harkis se sont intégrés au travail qui leur été proposé et aux démarches d’insertion professionnelle. Ainsi, on peut évoquer qu’une plaque commémorative a été placée à l’entrée du camp Escudiès. Comme tous les autres camps de Harkis implantés dans le sud de la France, en bordure du Massif Central, celui des Escudiés est un hameau forestier. Le hameau des Escudiès qui rassemblait une trentaine de familles, entre 20 et 50 familles d’Harkis.

Plaque commémorative de la cité ouvrière aux Escudiès à Arfons, chemindememoire.gouv.fr

Pour aller plus loin:

Interview fils d’un Harkis de Lavaur : file:///D:/Users/Lamhourek/Downloads/Interview%20fils%20d’un%20Harkis.pdf

II/ Ouvrage caractère de source:

  • Dictionnaire sur la guerre d’Algérie et les Harkis:

MOUMEN, Abderahmen, Entre histoire et mémoire : les rapatriés d’Algérie – Dictionnaire bibliographique, Gandini Jacques Eds, 2003, 130 p.

  • Témoignage des Harkis:

KERCHOUCHE, Dalila, Mon père, ce harki, Edition du Seuil, 2003, 252 p.

KERCHOUCHE, Dalila, Leïla. Avoir dix-sept ans dans un camp de harkis, Edition du Seuil, 2006, 168 p.

III/ Ouvrage généraux:

  • Histoire de la guerre d’Algérie et les Harkis:

DE ROCHEBRUNE, Renaud, STORA, Benjamin, La guerre d’Algérie vue par les Algériens (Tome 1-Le temps des armes. Des origines à la bataille d’Alger), Folio Histoire, 2016, 640 p.

HARBI Mohammed, STORA, Benjamin, La guerre d’Algérie, Hachette Littératures Pluriel, 2010, 1040 p.

SEVILLIA, Jean, Les vérités cachées de la Guerre d’Algérie, Fayard, 2018, 416 p.

IV- Ouvrage et article spécialisés:

  • L’arrivée des familles rapatriés algériens en France:

MOUMEN, Abderahmen, « De l’Algérie à la France. Les conditions de départ et d’accueil des rapatriés, pieds-noirs et harkis en 1962 »,  Matériaux pour l’histoire de notre temps; La France et la Méditerranée : ambition de puissance, perceptions, interactions, n°99, La contemporaine, 2011, pp. 60-68.

ZYTNICKI, Colette , « L’administration face à l’arrivée des rapatriés d’Algérie : l’exemple de la région Midi-Pyrénées », in CALMETTE, Joseph;  Annales du Midi : revue de la France méridionale, Éditions Privat, 1998, pp. 501-521, n°224.

SIMON, Jacques, L’immigration algérienne en France des origines à l’indépendance, Paris-Méditerranée, 2000, 412 p.

BLANCHARD, Emmanuel, Histoire De L’immigration Algérienne En France, La découverte, 2018, 128 p.

  • L’installation des Harkis en camp:

MARCY, Jean-Philippe, « Le camp du Larzac 1959-1962. Entre une politique répressive et le pouvoir du FLN », Vadenay,Saint-Maurice l’Ardoise, Thol, le Larzac l’internement en France pendant la guerre d’indépendance algérienne; Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°92, La Contemporaine, 2011, pp. 25-32

LEBOURG, Nicolas, MOUMEN, Abderahmen, Rivesaltes, le camp de la France de 1939 à nos jours, Trabucaire, 2015, 162 p.

  • L’intégration sociale entre Harkis et la population française:

MOUMEN, Abderahmen, Les Français musulmans en Vaucluse 1962-1991: Installation et difficultés d’intégration d’une communauté de rapatriés d’Algérie, Éditions L’Harmattan, 2003, 208 p.

PERVILLE, Guy, Les étudiants algériens de l’université française, 1880-1962, éditions du CNRS, 1984, 346 p.

  • Les conséquences de l’installation des Harkis en France:

BESNACI-LANCOU, Fatima, MANCERON, Gilles, Les Harkis dans la colonisation et ses suites, Editions de l’Atelier, 2008, 223 p.

BESNACI-LANCOU, Fatima, MOUMEN, Abderahmen, Les Harkis, Cavalier Bleu Eds, 2008, 126 p.

FABIANNO, Giulia, « Histoires de vie harkies, ou l’institutionnalisation d’une identité d’État », in BAZIN, Laurent, GIBB, Robert, SELIM, Monique, Identités nationales d’Etat, Journal des anthropologues, Hors-série,  2007, pp. 173-184

Toulouse pendant la Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale, aussi appelée “La Grande Guerre” de par son grand nombre de décès touchés par de grands nombres de pays, notamment en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, compte au total plus de 18 millions de personnes qui ont succombé à la tragédie de celle-ci. Plusieurs facteurs amènent le déclenchement de cette guerre. Par ailleurs, la cause principale est l’assassinat du prince d’Autriche, Ferdinand en juin 1914 à Sarajevo. Le monde est alors séparé en deux camps, la Triple-Entente, qui regroupe la France, le Royaume-Uni et la Russie, l’autre camp est la Triple-Alliance, qui elle regroupe l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. 

“Dans la guerre qui s’engage, la France […] sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l’ennemi l’union sacrée”, une phrase du président de la République Raymond Poincaré lors de la séance du 4 août 1914 à la Chambre des députés, en conséquence de celle-ci, la France s’engage dans un combat redoutable. Elle est l’un des champs de bataille, plus essentiellement dans le Nord-Est du pays, envahi par les troupes allemandes de 1914 à 1918. 

Par ailleurs, d’autres territoires français sont utilisés, mais pas forcément à des fins belliqueuses, comme la ville rose, Toulouse par exemple. Berceau de l’histoire et de la culture occitanes, elle a été profondément marquée par les bouleversements de la Première Guerre mondiale. Alors que les tranchées ensanglantent les champs de bataille en Europe, Toulouse, bien qu’elle soit loin du front, n’était pas à l’abri des répercussions de ce conflit mondial. La guerre a eu un impact significatif sur la vie quotidienne des Toulousains. En effet, la ville de Toulouse est utilisée pour plusieurs choses. On y voit se développer des usines pour l’armement dont la cartoucherie, l’arsenal et la poudrerie, un grand hôpital, l’utilisation de la gare Matabiau, mais également le début de la construction d’une usine d’aéronautique. Toulouse apporte en plus des soldats, c’est un nombre de 15 000 hommes qui sont partis au front. Ils apportent également de quoi s’équiper au combat. De plus, les femmes sont aussi de la partie ; on les nomme les “Ponsinnettes”, elles travaillent en testant des munitions, en étant standardistes et magasinières. On les retrouve notamment dans les usines pour la production de matériel de guerre.

  1. Toulouse, une ville mobilisée pour l’infanterie

Pendant la Première Guerre mondiale, Toulouse était une ville importante en France avec plus de 150 000 habitants. Beaucoup de jeunes hommes de la ville ont été envoyés se battre au front, et malheureusement, plus de 15 000 d’entre eux sont morts pour la France. La ville a joué un rôle crucial dans l’effort de guerre en fournissant des équipements militaires et des provisions aux forces françaises. Toulouse est devenue une ville hôpital, accueillant un grand nombre de blessés de guerre. Les hôpitaux de la ville étaient débordés, alors les écoles, les gymnases et même les cliniques vétérinaires ont été réquisitionnés pour soigner les blessés. Toulouse était un refuge idéal, car elle était loin du front, et elle avait un bon approvisionnement alimentaire grâce à ses campagnes environnantes. Malgré la guerre, la vie à Toulouse continuait avec des activités comme le théâtre et le cinéma. Les journaux locaux comme La Dépêche et Le Midi Libre gardaient la population informée et leur donnaient de l’espoir pendant cette période difficile.

  1. Le début de l’aéronautique

La ville de Toulouse, qui est la capitale mondiale de l’aéronautique, va connaître un essor important durant la Première Guerre mondiale. Toulouse va se démarquer grâce à ses productions aéronautiques, notamment les créations de Pierre Georges Latécoère et Émile Dewoitine, des entrepreneurs français. Premièrement, ils lancent une production d’obus, qui est un projectile d’artillerie, puis la construction d’avions militaires et de chasse, en installant d’ailleurs son usine et son terrain d’aviation à Montaudran en 1916. Des productions de 1000 avions militaires, notamment des Salmson 2 aux commandes de l’État sont faites afin d’aider la France lors de la guerre.

Salmson 2 — Wikipédia
Photo de l’avion Salmson 2, prise sur Wikipédia.

Ces productions aéronautiques vont permettre plusieurs implications positives sur la ville de Toulouse et la France durant la Première Guerre mondiale. Premièrement on retrouve le renfort militaire crucial pour l’armée française qui auront des rôles importants pour les missions telles que les bombardements ou la reconnaissance. Enfin on retrouve l’évolution de l’économie locale et commerciale suite à la création de nombreux emplois pour hommes et femmes et donc des revenus. La ville de Toulouse va se développer davantage avec les investissements et les nouvelles industries, ainsi qu’une nouvelle technologie prometteuse.

  1. Les conséquences sur le plan économique, social et industriel pour la Ville rose.

Les conséquences économiques : 

  • Destruction et Reconstruction : Toulouse a subi des dommages matériels dus aux conflits, bien que la ville elle-même n’ait pas été au cœur des combats. La nécessité de reconstruire a stimulé l’activité économique dans la période d’après-guerre.
  • Bouleversements Industriels : L’effort de guerre a entraîné une mobilisation importante de l’industrie locale pour la production de matériel militaire. Après la guerre, ces industries ont dû s’ajuster à la conversion vers des productions civiles, ce qui a parfois créé des difficultés économiques.
  • Changements dans l’agriculture : Le secteur agricole a également été touché par la guerre, avec des perturbations des activités agricoles normales en raison de la mobilisation des travailleurs et des réquisitions de ressources.
  • Inflation et Crises Économiques : Les conséquences économiques de la guerre, combinées à des coûts élevés et à des perturbations des marchés internationaux, ont contribué à l’inflation et à des périodes de crises économiques dans l’après-guerre.

Les conséquences sociales : 

  • Pertes Humaines : Comme dans de nombreuses autres régions, Toulouse a subi des pertes humaines importantes, avec la perte de nombreux jeunes hommes sur le front. Cela a eu un impact profond sur les familles et la société dans son ensemble.
  • Traumatisme Psychologique : Les survivants de la guerre, ainsi que la population générale, ont souvent été marqués par des traumatismes psychologiques liés aux horreurs vécues pendant le conflit. Le stress post-traumatique était largement méconnu à l’époque, mais ses effets ont eu des répercussions durables.
  • Évolution des rôles de genre : La participation accrue des femmes à la vie économique et sociale pendant la guerre a eu des implications durables sur les rôles de genre. Les femmes ont pris en charge des emplois et des responsabilités qui étaient traditionnellement réservés aux hommes.
  • Réajustement social : Le retour des soldats à Toulouse a nécessité un processus d’adaptation sociale, avec des défis tels que la réintégration professionnelle, le traitement des traumatismes et la réadaptation à la vie civile.

Pour conclure, pendant la Première Guerre mondiale, Toulouse a joué un rôle essentiel en fournissant un soutien crucial à l’effort de guerre. Malgré les défis et les pertes importantes, la ville a maintenu une vie active avec des activités culturelles et un réseau d’information actif. De plus, l’essor de l’aéronautique a marqué le début d’une nouvelle ère pour la ville, avec des innovations technologiques et des opportunités économiques. Cependant, la guerre a également laissé des séquelles importantes sur le plan économique, social et industriel, nécessitant des efforts de reconstruction et d’adaptation. La participation de Toulouse à la guerre a laissé une empreinte durable sur la ville et ses habitants, marquant une période de transition et de changement significatifs.

Bibliograhie :

Archives :

Reportages :

  • 1914-1918 : L’envol de l’industrie aéronautique toulousaine :

https://www.academie-sciences-lettres-toulouse.fr/?p=1864&embed=true#?secret=769Dt5omkq#?secret=3vDwZEIjdN

Articles :

  • BERNARD Marion, “En Image : Toulouse durant la Première Guerre mondiale”, L’Opinion, 12 novembre 2023. 
  • BOUSQUET Gil, “La Grande Guerre a signé l’acte de naissance de l’aéronautique à Toulouse”, La Dépêche, 20 août 2014.
  • JACQUIN Gala, “Comment Toulouse s’est-elle démarquée pendant et après la Première Guerre mondiale”, L’Opinion, 11 novembre 2021.Marais Quentin, “Armistice de 1914-1918 : quel rôle a joué Toulouse durant la Première Guerre mondiale ?”, ActuToulouse, 11 novembre 2022.
  • MARTIN Marie, “1918 : quand Toulouse pleure ses morts”, FranceInfo, 25 octobre 2018
  • PALLAS Pascal, “Centenaire de l’armistice 14-18 : comment Toulouse a vécu les dures années de la Grande Guerre”, ActuToulouse, 11 novembre 2018.
  • https://usbeketrica.com/fr/article/une-breve-histoire-de-l-innovation-toulousaine

Ouvrages :

  • CAZALS Rémy. « La Fin Du Cauchemar 11 Novembre 1918. »,Toulouse, Privat, 2018, 216 pages.
  • DEVAUX, Olivier (dir.), GARNIER, Florent (dir.). “Ceux de la Faculté : Des juristes toulousains dans la Grande Guerre”, Toulouse : Presses de l’Université Toulouse Capitole, 2017, 572 pages.
  • GARNIER Florent. « Sur le front du droit : Juristes en guerre et guerre des juristes. » Toulouse, Presses de l’Université Toulouse Capitole, 2019, 140 pages.
  • LALYMAN Joseph. « Toulouse pendant la guerre, 1914-1915. », Paris, Hachette BNF, 1 mars 2018, 130 pages.
  • LEROY Elérika. « Toulouse, Mémoire De Rues Guide Historique De La Résistance À Toulouse À Travers Les Plaques De Rue Et Les Stèles Commémoratives Du Centre-ville. » Toulouse, Mairie De Toulouse, 2006, 95 pages. 
  • OLIVIER Jean-Marc,  ZULIANI Jean-Marc. « Cent ans d’histoire de l’aéronautique à Toulouse (1917-2019). », Toulouse, Privat, pp. 713-745
  • SCHOR Ralph. « La France dans la Première Guerre mondiale. » Paris, Armand Colin, 2005, 128 pages.
  • ZAMOYSKA Hélène. « Un écrivain russe à Toulouse, au début de la guerre 1914-1918. » In : Littératures 14, septembre 1967, pp. 87-95 

Travaux académiques :

  • ALONZO Anne, “Les conséquences économiques et sociales de la Première Guerre mondiale à Toulouse (1912-1922)”, thèse, soutenance en 2009.
  • BOUYOUX Pierre, Godechot Jacques, “L’opinion Publique À Toulouse Pendant La Première Guerre mondiale (1914-1918)”, 1970.
  • DONATI Georges,  Grimal Michel, Puel Pierre. “Médecine Et Chirurgie Pendant La Première Guerre mondiale”, 1993.
  • MAILLET Patrick, Trempé Rolande , “La Crise Économique Et Sociale À Toulouse Pendant La Première Guerre Mondiale Et À L’armistice”, 1972.

LA CAPSULE TEMPORELLE

AVRIL 2024
Comité de rédaction – Yvon GAY, Doriëlle FONSECA-FUMOUX, Maël BOUDON, Raphaël MEILLAC, Théo VADET

ÉDITO :

Le Tarn est connu pour sa grande figure de Jean Jaurès, mais on pourrait se demander si c’est Jaurès qui doit définir le Tarn ou bien le Tarn qui définit Jaurès. On pourrait en d’autres termes montrer que Jaurès est le paroxysme d’un territoire labouré par le socialisme sur un demi-siècle. Le socialisme est une idéologie marxiste polysémique qui, à l’époque dans le département, a su se structurer au terrain qu’il a habité et aux changements qu’il a traversé. Des changements qu’encore aujourd’hui nous pouvons constater dans les villes de Carmaux, Mazamet, Graulhet où l’industrie remplace les manufactures. Dès la fin de l’Empire et le début de la IIIe République en 1871, le Tarn devient l’exemple type de la société moderne qui définira le XXe siècle suivant. Des bouleversements sociaux, politiques, culturels et surtout économiques vont faire basculer le Tarn comme toute la France dans un siècle de grandes guerres et idéologies. Le Tarn sera le lieu de nombreux processus qui permettront l’avènement du socialisme et que le socialisme alimentera dans son projet de transformation. Tel est notre volonté avec cette revue, nous voulions chercher à faire revivre des dynamiques et des évènements qui ne sont jamais morts. Mais qui ont été obscurcies et déformées par les bouleversements du XXe siècle mettant fin à cette période de croissance du socialisme dans le Tarn. La mort de Jaurès et la fin du processus de transformation du socialisme en 1921, marquent cette fin et cachent cette période qui est pourtant l’un des moments où le Tarn fut en pointe des dynamiques d’un siècle. Nous allons ainsi vous présenter des articles symboliques vous permettant de vous immerger dans cette époque par les passerelles que nous offre la contemporanéité. Dans notre démarche comme dans nos articles, nous voulons vous offrir des capsules temporelles revisitant cette époque.

Y.G.

SOMMAIRE

I. Le Tarn, entre continuité et rupture ?

Le Tarn, un moteur du syndicalisme

Tribune

L’émergence des syndicats et de la SFIO dans le Tarn

II. Le Tarn, sujet ou acteur des grandes transformations nationales

Le Tarn aux couleurs de la République

Les notables socialiste, une antithèse ?

Jaurès est mort ! Vive Jaurès !

La Fête du Travail à Carmaux : Un Appel à l’Unité et à la Solidarité Ouvrière

III. Le Tarn : une histoire du socialisme et de la République

Débat d’idée : Est-ce que le Tarn est socialiste ?

Analyse électorale :  1871-1919, l’âge rouge du socialisme dans le Tarn ?

Histoire d’une revue

I. Le Tarn, entre continuité et rupture ?

Les villes industrielles : le poumon rouge du syndicalisme et du socialisme.

La grève au Creusot, Jules Adler, 1899, Beaux-Arts de Pau.

Le Tarn, un moteur du syndicalisme

Avec près de 14000 personnes lors des récentes manifestations contre la réforme des retraites, à Albi. Mais aussi plus largement le département entier du Tarn, a encore montré une fois de plus que ce territoire reste l’un des bastions des idées socialistes avec des villes aux histoires industrielles telles que Carmaux, Mazamet et Graulhet. La Terre de Jean Jaurès est riche d’une forte histoire industrielle et de luttes ouvrières.

Fermé il y a tout juste 30 ans, les mines de Carmaux sont une histoire remontant au milieu du XVIIIe siècle avec l’autorisation de l’exploitation du charbon et de la houille par Louis XV. Cependant cette exploitation de la houille ne va vraiment connaître une ampleur grandissante qu’avec l’industrialisation du XIXe siècle et sa mécanisation galopante, on passe ainsi de 270 mineurs en 1822 à près de 2000 en 1880.

Cependant, ce qui va très vite différencier les mines carmausines des autres est son activité et ses revendications syndicales. En effet, le premier syndicat ouvrier voit le jour en 1883, soit 1 an avant la loi autorisant la création du syndicat ouvrier en France (Loi Waldeck-Rousseau de 1884). Néanmoins, ce qui a vraiment propulsé les mines de Carmaux sur la scène nationale arriva en 1892 avec ce que l’on appelle « La Grève de Carmaux ». Débutant avec le licenciement de l’employé Calvignac qui se trouvait aussi être maire de Carmaux au motif que sa profession de mineur et sa position de maire étaient incompatibles. La grève prit rapidement de l’ampleur avec l’envoi de l’armée par le président du conseil de l’époque, Émile Loubet, transformant la grève en un enjeu national. Très vite, de grandes personnalités politiques de l’époque se rangeront aux côtés des grévistes. On peut ainsi citer Clemenceau, futur président du conseil durant la Grande Guerre, ainsi que le plus important et le plus célèbre qui reste Jean Jaurès et qui prendra parti des grévistes dans La Dépêche du Midi. Ces derniers devinrent ainsi ses plus ardents et fidèles partisans tout au long de sa carrière politique, ce qui lui permit de devenir député de Carmaux en 1893.

Photographie d’un des puits de la mine de Carmaux, site de la municipalité de Carmaux.

Vient ensuite la célébrissime ville de Mazamet, dont son histoire et sa longue tradition du travail de la laine en a fait la capitale mondiale du délainage au cours du XIXe et XXe siècle. L’histoire de cette industrie florissante débute durant la révolution industrielle au XVIIIe siècle avec une industrialisation s’accélérant au fils des décennies, on dénombre ainsi officiellement, sans compter les femmes et les enfant travaillant eux-aussi dans les usines, près de 5000 ouvriers en 1786 travaillant dans l’industrie lainière. Cependant, cette industrie, bien qu’importante à une échelle régionale, ne prit vraiment une ampleur qu’en l’année 1851 avec l’importation de peau de mouton argentin qui permit d’ouvrir une nouvelle une nouvelle activité qui permit de propulser Mazamet sur la scène internationale en lui donnant le monopole de cette activité jusque dans les années 70. Naturellement, ce développement d’activité industrielle entraîna un développement de la classe ouvrière, on compte ainsi environ 6000 en 1900. Un autre mouvement ayant marqué la classe ouvrière mazamétaine fut “La Grève”, une grève ouvrière de grande ampleur s’étant déroulée de janvier à mai 1909 et ayant mobilisé la quasi-totalité des ouvriers du délainage du bassin de Mazamet.

Photographie de l’intérieur de la gare de marchandise de Mazamet remplie d’expédition de laine, site de la municipalité de Mazamet.

Enfin, le dernier grand lieu d’industrialisation dans le Tarn fut la ville de Graulhet, autre grand centre économique et socialiste du Tarn. De la même manière que les deux autres villes précédentes, l’épopée de Graulhet dans le cuir commença avant le XIXe siècle et prit de l’importance avec la mécanisation de l’activité. Du fait de sa proximité avec Mazamet, l’activité du travail du cuir profita d’un afflux massif de peau de mouton, rejet du délainage. La ville comptait à la fin du XIXe près de 150 usines en rapport avec l’activité du cuir. De plus, avec Carmaux, la ville de Graulhet se retrouve fortement touchée par les idées socialiste, on peut le voir avec la création d’un syndicat ouvrier, illégale au moment de sa création vu que précédant de près de 4 ans l’autorisation des syndicats en France. Ainsi, en 1900, près de la quasi-totalité des effectifs ouvriers était syndiqués. Ce fort mouvement syndicale n’hésita pas à se faire remarquer de par les nombreuses grèves qu’ils organisèrent entre 1880 et 1910.

Photographie de l’intérieur de l’usine Chabbal à Graulhet, blog mémoire de Graulhet.

Ainsi, même si la majorité de ces industries ont fermé dans le Tarn, leurs héritages persistent encore à ce jour, qu’il soit culturel avec des lieux tels que des musées ou politique avec l’enracinement profond de la gauche dans le département.

M.B.


TRIBUNE :

De 1892-1895, Carmaux fut traversé par des grèves historiques et difficiles pour les ouvriers de la verrerie, pour défendre leur droit politique et leur droit à l’autodétermination. Que ce soit pour défendre leur représentation politique et leur droit à faire de la politique que de diriger eux-mêmes leur entreprise. Ils lutteront pour défendre leur maire et frère ouvrier Calvignac licencié pour son engagement politique et lanceront ainsi l’un des plus grands mouvements syndicaux. Il y a 130 ans Carmaux faisait son second 1er mai en grève…

1 er mai 1891, à Fourmies nos frères travailleurs tombaient comme des mouches face à la tyrannie bourgeoise usant de son pouvoir pour faire oublier dans la mort et le sang cette force de travail auquel, il est toujours refusé les droits à la sûreté du travail, au bien-être, au mérite sur le capital de la richesse formé. Cette richesse qui doit tout à ces corps tomber dans la poussière qu’ils côtoient tous les jours et qui est la seule force de ces travailleurs pour exister et gagner le droit d’exister pleinement. Nous n’oublierons pas ces hommes ! Nous commémorons chaque 1er mai, leur sacrifice pour fonder une société débarrassée du capitalisme vorace et cannibale des bourgeois. Nous n’oublierons pas ce combat, ni cette victoire, celle des syndicats à s’organiser et se former en corps ouvrier uni pour exister dans cette société où nous ne valons pas plus que la machine que nous sommes les seuls à faire marcher. Nous sommes essentiels à la fabrication et à l’extraction du verre, du charbon, de la laine, du cuire… et le Tarn est le lieu de toutes les luttes depuis déjà 2 ans.

Le Tarn est scruté par le monde ouvrier et les bourgeois nous voient nous battre depuis 2 ans, faire preuve de tous les courages et de toute la fraternité que notre classe sait user contre la tyrannie. La lutte continue jusqu’au moment où notre droit à être maître de notre production sera reconnu. Carmaux lutte en tant que classe unie pour son droit à récupérer la verrerie comme le lieu de ses droits et de son travail. Carmaux est comme ailleurs le lieu où l’industrie et l’ouvrier se combattent alors que l’outil doit obéir à l’ouvrier. Récupérons notre contrôle sur la machine et prenons ce qui nous revient. Carmaux a le courage d’une classe, Carmaux a la capacité de renverser la vapeur et de reprendre la verrerie. Cela nous sera permis par la capacité de la force ouvrière à être une classe, un corps, une force de tous les changements. Le capital doit changer de camp, non plus être nos chaînes mais notre propriété à tous. Tous devons partager le fruit de nos efforts qui doivent nous revenir et être partagés. La fin du règne de certains et le début du gouvernement de tous, la dictature du prolétariat arrive. La lutte continue et le monde nous regarde, notre combat en inspire plus d’un pour nous suivre. Nous façonnerons par nos corps et notre force une Société et des sociétés où les ouvriers retrouveront leurs droits sur le capital qu’ils forment. La lutte continue pour reprendre le pouvoir aux voleurs et charognards qui nous enlèvent tout ce qui nous revient. La lutte continue car… 

C’est la lutte finale ! 
Groupons-nous, et demain, 
L’Internationale, 
Sera le genre humain… 

Y.G.


L’émergence des syndicats et de la SFIO dans le Tarn

L’émergence des syndicats et de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) dans le Tarn constitue un tournant décisif dans l’histoire sociale et politique de cette région. Au cœur de la Révolution industrielle, les travailleurs tarnais se sont organisés pour faire face aux conditions de travail difficiles, tandis que les premières branches socialistes ont été le fer de lance d’une lutte pour la justice sociale. Retour sur les prémices d’un mouvement qui a marqué durablement le paysage tarnais.

Alors que le Tarn se transformait sous l’effet des progrès technologiques et de l’essor des industries minières et textiles, un mouvement silencieux mais puissant prenait forme : celui des travailleurs se dressant contre les injustices de leurs conditions de travail. C’est dans ce contexte que naquirent les premiers syndicats. Parallèlement, les premières lueurs du socialisme se faisaient sentir dans les coins les plus reculés du département, annonçant l’avènement d’une force politique nouvelle : la SFIO. 

Naissance des syndicats dans le Tarn : une réponse aux conditions de travail difficiles

Les premiers syndicats dans le Tarn ont pris racine dans les industries minières et textiles, où les travailleurs étaient confrontés à des conditions particulièrement difficiles. Ils ont commencé par revendiquer des demandes élémentaires telles que des salaires décents, des heures de travail raisonnables et des conditions de travail sûres. Les premières formes d’organisation étaient souvent informelles, mais avec le temps, ces syndicats ont acquis une structure plus formelle et ont commencé à jouer un rôle central dans la vie sociale et politique du département. Les premiers syndicats à Carmaux, fondés en 1881, et à Graulhet, établis en 1880, sont des exemples de cette montée de l’organisation ouvrière dans la région. Par ailleurs, les grèves et les manifestations sont devenues des outils de lutte essentiels pour les syndicats, qui ont cherché à faire pression sur les employeurs et les autorités locales en faveur de leurs revendications. Malgré la répression patronale et les obstacles juridiques, le mouvement syndical dans le Tarn a continué de croître, porté par la détermination des travailleurs à défendre leurs droits et leur dignité.

Les débuts de la SFIO dans le Tarn : un bouclier du socialisme

Parallèlement à l’émergence des syndicats, le Tarn a également été le terreau fertile pour le développement de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO), prédécesseur du Parti Socialiste est instaurée en 1905 lors du Congrès de Globe (congrès de fondation de la Section Française de l’Internationale Ouvrière et premier congrès socialiste) par les socialistes Jean Jaurès, Jules Guesde et Albert Willm. Inspirée par les idéaux socialistes et l’aspiration à une société plus juste et égalitaire, la SFIO a rapidement trouvé un écho favorable parmi les travailleurs tarnais.

« Les trois flèches »


Logo du parti politique socialiste français : Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) créé en 1934.

NARRITSENS André, Logo SFIO, Aux origines des « trois flèches », PCF Aubervilliers (2011)

Les premières branches de la SFIO ont été créées dans le Tarn au tournant du XXe siècle, attirant des militants dévoués et des intellectuels engagés, et reflétant les divers courants de la gauche française à l’époque. On peut alors citer les courants réformistes ainsi que révolutionnaires, chacun guidé par une même ambition : représenter les intérêts de la classe ouvrière de France. 

Lors de ses premières élections en 1906, plusieurs membres éminents du parti ont été élus. Parmi eux figuraient des personnalités telles que Jean Jaurès, Jules Guesde, Aristide Briand et Édouard Vaillant. Leur leadership intellectuel et idéologique a tracé la voie du socialisme moderne, unifiant diverses tendances idéologiques au sein de la SFIO. En tant qu’élus, ils ont apporté une voix politique officielle au parti, plaidant pour les droits des travailleurs et la justice sociale dans les arcanes du pouvoir. Leur capacité à mobiliser les masses laborieuses et à négocier avec d’autres forces politiques a été cruciale dans la consolidation du mouvement socialiste en France. Ainsi, les pionniers de la SFIO ont laissé un héritage indélébile, façonnant non seulement le parti, mais aussi le paysage politique français, et jetant les bases du socialisme moderne.

Aujourd’hui, alors que les récits des luttes passées résonnent encore dans les rues et les places publiques du Tarn, il est clair que l’émergence des syndicats et de la SFIO a laissé un héritage indélébile dans l’histoire sociale et politique de la région. Ainsi, ces mouvements pionniers ont jeté les fondations d’une conscience ouvrière et sociale qui continue à inspirer les luttes pour la justice et l’égalité. Leurs efforts ont tracé la voie pour les avancées sociales et les droits des travailleurs que nous connaissons aujourd’hui, rappelant que le changement durable est le fruit d’une lutte collective.

D.F.

II. Le Tarn, sujet ou acteur des grandes transformations nationales

Jean Jaurès entre figure locale et nationale.

Hommage à Jean Jaurès – Histoire – 1914-1918 – Assemblée nationale, site de l’Assemblée nationale.

Le Tarn aux couleurs de la République

Le Tarn est un territoire encore essentiellement rural à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, imprégné de l’Église catholique et d’une éducation religieuse courte ce qui n’est pas propice au développement des idées socialistes. Mais ils ont eu la chance qu’une fois la République imposée dans les années 1880, les lois Ferrys pour une école laïque, gratuite et obligatoire, ainsi que la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905 ont permis l’ouverture au socialisme et sa possibilité de devenir la nouvelle école de pensée.

Votée il y a un peu plus de 5 ans, la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État est un véritable bouleversement et une grande victoire pour la gauche française ! Bien que conçu à Paris, ce monument juridique trouve une partie de son origine dans notre beau département Tarnais. 

En effet, l’un des artisans de cette victoire n’est autre que Émile Combes, homme politique majeur du paysage républicain français et originaire de Roquecourbe dans le Tarn. L’un des points de cette loi est l’interdiction des écoles religieuses au profit d’écoles laïques et républicaines. Albi ne fut heureusement pas épargné par cela, comme nous avons pu le constater avec la fermeture de l’établissement scolaire religieuse du Bon Sauveur. Cette loi, couplée aux lois Ferry permit de déloger l’influence cléricale des plus jeunes générations tarnaise tout en leur inculquant les valeurs républicaines. En concert avec cette loi, la République s’est engagée à enrichir chaques villes et villages de France d’établissements scolaires modernes, qu’ils soit existant ou construit pour l’occasion. On peut le constater à Albi avec l’agrandissement du collège de Bitche pour en faire l’École Primaire Supérieure de Garçons. 

Ainsi, cette loi est l’aboutissement d’un effort national à laquelle la Gauche tarnaise n’a pas été sans contribution.

M.B.


Les notables socialiste, une antithèse ? 

Existe-t-il des notables socialistes au début du XXe siècle ? Si la question ne se pose plus aujourd’hui, elle est pertinente quand on étudie la genèse de l’un des partis historiques français. Au début les idées socialistes sont portés par des partis locaux issues des syndicats, avec un aspect essentiellement groupusculaire. S’appuyant sur les masses populaires et ouvrières subissant le système capitaliste tel que décrit par Marx, ils se formèrent en force sociale et politique. Le but était de former une organisation structurée pouvant renverser le système ou du moins lui tenir tête. La fonction tribunitienne qui caractérise le courant socialiste est ainsi apparu. Selon Aude Chamouard, docteur en histoire, le parti socialiste est à la base un parti de masse. En effet, le parti compte 40% d’ouvriers dans ses élus en 1920, ce qui est énorme par rapport aux autres partis français. Il est recherché la formation et l’organisation des masses en interne en y faisant évolué des membres éduqués ou non pour en faire des élus, des cadres et des dirigeants. Naturellement ceux les plus éduqués ayant le plus de compétence et d’éloquence pouvaient plus facilement se hisser en haut de l’organigramme. Mais avec la diminution de l’influence de l’Église et de son éducation les cadres formés par la république pouvaient mieux saisir et adhérer aux thèses socialistes. En plus de quoi les idées socialistes devinrent la nouvelle pensée dominante et structurante des masses éduquées par la République et socialisées au sein du mouvement ouvrier. De ce fait, les élus socialistes de Haute Garonne sont déjà qualifiés par les journaux de « notable toulousain ». En effet, même si la base est fortement ouvrière, les élus sont déjà des notables. De par le fait que le mouvement est très vite formé et formaté par des élites économiques et culturelles s’appuyant sur le système sociale et politique pour encrer territorialement leur influence.

Mais cette problématique semble être inhérente à l’exercice même de la politique. Les socialistes qui sont issus du mouvement ouvrier n’ont ni le temps,  ni l’aisance matérielle, ni l’ascendance pour être qualifiée de notable selon la définition de Weber. Mais la république est construite par des notables, pour des notables. Le réseau politique est indispensable pour évoluer dedans. De plus, les hommes politiques de cette période ne font pas exception à la règle, ils sont pour la plupart des professionnels de la politique. Or, les ouvriers  n’ont pas le temps ni l’énergie pour prétendre à des postes d’élus. Les socialistes vont donc être obligés de devenir des notables pour évoluer au sein de la république. Effectivement, les ouvriers ne sont représentés qu’à 20% dans les élus du parti en 1930. Georges Barthélemy, maire de Puteaux, définit parfaitement la réalité du parti : « Depuis Thivrier, premier maire socialiste de France, cinquante ans de pratique nous ont appris notre histoire et nous ont appris notre métier ».

On peut donc dire que si le parti s’est progressivement détaché de sa base ouvrière, c’est tout simplement qu’il a suivi le cursus classique de la république. Mais qu’en évoluant contre cette « République bourgeoise » à laquelle ils ont dû se plier pour la changer, ils ont aussi dû s’organiser en interne comme elle, et ainsi devenir les notables qu’ils combattaient.

R.M.


Jaurès est mort ! Vive Jaurès !

Le processus par lequel le socialisme a acquis une élite a trouver son paroxysme avec Jean Jaurès au début du XXe siècle dans le Tarn. Ce professeur de philosophie, républicain modéré, suite à la grève de Carmaux en 1892 se convertit aux idées socialistes et devient le meneur dans le Tarn et dans le pays de la lutte des classes. De ces combats locaux aux grandes causes nationales, il devient le meneur de la SFIO mais fut tuer en 1914 pour son combat contre la Guerre.

Ils ont tué Jaurès ! C’est avec ce cri de stupeur que la France socialiste se réveille le samedi premier août. L’assassin, de son nom Raoul Villain, l’a froidement abattu à la sortie du café du croissant de Montmartre. À cause d’une tension toujours plus forte entre l’Allemagne et la République française, Jaurès s’était positionné à la tête d’un mouvement pour la paix. Ce tragique événement nous amène à retracer la vie du grand homme, de figure du mouvement ouvrier à militant pour la paix.


Jaurès est né le 3 septembre 1859 à Castres. Après une jeunesse heureuse dans la ferme familiale, il effectue un parcours scolaire brillant et devient professeur au lycée d’Albi. Il est élu une première fois sous le blason républicain mais il sera battu par un monarchiste aux élections suivantes. Il est contraint de retourner enseigner à la faculté de Toulouse. Il découvre à ce moment l’idéologie socialiste et il se convertit assez lentement. La grève de Carmaux, dans laquelle il  s’investit corps et âme, le transforme en socialiste convaincu. Il est élu sous cette bannière en 1893. Il ne quittera plus jamais l’hémicycle jusqu’à la journée tragique d’hier.

Jean Jaurès

Appel à l’union des prolétaires à Lyon, 1913

ROGER Violet, Jean Jaurès, le 25 mai 1913, phootgraphie, L’Humanité (07 Juillet 2022)

Dès lors, Jaurès sera de toutes les grandes luttes progressiste de notre temps. Il va défendre les verriers d’Albi, s’opposer à l’impérialisme en Asie et en Afrique, défendre Dreyfus qui est accusé de trahison par les forces réactionnaires. Orateur brillant mais homme simple, il était le héraut du mouvement ouvrier. Depuis 10 ans, il lançait l’alerte sur la menace d’un conflit généralisé entre grandes puissances européennes. Les réactionnaires et les va-t-en guerre l’auront finalement tuée hier, ce qui ouvre une sombre période pour notre pays et pour l’Europe entière. Notre rédaction présente ses plus sincères condoléances et amitié à sa famille.

L’homme est mort mais ses idées doivent perdurer ! Vive l’internationale ouvrière et vive la république !

R.M.


La Fête du Travail à Carmaux : Un Appel à l’Unité et à la Solidarité Ouvrière

Le 1er mai 1920 à Carmaux, la Fête du Travail prend une importance particulière, soulignée par un appel à l’unité et à la solidarité ouvrière. Au milieu des festivités, cette journée rappelle l’importance de rester unis pour défendre les droits des travailleurs et poursuivre la lutte pour de meilleures conditions de travail. De cette manière, Carmaux réaffirme son engagement de justice sociale et de solidarité qui ont toujours caractérisé son histoire. Et il le fait malgré la perte de son chef local et national, Jean Jaurès peu avant la guerre qui a laissé la France emprunt de sang et de chauvinisme. Faisant de la lutte pour les droits des ouvriers un combat secondaire, le Tarn qui est lui emprunt du sang rouge et de l’héritage idéologique de Jaurès a continué le combat et l’implantation des idées socialistes.

Un appel au rassemblement

Affiche de promotion pour l’événement de la fête du 01 Mai 1920 à Carmaux. 

Affiche politique, “Fête du 1er Mai 1920”,  Archives départementales du Tarn, Albi

Carmaux, le 1er mai 1920 – Aujourd’hui, la ville de Carmaux s’est parée des couleurs du mouvement ouvrier pour célébrer la Fête du Travail, une journée dédiée à la reconnaissance des contributions des travailleurs et à la solidarité ouvrière. Dans un contexte marqué par les récents bouleversements politiques et sociaux, cette année l’appel à la fête souligne une importance particulière, mettant l’accent sur l’unité et la résilience de la classe ouvrière face aux défis du monde moderne.

« Vive le 1er Mai ! » 

Les rues de Carmaux résonnent aujourd’hui des chants et des cris de joie des travailleurs, venus nombreux pour célébrer la Fête du Travail. Dans une ambiance empreinte de solidarité et de détermination, cette journée symbolise bien plus qu’une simple commémoration ; elle incarne l’esprit déterminé de la classe ouvrière, à défendre ses droits et à poursuivre la lutte pour un avenir meilleur.

Les festivités débutent dès l’aube, alors que les travailleurs se rassemblent autour des symboles de leur mouvement, brandissant fièrement leurs bannières et leurs slogans revendicatifs. 

Aux Travailleurs de Carmaux & de la Région

Les discours enflammés des leaders syndicaux résonnent dans les rues, rappelant les luttes passées et appelant à l’unité dans la poursuite de leurs revendications. Au-delà des revendications politiques, à savoir les luttes visant à améliorer les conditions de travail et les droits des travailleurs – réduction des heures de travail, augmentation des salaires, amélioration des conditions de travail et reconnaissance des droits syndicaux, la journée est également marquée par des moments de convivialité et de partage, renforçant les liens de solidarité au sein de la communauté ouvrière à travers l’organisation de fanfare, déjeuner et meeting.

« Vive la vraie République du peuple ! » 

Ces mots écrits en gras, sur un fond rouge, dénotent d’une force de caractère impressionnante. Ils résonnent comme un appel à une république où les travailleurs sont mieux représentés et où la justice sociale est au cœur des politiques gouvernementales. Les ouvriers de Carmaux ont affirmé leur engagement à poursuivre la lutte pour des conditions de travail dignes et une répartition équitable des richesses. 

Dans cette « République du peuple » idéale, les travailleurs ne sont pas de simples pions, mais des citoyens à part entière, où ces derniers sont mieux représentés et où les principes de justice sociale sont au cœur de chaque politique gouvernementale, leur permettant de jouir de droits et de protections garanties par l’État. La Fête du Travail à Carmaux a été l’occasion de réaffirmer cette vision d’une société plus juste et égalitaire, où chaque individu a la possibilité de prospérer et de contribuer au bien-être commun.

« Vive l’Internationale ouvrière ! » 

Carmaux devient alors le point de diffusion de l’idéal internationaliste et ce, dans la France entière. Des délégations syndicales venues d’autres régions se joignent à la célébration, témoignant de l’unité de la classe ouvrière au-delà des frontières nationales. « Pour protester contre les puissances qui nous exploitent et nous oppriment et affirmer sa foi en l’avènement prochain d’une République d’humanité, de justice et de fraternité ! » proclame l’affiche rouge vif, appelant à la protestation contre les forces puissantes qui exploitent et oppriment les individus, en mettant en avant la vision d’une République future fondée sur des valeurs d’humanité, de justice et de fraternité. 

En cette journée historique, Carmaux réaffirme son engagement envers les idéaux de solidarité, de justice et de progrès social qui ont toujours guidé son histoire. Alors que les travailleurs retournent chez eux, les chants de solidarité continuent de résonner dans les rues, témoignant de l’esprit inébranlable et la détermination de la classe ouvrière.

Cette journée mémorable, inspirée par une simple affiche datant de 1920, incarne l’esprit brave de la classe ouvrière de Carmaux. Elle rappelle que, même face aux difficultés, l’unité et la solidarité restent les fondations sur lesquelles reposent les luttes pour un avenir meilleur pour tous les travailleurs.

D.F.

III. Le Tarn : une autre histoire du socialisme ?

Le Tarn, une terre de socialisme depuis 150 ans.

Tarn libre, Nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites : plus de 18 000 manifestants à Albi, près de 8 000 à Castres, article du 23/03/2023, photo de Alexandre Renault.

Débat d’idée : Est-ce que le Tarn est socialiste ?

Jean Jaurès le député de Carmaux, ville ouvrière où le syndicalisme est l’essence de la communauté des travailleurs de la mine et de la verrerie, faisant de grand discours devant une masse populaire l’enorgueillissant d’un discours pour l’égalité sociale et contre la République des bourgeois parisiens. Voilà l’image d’Épinal que l’on se fait de ce Tarn de la première moitié de la IIIe République. Mais le Tarn et son rapport au socialisme sont plus larges que Jean Jaurès, que les Toulousains aiment à s’approprier d’un Sud-Ouest en avant-garde du progrès et de la lutte pour les droits sociaux. Jean Jaurès n’est pas ce qui fait le socialisme dans le Tarn, il n’est pas l’essence de cette image caricaturale que l’on se fait du Tarn mais la conséquence. Lui-même serait d’accord pour avouer que l’essence du socialisme dans le Tarn est son peuple ouvrier moteur et victime de la transformation sociale en cours au XIXe siècle.

Jaurès, couverture Bande-Dessinée, scénario: Jean David Morvan, Frédérique Voulyzé; Historien: Vincent Duclert; Dessin: Rey Macutay; couleur: Walter; 2014 chez Glénat et Fayard

Durkheim comment comprendre la transformation

Émile Durkheim justement né à Épinal en 1858 qui fut l’un des investigateurs de la sociologie française, décrivait si bien. Pour lui, l’industrialisation transforme les solidarités et les liens sociaux entre les individus et formant les collectifs. La solidarité mécanique qui faisait l’identité du groupe, se mut en solidarité organique. La solidarité fondée sur les similitudes du Jaurès, couverture Bande Dessinée, scénario: Jean David Morvan, Frédérique Voulyzé; Historien: Vincent Duclert; Dessin: Rey Macutay; couleur: Walter; 2014 chez Glénat et Fayard mode de vie entre individus, sous l’Ancien régime la société était homogène avec 90 % de la population vivant et travaillant de la terre. Cette situation similaire entre tous faisait le sentiment identification et de compassion menant à la solidarité, elle se faisait systématiquement. Alors que la révolution française et industrielle qui suivit transforma les liens sociaux et donc les modes de solidarité. La création de travaux différenciés avec la division du travail en tache séparé et spécialisée. Les travailleurs d’une usine se concentrent sur des taches différentes avec des situation sociale et économique différencié mais la solidarité se fait par la complémentarité des rôles. Cette transformation par l’usine est fondamentale, des populations issues de l’agriculture vont se concentrer dans la périphérie des villes où est installées les usines et activités comme Carmaux pour Albi, ou Graulhet entre Lavaur, Castres et Albi. La logique étant d’attirer des populations issues de la campagne pour travailler avec un niveau de vie légèrement meilleur que leur territoire d’origine. Cela va sortir du monde agricole nombre de populations parfois venue de territoire périphérique, comme les Aveyronnais. Durkheim qui est un contemporain de ces transformations a ainsi pu constater que l’ouvrier va être l’outil du changement global de l’économie, l’ouvrier est nécessaire à l’agriculteur pour lui fournir de l’énergie ou des outils, et le paysan pour nourrir cette population. Mais très vite les ouvriers vont comprendre qu’ils peuvent tirer profit de ce renversement par un développement des idées socialistes issues de Marx.

Marx comment passer de l’ouvrier au prolétariat

Marx est né en 1818 et mort en 1883, fut le grand penseur politique, sociale et économique qui analysa les bouleversements de son époque. Il considère la rupture que représente le basculement vers l’industrialisation comme un changement du paradigme. On passe du modèle où le paysan produit et est propriétaire de sa production à l’ouvrier qui n’a que sa force de travail est sa seule propriété productive, son capital. Le capital en tant que moyen de production et le fruit du capital sont la propriété du patron. Il y a une aliénation au travail, qui rend le patron et son capital nécessaire à la capacité productive du travailleur. Marx prône alors que les travailleurs dont la force productive est tout aussi essentielle pour actionner la machine se forment en groupe social, en force sociale capable de négocier et d’exiger du patronat des concessions sur la valeur et le profit crée de la juxtaposition du Capital et du travail. Le marxisme est fondé sur cette idée que la force sociale d’un groupe majoritaire est essentiel, nommé prolétariat, se forme comme force active pour renverser la situation de domination. Politiquement et socialement cela prendra la forme des syndicats comme unité de base de l’organisation du prolétariat qui peut ainsi avoir une conscience de classe, savoir qu’ensemble ils forment un groupe social conscient de ce qui le définit et de son impact.

Très vite à Carmaux est formé le premier syndicat en 1881 et à Graulhet en 1880, le peuple ouvrier en tant que force sociale est bien antérieure à Jaurès. Il se forme en force politique très vite, il va se rapprocher des idées marxistes qui se développent dans les populations plus éduquées mais en contact direct avec cette nouvelle force sociale, les professeurs ou les populations employés dans les usines pour la comptabilité ou l’écriture parfois issue de ce même monde ouvrier. Très vite à Carmaux est formé le premier syndicat en 1881 et à Graulhet en 1880, le peuple ouvrier en tant que force sociale est bien antérieure à Jaurès. Il se forme en force politique très vite, il va se rapprocher des idées marxistes qui se développent dans les populations plus éduquées mais en contact direct avec cette nouvelle force sociale, les professeurs ou les populations employées dans les usines pour la comptabilité ou l’écriture parfois issue de ce même monde ouvrier.

Le Tarn, une contre narration ?

La pensée de Marx ne s’oppose pas à celle de Durkheim ou de Weber, qui considère les classes comme des groupes sociaux formées de facto par la similitude des caractéristiques sociales, politiques et économiques. Toutes ces conceptions montrent que la fin du XIXe siècle est riche de débat et d’évolution de la sociologie concrète et des conceptions académiques.

« La sociologie était la nouvelle biologie, il fallait comprendre ce nouveau corps social : le prolétariat.»

S’il nous était offert de pouvoir changer cette représentation pour la coller à cette réalité vécue et constatée à l’époque elle serait la suivante : un territoire, le Tarn, plutôt rural, où d’anciennes activités économiques commencent à profiter des politiques du second empire pour moderniser l’artisanat et les manufactures pour les plonger dans le vacarme mécanique et l’obscurité souterraine de l’industrie et de la modernité technique. Dans ces mines et usines, les ouvriers passent de la faucille au marteau. Ils comprennent qu’ils sont un corps indispensable et rentrent en lutte lorsqu’ils le jugent utile comme pour marquer leur indépendance et faire remarquer leur indispensabilité. Jaurès a vu cela lors de la grève de 1892-1895 et compris non pas qu’il fallait convertir les masses au socialisme mais les élites, dont lui-même faisait partie, ou alors de créer une élite socialiste. Il se lança dans la grande quête tribunitienne du socialisme, en tant qu’elle forme les esprits et organise la lutte, tout en formant en son sein sa propre nouvelle élite. Le Tarn n’est pas le conte socialiste d’Épinal avec Jaurès comme héros, le Tarn entre 1871 et 1919 est le lieu de la lutte, des transformations comme un exemple remarquable de ce que l’implantation des idées socialistes permet, et Jaurès en est la conséquence et non la cause. Tous les sociologues pourront y trouver la mine du socialisme de Marx à Durkheim en passant par Weber, la classe prolétarienne y fut active même sans Jaurès et j’en prends pour preuve que même après sa mort la lutte continue…

Y.G.


Analyse électorale : 1871-1919, l’âge rouge du socialisme dans le Tarn ?

Juillet 1871, le retour de la République et des monarchistes au pouvoir, la France d’après-guerre voit la République s’imposer jusqu’à la droite de gouvernement et les radicaux sont le maillon essentiel de tous les gouvernements. Qu’est-ce qui a changé dans cette période ? Quelles évolutions électorales l’expliquent ? Lorsqu’on regarde les cartes produite par J. Cagé et T. Piketty les radicaux en 1871 sont présents uniquement dans des territoires où ils ont un encrage de longue date alors qu’en 1919 l’implantation de la gauche semble se faire sur un grand nombre de territoire ancrés dans l’industrialisation, au Nord-Est, le Sud-Ouest et le Sud-Est avec des niches industrielles motrices des républicains et des socialistes.

Élection législative juillet 1871, les radicaux uniquement dans des poches territoriales.

Élection législative 1919, la gauche républicaine et socialiste bien plus présente sur une large partie du territoire, surtout dans les zones industrielles.

Entre la guerre Franco-Prussienne et la Première Guerre mondiale, les partis de gauche ont beaucoup évoluer se dirigeant vers le républicanisme et le pacifisme. La France entre le retour de la démocratie avec le suffrage universel direct pour l’élection législative, et les élections d’après-guerre à la veille d’une séparation de la gauche entre les plus républicains, socialistes, et les communistes, révolutionnaires pro-bolchévik. La gauche semble avoir évolué conceptuellement et électoralement.

Une corrélation évidente entre le vote à gauche et l’industrialisation

Lorsque l’on se penche sur les résultats des élections législatives entre 1871 et 1919 on peut voir grâce aux données de T. Piketty et J. Cagé la corrélation évidente entre la carte sociologique et électorale. En 1876, les législatives sont anticipées et marquent une nette progression des partis républicains de gauche. La périphérie de Paris, le Nord-Est et la Savoie avec le contour méditerranéen plutôt populaire et ouvrier, avec des mines ou des activités industrielles, sont des terreaux fertiles pour ces partis. Ce que l’on constate en 1898, avec une grande accélération des milieux industriels, le long de la Garonne et dans le Tarn ainsi que dans le Nord et autour de Paris, une hausse et surtout une densification du vote républicain (progressiste) et socialiste. De par la fragmentation des électorats et des idées socialistes, il n’y a pas d’homogénéité autour d’un parti unique, ce qui rend la lecture trouble. Néanmoins si on se concentre sur la Gauche et les partis avec la plus grande conscience sociale, il y a une nette progression autour de ces poches industrielles qui propagent ces idées autour en même temps que l’industrie.

Élection législative 1876, la gauche républicaine et socialiste se développe surtout dans des zones urbaines où elle possède des notables. Le Tarn n’en fait pas partie.

Élection législative 1898, la gauche républicaine et socialiste bien plus présente dans les premières niches industrielles et urbaines.

Le Tarn : comment les idées socialistes se propagent-elles ?

Le Tarn en 1898, est un excellent exemple de ce processus de propagation des idées socialistes par l’instauration de capsule socialiste sur le territoire où celui-ci se forme et se renforce pour mieux s’encrer. Lors des législatives de 1898, le Nord du Tarn commence avec Graulhet et Carmaux ainsi que sous l’influence toulousaine et ferroviaire à voter socialiste. Les poches les plus dynamiques collant parfaitement à la carte industrielle et sociale.

Élection législative de 1898 dans le Tarn.

Lors des élections législatives qui suivirent, on constate comment ce processus électoral se développe dans le Tarn. Les niches industrielles de Graulhet et Carmaux, socialistes et engagés dans le syndicalisme, vont préparer les électeurs et offrir la souche militante pour remporter les élections. À l’occasion des élections de 1902, Jean Jaurès est réélu député socialiste et prend la tête du camp socialiste national, l’unissant autour de la pensée marxiste et de la tradition républicaine radicale voire révolutionnaire. Ainsi en 1902, le Tarn est aux 3/4 acquits à la cause socialiste sur la surface de son territoire avec des niches en avant-garde. En 1919, cela permet au socialisme de rester une force essentielle sur ce territoire malgré le chauvinisme d’après-guerre qui ne lui est pas favorable. Le territoire est uniformément couvert par les idées socialistes grâce à l’alliance entre ouvriers et paysans avec ses poches industrielles acquises à sa cause.

Élection législatives 1902, Le Tarn vote au ¾ de son territoire pour des candidats socialistes ou radicaux.

Élection législatives 1919 dans le Tarn. Le vote socialiste et radical progresse et s’homogénéise sur le territoire.

Ce que l’on peut retirer d’une telle analyse, c’est que le socialisme est autant la cause que la conséquence des évolutions sociologiques dans le Tarn comme en France entre 1871 et 1919. Les élections en sont le révélateur, ainsi les poches qui à cette époque vont commencer à voter socialiste puis communiste comme dans le Nord ou en Savoie vont être profondément marqué par ces évolutions et donc sur la fin de ce processus à la fin des années 70. Dans le Tarn, le processus semble différent car les idées socialistes se sont encré dans les représentations et dans les traditions de votes. Mais aussi grâce à une stabilisation sociologique induite par la périurbanisation toulousaine qui mène dans le Tarn les catégories les plus modestes travaillant dans l’industrie toulousaine. Aujourd’hui, s’il y a un recul des idées socialistes ou progressistes dans le Sud, qui a toujours été plus rural, et conservateur, que le Nord, ce dernier reste très ancré à Gauche avec la victoire en 2022 d’un député LFI dans une triangulaire avec la majorité présidentielle, et l’extrême droite. Le socialisme dans le Tarn semble s’être converti aux idées socialistes par des bouleversements sociaux mais elles semblent restées par la force de l’intériorisation politique qu’elles ont suscitée dans les pratiques électorales. Comme le montrent Cage et Piketty, 20 % des raisons du vote relèvent aussi d’habitude et d’intériorisation politique collective et traditionnelle.

Cf : J. Cagé et T. Piketty, une Histoire du conflit politique, Elections et inégalités sociales en France, 1789-2022, Seuil, Ecohistoire, 57 rue Gastond-Tessier, Paris XIXe, septembre 2023

Y.G.


Histoire d’une revue :

L’Histoire, et la manière dont on l’écrit, a toujours alterné entre des phases de retour sur des analyses de terrains et l’écriture de grands récits collectifs. Un peu comme en économie, il y a des démarches macroscopiques et microscopiques. Cette revue a à cœur d’user des deux pour illustrer et comprendre des pages souvent dissimulées derrière le vernis de la vulgarisation excessive et du sensationnalisme une histoire interactive. Entre le territoire et la Grande Histoire, la valeur de l’Histoire Contemporaine est bien de permettre de réfléchir par des dynamiques multidimensionnelles. Cela revient à faire une topologie historique d’une époque ouvrant sur la suivante et fermant la précédente. Là était le cœur de notre démarche en cherchant à comprendre l’implantation des idées socialistes dans le Tarn entre 1871 et 1921. L’ambivalence dans cette démarche et dans cette période est bien que l’on soit dans une double dynamique propre au socialisme, entre sa volonté de changer la société et de pourtant être la conséquence des changements antérieurs qu’il combat. Et pourtant les socialistes veulent s’institutionnaliser et de pérenniser ces idées dans le paysage politique tarnais et National. Là est peut-être l’intérêt de notre travail, des étudiants éprouvant leur territoire pour lier le Grand au Petit en faisant du sens dans l’Histoire pour revivre et faire survivre cet héritage. Nous avons écrit ces capsules pour faire durer ce patrimoine et aspirer à mieux le comprendre en actualisant notre rapport et à sortir des grands récits, pour en faire l’Historiographie et comprendre les fondements d’une contemporanéité. Les idéologies et la réalité sont ainsi grâce à l’histoire revue, relue, reliée pour illustrer notre monde en transformation. Ce travail est ainsi une étape dans une démarche de reconstruction de notre rapport à l’histoire de celle très scolaire à celle très académique, qui recherche par la contradiction à répondre aux grands questionnements.

Y.G.

Bibliographie

O U V R A G E S

  • BASTIE Maurice, Graulhet, Res Universalis, monographies des villes et villages de France, 1890
  • BERMOND Monique, Syndicalisme et revendications ouvrières à Graulhet de 1880 à 1914, mémoire de maîtrise, Université Toulouse Mirail, section histoire, Toulouse, 1971
  • BERSTEIN S., MILZA P., Histoire de la France au XXe siècle (1900-1930), Perrin, Paris, Coll. Tempus, 2009, p768
  • BOSCUS Alain, Jean Jaurès, la Cgt, le syndicalisme révolutionnaire et la question sociale, Institut tarnais d’histoire sociale (CGT) du Tarn, 2008, p90
  • BOURGIN Georges, RIMBERT Pierre, Le socialisme, Puf, Paris, 1986, p127
  • CAGÉ Julia et PIKETTY Thomas, Une histoire du conflit politique: Elections et inégalités sociales en France, 1789-2022, Éditions du Seuil, Paris, « Éco Histoires », 2023, p864
  • CANDAR Gilles VINCENT Duclert, Jaurès et les élections à la présidence de la République (1885-1913), Cahiers Jaurès, Paris, 2016, pages 5 à 20
  • CARON François, Histoire économique de la France (XIXe – XXe siècle), Armand Colin, Paris, 1981, 1995, p452
  • CAZALS Rémy, Avec les ouvriers de Mazamet dans la grève quotidienne 1900-1914, La découverte, coll. Centre d’histoire du syndicalisme, Paris, 1979, p354
  • CAZALS Rémy, Mazamet l’industrielle un demi-siècle d’exploration urbaine, Ampelos, Paris, 25 août 2020, p322
  • CHAMOUARD Aude, Existe-t-il des notables socialistes sous la Troisième République ?, Histoire@Politique 2015/1 (n° 25), Paris, p41 à 52
  • DARCOS Xavier, L’Ecole de Jules Ferry, 1880-1905, Hachette éducation, Paris, 2005, p310
  • DAVID Marcel, Les fondements du social. De la IIIe République à l’heure actuelle, Anthropos/Economica, Paris, Coll. “Historiques”, Paris, 1993, p298
  • DELGA Carole, LUCE Marie, PECH Rémi, Jean Jaurès, les convictions et le courage, Privat, Toulouse, 2022, p375
  • DURKHEIM Emile, Le socialisme, Puf, Paris, 1992, p276
  • FAURY Jean, L’anticléricalisme militant dans le Tarn sous la troisième république (1870-1940), Toulouse, 1980, p532
  • FOISSAC Olivier sous la direction de de Lacroix-Riz Annie, Le socialisme dans le Tarn des prémices à la scission (1830-1920), Mémoire ou autre travaille universitaire, Toulouse, 1996
  • FOISSAC Olivier sous la direction de de Lacroix-Riz Anni, La S.F.I.O. dans le Tarn au temps de Jaurès : la fédération d’unité socialiste du Tarn : 1905-1914, Mémoire ou autre travail universitaire, Toulouse, 1993, p190
  • GORGUES Gérard, Une histoire des mines de Carmaux, Chez L’auteur, Albi, 1996, p206
  • HUBERT Néant, La politique en France 1815 à nos jours, Régimes, institutions, élections, courants, partis, groupes de pression, média, Hachette éducation, Paris, 5e, 2020, p272
  • JAURÈS Jean, Histoire socialiste (1789-1900), Jules Rouff, Paris, 1901, p1319
  • KEUCHEYAN Razmig, DUCANGE Jean-Numa, ROZA Stephanie, Histoire globale des socialismes, XIXe-XXIe siècle, Puf, Paris, 2021, p1056
  • KOWALIK Jean-François, Mineurs de fond au XXe siècle dans les houillères du bassin de Carmaux-Albi (Tarn), Pierre-Christian Guiollard, Paris, 2005, p127
  • LACGER Louis de, L’Église d’Albi au tournant de la séparation sous la troisième république (1879-1925), Tarn, 1960
  • LEFRANC Georges, Le mouvement socialiste sous la Troisième République (1875-1940), Payot, Paris, 1963, p445
  • LE POTTIER Jean, PECH Rémy, AMALVI Christian, Histoire du Tarn, Privat, Toulouse, 2018, p1018 (en particulier les pages 557 à 586)
  • MARX Karl, Le Capital. Critique de l’économie politique, Editions sociales, Paris,1867-1894, p725
  • NAY Olivier, Histoires des idées politiques, 2500 ans de débats et controverses en Occident, Armand Colin, Paris, 2021, p820
  • PAUGAM Serge, Emile Durkheim et les liens sociaux, Revue internationale de philosophie, De Boeck Supérieur, n° 280, 2017, p.81-221
  • PETER Matthieu, Les orphelinats du Tarn sous la Troisième République, Presses du centre universitaire Jean-François Champollion, Albi, 2012, p357
  • PORTAL Charles, Le département du Tarn: au XIXe siècle, Les Éditions de la Tour Gile, Paris, 2000, p524
  • TREMPE Rolande, Les Mineurs de Carmaux (1848 – 1914), Les Éditions Ouvrières, First Edition, Paris, 1971, p1012

R E V U E (S)

  • Revue du Tarn 2005, n°199, p. 425-431 (PA 71)

L’Abbaye école de Sorèze après les réformes du père Lacordaire [2024]

L’Abbaye école de Sorèze après les réformes du père Lacordaire [2024]

L’arrivée du Père Lacordaire en 1854 apporte un souffle nouveau au sein de l’école. Il apportera des nouveautés au niveau scolaire et social grâce à ses réformes: remettre en ordre les emplois du temps, l’accentuation de nombreuses matières telles que les arts, les sciences et le retour de langue mortes afin d’en apprendre plus sur l’histoire qu’il nous est appris mais surtout la religion reste primordiale.


Le Père Lacordaire a instauré la mise en place d’un nouveau programme qui apporte des modifications conséquentes aux emplois du temps des élèves de l’Abbaye-École. S’il souhaite apporter de la modernité au sein de l’établissement, il y parvient en priorisant certains des cours. Il crée un ordre de priorité entre chacune des matières. Il donne un nombre d’heures plus ou moins conséquent à chacune des disciplines : par respect pour la tradition, la religion reste au centre de l’éducation inculquée aux élèves de l’Abbaye-École, suivie par la littérature, des sciences, des arts (qui selon le Père Lacordaire permettraient aux jeunes hommes d’acquérir une éducation complète) et des arts du corps. Cependant, même si certains enseignements traditionnels restent dans l’éducation des élèves, d’autres comme le latin et le grec ne sont plus des enseignements exclusifs. Une autre organisation de l’apprentissage s’inscrit de manière générale dans l’éducation. En effet, l’utilisation de manuels scolaires pour ordonner et structurer l’apprentissage des élèves apparaît comme essentielle. Une organisation se crée avec le fil conducteur qu’imposent les manuels. Divisés en trois parties qui correspondent plus ou moins aux trois trimestres de l’année scolaire, les manuels utilisés à cette époque se distinguent des méthodes actuelles (avec un apprentissage continuel de la maternelle au secondaire) puisqu’on parle d’apprentissage ascendant. Par exemple, pour un manuel sur l’apprentissage de la lecture, la première partie est le déchiffrage, la deuxième la lecture courante et la troisième la lecture expressive. C’est une méthode d’apprentissage qui permet d’aller du simple au plus complexe pour respecter l’évolution du niveau des élèves.

 Des réformes s’observent au niveau de l’organisation des journées des élèves. En effet, l’apparition d’un nouveau programme avec les changements de priorité des enseignements, les emplois du temps des élèves sont totalement modifiés par des nouveaux horaires. La vie des étudiants était rythmée de 5h30 à leurs réveils puis ils enchaînent la journée d’étude 8h15 avec les matières dites classiques comme du français, de l’écriture et de l’algèbre, puis l’après midi : fortification paysagère, dessin, géométrie et de l’anglais avant de la terminer par une prière et l’extinction des feux. Les activités sportives avaient aussi leurs places dans l’école toutes sortes d’activités en extérieur ou non comme de la natation , de l’équitation. Ils avaient en plus de cela des espaces dédiés à des activités extérieures comme du jardinage avec des potagers ou des activités plus ludiques à différents endroits du parc.

De même, que le corps enseignant évolue à partir du Père Lacordaire : les seuls critères requis pour devenir enseignant à l’Abbaye-École est d’être cultivé et motivé : les laïcs sont aussi admis. À titre plus individuel, les élèves internes ont finalement à la mise en place de réunions entre eux, à des dons de responsabilité, de récompenses et parfois de punitions. 

Ce qui entraîne d’ailleurs la mise en place de nouvelles structures au sein de l’école. En effet, l’ensemble des élèves est reparti en 10 classes, constituant quatre sections au total (en fonction de leur âge) qui ont leur propre cour, leur propre dortoir, réfectoire, et leurs deux préfets de discipline et domestique. Si la répartition des élèves est nouvelle, le système de notation aussi : les élèves obtiennent des notes hebdomadaires qui permettent au corps enseignant de faire un classement mensuel et par la suite une distribution des prix pour les meilleurs élèves.

 Enfin, que ce soit dans le privé ou bien dans le public, les écoles utilisaient des représentations de leur cours de récréation sur des cartes postales pour attirer de nouvelles recrues. C’est le cas des écoles privées qui utilisaient ces dernières comme véritable moyen de communication dans le but de se valoriser et de recueillir de nouvelles inscriptions. Cependant, les écoles publiques mettaient en avant la discipline lors des représentations. Plusieurs éléments contribuent à créer cette cohésion comme par exemple La Sorézienne, l’hymne de l’abbaye.

“Sorèze est  une école ou la religion, les lettres, les  sciences et les arts se partagent les  heures d’un jeune homme. Afin de jeter lui les fondements d’une vie d’homme.”

— Père Lacordaire

 


Le père Lacordaire  

Jean-Baptiste-Henri Lacordaire, en religion le père Henri-Dominique Lacordaire, né le 12 mai 1802 à Recey-sur-Ource (Côte-d’Or) et mort le 21 novembre 1861 à Sorèze (Tarn), est un religieux, prédicateur, journaliste et homme politique français. Restaurateur en France de l’ordre des Prêcheurs(dominicains), il est considéré aujourd’hui comme l’un des précurseurs du catholicisme libéral. En 1854, il devient le directeur de l’établissement de l’école de Sorèze. Il réforme l’éducation au sein de l’abbaye-école dès son arrivée. Jean baptiste Henri Lacordaire, était d’abord destiné à une carrière dans la législature. Ce n’est qu’en 1824, alors qu’il a 22 ans qu’il rencontre la religion et devient prêtre. Il se retrouve religieusement  dans l’ordre dominicain et remet  l’Ordre des Frères Prêcheurs dans la vie ecclésiastique française. S’ajoute à cela ses études qui lui ont permise de devenir un très bon orateur, ce qui ajouté à sa place dans la vie ecclésiastique, lui permet de pouvoir communiquer avec des penseurs, des hommes et des femmes de pouvoir et d’influencer afin de promouvoir son école et de penser à sa grande perception religieuse.


L’abbaye école de Sorèze  

L’abbaye de Sorèze est une ancienne abbaye bénédictine du XVIIIème siècle située à Sorèze, dans le département du Tarn. Elle est devenue un lieu d’enseignement novateur : collège, puis école royale militaire sous Louis XVI – ce fut l’objet d’un article des années précédentes – et repris comme collège par les dominicains sous la direction de Henri Lacordaire en 1854 et ferme ses portes en 1991. Depuis 2015, elle abrite le musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle, le musée de l’abbaye-école ainsi qu’un hôtel.

L’abbaye école de Sorèze tient une place importante dans la vie du village. Elle forme une  majeure partie du patrimoine sorézien. Désormais ouverte au public elle permet de nous  replonger dans l’histoire de cette abbaye avec les traces des nombreux élèves qui sont passés entre ses mûrs. Lors de la visite on constate le prestige de cette école avec les nombreux éléments rappelant l’histoire et la réputation de cette école à travers des portraits  de différente personnes qui ont étudié ici mais aussi la discipline qui était exigée dans l’école : les chambres très petites avec  seulement le stricte nécessaire (un lit, une chaise qui avait plusieurs fonctions et une armoire), les reconstitutions des salles de classes avec des exercices affichés permettent de se rendre compte de l’exigence qui était demandée dans l’établissement. 

Pour terminer nous pouvons évoquer une particularité de l’Abbaye on y retrouve une des trois seules statues au monde de Louis XVI qui a encore sa tête.


Les sources 

  • Bibliographie :

Caroline, BARRERA, La cour de récréation : actes du colloque abbaye-école de Sorèze, Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès : Sorèze : Syndicat mixte Abbaye école de Sorèze : Portet-sur-Garonne : Éditions midi-pyrénéennes, 2016

Anarchasis COMBES, Histoire de l’école de Sorèze, Toulouse: L. Jougla, 1847

Samuel GREGG, Henri-Dominique Lacordaire, OP: A Dominican Faces Modernity, Edition Acton Insitute, 2019

Sylvie MOUYSSET et Danièle TOSATO-RIGO (dir.), Mémoires d’enfance : actes du colloque, Abbaye-école de Sorèze, [19-20 octobre 2019], Portet-sur-Garonne, Éditions midi-pyrénéennes, 2021

Marie-Odile MUNIER, Une abbaye Bénédictine et une école, Presses du Centre Universitaires Champollion, 2012

Marie-Odile MUNIER, Sorèze, au pied de la Montagne noire : une abbaye, une école, Laval, Siloe͏̈, 1999

Marie-Odile MUNIER (dir.), Sorèze, l’intelligence et la mémoire d’un lieu : [colloque tenu les 26 et 27 octobre à l’Abbaye-Ecole de Sorèze] organisé par le Centre toulousain d’histoire du droit et des idées politiques Centre albigeois d’histoire du droit et des institutions, Toulouse, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 2001

Serge VAUCELLE, « La plus grande utilité publique. Renouveau pédagogique et éducation du corps au Collège de Sorèze (1759-1854) », CAHIERS DE FRAMESPA, 2018

  • Sitographie : 

> Généralité sur l’éducation à l’Abbaye-école de Sorèze sous Lacordaire : 

La congrégation enseignante, Le Père Lacordaire, Le Père Captier, Écoles et collèges, Paris, Cerf, 1983, in : Mémoire dominicaine, N°3, automne 1993

L’insolite histoire de l’abbaye-école de Sorèze

> Le Père Lacordaire et l’Abbaye-école de Sorèze : 

L’éducateur de Sorèze

Madame de Vivens, Lacordaire, l’Ecole de Sorèze et les protestants

La course à l’espace, élément de propagande du modèle soviétique de 1947 à 1975

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) et les États-Unis d’Amérique ressortent comme les deux grands vainqueurs de la guerre. Cependant, dès 1947, les Américains tentent de limiter l’expansion du Bloc soviétique. C’en suit des rivalités géopolitiques entre les deux blocs afin d’imposer leur propre modèle (le capitalisme pour les Américains et le communisme pour les Soviétiques). Hormis la course aux armements nucléaires, toutes ces rivalités se déroulent par des conflits indirects, c’est-à-dire que les deux superpuissances ne s’affrontent jamais directement, mais par le biais de campagnes de propagande, d’espionnage, par des guerres par procuration, des rivalités sportives aux Jeux olympiques et par la course à l’espace.

Une avance technologique au service de la propagande

Dès les débuts de la Guerre froide, les États-Unis et l’URSS ont cherché à se distinguer dans le domaine scientifique et technologique. Les Soviétiques ont été les premiers à inaugurer cette course en 1947, lorsque la bureaucratie centrale du gouvernement a créé l’institut de recherche sur les fusées. Cette initiative a marqué le début de la quête soviétique pour dominer l’espace.

Page de couverture du journal soviétique «La Pravda» , après le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1, le 6 octobre 1957 Source : La Pravda

La propagande est utilisée par les dirigeants soviétiques pour présenter l’URSS comme la nation la plus avancée technologiquement et scientifiquement. Cette approche vise à prouver la supériorité du système communiste par rapport au mode de vie capitaliste américain. L’URSS ouvre la course à l’espace le 4 octobre 1957 avec le lancement du satellite Spoutnik 1, le premier objet artificiel à être placé en orbite terrestre. Cette avancée technologique a été présentée comme une réalisation révolutionnaire dans les médias soviétiques, démontrant la supériorité de la science et de l’ingénierie soviétiques. Factuellement, cela demande une concentration de connaissance des principes scientifiques tels que la physique, l’astronomie, la mécanique des fluides.

La propagande portée par l’URSS soutient que leur conquête de l’espace est le résultat de l’organisation centralisée et efficace du gouvernement communiste, afin de renforcer le patriotisme. Cette vision est transmise dès le plus jeune âge. En effet, le régime soviétique cherche à mobiliser et à former une nouvelle génération de cosmonautes et de scientifiques. Ainsi, le gouvernement soviétique met en place des programmes d’éducation visant à encourager les jeunes à explorer les sciences et les mathématiques. Cette approche de la propagande scolaire et de la formation de la jeunesse est très efficace, et elle a créé une culture dans laquelle les jeunes Soviétiques sont encouragés à poursuivre des carrières scientifiques et technologiques pour contribuer au développement de l’industrie et de la recherche spatiale. De plus, le système éducatif est réorganisé pour inclure des programmes spécifiques axés sur les sciences spatiales. De nouvelles écoles sont créées appelées « écoles de l’espace » qui ont pour but de former la prochaine génération de cosmonautes et d’ingénieurs spatiaux. On voit donc que la propagande passe aussi par l’éducation de la jeunesse.

Le soft power : démontrer la supériorité du modèle au travers de différents supports

Le 12 avril 1961, Youri Gagarine devient l’un des cosmonautes les plus célèbres de l’histoire après avoir été le premier être humain à faire un voyage dans l’espace. Il remplit son devoir « d’instrument de propagande soviétique » en accomplissant une orbite complète autour de la Terre en 108 minutes. À son retour, il est accueilli par des célébrations massives et il est érigé en héros national, symbolisant ainsi le succès du programme spatial habité de l’Union soviétique.

La propagande autour de Youri Gagarine a par la suite atteint une ampleur sans précédent, le présentant comme le leader incontesté de la course à l’espace et le modèle même de loyauté et de volonté vis-à-vis de sa nation. L’Union soviétique fait de son personnage un messager de paix et un véritable symbole de l’exploration spatiale au niveau mondial. Les États-Unis se retrouvent alors écrasés, sous pression, de cette grande victoire soviétique, ce qui contribue à l’engagement des Américains dans une course effrénée à l’espace, annoncée par le président Kennedy lors de son célèbre discours en 1962 « We choose to go to the moon ». Le succès de Gagarine est aussi un élément de démonstration de supériorité technologique de l’URSS. Ce qui alimente la propagande et le soft power, qui, rappelons-le, est la capacité d’un État à influencer les relations internationales en sa faveur. Bien que l’URSS fasse preuve de démonstration de force, la propagande de l’État porte principalement un discours de paix en lien avec la conquête spatiale, tout en mettant en avant son intérêt dans une quête de la connaissance.

 Affiche officielle de la  Planète des tempêtes
Source : Allociné 

Les supports de propagande, éléments importants de soft power, tels que le cinéma, jouent un rôle majeur. Des films comme La planète des tempêtes (1962) illustrent le potentiel de l’espace comme alternative au mode de vie soviétique, utilisant l’animation pour représenter de manière réaliste l’espace. Mais après que les célèbres astronautes américains Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins aient posé pied sur la lune, les représentations évoluent vers une vision critique des autres planètes, les décrivant comme des répliques bourgeoises. Les dessins animés, tels que Vol pour la lune (1953), participent également à la stratégie de soft power, cherchant à inculquer le communisme tout en diabolisant l’ennemi et en mettant en valeur un modèle unique. Ces efforts démontrent comment la propagande, à travers divers supports, était intrinsèquement liée à la rivalité idéologique et à la quête de puissance internationale.

Le rôle de la femme en évolution, prémices du féminisme

« Hourra à l’héroïne soviétique, fille de la grande nation ! » affiche de propagande réalisé par  Y. Solovyev, 1963.

La propagande de l’URSS pendant la Guerre froide a eu un impact social significatif, en particulier sur le rôle des femmes, présentant une image d’égalité et d’avancements sociaux. Cet impact est illustré par l’envoi de Valentina Terechkova dans l’espace à bord du vaisseau Voskov 6 en 1963, faisant d’elle la première femme cosmonaute. Son voyage de trois jours en orbite a eu un retentissement international et a été utilisé comme symbole de la libération des femmes dans le bloc soviétique. À son retour, une cérémonie grandiose sur la place Rouge la consacre héros de l’Union soviétique et lui octroie l’ordre de Lénine.

Malgré cette image positive à l’étranger, la propagande soviétique présentant les droits des femmes et l’égalité des sexes comme des valeurs communistes universelles cachait des inégalités persistantes au sein de l’URSS. Pendant la Guerre froide, les organisations internationales, dont l’ONU, ont été utilisées par les superpuissances pour promouvoir leur image. L’URSS, notamment à travers l’UNESCO, a mis en avant les Droits des femmes et le développement sous une rhétorique typiquement soviétique, cherchant à façonner une image positive à l’international. Cependant, cette façade masquait les réalités des inégalités persistantes à l’intérieur du pays.

Des opposants au sein du programme spatial et scientifique

Entre 1945 et 1990, malgré la glorification soviétique des succès spatiaux, des individus s’opposaient à cette propagande. Ainsi, Anatoli Brounov, scientifique soviétique spécialisé dans l’astronautique, a été arrêté en 1977 pour avoir critiqué la gestion insatisfaisante du programme spatial soviétique. Après sa libération, en 1988, il émigre aux États-Unis. Andreï Amalrik, écrivain dissident, analyse de manière critique le système soviétique, soulignant dans son essai Will the Soviet Union Survive Until 1984 ? l’utilisation des succès spatiaux pour dissimuler les lacunes internes. En 1970, Amalrik fut arrêté pour « anti-soviétisme » après des prédictions provocatrices sur les problèmes économiques à venir.

Andrei Sakharov lors d’une interview à la conférence de l’Académie des sciences de l’URSS le 1er mars 1989

Andrei Sakharov, physicien nucléaire et défenseur des droits de l’homme soviétique, joua un rôle clé dans le développement de la bombe à hydrogène. Mais sa désapprobation croissante envers le régime soviétique, notamment sur les droits de l’homme, le conduit à s’engager éthiquement. En 1968, il eut un succès partiel avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires auquel il s’oppose. Critiquant ainsi les autorités en 1979, Sakharov perdit ses privilèges, il fut déchu de ses distinctions et assigné à résidence à Gorki de 1980 à 1986, sous étroite surveillance du KGB. Ce qui montre une oppression du régime soviétique sur ses opposants intérieurs. 

1969, un tournant majeur de la course à l’espace

En 1969, la mission Apollo 11 envoyée par les États-Unis, qui se qualifie par l’alunissage de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin sur la Lune, est souvent considérée comme une victoire symbolique pour les États-Unis dans la course à l’espace. Cependant, cette perception doit être nuancée, car l’Union soviétique avait précédemment réalisé des avancées significatives dans l’exploration spatiale. Malgré la portée politique et médiatique de cet événement, l’URSS a affirmé sa fierté nationale en mettant en avant ses propres réalisations, notamment le lancement du Spoutnik et le vol de Yuri Gagarine dans l’espace. Parallèlement, les États-Unis ont utilisé cette réussite pour améliorer leur image et détourner l’attention des problèmes internes, tels que l’impopularité de la guerre du Vietnam. Ce retrait de la guerre a été perçu comme une victoire pour l’URSS, qui soutenait le Nord-Viêt Nam. Ainsi, bien que l’alunissage ait marqué un moment important dans la course à l’espace, celui-ci n’est pas une réelle victoire des États-Unis.

Coopération entre les deux leaders du monde bipolaire

La période de détente entre les États-Unis et l’Union soviétique, qui commence dès les années 1960, s’est caractérisée par des progrès dans les relations, notamment par la signature du Traité de non-prolifération nucléaire en 1968. Bien que cela n’ait pas directement affecté la course à l’espace, cela a contribué à apaiser les tensions entre les deux pays. De plus, la diminution de la propagande à la fin des années 1970 a favorisé un questionnement à propos des messages diffusés par le gouvernement et les médias chez les citoyens des deux nations. La coopération dans le domaine spatial a renforcé cette détente, illustrée par le vol spatial conjoint Apollo-Soyouz en 1972, démontrant la possibilité de collaboration entre les deux puissances spatiales.

Ouverture aux autres blocs de l’Est : le rayonnement de l’Union soviétique sur les autres pays, l’image de l’URSS sur le monde.

Le Français Jean-Loup Chrétien répond aux questions des journalistes après son atterrissage dans le désert du Kazakhstan à la suite de la mission Soyouz T6 le 2 juillet 1982 

Dans les années 1970, l’univers spatial était étroitement lié à l’influence de l’Union Soviétique. Les missions Soyouz étaient principalement réservées aux cosmonautes russes et à ceux des pays alliés tels que la Pologne, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et même l’Est allemand, avec des figures telles que Sigmund Jahn. Jahn, astronaute est-allemand Il a été sélectionné pour participer au Programme spatial Intercosmos, une initiative soviétique visant à promouvoir la coopération internationale dans le domaine spatial à des fins pacifiques. Dans les années 1980, les vaisseaux spatiaux accueillent désormais des astronautes venant de divers pays, comme la France avec Jean-Loup Chrétien. Celui-ci a marqué l’histoire en devenant le premier francophone spationaute lors de la mission franco-soviétique PVH en 1982 à bord de la station Saliout 7, où il a séjourné pendant 8 jours. Cette époque a témoigné d’une ouverture croissante à la coopération spatiale internationale, transcendant les frontières nationales dans l’exploration de l’espace. 

Sur le plan économique, l’URSS a tiré des avantages de ses réussites spatiales en jouant un rôle prépondérant dans la coopération économique avec les nations du bloc de l’Est. Elle a offert une assistance technique et transféré des technologies avancées. Le prestige de l’URSS connaît un changement significatif, notamment au sein des pays du bloc de l’Est. En 1956, la Hongrie se retire du Pacte de Varsovie, se tournant ainsi vers l’Occident et le modèle capitaliste. Similairement, la Pologne aspire à accroître son autonomie et à rompre avec la centralisation de Moscou, particulièrement après la crise de 1980. Cependant, cette nation demeure liée à l’URSS. Dans ces nations, l’URSS parvient à maintenir une illusion de contrôle pendant ces crises grâce à l’intervention de l’Armée rouge et aux promesses de soutien matériel faites à la Pologne et à la Hongrie.

Bibliographie indicative