Les Mythes Fondateurs d’Athènes : Piliers de la Construction de l’Identité Civique à l’Époque Classique

Il convient de préciser le rôle fondamental des mythes dans la construction de l’identité civique athénienne. À l’époque classique, Athènes se distingue par sa capacité à mobiliser ses récits fondateurs pour façonner une identité collective unique et structurer sa vie politique et sociale. Les mythes fondateurs athéniens, loin d’être de simples récits légendaires, constituent des outils essentiels de cohésion sociale et de légitimation politique. Le mythe de Thésée, unificateur de l’Attique, ou celui de la dispute entre Athéna et Poséidon pour la protection de la cité, ne sont pas que des histoires transmises de génération en génération : ils sont le socle sur lequel s’est bâtie l’identité civique athénienne. Ces récits mythologiques jouent un rôle crucial dans l’organisation de la cité, de ses institutions et de ses pratiques religieuses. Ils établissent un lien indissoluble entre le sacré et le politique, donnant aux institutions démocratiques une légitimité divine tout en renforçant la cohésion du corps civique. Les grands festivals religieux, comme les Panathénées, deviennent ainsi des moments privilégiés d’expression et de réaffirmation de cette identité collective. Dans ce contexte, il convient de s’interroger : Comment les mythes fondateurs ont-ils contribué à forger et à maintenir l’identité civique athénienne ? Dans quelle mesure ces récits ancestraux ont-ils structuré non seulement la vie religieuse, mais aussi l’organisation politique et sociale de la cité ?

Pour répondre à ces questions, nous examinerons d’abord dans cet article le rôle central des mythes fondateurs dans la construction de l’identité collective athénienne, puis nous analyserons leur fonction dans la légitimation des institutions politiques, avant d’explorer leur impact sur l’organisation sociale de la cité.

Carte de la Grèce où figure Athènes en rouge.

I – Les Mythes Fondateurs comme Socle de l’Identité Collective Athénienne

Le Mythe de Thésée et l’Unification de l’Attique :

Le mythe de Thésée occupe une place centrale dans la construction de l’identité civique athénienne. Ce récit fondateur, qui relate l’unification des différents dèmes de l’Attique sous l’autorité d’Athènes, constitue le fondement idéologique du synœcisme athénien. Selon la tradition, Thésée aurait rassemblé les communautés dispersées de l’Attique pour créer une entité politique unifiée, établissant ainsi les bases de la future démocratie athénienne.

Cette unification mythique, loin d’être une simple légende, trouve son expression concrète dans l’organisation politique et sociale de la cité. Les Athéniens célèbrent ce moment fondateur à travers les Synoikia, une fête qui commémore l’unification de l’Attique et réaffirme l’unité du corps civique. Le mythe de Thésée devient ainsi un véritable outil de cohésion sociale, rappelant aux citoyens leur origine commune et leur appartenance à une même communauté politique.

La Protection Divine d’Athéna : Fondement de l’Identité Civique :

Le mythe de la dispute entre Athéna et Poséidon pour la protection de la cité constitue un autre pilier fondamental de l’identité athénienne. Selon ce récit, Athéna l’emporte en offrant l’olivier à la cité, symbole de paix, de prospérité et de sagesse. Cette victoire mythique de la déesse établit un lien indissoluble entre la cité et sa protectrice divine, dont elle porte le nom.

Ce patronage divin se matérialise dans le paysage urbain par la construction de l’Acropole, centre religieux de la cité, dominé par le Parthénon dédié à Athéna. La présence de la déesse dans l’iconographie officielle, notamment sur les monnaies athéniennes où figure la chouette chevêche d’Athéna, témoigne de l’importance de ce lien sacré dans la définition de l’identité civique.

Tétradrachme athénien représentant la déesse Athéna.

Les Rituels Collectifs comme Expression de l’Unité Civique :

Les grands festivals religieux, particulièrement les Panathénées, jouent un rôle crucial dans l’expression et le renforcement de l’identité collective athénienne. Cette fête majeure du calendrier athénien, célébrée en l’honneur d’Athéna, rassemble l’ensemble du corps civique dans une démonstration d’unité et de piété collective.

La grande procession panathénaïque, immortalisée sur la frise du Parthénon, met en scène la participation de toutes les composantes de la société athénienne : citoyens, métèques, femmes et jeunes gens. Cette représentation ordonnée de la communauté civique, où chacun occupe une place définie selon son statut, permet de réaffirmer périodiquement l’ordre social et politique de la cité.

Le péplos, ce vêtement tissé par les jeunes filles athéniennes et offert à la statue d’Athéna lors des Grandes Panathénées, symbolise le renouvellement du lien entre la cité et sa déesse protectrice. Ce rituel, qui mobilise différentes catégories de la population dans un effort commun, illustre parfaitement comment les pratiques religieuses contribuent à forger une identité collective partagée.

Frise des Panathénées, Parthénon à Athènes.

Ainsi, les mythes fondateurs athéniens, loin d’être de simples récits du passé, constituent des éléments actifs dans la construction et le maintien de l’identité civique. À travers les célébrations rituelles et les institutions qu’ils légitiment, ces mythes fournissent un cadre de référence commun qui permet aux Athéniens de se reconnaître comme membres d’une même communauté politique et religieuse.

II- Les Mythes Fondateurs comme Instruments de Légitimation Politique

La Sacralisation des Espaces Politiques :

L’espace politique athénien tire sa légitimité des mythes fondateurs qui sanctifient les lieux de pouvoir. L’agora, cœur de la vie politique athénienne, est ainsi encadrée par des sanctuaires et des monuments qui rappellent constamment le lien entre le politique et le sacré. Le Bouleutérion, siège du Conseil des Cinq-Cents, s’ouvre traditionnellement par des sacrifices aux dieux, tandis que l’autel des Douze Dieux sert de point de référence central dans l’organisation de l’espace civique.

La Pnyx, lieu de réunion de l’Assemblée du peuple, illustre particulièrement bien cette fusion entre sacré et politique. Son emplacement, choisi selon la tradition pour sa proximité avec l’Acropole, permet aux citoyens de délibérer sous le regard protecteur d’Athéna. Les séances de l’Ecclésia débutent systématiquement par des rituels religieux, notamment la purification de l’espace par le sang d’un porcelet et une prière aux dieux, soulignant ainsi que l’exercice du pouvoir politique s’inscrit dans un cadre sacré.

 La Légitimation des Institutions Démocratiques :

Les institutions démocratiques athéniennes puisent leur légitimité dans les mythes fondateurs. La réforme de Clisthène, qui établit les bases de la démocratie athénienne, s’appuie explicitement sur le mythe de Thésée et sur l’idéal d’unification qu’il représente. La division de la cité en dèmes et en tribus, loin d’être une simple réorganisation administrative, s’inscrit dans une continuité mythologique qui lui confère une autorité particulière.

Les tribunaux eux-mêmes, notamment l’Aréopage, fondent leur autorité sur des récits mythiques. Selon la tradition, ce tribunal aurait été établi par Athéna elle-même pour juger Oreste, créant ainsi un précédent divin pour la justice athénienne. Cette origine mythique confère aux décisions judiciaires une légitimité qui dépasse le simple cadre légal pour s’inscrire dans un ordre cosmique garanti par les dieux.

Le Théâtre comme Espace de Réflexion Politique :

Le théâtre athénien, particulièrement la tragédie, joue un rôle essentiel dans la réflexion sur le pouvoir politique à travers la réinterprétation des mythes fondateurs. Les représentations théâtrales, qui ont lieu lors des Grandes Dionysies, constituent un moment privilégié où la cité se pense elle-même à travers le prisme des récits mythologiques.

Les tragédies d’Eschyle, notamment l’Orestie, mettent en scène la transformation des institutions judiciaires et politiques, montrant comment la justice divine des Érinyes cède la place à la justice civique de l’Aréopage. Ces représentations permettent aux citoyens de comprendre et d’accepter les évolutions institutionnelles en les inscrivant dans une continuité mythologique qui leur donne sens.

De même, les pièces de Sophocle, comme Antigone, utilisent le cadre mythologique pour explorer les tensions entre loi divine et loi humaine, entre autorité politique et conscience individuelle. Ces questionnements, présentés dans le contexte des mythes ancestraux, permettent à la communauté civique de réfléchir sur les fondements de son organisation politique.

 Théâtre de Dionysos, à Athènes.

Ainsi, les mythes fondateurs ne servent pas uniquement à légitimer les institutions existantes, mais fournissent également un cadre conceptuel permettant de penser et d’accompagner les évolutions politiques de la cité. Ils constituent un outil essentiel de réflexion et de légitimation qui permet à la démocratie athénienne de se développer tout en maintenant un lien fort avec ses traditions religieuses.

III- L’Organisation Sociale à travers le Prisme des Mythes Fondateurs

La Structuration des Rôles Sociaux par les Rituels :

Les mythes fondateurs athéniens jouent un rôle déterminant dans l’organisation et la hiérarchisation de la société à travers les rituels qu’ils inspirent. Les Panathénées, festival majeur en l’honneur d’Athéna, illustrent parfaitement cette fonction sociale des mythes. La procession panathénaïque met en scène une représentation ordonnée de la société athénienne, où chaque groupe occupe une place spécifique selon son statut.

Les jeunes filles des familles aristocratiques, les canéphores, portent les corbeilles sacrées contenant les objets rituels, marquant ainsi leur transition vers l’âge adulte et leur futur rôle d’épouses de citoyens. Les éphèbes, jeunes hommes en formation militaire, participent aux concours athlétiques, démontrant leur préparation à leurs futures responsabilités civiques. Cette organisation rituelle, inspirée des mythes fondateurs, contribue à maintenir et à légitimer l’ordre social établi.

La Définition des Frontières Civiques :

Les mythes fondateurs servent également à définir et justifier les frontières de la communauté civique athénienne. Le mythe de l’autochtonie, selon lequel les Athéniens seraient nés directement du sol de l’Attique, légitime la distinction entre citoyens et non-citoyens. Cette notion d’origine divine et terrienne justifie les restrictions de la citoyenneté et renforce le sentiment d’appartenance exclusive à la communauté politique.

Les métèques, étrangers résidant à Athènes, bien qu’intégrés à la vie économique de la cité, se voient attribuer des rôles subalternes dans les cérémonies religieuses, reflétant leur statut politique inférieur. Lors des Panathénées, ils portent les objets les plus lourds et marchent en fin de procession, une position qui matérialise rituellement leur place dans la hiérarchie sociale athénienne.

La Transmission des Valeurs Civiques :

Les mythes fondateurs constituent un vecteur essentiel de transmission des valeurs civiques athéniennes. L’éducation des jeunes citoyens s’appuie largement sur ces récits qui véhiculent les idéaux de courage, de justice et de piété. Le mythe de Thésée, par exemple, incarne les vertus du bon citoyen : le courage physique, la sagesse politique et le dévouement à la cité.

Cette transmission s’effectue notamment à travers les représentations théâtrales et les festivals religieux, où les mythes sont régulièrement réactualisés et réinterprétés. Les jeunes Athéniens apprennent ainsi à se comporter en citoyens responsables en s’identifiant aux héros mythiques qui incarnent les valeurs de leur cité.

Les choeurs tragiques, composés de jeunes citoyens, participent activement à cette transmission en incarnant les voix de la sagesse collective et en rappelant les leçons morales issues des mythes. Cette participation active aux représentations théâtrales permet aux jeunes générations d’intérioriser les normes et les valeurs de leur communauté.

Ainsi, les mythes fondateurs athéniens ne se contentent pas de raconter le passé : ils structurent activement la société en définissant les rôles, les statuts et les valeurs qui organisent la vie collective. À travers les rituels qu’ils inspirent et les enseignements qu’ils transmettent, ces mythes contribuent à maintenir la cohésion sociale et à perpétuer l’ordre civique athénien.

Au terme de cette analyse, il apparaît clairement que les mythes fondateurs ont joué un rôle fondamental dans la construction et le maintien de l’identité civique athénienne. Loin d’être de simples récits légendaires, ils ont constitué de véritables piliers de l’organisation politique, sociale et religieuse de la cité.

Le mythe de Thésée et celui de la protection divine d’Athéna ont fourni le socle idéologique sur lequel s’est bâtie l’identité collective athénienne. Ces récits fondateurs, constamment réactualisés à travers les rituels et les célébrations publiques, ont permis aux Athéniens de se reconnaître comme membres d’une même communauté politique et religieuse. Les Panathénées, en particulier, ont incarné cette fusion entre le sacré et le politique, offrant un cadre ritualisé où la cité pouvait périodiquement réaffirmer son unité et sa cohésion.

La légitimation des institutions démocratiques s’est également appuyée sur ces mythes fondateurs. De l’Assemblée aux tribunaux, en passant par le théâtre, les espaces politiques athéniens ont tiré leur autorité d’une sacralisation ancrée dans les récits mythologiques. Cette dimension sacrée a contribué à renforcer l’adhésion des citoyens aux institutions de leur cité, tout en fournissant un cadre conceptuel permettant de penser les évolutions politiques.

L’organisation sociale elle-même s’est structurée autour de ces mythes, qui ont défini les rôles, les statuts et les valeurs de la communauté civique. À travers les rituels et les cérémonies qu’ils ont inspirés, ces récits ont contribué à maintenir l’ordre social tout en assurant la transmission des valeurs civiques aux nouvelles générations.

Ainsi, l’exemple athénien illustre comment une cité grecque a su mobiliser ses mythes fondateurs pour construire une identité civique forte et durable. Cette capacité à fusionner le religieux et le politique, le mythologique et l’institutionnel, constitue l’une des caractéristiques les plus remarquables de la civilisation athénienne classique.

Cette étude nous invite également à réfléchir sur le rôle des récits fondateurs dans la construction des identités collectives. Si les modalités ont changé, la question de la transmission des valeurs civiques et de la cohésion sociale reste d’une étonnante actualité dans nos sociétés contemporaines.

Blettery Julie

Vous pouvez également consulter notre bibliographie ainsi que notre glossaire ci-dessous. 

Les troubadours une histoire poétique et genrée

Les troubadours et la culture populaire un savant mélange

Les troubadours sont très présents dans notre imaginaire et influencent grandement la culture populaire en nous donnant une certaine image de ces derniers. On peut prendre exemple du style troubadour qui influence grandement la peinture européenne au XIXᵉ siècle (avec la peinture ci-dessous). Elle montre à cette culture populaire une image des troubadours romantiques en train, souvent, de faire la cour, ce qui est une vision assez idéalisée et peu véridique historiquement. Même s’il est vrai que les troubadours parlent d’amour dans leurs poèmes et de séduction envers les dames. Mais il y a un grand écart entre les troubadours du XIᵉ au XIIIᵉ siècle (qui sont les siècles de l’âge d’or de l’art du troba) et leurs descendants présumés du XXIᵉ siècle : on pense en premier lieu à Francis Cabrel.

Il est impératif, avant d’aller plus loin et d’expliquer ce qu’on entend par une histoire poétique et genrée, de casser le mythe autour de la figure des troubadours. Tout d’abord, les troubadours ne parlent pas que d’amour dans leurs poèmes, même si le thème de l’amour a une place centrale dans leurs textes. Ils peuvent parler de politique, de religion… (Ce thème sera plus longuement développé).

Il n’existe pas un type de troubadour, car le maître mot de leur art est la diversité. Il existe autant de types de troba qu’il y a de troubadours ; chaque troubadour a un style qui lui est propre. Le point commun que partagent les troubadours, c’est qu’ils chantent en langue d’oc (parlée dans la moitié sud), sinon ce sont des trouvères, qui sont des chanteurs en langue d’oïl (parlée dans la moitié nord). Il est compliqué de donner une définition simple des troubadours, mais un troubadour serait un poète qui écrit en langue d’oc et chante souvent ses poèmes. Il existe aussi des trobairitz, qui sont des femmes, car l’art du troba n’est pas seulement un art masculin, même si les femmes sont minoritaires dans cet art. L’âge d’or de l’art du troba se situe entre le XIᵉ et le XIIIᵉ siècle.

Les troubadours proviennent de milieux sociaux très divers. Mais attention, ce ne sont pas des mendiants qui ne vivent que d’amour et d’eau fraîche !!! Ils peuvent être grands seigneurs (comme Guillaume IX, connu comme le prince des troubadours, que l’on verra par la suite) ou proches de l’Église (comme Marcabru, un troubadour proche de l’Église). Mais il est impératif de garder en tête que l’art des troubadours est un art de l’élite, car l’art du troba est un art élaboré et très codifié, destiné à une élite. On peut prendre exemple du « fin’amor » (l’amour courtois), qui est un amour codifié par les troubadours et destiné à l’élite. Le paysan du XIᵉ au XIIIᵉ siècle ne peut comprendre cet art raffiné qui ne le touche pas.

Francesco Hayez « Le baiser  » exposé en 1859

Les troubadours une nouvelle histoire palpitante

Nous avons décidé, pour le plaisir du lecteur et le nôtre, de traiter les troubadours sous un autre angle que celui de l’histoire habituelle. Nous proposons, en nous inspirant des travaux de l’historien Michel Zink, de faire une histoire poétique des troubadours.

Photo de Michel Zink

On entend par histoire poétique des troubadours le fait de raconter l’histoire des troubadours en se basant sur ce que leurs poèmes nous racontent. Car on ne connaît les troubadours principalement que grâce à leurs poèmes, qui sont compilés dans des chansonniers. Dans ces chansonniers, on trouve des vidas et des razos (sortes de biographies et de commentaires) qui nous renseignent sur la vie et l’origine sociale de ces derniers.

Comme le dit si bien Michel Zink : « Les vidas, ce n’est pas le portrait d’un homme, mais l’esprit d’une œuvre poétique. »

Extrait d’un chansonnier de troubadour provençal du XIIIe tiré du site moyenagepassion.com

La poésie des troubadours nous informe aussi sur les rapports hommes-femmes dans le domaine de la séduction et sur les cadres sociaux de l’époque. En d’autres termes, cet art nous permet d’avoir une autre vision de la société médiévale, ce qui permet d’élargir la compréhension de cette dernière. La poésie des troubadours montre aussi une tension lancinante qui s’empare de la société médiévale, à savoir le rapport entre le profane et le sacré.

Il est vrai que certaines vidas sont très postérieures aux troubadours eux-mêmes, mais le plus important n’est pas de savoir si elles sont vraies ou fausses, mais de savoir ce qu’elles disent de la société et des mœurs de cette dernière.

Comme dit Michel Zink : « Étudier la poésie des troubadours, c’est triompher en acceptant d’être dupe. »

Les Troubadours et la poésie fut

Description de la poétique des troubadours

La poétique des troubadours apparaît autour des XIe et XIIIe siècles, dans le Languedoc. Elle se distingue par son raffinement et ses thèmes amoureux. C’est avant tout une poésie de cour. Le fin’ amor ou l’amour courtois occupe une place importante dans la poésie des troubadours. Il est très souvent idéalisé, car il est porté envers une dame incarnant la perfection, un idéal vers lequel le troubadour doit tendre, mais un idéal souvent inaccessible. La quête de cet amour et de la dame élève l’âme des troubadours qui doivent s’y soumettre entièrement. Cet amour est cependant très codifié, car il faut garder une certaine forme de fidélité à la dame que l’on courtise. En outre, pour maintenir la flamme de cet amour, les troubadours doivent préserver le désir qu’ils éprouvent pour la dame.

Deux troubadours. Miniature tirée du codex des Cantigas de Santa Maria, vers 1280. Monastère de l’Escurial, Madrid • AKG IMAGES

Cet amour pour la dame n’est pas fixe, c’est un amour qui se projette. On le théorise sous le nom d’amour de loin. Il y a souvent cette notion de mouvement, comme une sorte de voyage perpétuel vers cet amour que le troubadour ne va presque jamais consommer charnellement. Finalement, le troubadour vit de désir, et ne pas consommer l’amour lui permet d’écrire des poèmes avec plus d’intensité. On pourrait comparer cet amour de loin à un amour adolescent, assez exalté et un peu naïf dans un sens, même si, attention, cette poésie est très codifiée. On peut prendre l’exemple des poèmes de Jaufré Rudel (troubadour du XIIe siècle), qui est un troubadour tombé amoureux d’une princesse sans jamais l’avoir vue, et après un long voyage jusqu’en Terre Sainte, il meurt dans les bras de sa belle, selon sa vida légendaire. Ce troubadour est le premier à théoriser cet amour de loin.

On peut prendre pour exemple des extraits de ses poèmes, traduits de l’occitan.

Ja mais d’amor no.m jauzirai

Si no.m jau d’est’amor de lonh

Jamais d’amour je n’aurai joie

Si je n’ai joie de cet amour de loin

ou encore

Que Dieu, qui fit tout ce qui va et vient et qui créa cet amour de loin,

Me donne le pouvoir, car j’en ai le désir,

De voir cet amour de loin,

Pour de vrai, de façon si plaisante que la chambre et le jardin soient pour toujours un palais!

Il dit vrai, celui qui m’appelle avide et désireux d’amour de loin, car nulle autre joie ne me plaît tant que la jouissance de l’amour de loin. Mais ce que je veux m’est refusé, car mon parrain m’a jeté ce sort, d’aimer et de n’être pas aimé.

La mort de Jaufré Rudel dans les bras de la comtesse de Tripoli, enluminure du XIIIe siècle .Tiré d’un manuscrit médiéval tiré du site web de la BNF.

On trouve plusieurs grandes catégories de troba au cours de l’histoire des troubadours. Citons le sirventes, critique satirique des puissants ou de la société, de Guillaume IX, le prince des troubadours qui le popularise ; le tenso d’Arnaut Daniel, un type de troba où s’instaure un débat entre plusieurs troubadours qui vont discuter de galanterie. Il y a aussi la pastourelle, popularisée par Marcabru, qui raconte la rencontre entre une bergère et un troubadour ou un chevalier ; les pastourelles sont souvent satiriques.

Exemple de poésie satirique de Guillaume IX, qui peut aussi nous interroger sur les maladies sexuellement transmissibles à cette époque, et montre que l’art du troba peut être vraiment cru (assez direct).

Traduit de l’occitan

Tant las fotei com auziretz :cent e qatre vint et ueit vetz,Q’a pauc no.i romped mos correttz

E mos arnes;E no.us pues dir lo malaveg tan gran m’en pres

Ecoutez combien de fois je les ai foutues: cent quatre-vingt-huit fois, A presque m’y rompre les sangles et le harnais.

Et je ne peux vous dire la grosse maladie que j’ai attrapée!

Vitraux de la cathédrale de Chartres tiré du site de la Cathédrale de Chartres

La poésie des troubadours une fenêtre sur la société médiévale

L’art des troubadours donne une place centrale à la femme, objet de désir, on l’a vu, mais aussi objet de craintes. Elle est une muse qui inspire le troubadour, même si elle est passive très souvent dans la poétique des troubadours. Elle est tout de même actrice dans cette poésie, car elle peut refuser les avances d’un troubadour ou même parfois tout simplement partir. La poésie de l’art du troba est bien souvent une poésie du consentement.

La femme, dans cette poésie, est décrite et idéalisée, ce qui nous renseigne sur les critères de beauté médiévaux et les rapports homme-femme voulus par une certaine élite. Cependant, elle est aussi parfois cruelle et peut plonger le troubadour dans une grande souffrance. Aliénor d’Aquitaine, petite-fille de Guillaume IX, est la muse des troubadours. C’est aussi une trobairitz qui a écrit de nombreux poèmes (on en parlera par la suite).

Il est impossible de se plonger dans le M.O. sans être immergé dans le christianisme, car la poésie des troubadours, ainsi que toute la société médiévale, est très proche de la religion chrétienne. La poésie des troubadours est habitée par une inquiétude autant de l’amour que du salut. Il faut être soumis à un amour conforme à la loi divine. Il n’existe, on l’aura compris, pas vraiment de littérature détachée complètement de l’Église.

Mais la poésie des troubadours est la première littérature en langue profane qui sort un petit peu de l’Église. Il existe tout de même un fort lien entre le sacré et l’art des troubadours. On peut prendre exemple de Marcabru, qui est un troubadour qui développe comme style d’écriture le trobaclus, qui est un art du troba plus austère et plus proche de l’Église. Marcabru devient même, par la suite, moine en entrant dans les ordres et en se coupant du monde totalement.

représentation de Marcabru tiré d’un manuscrit du XIIIe tiré du site web de la BNF

La figure d’Aliénor d’Aquitaine entre Mécénat et trobairitz

L’art des troubadours s’est répandu à travers la région occitane, mais aussi sur l’ensemble du territoire français, allant même jusqu’à s’étendre au nord de l’Espagne et de l’Italie. Ce développement est notamment dû à des personnalités influentes qui ont contribué à diffuser et à accentuer cet art au-delà des frontières françaises. La présence des troubadours s’est renforcée à partir du XIᵉ siècle, grâce à l’action de diverses figures importantes impliquées dans l’essor de ce mouvement. Bien que la majorité de ces personnalités aient été des hommes, initiateurs ou promoteurs de cette philosophie de pensée, certaines femmes, jouissant d’une grande renommée et d’une position sociale élevée, ont également joué un rôle essentiel dans le développement et la diffusion de cette culture. Celle-ci est centrale dans la construction de la notion d’amour, notamment de l’amour courtois.

Aliénor d’Aquitaine est née vers 1122 et est décédée en 1204. Elle est l’une des figures les plus marquantes du Moyen Âge, à la fois en tant que femme de pouvoir et en tant que mécène influente. Aliénor est l’héritière du duché d’Aquitaine qui, durant la période médiévale, est un lieu fort du développement artistique et de cette culture des troubadours. Le grand-père d’Aliénor n’est autre que Guillaume IX, dit “le Troubadour”, une des personnalités les plus influentes qui est à l’origine de la naissance de cette culture des troubadours, avec notamment cet amour chevaleresque qui la caractérise. Aliénor, en tant que duchesse d’Aquitaine, était au cœur de cette culture. Elle a patronné ces poètes et musiciens, favorisant leur essor et leur développement..

Aliénor d’Aquitaine par Frederick Sandys, 1858, musée national de Cardiff.

Les troubadours ont besoin d’un mécène protecteur pour se financer et vont de cour en cour pour trouver un puissant qui les protégera. Aliénor a permis le développement de cette culture en protégeant les troubadours et en animant une cour brillante dans le duché d’Aquitaine.

 Daniel Proux – ville de Poitiers  —  Palais et tour Maubergeon tiré du site web de la région Nouvelle-Aquitaine

Les trobairitz interprètent des chants, de la poésie dans les cours des seigneurs et principalement dans les cours occitanes. Les trobairitz abordent des thèmes relativement semblables à ceux des troubadours, parlant notamment de l’amour courtois où la femme est souvent considérée comme l’idéal à atteindre mais inaccessible. Aliénor d’Aquitaine est une figure dans ce mouvement des trobairitz, étant une femme de pouvoir avec une influence relativement importante. Bien qu’elle soit principalement connue pour son rôle de mécène envers les troubadours et de protectrice des arts, elle a joué un rôle dans le développement de cette culture unique symbolisée par des chants et la poésie.


Allégorie de la Musique ( d’inspiration d’une trobairitz) dans le manuscrit Echecs amoureux, v. 1497 tiré du site web du château d’Ussel

Les trobairitz étaient des musiciennes pouvant notamment performer dans les cours seigneuriales dans la région occitane. En tant que femmes, leur vision du monde médiéval diffère vis-à-vis des hommes qui, durant cette époque, avaient des droits et des situations bien supérieurs aux femmes. En effet, certaines trobairitz mettent en avant dans leurs poésies et/ou chants le thème de la dignité féminine qui avait pour objectif de mettre en avant les revendications concernant l’honneur et le respect envers les femmes en défendant une vision indépendante de l’amour. Les trobairitz utilisent leur condition en tant que femmes pour dénoncer certaines conditions vis-à-vis de la société médiévale, malgré le fait que la plupart des œuvres des trobairitz soient oubliées dans le temps. Elles laissent un héritage et un témoignage important de la place de la femme dans la société médiévale.

On peut prendre pour exemple les chansons de Castelloza, une trobairitz du XIIIe siècle, qui parle de passions qui rentrent en tension avec la morale religieuse. Voici un extrait de l’un de ses poèmes.

Désormais de chanter, je ne devrais plus avoir envie,

Car plus je chante

Et pis il en va de mon amour

Puisque plaintes et pleurs

Font en moi leur séjour;

Car en un mauvais service

J’ai engagé mon cœur et moi-même

Et si, à bref délai, il ne me retient près de lui,

J’ai fait trop longue attente.

Castelloza représentation dans un manuscrit du XIIIe tiré du site web de la BNF

La Tornada de fin

La tornada est ce qu’il conclut les poèmes des troubadours. Nous vous proposons donc de terminer ce blog par une sorte de tornada qui va faire guise de conclusion.

Troubadour vient du latin truparer qui veut dire « trouver », ce qui donne par la suite troba dans la partie occitane. Cette étymologie montre que la poésie des troubadours est une poésie de la recherche de l’autre, du bonheur, de l’équilibre, etc. C’est une poésie universelle car finalement on est tous à la recherche de quelqu’un, de l’amour ou d’une plus grande connaissance des troubadours en lisant cette page de blog de grande qualité (du moins je l’espère).

C’est une poésie, il est vrai, qui peut paraître lointaine, donc compliquée, mais si on prend le temps de l’écouter et de la comprendre, on se rend compte que c’est une poésie de la modernité. Elle remet en doute cette croyance que la période médiévale est une période sombre et sans intérêt. Elle soulève de nombreux enjeux de nos sociétés modernes tels que le consentement, la recherche de soi, le voyage, la solitude, la religion, etc. Avant même d’essayer de la comprendre, il faut vivre cette poésie.

On espère que cette lecture ne vous a pas trop ennuyé d’abord, et si c’est le cas, on s’en excuse… On a voulu avec cette histoire poétique montrer que l’art du troba est finalement très moderne. On a certainement oublié de traiter de nombreuses choses, mais on espère avoir aiguisé la curiosité du lecteur autour de l’art du troba. On laisse le mot de la fin à Michel Zink :

« Comment la poésie peut-elle ressembler à l’amour ? En étant, comme lui, tourmentée, déchirée, contradictoire, à la fois douce et âpre. »

Merci de votre lecture

Pour aller plus loin

Troubadours et trouvères, les chants de l’amour courtois

Publié le mardi 24 novembre 2020

Podcast disponible sur France Culture: lien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/troubadours-et-trouveres-les-chants-de-l-amour-courtois-7696257

petite bibliographie indicative:

Ouvrage les plus importants pour creuser ce blog

MARKALE Jean , La vie, la légende, l’influence d’Aliénor, comtesse de Poitou, duchesse d’Aquitaine, reine de France, puis d’Angleterre, dame des troubadours et des bardes bretons, éditions  Brochet, 1973, 242 p 

VERDON Jean, L’Amour au Moyen Âge, édition Perrin, 2024, 288p

ZINK Michel, Les troubadours une histoire poétique, édition Tempus, 2017, 372p

ZINK Michel, Poésie et conversion au Moyen âge, 2003, 352p, page 41 à page 77

Autres pistes d’approfondissement:

DANIEL Arnaut, Fin’ amor et folie du verbe, trad.de l’occitan par Bec Pierre, édition Fédérop, 2012, [XII], 156p

GONFROY Gérard, Les Troubadours Limousins, édition Le Geste, 2022, 331 p 

HUCHET Jean Claude, Nouvelles occitanes du moyen âge, Édition Flammarion, 1999, 286 p

LAZZERINI Lucia, Les Troubadours et la sagesse, trad.de l’italien par Carrefour Ventadour, édition Carrefour Ventadour, 2014, 422p 

LEMAITRE, Jean-Loup; Vielliard, Françoise; Gousset, Marie-Thérèse; Laffitte, 

Marie-Pierre, Portraits de Troubadours, édition Musée du Pays d’Ussel  et Centre Trobar, 2006, 198 p

LE VOT Gérard, Vocabulaire de la Musique Médiévale, édition Minerve, 1993, 222 p

LOMENEC, Gérard, Troubadours, trouvères et jongleurs, Édition ouest France, 2013, 128p

MACE Laurent, Petite histoire des troubadours, édition Cairn, 2022,192 p 

NELLI René, L’érotique des troubadours, Edition Privat, 2015, 428p

PAUL, Jacques, Histoire intellectuelle de l’Occident Médiéval, Paris, Armand Colin, 2019,432p, page 335 à page 375

POUSTOMHIS Bernard, Ventadour en Limousin : Un château au pays des troubadours, édition  Culture & Patrimoine en Limousin, 2014, 94p 

Les Amphithéâtres en Gaule Narbonnaise (2025)

Vue du haut, amphithéâtre de Nîmes, photo personnelle, Noémie Massol

Édifiés entre le Ier et le IIe siècle de notre ère, les amphithéâtres en Gaule narbonnaise sont des édifices de spectacles issus de la période de l’Antiquité. Ce sont des édifices de forme elliptique, de forme ovale, c’est cette forme caractéristique qui nous permet d’identifier un amphithéâtre d’un théâtre romain. Un amphithéâtre est alors une structure architecturale, à gradins, arène et coulisses destinés aux spectacles. C’est un édifice urbain issu de l’art romain. En effet, le Colisée est l’amphithéâtre Flavien, construit vers l’an 71 après J.-C. sous l’empereur Vespasien. C’est sur ce modèle que se basent les amphithéâtres en Gaule narbonnaise que nous avons étudiés. En effet, la Gaule romaine est le territoire gaulois colonisé par Rome vers 118 avant J.-C. Cette dernière est découpée en quatre provinces par Auguste vers 15 avant J.-C. : la Gaule Lyonnaise, la Gaule narbonnaise, la Gaule Aquitaine et la Gaule Belgique. Le territoire de la Gaule narbonnaise est celui qui s’étend des Alpes aux Pyrénées. C’est un territoire conquis par Jules César vers 58 av. J.-C. et qui sert de départ pour les conquêtes de la Gaule. Elle a dans un premier temps pris le nom de Gaule Transalpine, mais a été nommée Gaule narbonnaise par l’établissement de sa capitale à Narbonne. C’est un territoire qui comprend de nombreux vestiges de cette invasion romaine. La période du Ier au IIIe siècle après notre ère, période d’édification des amphithéâtres en Gaule narbonnaise, en fait une période primordiale. Nous étudierons ici quelques sujets précis : l’amphithéâtre de Nîmes édifié entre 90 et 120 ap. J.-C., l’amphithéâtre de Narbonne édifié au IIe siècle de notre ère, l’amphithéâtre d’Arles édifié en 90 de notre ère et l’amphithéâtre de Purpan-Ancely à Toulouse édifié à la fin du Ier siècle de notre ère.
Nous avons de ce fait décidé d’opter pour une orientation archéologique, se basant sur des fouilles, les constructions, édifications et les éléments retrouvés au sein de ces amphithéâtres, mais également des sources littéraires afin de retranscrire les spectacles présents au sein de ces derniers.

Carte représentative de la Gaule Narbonnaise, www.INRAP.fr

I – L’édification des amphithéâtres et leur place au sein de la ville 

Les amphithéâtres de Gaule Narbonnaise sont construits sur le modèle des amphithéâtres construits par Flavien comme le Colisée en 71 apr. J.-C. Il a été construit en pierre à Rome. Il succède à plusieurs édifices en bois et vient fixer le modèle Flavien dans les mentalités. Les architectes se déplacent au sein de l’empire romain afin de diffuser la politique romaine dans tout le territoire. En Gaule Narbonnaise, les amphithéâtres commencent à être édifiés au début du Ier siècle et jusqu’au IIe siècle sur les modèles antérieurs en bois, puis parfois modifiés au fil du temps. Ils sont tous constitués des mêmes éléments car ils doivent répondre aux mêmes problématiques.

Tout d’abord, pour accueillir les jeux en eux-mêmes, l’arène, arena en latin pour sable, en forme d’ellipse, est l’endroit où le spectacle se déroule. L’utilisation de sable comme sol est réfléchie pour absorber le sang et faciliter le nettoyage, bien que les jeux ne soient pas composés que de combats sanglants. Dans les plus grands amphithéâtres, tels que celui d’Arles, sous la piste, se situent les coulisses. On y trouve des loges ainsi que des systèmes de trappes pour faire arriver les combattants et animaux directement dans l’arène. Dans le grand amphithéâtre de Rome, un système pour remplir l’arène d’eau permet des combats navals. Pour regarder ce spectacle, les spectateurs sont placés dans les gradins. Les sorties se font par les vomitoires. Les escaliers descendent dans la cavea et rejoignent l’extérieur. Lors des jours de fort soleil, pour faire de l’ombre, un velum est déployé, c’est un drap en lin fixé sur l’attique, le mur supérieur du haut des gradins. Enfin, les amphithéâtres sont des lieux de vie.
Ainsi, les amphithéâtres sont construits près des principaux axes de circulation afin d’attirer le plus grand nombre de personnes. Ils suivent alors le terrain vallonné ou sont construits sur des surfaces planes. L’amphithéâtre d’Arles est construit sur un terrain en pente creusé et donc aplani. L’amphithéâtre de Fréjus est, lui, en partie appuyé sur un flanc de la colline ; c’est une structure mixte, c’est-à-dire qu’une partie de la cavea est pleine d’un côté et creuse de l’autre.

Comme dit plus haut, les amphithéâtres de Nîmes et Arles suivent le modèle du Colisée. Tout d’abord, ils ont tous deux des proportions similaires. L’amphithéâtre de Rome peut accueillir environ 50 000 spectateurs. L’édifice d’Arles peut accueillir 23 000 spectateurs et 22 000 pour celui de Nîmes. Pour le style d’architecture, l’amphithéâtre d’Arles est, au rez-de-chaussée, toscan (austère) comme le Colisée et au 1er étage, de style corinthien (plus décoré) comme les deux étages les plus hauts du Colisée. L’amphithéâtre de Nîmes, qui s’est probablement inspiré de celui d’Arles, est, lui, entièrement de style toscan. Cela nous montre une connexion, des liens entre les arts au sein de l’empire romain. Ainsi, la possibilité que le même architecte ait travaillé sur les deux édifices, Arles et Nîmes, est envisagée par l’archéologue Jean-Claude Golvin.

Ces amphithéâtres en Gaule narbonnaise ont pris place au sein de l’architecture en Gaule par le financement de certains notables. En effet, ces amphithéâtres devaient montrer la puissance, l’influence et représenter l’Empire romain en Gaule. Robert BEDON, au sein de son ouvrage Architecture et urbanisme en Gaule romaine, explique de ce fait qu’il s’agissait de « donner au peuple ainsi rassemblé une image de lui-même ». En ce sens, le financement de ces amphithéâtres permettait à ces notables de montrer leur richesse, leur puissance ainsi que leur influence romaine sur un territoire conquis, ici la Gaule. Ce type de financement est alors appelé l’évergétisme. L’évergétisme est : « le fait que des citoyens riches, des étrangers et des souverains rendent de leur propre initiative des services et offrent des dons aux cités, et qu’en retour, ces dernières reconnaissent publiquement ces actes comme des bienfaits », selon Marc Domingo Gygax, qui est un historien américain. En ayant cette reconnaissance, ces notables ont donc la possibilité de paraître puissants. Car également, ces financements permettaient d’édifier des structures plus grandes et imposantes, des édifices majestueux. Robert BEDON parle de rivalités entre familles, souvent à l’origine de ces conflits et de cette volonté de démonstration. Il est aujourd’hui assez compliqué de retrouver ces inscriptions en Gaule narbonnaise, car l’usure a partiellement ou totalement effacé ces dernières. En effet, les inscriptions présentes sur les amphithéâtres d’Arles sont abîmées, toutefois certains historiens sont parvenus à les déchiffrer. En effet, nous pouvons observer que les dalles des amphithéâtres ont été redessinées et assemblées afin de transcrire l’inscription apposée dessus. Il est alors possible de lire l’inscription Cauis Priscus. Caius Julius Priscus était un chevalier romain, un riche Romain. C’est pourquoi il est possible ici d’en déduire, ou supposer, que cette inscription détermine l’évergète ayant financé, en partie, l’amphithéâtre d’Arles et l’importance de ces financements.

II – Les pratiques au sein des amphithéâtres 

Les amphithéâtres en Gaule narbonnaise sont connus pour être des édifices culturels dédiés au divertissement, comme les jeux de gladiateurs, emblèmes de la civilisation romaine présents notamment dans le Colisée de Rome. Avec l’invasion romaine en Gaule, la culture a également suivi sur ce nouveau territoire conquis.


Grâce aux travaux de Françoise DUMASY sur Le théâtre et les amphithéâtres dans les cités de Gaule romaine : fonctions et répartition, plus précisément sur la religion et le théâtre, nous avons pu observer que les gladiateurs avaient une espérance de vie courte en raison des conditions de combat et de l’entraînement intensif imposé pour divertir la population. Certains étaient des esclaves ou des prisonniers condamnés, tandis que d’autres faisaient le choix volontaire de cette profession. La profession de gladiateur évolua à partir du Ier siècle avant J.-C., ce qui permit de développer de nouveaux équipements pour les combats dans l’arène, tels que : la manica, un brassard protecteur en cuir ; le subligaculum, un pagne destiné à cacher et protéger les parties génitales ; et enfin les fasciae, des bandes maintenant les chevilles. Ces éléments ont contribué à l’amélioration des conditions professionnelles des gladiateurs.

Une Manica, photo personnelle musée de l’amphithéâtre de Nimes.                    
Le Subligaculum, Source : Getty Images 

Après le développement de ces équipements, des catégories spécifiques de gladiateurs émergèrent. On distingue trois classes principales : tout d’abord, le retiarius, qui apparaît au Ier siècle avant J.-C. Il ne porte pas d’armure défensive et son objectif est de jeter un filet sur son adversaire, qui, lui, est armé d’une lance. Ce combat repose sur l’agilité, le repli stratégique et crée une nouvelle forme d’affrontement. Ensuite, une autre classe de gladiateurs se développe : les thraex. Le thraex est un gladiateur armé, muni d’un bouclier triangulaire, conçu pour le protéger en cas d’attaque. Lors des combats, il affronte le murmillo, un gladiateur qualifié de “lourd” en raison de son grand bouclier. Enfin, il existe les equites, des gladiateurs qui combattaient à cheval, vêtus d’une simple tunique. Avec le développement de la profession de gladiateur, on observe que chaque combattant développe sa propre spécialité et que le combat devient un art destiné à divertir la population. Dans les amphithéâtres de Nîmes et de Narbonne, afin de professionnaliser cette activité, des écoles de gladiateurs sont créées pour les former à l’art du combat. Une autre activité se développe dans l’amphithéâtre, en dehors des combats de gladiateurs : les venationes. Les venationes sont des jeux de cirque mettant en scène des animaux sauvages ou exotiques, comme des lions ou des éléphants, qui se battent entre eux ou contre des hommes.

Pour permettre ces spectacles, les arènes, comme celle de Nîmes, sont restructurées. Elles se dotent alors de galeries souterraines permettant de faire apparaître les fauves ou les gladiateurs directement sur la piste.

Représentation d’un combat entre un gladiateur et un animal sauvage, www.Odysseum.education.fr

Ces deux activités montrent que tout est mis en place pour divertir la population. À cette époque, la vie des gladiateurs est structurée avec des spécialisations et des écoles destinées à les former à l’art du combat. Par la suite, les spectacles se diversifient avec l’introduction de représentations d’animaux sauvages.Nous allons maintenant nous intéresser à une coutume peu connue des amphithéâtres : la religion.

À partir du règne d’Auguste, qui s’étend de 27 avant J.-C. à 14 après J.-C., un changement s’opère. Il ordonne la reconstruction des théâtres en amphithéâtres pour organiser des spectacles de plus grande ampleur et marquer la population conquise avec des constructions romaines. Lors de ces reconstructions, des sanctuaires sont intégrés aux édifices de spectacle.

L’amphithéâtre, initialement dédié aux représentations, devient sous Auguste un centre non seulement de divertissement, mais aussi politique et religieux. Le sanctuaire, appelé sacellum, est situé dans un espace retiré du bâtiment, au sein du cavea, partie formée par les rangées de gradins où prennent place les spectateurs lors des représentations. Le sacellum de l’amphithéâtre ne concurrence pas les grands sanctuaires situés au cœur de la cité, car son but est uniquement de vénérer les dieux et déesses liés aux jeux. Parmi eux :
• Mars, dieu des combats, à qui l’on dédie des armes comme la lance ou le bouclier ;
• Hercule, héros de la mythologie romaine, protecteur des athlètes et garant de leur sécurité ;
• Némésis, déesse de la justice, qui considère que la justice s’obtient par la force.

Lors des représentations, des rites et des vénérations leur sont dédiés.

Nous avons ainsi pu constater que les amphithéâtres en Gaule narbonnaise avaient une fonction de divertissement où la religion restait omniprésente. Sous Auguste, un autre type de représentation religieuse se développe : le ludi sacenci. Ces jeux, organisés dans l’arène, ont pour but d’apaiser les divinités et de les vénérer. Associer religion et spectacle vise à inculquer la culture romaine au peuple gaulois, fraîchement conquis par l’Empire en 50 avant J.-C.

Sculpture de Romelus et Remus, dans le char de Mars, Musei Capitolini, Roma
Sculpture d’Athéna, Musée Saint-Raymond archéologie Toulouse

La cavea en latin est l’espace dédié à ces gradins dans l’amphithéâtre. Cela constitue précisément le cercle autour de l’arène qui abrite des places pour les spectateurs des différents spectacles. Cette cavea est bien organisée. Les amphithéâtres ont pour but d’accueillir un grand nombre de personnes afin de propager des idées romaines au plus grand nombre et d’effectuer ce processus de “romanisation” de la Gaule narbonnaise. Les vestiges in situ nous permettent donc d’identifier cette construction de la cavea. Robert Bedon, dans son ouvrage Architecture et urbanisme en Gaule romaine, précise qu’il fallait donner au peuple une impression d’appartenance à une communauté. Rendre visible cette hiérarchie sociale, cette organisation des sociétés. L’attribution des places au sein de cette cavea était donc bien organisée. La partie basse était réservée aux notables de la ville. Plus près des spectacles, ils démontrent leur puissance. Quant au peuple, il était placé plus en hauteur. Cette position haute, contrairement à cette appellation, avait pour but de démontrer leur position modeste, loin des gradins ils avaient une visibilité plus réduite. Cette catégorisation au sein des amphithéâtres en Gaule narbonnaise avait donc une grande importance, dans une volonté de démonstration, car les amphithéâtres réunissaient l’ensemble des populations urbaines et des campagnes alentour.

Pour conclure notre projet de recherche sur la place et le rôle de l’amphithéâtre dans la Gaule narbonnaise, nous avons pu voir avec nos nombreuses sources que l’amphithéâtre n’était pas un simple édifice de spectacle, mais qu’il bénéficiait d’une place stratégique dans divers domaines : politique, religieux, géographique et social. Le but premier des édifices de la Gaule narbonnaise était, pour les envahisseurs romains, de réunir la population autour du divertissement pour inculquer au nouveau Romain de Gaule la culture romaine : la romanisation. Cet édifice représente la grandeur, la puissance et l’influence que Rome exerce sur le territoire. Encore aujourd’hui, ces amphithéâtres ont un rôle majeur dans la ville : Nîmes détient l’amphithéâtre le mieux conservé après le Colisée de Rome. Dans cet amphithéâtre, il se tient des représentations dans divers domaines. Cet édifice n’a plus la même importance mais garde un rôle spécial dans l’histoire.


Auteurs : MESBAH Anna (L2), MASSOL Noémie (L2), CAMPOS Anaïs (L1)

Bibliographie :

BEDON Rober, CHEVALLIER Raymond, PINON Pierre, Architecture et urbanisme en Gaule romaine. Tome 1. L’architecture et les villes en Gaule Romaine, Edition Errance, Paris, 1988.

FERDIERE, Alain, Les Gaules IIes av J.-C.-Ve s. ap. J.-C., Paris, Armand Colin, 2005.

BASLEZ, Marie-Françoise (dir), Catherine Wolff, Jean-Louis Voisin, Rome et l’Occident : 197 av. J.-C. – 192 ap. J.-C, Neuilly : Atlande, 2010.

DUMASY, Françoise, « Théatres et amphitéàtres dans les cités de Gaule Romaine : Fonctions et répartition », Etudes de Lettres, 2011, pp. 193-222.

Le circuit des Planques : Un carrefour entre passion et industrie automobile.

Le circuit d’Albi, situé dans la région de l’Occitanie en France, est bien plus qu’une simple piste de course. Ce lieu emblématique tisse un lien profond avec l’industrie automobile française, en particulier à travers son histoire riche et ses liens avec les grandes marques d’après-guerre. 

Situé dans la belle ville d’Albi, connu pour sa cathédrale et ses héritages cathares, le circuit des Planques est un circuit de course automobile qui voit le jour en 1933. Il a évolué au fil des décennies pour devenir l’un des hauts lieux du sport automobile en France. Avec son tracé technique et varié, il a accueilli de nombreuses compétitions, des courses de voitures de tourisme aux prestigieuses épreuves de monoplaces. Son importance ne se limite pas à la compétition, il est également un symbole de la passion française pour l’automobile. Célèbre de son époque, ce circuit est créé par un groupe de passionnés de courses de motos et d’automobiles : l’AMCCA (Automobile Moto Camping Club Albigeois). Ces derniers vont participer vivement à la construction des gradins du circuit des Planques et vont être d’une grande aide afin de faire naître le circuit.

Le circuit des Planques en 1940 (Photographie issue de la collection de l’AMCAA)

Une naissance dans les années 1930.

Dans les années 1930, la France vivait une véritable histoire d’amour avec l’automobile. Cet engouement a donné naissance au Circuit des Planques, qui exploitait les routes sinueuses et exigeantes de la campagne albigeoise. Les courses sur ce tracé attiraient aussi bien les pilotes locaux fiers de représenter leur région, que les passionnés de toute la France avides de sensations fortes. Le parcours composé de montées escarpées, de descentes rapides et de virages délicats, testait autant la dextérité des pilotes que les capacités des véhicules. Ce n’était pas un circuit pour les timides : chaque mètre exigeait une attention totale, et chaque erreur se payait cher. Pourtant c’était cette rudesse qui en faisait tout le charme, une quête de maîtrise et d’excellence sur un terrain imparfait mais captivant.

L’Après-Guerre : un second souffle.

Lorsque la guerre prit fin, le Circuit des Planques se réanima, symbolisant le retour à la vie normale et la volonté de surmonter les épreuves d’une époque troublée. Les courses reprennent en 1946, marquant une période où la région d’Albi vibrait au rythme des moteurs. On y voyait défiler les grandes marques françaises comme Renault ou Citroën, qui reconstruisaient leurs gammes et leur réputation sur ce genre de tracé, dans une économie en plein développement, notamment grâce au plan Marshall. 

Les problèmes liés au circuit et sa fermeture.

Des années 30 aux années 50 le circuit des Planques est à son apogée et continue d’organiser de grands Prix mondiaux. Cependant, certains évènements vont bousculer cette gloire. En 1955, un pilote du circuit du Mans décède suite  un grave accident, qui a valu de nombreux blessés dans le public de cette course. Cet accident a prévalu pour revoir les normes de sécurité de tous les circuits automobiles dans le monde entier. Le circuit d’Albi, jugé alors trop dangereux, ferme officiellement ses portes la même année. A ce jour, l’accident du Mans est considéré comme l’un des pires  accidents du sport automobile, à la fois par la violence  du drame, le pilote est décédé et il y a eu de nombreux blessés  au sein même du public. Mais aussi car le circuit du Mans était déjà l’un des circuits les plus connus et les plus importants. Aujourd’hui encore, il garde la même gloire d’antan avec son célèbre 24 heures du Mans. 

Le circuit des Planques 1934 (collection privé de l’AMCAA)

On remarque l’absence de réelle mesure de sécurité

Un héritage qui persiste.

Si le Circuit des Planques a cédé la place à son successeur, il n’en reste pas moins un chapitre important de l’histoire du sport automobile. Il a façonné la région d’Albi, attirant spectateurs, pilotes et investisseurs, tout en cultivant un amour durable pour les courses. Mais plus qu’un simple lieu de compétition, ce circuit a représenté une communauté unie autour d’une passion commune, où chaque course devenait un événement à part entière, une fête où résonnaient les cris, les rires et les applaudissements.

L’industrie automobile d’après-guerre : Son rôle économique et le rôle des marques françaises. 

Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie automobile française a connu une période de renouveau et de croissance. Des marques emblématiques comme Renault, Peugeot et Citroën ont joué un rôle crucial dans cette renaissance. On mesure l’importance des constructeurs et de l’industrie automobile par son rôle important dans l’économie. Après la Seconde Guerre mondiale, la relance économique est en effet très difficile pour les pays européens. Cependant le développement des circuits et des courses automobiles a permis au constructeurs de faire nombre de véhicules qui ont favorisé la relance de cette économie.

Cependant les français n’étaient pas tous seuls dans cette industrie automobile.On peut remarquer l’apparition de la concurrence avec les autres marques d’autres pays européens. Les constructeurs français devaient constamment innover pour rester compétitifs face aux géants américains et allemands. Le plan Marshall, avec ses aides économiques, a également joué un rôle indirect en stimulant l’économie européenne, permettant ainsi aux industries automobiles de se reconstruire et de prospérer.

Néanmoins, avec la Seconde Guerre mondiale, la réputation de certaines marques d’automobiles a été entravée. C’est le début de la nationalisation des marques. On peut alors prendre l’exemple de Renault, marque française majeure depuis les années 30  et dans le développement de l’industrie automobile des années 50. Durant la période d’Occupation, Renault a collaboré avec l’Allemagne nazie, ce qui a valu à Louis Renault, fondateur de l’entreprise d’être jugé et emprisonné pour collaboration. 

Le cas de Peugeot est différent sur cette nationalisation, étant très réticents par la collaboration avec l’Allemagne nazie, ils sont sous contrôle allemand à leur détriment durant la Seconde Guerre mondiale en plein Occupation allemande. Peugeot va tout faire pour éviter de répondre aux demandes des allemands, ils vont faire baisser la production de voiture de manière volontaire, et sabotent même certaines pièces de voitures.

La promotion des marques d’automobiles.

Évoquer le circuit des Planques, nous permet de mieux comprendre par la suite le développement de cette industrie. En effet, les circuits automobiles jouent un rôle majeur dans l’enjeu de promotion de marques d’automobiles. En France, depuis les années 30 avec les Trente glorieuses, les quatre marques principales sont Peugeot, Renault, Citroën et SIMCA. 

Louis Renault avec image : 

Louis Renault (1977-1944) est connu pour être le fondateur de la célèbre marque française Renault. Destiné à travailler dans le milieu de l’automobile, il crée lui-même son propre véhicule à seulement 21 ans. C’est alors qu’il décide de créer une entreprise avec l’aide de son frère Marcel Renault, et de fonder la marque de voiture Renault. Dès le début des années 1900, ses voitures sont tout d’abord des voitures de courses automobile. 

Le circuit de Pau : Une comparaison avec les Planques

Pour mieux comprendre l’impact et les spécificités du circuit d’Albi, comparons-le à un autre circuit automobile célèbre dans la région : le Circuit de Pau. Le circuit de Pau est comparable, car c’est un circuit non fermé. Les circuits non-fermés sont des circuits qui ne sont pas prévus à cet effet, ils sont généralement en plein milieu d’une ville comme c’était le cas pour le circuit des Planques. A la différence, les circuits fermés sont des circuits qui sont en périphérie, avec un tracé des routes prévu à cet effet, et parfois des normes de sécurité plus convenables.

Carte du circuit des Planques en 1933 (AMCAA)

Le Circuit de Pau, situé au cœur de la ville de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques, est l’un des plus anciens circuits urbains de France. Inauguré en 1933, la même année que celui d’Albi, il est renommé pour son tracé sinueux et technique qui utilise les rues de la ville. Le Grand Prix de Pau est l’un des événements les plus prestigieux accueillis par ce circuit, attirant des pilotes de renommée mondiale et offrant une expérience unique grâce à son cadre urbain. La proximité des spectateurs et les défis techniques liés aux virages serrés et aux rues étroites rendent chaque course palpitante et spectaculaire.

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Plan du circuit de Pau 1933

A la différence du circuit d’Albi, le circuit de Pau offre une ambiance très différente, alors que Albi avec son circuit permanent, propose des infrastructures modernes et une piste plus ouverte, Pau séduit par son atmosphère historique et son tracé urbain. Les courses à Pau sont souvent plus intenses et techniques, exigeant une grande précision de la part des pilotes. En revanche, Albi, avec ses installations modernes, permet une gestion plus efficace des compétitions internationales et offre un terrain de jeu diversifié.

Un souvenir d’un âge d’or. 

Finalement le Circuit des Planques incarne une histoire fascinante qui remonte aux origines du sport automobile en France. Bien qu’aujourd’hui largement oublié, ce tracé routier, éphémère mais légendaire fut à son apogée un théâtre vibrant de vitesse, d’audace et d’innovation, caractérisant une époque où la passion mécanique pulsait dans chaque virage. Cependant, certains tentent de pérenniser le circuit des Planques en faisant un effort mémoriel. Du 19 au 27 octobre 2024, le Comité du quartier de la Renaudié organise une exposition en souvenir du circuit. Des photos, des maquettes sont exposées pour faire rappeler aux anciennes générations l’apogée de ce circuit, et peut-être le  faire connaître aux nouvelles générations. 

Un premier investissement de commémoration est fait sur le rond-point de la Renaudié à Saint-Juéry, où une maquette de voiture est exposée en grand format.

Photographie du rond points de la Renaudière, image personnelle

Images personnelles prises durant une exposition de l’AMCCA “

Affiche publicitaire du Grand Prix d’Albi de 1952.
Photographies de pilotes et leur voiture.

Le rôle des Jeux Olympiques dans la cohésion des cités grecques et la construction de l’identité citoyenne en Grèce Antique

Les Jeux Olympiques, tels que nous les connaissons, sont bien plus qu’une simple compétition sportive. Ils incarnent des valeurs universelles de paix, d’excellence et de fraternité.

Les Jeux Olympiques trouve leur racine dans la Grèce Antique, il avait une signification bien plus large que de nos jours, favorisant ainsi l’unité grecque et l’émergence d’une identité collective. Ils furent fondés en 776 avant JC afin de réunir les cités-États indépendantes appelées « poleis ». Ces cités méditerranéennes, (on note notamment Athènes, Sparte ou encore Corinthe), partageaient une vrai culture commune malgré une certaine autonomie qui n’empêchaient pas les rivalités et les conflits armés fréquents. 

Les jeux olympiques s’organisaient tous les quatre ans à Olympie, dans le sanctuaire sacré dédié à Zeus. Ils comprenaient diverses épreuves telles que la course, la lutte, le pugilat ou encore le lancer de javelot. Outre ces épreuves sportives, ces Jeux rassemblaient des cités souvent en guerre autour de valeurs et traditions communes.

Une trêve sacrée nommée « ekecheiria » a était instaurée pour apporté une sorte de paix temporaire. A cette époque le citoyen est un habitant libre mais aussi un soldat, un homme éduqué et un acteur engagé dans la vie de sa cité. Les Jeux Olympiques reflètent cet idéal et valorisent des qualités comme l’excellence physique, la discipline et la vertu.

Dans cet article, nous soulignerons le rôle central d’Olympie dans l’unité religieuse et culturelle des cités grecques ainsi que l’importance des valeurs fondamentales partagées par les Grecs à travers les Jeux Olympiques contribuant à forger l’identité grecque.

Olympie: un lieu sacré au cœur de l’unité grecque 

Le sanctuaire d’Olympie au coeur de l’unité grecque 

Le sanctuaire d’Olympie est situé dans la vallée de l’Alphée en Péloponnèse, fait partie des quatre grands sanctuaires panhelléniques. On y retrouve le « temple de Zeus », qui abritait une statue colossale de Zeus ,considéré comme une des Sept merveilles du monde antique. Ce sanctuaire dédié à Zeus ,vu comme le Dieu des dieux dans la mythologie grecque, attirait des pèlerins de tout le monde grec venant lui rendre hommage ou bien assister aux jeux.

Représentation du temple de Zeus

Ce culte était considéré comme un des rares rites religieux réunissant toutes les cités grecques.

En effet, il est important de noter que les Grecs étaient polygame, c’est à dire qu’ils croyaient en une multitude de dieux et déesses. Les plus important étaient appelés les « 12 olympiens » (Zeus, Athéna, Apollon, Héra, Artémis et Poséidon…) et représentaient des forces naturelles et humaines majeures puisque leur culte était pratiqué dans tout le monde grec. Ainsi bien que chaque cité-état avait son propre culte et ses propres pratiques religieuses, la religion olympienne permettait de se rassembler.

Trêve Olympique: symbole de paix entre cités rivales

Les Jeux olympiques n’étaient alors pas seulement considérés comme un évènement sportif mais bien un réel moyen de renforcer les liens entre les différentes cités.

Les Grecs se retrouvaient donc en terrain dit « neutre » où les conflits militaires étaient suspendus pendant les jeux. Ceci étant possible grâce à l’instauration d’une trêve dite olympique nommée « Ekecheiria ». Il s’agissait d’une période de paix où l’on stoppait les conflits généralement à partir de la semaine précédant les jeux jusqu’à la suivante.

Selon Pausanias, on suppose qu’elle aurait été instaurée lors des premiers jeux historiques en 776 avant JC. Elle était ainsi prononcée par des spondophores annonçant le début des jeux afin de stopper les conflits. Elle concerne l’ensemble des agônes (fêtes sportives grecques) et pas seulement les Jeux olympiques.

Durant ce temps, Olympie est alors inviolable, aucune armée ne peut pénétrer assurant ainsi un sentiment de sécurité pour les spectateurs, les organisateurs, les sportifs… L’institution de cette trêve symbolise alors une certaine forme de solidarité panhellénique; ils se considéraient comme un ensemble de peuples partageant une même culture, même langue et même croyance religieuse. Ceci renforce ainsi le sentiment d’appartenance à une communauté plus large, en dépit des rivalités.

Olympie, “miroir” de la diversité grecque
Reconstitution d’Olympie, centré sur le sanctuaire sacré

Olympie est bien plus qu’un simple lieu de rassemblement. Elle apparait comme véritable reflet de la diversité des cités grecques.

Elle s’exprime tout d’abord par la participation d’un grand nombre de polis qui envoient leurs athlètes représentant à la fois la singularité des cités et leurs valeurs partagées. Les Jeux Olympiques offrent une rare occasion de voir réunies les cités souvent rivales. Les spectateurs des Jeux se retrouvent ainsi dans une ambiance unificatrice où le sentiment d’appartenance à une civilisation commune surpasse les tensions locales.

Olympie révèle également l’étendue géographique de la culture grecque puisque les cités participantes représentent la quasi totalité des régions du monde grec : la Grèce continentale, les îles de la mer Égée, l’Asie Mineure ou encore les colonies grecques d’Italie du Sud et de Sicile.

Cette large participation montre la capacité des Jeux à unir une communauté dispersée. Olympie fonctionne comme un miroir de la complexité du monde grec : c’est un espace où les cités-États affirment leur singularité tout en célébrant leur unité culturelle. Les Jeux rassemblent cette diversité sous le même idéal ceux qui contribue à renforcer le sentiment d’appartenance à une même civilisation, au-delà des divisions politiques et des rivalités locales.

Les JO, reflets des valeurs partagés par les cités grecques

La notion “agon” comme reflet des idéaux grecs

La notion agon, du grec “l’assemblée” ou “le concours” en particulier sportif, décrit principalement la compétition. Au cœur des Jeux Olympiques elle reflète les valeurs fondamentales de la culture grecque et représente bien plus qu’une simple rivalité sportive: elle incarne une philosophie de vie basée sur l’effort, le dépassement de soi et le respect des adversaires. 

Les athlètes s’affrontent avec courage et détermination  pour remporter une couronne d’olivier mais aussi pour honorer leur cité et leurs dieux.  L’esprit de compétition est la valeur la plus représentative de l’agon, elle est essentielle pour les Grecs et symbolise la quête d’excellence dans tous les domaines. Cette quête rapproche les cités qui  partagent toutes cet idéal de perfection et de maîtrise. On note aussi le concept d’arétè qui est une valeur forte. Traduit par « vertu » ou « excellence”, l’arétè représente l’idéal grec d’un homme accompli sur le plan physique et moral. Les athlètes qui concourent à incarner cet idéal ont le devoir d’être forts, habiles mais aussi disciplinés, respectueux et maîtres d’eux-mêmes.

Les valeurs Olympiques

Les Jeux mettent en lumière les valeurs olympiques à travers l’image du guerrier citoyen. Dans la Grèce antique, les citoyens étaient des soldats destinés à défendre leurs cités.

On les appellent les « hoplites », c’est-à-dire qu’ils sont lourdement armés et doivent acheter leurs équipements (bouclier rond ou ovale, casque, cuirasse, cnémides, épée et lance). Ils représentent ainsi l’image parfaite et typique du soldat grec. Ce sont des citoyens libres, des fermiers ou des artisans qui ont les moyens de se payer eux-mêmes leurs équipements, mais ils ne sont pas soldats professionnels.

Représentation des athlètes grecs se préparant avant les jeux

Pour devenir athlète dans le monde grec, il fallait s’entraîner dans le gymnase ou dans la palestre, c’est-à-dire dans des espaces dédiés à la pratique sportive. L’aspect physique et esthétique était primordial tout autant que le mental car chez les grecs, le corps et l’esprit étaient liés:

« mens sana in corpore sano »« Un esprit sain dans un corps sain« 

L’athlète représentait donc l’idéal d’un homme parfait, harmonieux et équilibré sur le plan physique et intellectuel. Léonidas de Rhodes, un des coureurs les plus célèbres de l’Antiquité qui a remporté douze couronnes olympiques, est un parfait exemple d’un athlète porteur de valeurs olympiques.

Une culture commune face aux étrangers 

Les JO sont également le reflet des valeurs partagées par les cités grecques à travers la culture commune qu’elle met en place entre les grecs et face aux “étrangers”.

Pour participer aux JO, il fallait être un citoyen libre d’origine grecque. Ainsi, les femmes, les étrangers et les esclaves en étaient exclus. De même, toutes les cités qui participaient étaient des cités grecques. Il n’y avait donc pas de “barbares”. Ceux qui étaient appelés ainsi étaient en fait les gaulois, les phéniciens, les thraces ou encore les égyptiens.

Cette exclusion renforce l’idée d’une frontière nette avec le monde barbare pour rassembler les grecs. Les JO unissent les grecs à travers des valeurs propres à ces jeux : le respect, l’excellence et l’amitié pour favoriser la fraternité entre les citoyens. Ces valeurs sont essentielles et montrent la nécessité de dépasser les querelles politiques, économiques ou de société, au moins le temps des Jeux, pour se réunir malgré les différences qui opposent les cités en apparence.

Les JO vecteurs de la construction de l’identité citoyenne 

Construction d’une identité autour du citoyen-athlète 

Le citoyen athlète représenter le modèle d’Aréte qui combinait plusieurs qualités: force physique, discipline morale et engagement civique. Il était ainsi perçu comme un modèle d’excellence à suivre.

Ces lieux où les athlètes suivait leur formation représenter la disciplines physiques , l’enseignement moral : ce qu’on appelle la paideia.

La guerre elle servait de vrai exercice préliminaire à l’entraînement et inversement, l’entraînement comme un exercice préliminaire à la guerre. Ces athlètes devaient, en plus d’être un exemple dans les disciplines sportives et civiques, l’être dans la religion. Ils s’engageaient notamment auprès des Dieux à respecter les lois misent en place et les décisions des juges olympiques en plus de diverses cérémonies pratiquées avant les Jeux (comme les sacrifices d’animaux).

Ils étaient vus comme modèle local car ils étaient dévoués à leur cité parce qu’il se battait pour cette dernière, ainsi en cas de victoire, des honneurs étaient rendus à l’athlète.

Les honneurs rendus aux vainqueurs 

En cas de victoire, on remettait au vainqueur, la récompense officielle des Jeux: la couronne d’olivier appelée « kotinos » symbolisant gloire, vertu et faveur divine.

Il arrivait aussi que des statues honorifiques soient érigées à Olympie ou dans la cité. Pour la course de chars, une discipline majeure, le nom du vainqueur était gravé à Olympie même. Parfois, des poètes écrivaient des odes pour immortaliser le ou les exploits des champions et ainsi les inscrire dans la mémoire collective. 

Représentation de l’épreuve de la course sur une amphore

Enfin, ils étaient vus comme modèle local car ils étaient dévoués à leur cité parce qu’il se battait pour cette dernière, ainsi en cas de victoire, des honneurs étaient rendus à l’athlète. La victoire aux Jeux Olympiques pouvait servir de tremplin pour accéder à un rang plus élevé dans la société, même pour les citoyens issus de classes modestes. Les champions pouvaient également se voir accorder des privilèges comme par exemples des récompenses matérielles (de l’argent ou des terres) voire l’exemption fiscale.

De fait, les champions pouvaient jouir de nombreuses récompenses. La seule systématique étant la couronne d’olivier provenant du temple de Zeus, mais ils pouvaient également connaître une ascension sociale grâce à leur victoire et inscrire leur nom et exploits dans la mémoire collective pour atteindre une forme d’immortalité.

Les conséquences d’une victoires sur l’identité des cités

Une victoire aux Jeux Olympiques représentait également un immense honneur pour la cité d’origine du champion ou pour celle qu’il avait choisi de représenter. Cela permettait à la cité d’affirmer sa puissance physique comme morale au travers d’un representant: l’athlète.

La victoire était perçue comme une manifestation de la faveur des dieux, conférant à la cité un statut privilégié parmi ses rivales. L’exploit de l’athlète permettait aussi d’affirmer une certaine unité inter-cités renforcée par les cérémonies au retour de l’athlète dans sa ville. Ces festivités mêlaient religion et exaltation civique et participaient ainsi à la construction d’une identité collective autour de la victoire. Une victoire olympique offrait donc à la cité un prestige inégalé affirmant sa position au sein du monde grec et augmentant son influence.

Pour immortaliser cette gloire, les cités frappaient des pièces de monnaie à l’effigie du vainqueur, associant ainsi directement le nom de la cité à ces succès. De telles victoires constituaient une forme de propagande efficace, renforçant l’image de la cité et lui permettant d’élargir son influence au niveau régional. La victoire renforçaient aussi l’identité culturelle de la cité, associée à des valeurs de supériorité morale, physique et spirituelle. Les récits et les célébrations autour des triomphes participaient à forger une légende, assurant à la cité une place de choix dans l’imaginaire collectif grec.

BILAN

Les Jeux Olympiques antiques ont joué un rôle central dans la construction d’une identité commune entre les cités grecques permettant de renforcer leur cohésion.

Cet espace sacré rassemblait des cités-États issues de toutes les régions du monde grec sous un même idéal spirituel, renforçant les liens entre des cités souvent divisées. Par ailleurs, les Jeux Olympiques incarnaient les valeurs fondamentales partagées par tous les Grecs comme l’Agon et l’Arétè.

Les athlètes, incarnaient un idéal du citoyen-soldat, alliant force physique, discipline et honneur avec la formule “mens sana in corpore sano’’ soulignait l’importance d’une harmonie entre le corps et l’esprit.

Les Jeux Olympiques dépassaient les querelles politiques et contribuent à la cohésion des cités en leur offrant une occasion unique de se retrouver dans un cadre pacifique et symbolique. Chaque victoire, chaque rencontre, chaque rite renforçait le sentiment d’appartenance à une culture commune tout en affirmant les spécificités de chaque polis.

L’intolérance religieuse en Occitanie à travers l’Affaire Sirven.

L’affaire Sirven est une affaire judiciaire tarnaise et plus précisément castraise. Elle a mobilisé de grands auteurs comme Voltaire afin de défendre l’accusé.
Dans le cadre de ce blog, nous allons revenir plus en détail sur cette célèbre affaire qui a eu lieu dans les années 1760, sur un fond de conflit religieux, et qui a bouleversé l’Occitanie. Nous allons voir qu’elle possède des particularités qui la différencie des autres conflits religieux de la période, comme l’affaire Calas. Pour cela, il est important de rappeler au lecteur le contexte d’intolérance religieuse qui touche la France durant cette époque, puis de façon plus détaillée l’Occitanie avec la ville de Castres. Pour cela, nous avons rassemblé à l’aide de deux frises chronologiques les dates les plus importantes et marquantes à retenir afin de comprendre l’installation de ce climat d’intolérance religieuse, ainsi que les effets qu’elle provoque partout en France, et notamment dans la ville de Castres.

Frises chronologique réalisée par Salvat. Elisa, étudiante, INU Champollion.

Maintenant que le contexte est plus clair, la question que nous allons approfondir au travers de ce blog est : l’affaire Sirven, un exemple de l’intolérance religieuse en Occitanie ou une exception ?
Pour cela, nous allons voir sous forme d’un journal de bord les débuts de l’affaire, puis nous verrons plus en détail la défense de Voltaire et son poids dans le dénouement de cette dernière qui correspond à un cas d’école, pour finir avec la représentation d’un cas inédit.

Mars 1760 :  Présentation de la Famille et début de l’affaire 

Arbre généalogique de la famille Sirven, par Gaëtan. Robert, étudiant, INU Champollion

La famille Sirven, originaire de Castres, se compose de cinq membres, à savoir Pierre-Paul Sirven, spécialiste du droit féodal, sa femme et leurs trois filles. (Cette affaire débute avec la disparition d’une des filles, Élisabeth, qui montrait des signes d’aliénation mentale.) Au moment de la disparition d’Élisabeth, le père de famille travaillait pour la famille d’Espérandieu au château d’Aiguefonde. Élisabeth sera donc au cœur de cette affaire, notamment par les répercussions que ses actions auront sur l’ensemble de la famille, mais aussi et avant tout avec sa disparition. Revenons en mars 1760, la jeune Élisabeth rejoint le couvent catholique des dames noires à Castres, une institution qui recevait des filles de protestants enfermées par lettre de cachet. Cependant, ces quelques mois ne se déroulent pas comme prévu, dus au comportement d’Élisabeth qui montrait des signes d’instabilité mentale. Elle a souhaité rejoindre ce couvent afin de se convertir au catholicisme, elle qui provenait d’une famille protestante très pratiquante. On parlait même du fait que le protestantisme était héréditaire dans la famille Sirven. Rapidement enfermée dans sa cellule et déclarée démente, Élisabeth Sirven décide de fuir et revient chez sa famille en octobre 1760.

4 janvier 1762 : Découverte du corps

L'AFFAIRE SIRVEN
Puits Sirven à Saint-Alby L’AFFAIRE SIRVEN (site-magister.com)

Le cadavre d’Élisabeth est retrouvé au fond du puits asséché du village de Saint-Alby. Les experts qui l’autopsie ne relèvent aucune trace de violence, mais ont été contraints de modifier leur rapport par le procureur Trinqué de Mazamet. L’expertise conclut que le cou porte des traces de serrements et le crâne la trace d’un choc violent, ce qui écarte la piste de la noyade. Très vite, on observe que l’autopsie a été très négligée et rudimentaire, car elle a été associée à la religion. Suite à la découverte du corps, la famille Sirven est donc la principale suspecte et les parents seront déclarés coupables. Ces accusations et cette autopsie erronée suffisent au juge de Mazamet pour lancer le décret du parricide. Face au danger immédiat, les Sirven sont obligés de prendre la fuite.

15 janvier 1762 : La décision de justice de Toulouse

Monitoire contre Pierre-Paul Sirven publié le 15 Janvier 1762, issu du guide d’exposition des archives de castres

Le procès de Pierre-Paul Sirven débute en janvier 1762. Il est jugé selon le concept de la justice seigneuriale. Les juges de Pierre-Paul Sirven sont ses anciens clients, vassaux du comté de Belle-Isle. Monsieur Sirven pense ainsi pouvoir gagner le procès. Cependant, ce territoire est riche et donc convoité par les juges. Le procès se conclut par la confiscation des biens de la famille Sirven.
Suite à ce procès, le procureur fiscal de Mazamet demande à l’Église la publication d’un monitoire afin d’apporter les preuves de la culpabilité de Pierre-Paul Sirven. Le premier monitoire est publié le 15 janvier 1762, et tout est fait pour incriminer les Sirven. Il est impossible de témoigner en leurs faveurs, ils sont donc condamnés par contumace. Pierre-Paul Sirven doit être brûlé vif, Toinette sera pendue. Les filles Sirven, quant à elles, sont bannies à vie et doivent assister à l’exécution. Le 29 mars 1764, en l’absence du couple, leurs effigies sont pendues puis brûlées sur la place du Plô face à l’église de Mazamet.

19 janvier 1762 : La fuite des Sirven 

Le cardinal de Mazamet ordonne l’arrestation de Pierre-Paul Sirven le 19 janvier 1762. Ce dernier, prévenu de sa condamnation, fuit, car au vu de la décision de justice pour l’affaire Calas, il sait ce qui l’attend. Il arrive en Suisse dans la ville de Lausanne en avril 1762. Il sera rejoint par sa femme et ses filles 15 jours plus tard. Le trajet sera cependant périlleux, Toinette et ses filles seront secourues par le pasteur du désert Paul Rabaut et atteignent leur destination en juin 1762. Hélas, la mère tombe malade et meurt durant son exil en septembre 1765. C’est durant cette fuite que Pierre-Paul Sirven rencontre, à Ferney, celui qui l’aidera à survivre : Voltaire.

1764 : Un échange de lettres important

Afin de mieux comprendre cette affaire et son déroulement, nous pouvons nous appuyer sur un important flux de lettres entre les membres de la famille Sirven et les défenseurs de celle-ci. Ces discussions épistolaires sont le fruit d’une dispersion familiale entre : Pierre- Paul Sirven et son épouse à Genève, les sœurs d’Elizabeth, Jeanne et Marianne à Lausanne et Jean-Pierre Ramond à Castres.
Il faut tout de même nuancer le fait que ces lettres ont des émetteurs différents. En effet, nous retrouvons dans un premier temps des échanges entre la famille. C’est le cas des lettres que se sont envoyées Pierre-Paul Sirven et son gendre en 1764 et en 1771 (nous pouvons voir en cela que l’échange de lettres se fait tout au long de l’affaire.). Mais nous trouvons aussi des correspondances entre les défenseurs de M. Sirven avec, par exemple, une lettre entre Voltaire et M. Cathala, en 1765, qui montre que ce premier veut rendre justice à la famille persécutée.
Très récemment, en 2019, de nouvelles lettres ont pu alimenter la construction historique de cette affaire. Celles-ci nous parviennent de la descendance de la famille Sirven. Ce fond de lettres, avec plus de 482 documents, constitue les traces que la famille a pu laisser de 1598 à 1926. Nous retrouvons tout un ensemble d’archives familiales. Parmi celles-ci, plus d’une centaine sont liées à l’affaire, c’est le cas par exemple avec des lettres entre Pierre- Paul Sirven et son gendre.

le fanatisme de la superstition subsiste dans toute sa force, et que le seul moyen de l’écraser est de faire rendre justice à la famille Sirven”. Selon Voltaire

1765 : La défense de Voltaire

La défense de Voltaire se fait sur deux fronts. En effet, à part porté secours à M. Sirven (physiquement en l’appelant à se réfugier en Suisse et par les multiples lettres envoyées à plusieurs défenseurs), c’est une défense pour la liberté de pensée, contre le fanatisme religieux qui est mis en place (comme on peut le voir avec le Traité sur la tolérance publié en 1763). Après que la famille du condamné a pris contact avec Voltaire, cette défense se déclenche rapidement. De là, débouche le texte écrit par ce dernier intitulé J’éclaire à l’intention des Sirven. M. Voltaire a un poids considérable au cours de l’affaire, mais il n’est pas le seul à apporter son aide. Les écrits de Voltaire ont pour la plupart traversé les frontières du royaume de France. Nous pouvons retrouver alors certains monarques protestants comme Christian VII du Danemark, qui offrent une contribution financière à Voltaire en faveur des Sirven (100 rigsdaler danois pour Christian VII en 1766). Sur cette même lancée, nous pouvons évoquer les avocats qui ont aidé Pierre-Paul Sirven. Il s’agit notamment d’Élie de Beaumont pour le début de l’affaire et de Pierre-Firmin de Lacroix.

Le retour de Sirven en 1769
Sous les conseils de Voltaire, Pierre-Paul Sirven revient à Castres, dans l’espoir d’être réhabilité. Il se fait emprisonner et juger, les nobles de Mazamet ne veulent pas le réhabiliter, car cela signifierait lui restituer tous ses biens, qu’ils n’ont pas.

Le 16 novembre 1769
Pierre -Paul Sirven est déclaré hors d’instance (c’est-à-dire que l’accusation n’est pas prouvée, mais son innocence non plus). Cette condamnation permet à la seigneurie de ne rendre aucun bien à Sirven et de mettre les frais du procès à sa charge. Pierre-Paul fait appel au Parlement de Toulouse pour condamner la justice seigneuriale de Mazamet afin qu’il lui restitue ses biens.
Il finit par être définitivement réhabilité en 1771 par la chambre criminelle de Toulouse.

« Je vous dois la vie, et plus que cela le rétablissement de mon honneur, et de ma réputation. Vous m’aviez jugé et le public instruit n’a pas osé penser autrement que vous, en éclairant les hommes vous êtes parvenu à les rendre humains ! »
Sirven dans une lettre adressée à Voltaire

  • Les conséquences sur la postérité

    27 juin 1820
    Pour la première fois et tous les jours pendant un mois, se déroule au théâtre de Gaîté à Paris une pièce intitulée : « La famille Sirven ou Voltaire à Castres » écrite par Dupetit-Méré. Cette pièce s’éloigne complètement de la réalité puisque la fille s’appelle Poète, elle ne meurt pas et elle devient folle, car elle a failli se noyer.

24 juin au 18 septembre 2022
Exposition sur l’Affaire Sirven à Castres

28 novembre au 22 décembre 2023
Exposition au CDI du lycée international Victor Hugo à Colomiers

Bibliographie:

  • Guide d’exposition des archives municipales de Castres.
  • Voltaire, « Traité sur la tolérance », 1763

 

Le 8e RPIMa et Castres [2024]

Défilé suite à une remise de fourragères

Le 8e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine (8e RPIMa), basé à Castres, constitue l’un des piliers fondamentaux de la défense nationale française, il incarne le courage des forces armées et perpétue une tradition d’excellence héritée des troupes de marine et des unités aéroportées.

La ville de Castres, qui a presque toujours été une ville de garnison, offre depuis plus de sept décennies un solide socle à cette unité d’infanterie. Le  8e RPIMa a su s’imposer comme une force opérationnelle majeure, intervenant tant sur le territoire national qu’à l’étranger, et ce, dans des missions aussi variées que cruciales. Ce régiment, dont le nom est devenu synonyme d’efficacité et de loyauté, perpétue avec fierté les traditions militaires tout en s’adaptant aux évolutions stratégiques et aux défis contemporains.

Au-delà de son rôle tactique et de sa contribution aux opérations extérieures, le 8e RPIMa est également le gardien d’une riche histoire. Cette histoire, tissée de faits d’armes et de sacrifices, forge l’identité de cette unité d’élite, ancrée dans l’esprit du « para » et des troupes de marine.

Cette introduction se propose donc de plonger dans l’histoire, le rôle opérationnel actuel, et l’héritage remarquable du 8e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine de Castres, ainsi que son intégration dans la ville. En scrutant les racines de cette unité prestigieuse, nous chercherons à comprendre ce qui fait de ce régiment un acteur incontournable de la défense nationale, et quels sont les aspects sociaux, économiques et politiques de son intégration à Castres ?

I. L’histoire de Castres

a) Une ville de garnison

Plan de la ville de Castres tiré des archives

Dès sa création (IXe siècle), Castres s’érige en castrum, ou motte castrale, une fortification très répandue à cette époque, d’où la ville tire son nom. Au départ assurée par les hommes d’armes des différents seigneurs féodaux , la défense de la ville est très vite autogérée par des milices urbaines. En effet, des chartes lui sont accordées au IXe siècle par le vicomte d’Albi, privilèges qui dureront sans discontinuer jusqu’à la Révolution française. C’est le début d’une longue histoire militaire.

Les premières traces d’une garnison militaire régulière remontent au début du XVe siècle, avec l’installation d’un régiment de cavalerie royale. À la veille de la Révolution, le 18e régiment de Dragons, ex Dragons du Roi, appartenant aussi à la cavalerie, y tient garnison. En 1793, suite aux guerres de la Révolution, Castres demande à recevoir une garnison régulière. De 1794 à 1796, le 13e régiment de hussards stationne à Castres jusqu’à sa dissolution. L’année suivante (1797), Castres, suspectée d’être trop modérée dans le cadre de la Révolution, est privée de son rang de préfecture (obtenu en 1790) au profit d’Albi.

Sous l’Empire puis la Restauration, on profite du vaste fourrage présent autour de Castres pour y mettre au vert les chevaux des régiments de cavalerie, d’artillerie hippomobile ou du train des équipages. La ville est surtout un lieu de résidence temporaire pour des troupes en déplacement. Malgré un décret (1811) fixant le nombre d’hommes en garnison à 920, il faut attendre 1873 et 1874, dates respectives d’arrivée des 3e et 9e régiments d’artillerie de campagne, pour voir Castres se doter de garnisons régulières. Jusque-là, la ville demeure un carrefour de passage de régiments de cavalerie légère ou lourde, sans régiment unique à l’intérieur de ses murs. Le 3e et 9e RAC sont hébergés jusqu’au début de la Seconde guerre mondiale, où ils sont mobilisés.

Le nombre de garnisons à Castres atteint son apogée lors de l’Entre-deux-guerres. Entre 1923 et 1939 y stationnent, parfois simultanément : deux régiments de Dragons, le 115e régiment d’artillerie hippomobile, un régiment d’artillerie lourde, deux d’artillerie portée, le 20e d’artillerie, une partie du 15e régiment d’infanterie alpine, une brigade de gendarmerie, les bureaux de recrutements départementaux et le cercle de restauration des officiers. Vous trouverez ici la liste des régiments ayant stationné à Castres.

L’abandon du cheval comme moyen militaire, après la Seconde guerre mondiale, a eu un impact négatif sur la culture du foin, à l’instar de l’abandon du charbon de bois qui servait à fabriquer de la poudre noire. Cela a mis un frein à l’industrie des charbonniers de la montagne. De 1945 à 1955, Castres héberge successivement le 1er et le 2e régiment d’artillerie coloniale, puis le 13e de dragons parachutistes. Il n’y a ensuite plus de garnison jusqu’en 1962, avec l’installation du 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine.

b) Une ville guerrière

Avec ses nombreuses garnisons, Castres a joué un rôle dans plusieurs conflits.

Carte postale du 35e RA

La première trace de sa participation à un conflit remonte à la bataille de Bouvines (1214), où la ville aurait envoyé des milices urbaines pour aider le Roi de France, Philippe II dit Auguste. Même si sa contribution reste anecdotique, Castres a joué un rôle dans la croisade des Albigeois (1209-1229), ou encore dans les Guerres de religions (1562-1598), tour à tour place forte catholique et protestante. Devenue place de sûreté protestante, la ville participe activement aux rébellions huguenotes sous Louis XIII, ou Guerres de Rohan (1621-1629).

Sous le Directoire puis l’Empire, Castres devient un pôle logistique majeur, notamment pour la cavalerie avec ses grands espaces, ses casernes héritées de l’Ancien régime, et sa forte production de fourrage.

Pour leurs faits d’armes lors de la bataille de Verdun, le 3e et le 9e régiment d’artillerie de campagne, reçoivent chacun une citation à l’ordre de l’armée (lire la citation du 3e RAC et du 9e RAC). Une citation à l’ordre est une distinction sous la forme de textes décrivant les comportements récompensés.

Lors de la Seconde guerre mondiale, les maquis et corps franc du Tarn jouent un rôle essentiel dans des opérations de sabotage et de guérilla : embuscade d’un train allemand entre Labruguière et Castres, ou encore sabotage du barrage de la Moulines et des ponts ferroviaires, empêchant ainsi l’envoi de renforts en Provence. Les résistants devaient même défiler au centre de Castres sous les fenêtres des dignitaires du parti nazi le 14 juillet.

c) Une ville industrielle impliquée dans l’armée

L’arsenal des castres en 1915, La Dépêche du Midi

Ville industrielle et agricole, Castres a eu un rôle militaire majeur, et ce depuis les premiers régiments de cavalerie royale. Sa forte productivité de fourrage a permis de ravitailler bon nombre de régiment de cavalerie, ou hippomobiles. En sus, lors de la Première guerre mondiale, plusieurs quartiers castrais sont transformés en véritables arsenaux, produisant obus et munitions, nuit et jour.

Enfin, l’industrie textile florissante au sein de la ville a pu fournir à l’armée vêtements et uniformes, encore actuellement. 

II. L’histoire du régiment

a) Issu et bercé par les guerres coloniales

Comme son nom l’indique, le 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine est issu des troupes de marine. Malgré une appellation trompeuse, les troupes de marine sont une arme de l’Armée de terre française. Rattachées en 1900 au ministère de la Guerre, elles faisaient partie depuis leur création, en 1622 par le cardinal De Richelieu, du département de la Marine, où elles étaient les « 100 compagnies ordinaires de la mer ». Elles se caractérisent par leur spécialité de servir en dehors de la métropole, d’où leur nom. Rebaptisées « troupes coloniales » avec le durcissement des guerres coloniales à la fin du XIXe siècle, ces troupes reprennent le nom de troupes de marine en 1961 après les Indépendances. L’usage du terme colonial reste toutefois particulièrement présent dans leurs rangs, notamment dans le répertoire de chants.

Le 8 s’inscrit pleinement dans cette tradition. Créé en 1951 à Hanoï par le général Lattre de Tassigny, sous le nom de 8e bataillon de parachutistes coloniaux, il répond aux besoins de l’époque : la Guerre d’Indochine. Il participe ensuite à la Guerre d’Algérie, puis gagne Castres en 1962, où il devait demeurer sous son nom final de 8e RPIMa.

Pour en savoir plus sur l’histoire du 8 : cliquer ici.

Bataille des Frontières (1958), 25e Division Parachutiste à laquelle appartenait le 8e RPC

b) Un des premiers régiments professionnels…

Un tournant majeur pour le régiment s’opère en 1970 : sa professionnalisation, ce qui entraîne l’intensification des incorporations. Un bureau de recrutement est créé, et les exigences sont peu élevées en vue du besoin d’effectifs. En 1975, ces derniers ne sont toujours pas satisfaisants alors que le Tchad réclame l’attention de la France. S’en suit alors une politique de valorisation, qui porte ses fruits : 10 ans après, on compte 700 hommes dans le régiment.

Pour en savoir plus sur la professionnalisation du 8 : cliquer ici.

“La saint Michel de 1975”, Allô ancre, ici dragon, 6/12/1975

c) … Qui s’inscrit dans la politique étrangère de la France

Depuis sa professionnalisation, le 8 participe à toutes les opérations extérieures de
la France.

À l’occasion du conflit israélo-arabe en 1978, le 8 est détaché au Sud-Liban sur
décision des Nations Unies : là, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban
(FINUL) a une mission de maintien de la paix dans cette région meurtrie. Le 8e RPIMa y relève ses homologues du 3e RPIMa. Les casques bleus français stationnent jusqu’en 1979, et remplissent leur mission avec difficulté, mais peu de pertes : on dénombre moins de dix blessés sans gravité.

La même année, le régiment est dépêché au Tchad, lors de la guerre civile qui secoue le pays, et en Centre-Afrique, où il compose l’essentiel de l’opération Barracuda, chargée de soutenir le président qui avait subit un coup d’État. L’opération vise principalement à protéger les ressortissants français, le nouveau gouvernement, et appuyer les forces armées centrafricaines, notamment par l’instruction. Le contingent regagne Castres en 1981, et repart au Liban entre 1982-1983.

Ouganda, Rwanda, Zaïre, Congo, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Cambodge,
Yougoslavie, Kosovo, Macédoine, Mali, Irak, ou encore Afghanistan, et maintenant
au Sahel, le 8 répond présent dès qu’il est sollicité. En 2008, de jeunes engagés subissent de plein fouet une embuscade à Uzbin (Afghanistan), où huit soldats du régiment sont tués. Cette embuscade marque durablement le 8, qui subit le plus de ses pertes depuis la guerre libanaise. Tout récemment, 250 « paras » sont à la base OTAN de Constanta en Roumanie dans le cadre de la guerre en Ukraine, où ils participent à la mission AIGLE, pour le renforcement de la ceinture défensive du flanc est. L’exercice interallié, en Roumanie, Belgique, ou encore en Grèce constitue une large partie des exercices actuels de l’Armée française.

III. L’intégration réussie du régiment dans sa ville

a) L’arrivée à Castres

L’arrivée du régiment dans cette ville fait suite au long passé militaire de cette dernière : on l’a vu, depuis au moins le XVIIe siècle s’y succèdent de nombreux régiments. Depuis son implantation en 1962, Castres a joué un rôle particulier dans l’histoire du 8e RPIMa : la ville devient officiellement sa marraine en 1997, ce qui est une exception en France. Les armes de la ville sont arborées fièrement sur l’uniforme de cérémonie du régiment.

La ville de Castres a su répondre aux besoins spécifiques du 8e RPIMa en termes
d’infrastructures, notamment grâce aux installations des anciens régiments, offrant des terrains d’entraînement et des casernements adaptés. La production textile de la ville continue de fournir des habillements au régiment : le pressing du Sidobre ou encore le Bazeilles Store. Ce dernier tire d’ailleurs son nom de la bataille de Bazeilles (1870),
symbole des troupes de marine : le combat est encore célébré chaque année au sein de
ces troupes.

Cette relation s’est approfondie au fil des années, évoluant vers une coopération bénéfique tant pour la communauté militaire que pour les citoyens de Castres. L’installation du 8e RPIMa a renforcé les liens entre la population locale et l’armée, favorisant une dynamique positive entre les deux.

b) Impacts socio-économiques et politiques

Le 8eme RPIMa aux côtés des enfants, Journal La Dépêche, 18 Novembre 2018

Les impacts sociaux, économiques et politiques de l’arrivée du 8ème RPIMa à Castres sont
significatifs. Sur le plan social, l’installation de militaires et de leurs familles a apporté un
dynamisme démographique à la région. Les membres du régiment participent activement à la vie communautaire, s’intégrant pleinement à Castres par leur engagement dans des activités sociales. Peuvent être cités :

  • la para night race, une course organisée dans la ville en passant par les monuments historiques, dont les fonds sont reversés aux militaires blessés en opération
  • les célébrations du 11 novembre, auprès des lycées de la ville
  • les journées du patrimoine à l’hôtel Beaudecourt, auxquelles participe le régiment
  • un repas de noël ouvert aux civils
  • une distribution de cadeaux de Noël de la part des élèves du lycée Barral pour les militaires qui devaient passer les fêtes en mission

Sur le plan économique, la présence d’une base militaire stimule l’économie locale. Les
investissements dans les infrastructures militaires bénéficient aux entreprises locales, créant des opportunités dans les secteurs de l’immobilier, de la restauration, de l’industrie ou des services.

La diversification de l’économie s’en trouve ainsi renforcée. Le régiment participe à la mise en avant du vin de Gaillac, qui est vendu au sein du personnel militaire, et le colonel est traditionnellement membre de la confrérie des vignerons. Ce sont également environ 1600 familles qui apportent de la main d’œuvre dans le marché du travail local, et une demande immobilière, en plus de constituer un apport de clientèle pour les producteurs locaux.

D’un point de vue politique, la relation entre la population locale et l’armée est étroite, en témoignent les votes à la municipalité majoritairement conservateurs. On compte aussi des interactions régulières entre les autorités locales et les responsables militaires, comme des rencontres entre le colonel de Courtivron et la directrice du cabinet du Tarn, Mme Quebre. Le colonel est en sus invité à toutes les cérémonies civiles. Le parrainage du régiment par la ville est également un élément politique important car il établit un lien
durable entre les deux entités : Castres protège le 8e RPIMa et le 8e RPIMa protège Castres. Il s’agit d’ailleurs d’une situation qui a fait l’objet de débat auprès du ministère de la Défense, qui s’y est d’abord opposé. Dans la continuité de cette idée d’interdépendance, l’un des conseiller municipaux est un délégué du 8e RPIMa, permettant un échange direct entre le régiment et la municipalité. La présence du 8 dans la politique locale montre l’importance de l’unité dans la région.

À Castres : le « 8 » propose des portes ouvertes en immersion dans le quartier Fayolle, Journal La Dépêche, 8 Octobre 2021

Pour conclure, en explorant la cohabitation entre une garnison militaire et une ville, notre étude a mis en lumière les nuances complexes de cette relation singulière. Cette étude espère avoir offert un éclairage approfondi sur la manière dont une garnison militaire peut s’intégrer dans la trame sociale, économique et politique d’une ville. Le cas du 8e RPIMa et de Castres illustre non seulement les défis inhérents à une telle coexistence, mais également les opportunités de collaboration et de prospérité mutuelle qu’elle peut engendrer. Ce modèle d’intégration réussie sert ainsi de source d’inspiration pour comprendre comment des institutions militaires et des communautés locales peuvent construire une relation harmonieuse au fil du temps.

Pour aller plus loin :

BUGIS, Pascal. CHASBOEUF, Éric. « Un régiment. Une ville. Le 8e RPIMA et Castres », dans Inflexions, vol. 20, no. 2, 2012, pp. 137-141.

CEHD (Centre d’Études d’Histoire de la Défense), Les troupes de marine dans l’Armée de terre. Un siècle d’histoire (1900-2000). Éditions Lavauzelle, 2001, 444 p.

DREVILLON,Hervé.WIEVIORKA Olivier. Quatrième partie. Les guerres coloniales des soldats perdus. 1945-1962, dans Histoire militaire de la France. II. De 1870 à nos jours. Perrin, 2022, pp 603-743.

DREVILLON, Hervé. WIEVIORKA Olivier. Cinquième partie. Accompagner les mutations de la puissance française de 1962 à nos jours, dans Histoire militaire de la France. II. De 1870 à nos jours. Perrin, 2022, pp. 747-845.

FABRE, Robert (dir.). « Le 8e RPIMa : le régiment du Tarn », dans Revue du Tarn, no. 227, Fédération des Associations Culturelles et Intellectuelles du Tarn, 2012, pp. 393-548.

FAURY, Jean. « Les mutations de Castres depuis deux siècles », dans Revue Tarn, no. 253, 2019, pp. 91-98.

NEGRE, Ernest. « Aux origines de Castres », dans Revue Internationale d’Onomastique, no. 3, 1971. pp. 207-214.

SOUYRI, Jean-Claude. « L’armée à Castres au début du XXe siècle », dans Revue du Tarn, no. 227, Fédération des Associations Culturelles et Intellectuelles du Tarn, 2012, pp. 549-552.

PONS, Frédéric. Opérations extérieures – Les volontaires du 8e RPIMa : Liban 1978-Afghanistan 2009. Paris, Presses de la Cité, 2009, 372 p.

Les Goulags, un instrument politique

Photographie d’un camp de travail où des déportés s’emploient

«Notre univers n’est-il pas une cellule de condamné à mort ?» C’est la question que se pose Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne, auteur l’Archipel du Goulag” parue en 1973. Ce questionnement fait référence à son expérience personnelle au sein des goulags. En effet, en 1945, il est condamné à passer 8 ans en détention dans un camp de travail pénitentiaire après avoir critiqué Staline. 

Encore aujourd’hui, le terme de “goulag” représente pour la plupart des gens le règne de Staline en URSS et la terreur qui en est issue. C’est une expression russe qui signifie « Direction principale des camps ». 

Les Goulags va rapidement évoluer en un instrument de terreur, visant à éliminer toute menace au régime Stalinien. Ces goulags sont omniprésents sur tout le territoire de l’URSS, de Moscou à l’ouest jusqu’à Vladivostok à l’extrême est. 

Les goulags sont présents en URSS de leur création jusqu’à la fin du régime mais qu’en est-il de leur évolution et de leur utilité politique ?

Carte des différents Goulags présents sur le territoire Soviétique entre 1923 et 1969

I. 1930-1941 : L’avènement d’un instrument politique et économique

Revenons tout d’abord au commencement, l’arrivée au pouvoir de Staline ne fût pas simple et de nombreuses luttes politiques ont défini le début de sa prise de pouvoir. C’est alors dans la continuité des luttes contre le pouvoir en place que les goulags apparaissent en URSS en 1930 sous sa direction. Leur objectif est simple, assurer la domination du régime de Staline et fonder la terreur en URSS afin de permettre une meilleure direction et gestion du peuple, mais aussi des opposants qui usent d’une propagande massive contre Staline. 

Mais si les goulags n’étaient que de simples prisons, leur importance historique  aurait été nulle. 

Prisonniers des goulags travaillant sur le chantier du “Belomorkanal”

Le fait est que les goulags ont bel et bien une particularité importante en plus d’être des prisons : ce sont des camps de travail. Ces camps ont ainsi permis de réaliser, et ce avec un faible coût, des projets d’ampleur parfois phénoménale tel que le Canal de la mer Blanche, reliant la mer Blanche et la mer Baltique en 1931. Pas besoin de préciser que de nombreux prisonniers ont perdu la vie lors de ce projet.


Cet exemple permet de mettre en lumière la deuxième fonction des goulags : l’industrie. En effet, si la répression politique apparaît comme la seule raison de l’existence des goulags, l’aspect économique n’en reste pas moins une raison majeure. 

Afin de mieux comprendre, il nous faut apporter une petite précision. En effet, le modèle économique de l’URSS reposent sur ce que l’on appelle l’économie planifiée, et comme son nom l’indique elle se repose sur le fait de prévoir à l’avance des objectifs de production à atteindre dans les domaines clés. Cette économie planifiée se base sur des plans de 5 ans, soit des plans quinquennaux. Afin de stimuler une croissance de la production, ce modèle économique force à produire plus, qu’importe la demande. Ainsi, les goulags furent une solution toute trouvée afin de pallier les manques de production notamment la production minière et ce qu’elle entraîne comme la production d’acier qui va d’ailleurs connaître une grande augmentation durant cette période.

II. 1941-1945: L’apogée des Goulags

C’est durant la période de la guerre (1941-1945) que l’importance des goulags s’est mise en exergue. Assurément, la lourde conscription et les déportations ont, de fait, réduits la main-d’œuvre disponible. 

Entre 1941 et 1945, dans un contexte de guerre mondiale, le nombre de prisonniers soviétiques dans la région de l’Oural a augmenté de 27,1 % à cause de projets toujours plus importants. Les détenus des camps ont construit des usines métallurgique et carbochimique, une entreprise de matériaux réfractaires, plusieurs mines, un tankodrome et des voies à l’usine de tanks. Ils ont aussi extrait du minerai, du gravier, du sable. Leur utilisation durant la guerre était primordiale afin de conserver la puissance de l’URSS sur le plan militaire mais aussi économique pour Staline. Mais ces prisonniers étaient soumis à de nombreuses difficultés quant à leur survie.

Détenus travaillant sur la voie morte à la fin des années 1940 dans le froid

Détenus travaillant sur la voie morte à la fin des années 1940 dans le froid

Dans les goulags, c’est durant la guerre que la mortalité a été la plus élevée. En effet, par manque de sommeil et à cause de l’uniformité de la nourriture à base de farine et de gruau et la saleté, la prolifération des poux et la diffusion de la phtiriase y était très importante.Plus de la moitier des détenus souffraient de maladies. Par manque de moyens médicaux et de personnels soignants, un très grand nombre d’entre eux ont péri dans ces camps.

III. Un impact sans précédent

Les goulags ont eu un impact sans précédent sur les populations. Comme dit précédemment, des millions de personnes ont perdu la vie durant la période encadrant les goulags. Mauvais traitement, surpopulation à l’intérieur des camps, famines et maladies et conditions de vie ont été des facteurs déterminant dans la mort des prisonniers. De plus, de nombreux abus physiques et psychologiques ont eu lieu à l’intérieur des camps. Ces conditions ont laissé des cicatrices psychologiques profondes chez les détenus, qui ont souvent souffert de dépression, d’anxiété, de stress post-traumatique et d’autres troubles mentaux. Certains prisonniers ont même développé un syndrome spécifique appelé « syndrome du camp de concentration », caractérisé par des cauchemars, des flashbacks et une anxiété chronique.

Les familles des prisonniers ont également été touchées. Elles étaient souvent stigmatisées et marginalisées par la société, vivant dans la peur constante de la répression politique et de la déportation. Les enfants des détenus grandissaient souvent sans leurs parents, ce qui pouvait avoir des effets durables sur leur développement émotionnel et psychologique.

Photographie d’enfant coupés de leurs parents déportés.

C’est aussi durant cette période que la propagande idéologique a battu son plein. En effet, ce conditionnement idéologique visait à rééduquer les prisonniers soviétiques aux principes du communisme, notamment les jeunes qui représentaient un enjeu puissant de maintien de cette doctrine avec le Komsomol ( Organisation de la jeunesse communiste du Parti communiste de l’Union soviétique ).

Pour conclure, les goulags ou camps de travail pénitentiaire en URSS sous le régime stalinien ont été un instrument de répression politique, de contrôle social et d’exploitation économique. À défaut d’être une simple institution pénale, le goulag instaure la terreur, brisant les libertés individuelles de ceux qui sont incarcérés en affectant profondément la société soviétique. Les goulags ont atteint leur apogée sous le régime Stalinien, étant utilisés comme un moyen de pression face aux opposants de toute forme qu’ils soient. Les conséquences humaines sont nombreuses et témoignent de la cruauté dévastatrice de cette période. 

Après l’ère Stalinienne le processus de déstalinisation initié par Nikita Khrouchtchev lors du XXème Congrès du Parti Communiste, a entraîné une baisse significative du nombre de prisonniers, notamment les prisonniers politiques. Il faudra toutefois attendre les politiques de la perestroïka et de la glasnost de Mikhaïl Gorbatchev dans les années 1980 afin qu’une libération plus poussée entraîne la libération d’un plus grand nombre de prisonniers politiques. 

Lien vers la bibliographie

Site réalisé par LAU Mériel (L2), PEZOU Mattéo (L2), CROMBEZ Antonin (L1), CZERYBA DIT TRUSZ Sasha (L1), POULOT Samuel (L1).

Natzweiler-Struthof : Un camp de concentration allemand en Alsace annexée

Bibliographie


I. L’Epoque contemporaine

  • Barrière Jean-Paul, La France du XXe siècle, 1914-2002, Paris, Hachette Supérieur, 2016 [2008], 180 p.
  • Bonhomme Éric, Verclytte Thomas, L’Europe de 1900 à nos jours, Paris, Armand Colin, « Portail », 2018, 440 p.
  • Nouschi Marc, Petit Atlas historique du XXe siècle, Paris, Armand Colin, « Petit Atlas historique », 2016 [2002], 224 p.

II. La Seconde Guerre mondiale

  • Buffotot Patrice, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Armand Colin, 2014, 128 p.
  • Matanle Ivor, Le Grand Atlas de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Atlas, « Histoire » , 2015, 384 p. 

III. Le nazisme

  • Bruneteau Bernard, Les totalitarismes, Paris, Armand Colin, « Collection U », 2014, 320 p.
  • Chapoutot Johann, Fascisme, nazisme et régimes autoritaires en Europe – 1918-1945, Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2013, 312 p.
  • Chapoutot Johann, Comprendre le nazisme, Paris, Tallandier, « Texto », 2020, 448 p.

IV. Le KL-Natzweiler

  • Brange Juliette, « Natzwiller (Bas-Rhin). Ancien camp De Natzweiler-Struthof » Archéologie Médiévale, 2021, n°51, p. 308-309. 
  • Steegmann Robert, Le Camp de Natzweiler-Struthof, Paris, Seuil, « L’Univers Historique », 2009, 384 p. 
  • Steegmann Robert, Le KL-Natzweiler et ses Kommandos, Paris, La nuée bleue, 2005, 520 p.
  • Site officiel du camp de Natzweiler-Struthof, [consulté le 18/04/2024] https://www.struthof.fr/
  • Site « Chemins de Mémoire », page « Le camp de Natzweiler-Struthof »[consulté le 18/04/2024] https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/le-camp-de-natzweiler-struthof

Paris Léa, Dartigolles Marianne, Leon Rohan, Bessière-Cousinié Juliette

La construction de la cathédrale d’Albi

Introduction :

La cathédrale Sainte-Cécile d’Albi est le siège de l’archidiocèse du Tarn(un diocèse dont l’ordinaire a le titre d’archevêque. La résidence de ce dernier est appelée archevêché). Construite de 1282 à 1480 elle est la plus grande cathédrale de briques du monde. Joyaux de l’architecture gothique elle fait partie de la cité épiscopale d’Albi, classée patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2010 (https://whc.unesco.org/fr/list/1337/).

Sa puissance s’affirme à travers un style typique du Midi languedocien, le gothique méridional. Son style unique est renforcé par sa décoration intérieure. Son architecture surprend par le contraste entre l’extérieur de l’édifice, austère et d’allure militaire, et son intérieur riche en fresques murales colorées mais aussi en sculptures. Il s’agit aujourd’hui d’une des cathédrales les plus visitées de France.

La cathédrale Sainte-Cécile - Albi Tourisme
https://www.albi-tourisme.fr/decouvrir-albi/patrimoine-unesco/la-cathedrale-sainte-cecile/

Nous pouvons nous demander dans quelle contexte la cathédrale d’Albi a été construite ?

Contexte socio-économique :

Tout d’abord, pour comprendre dans quel contexte la cathédrale d’Albi a été construite, il est important d’évoquer la situation économique, judiciaire religieuse d’Albi au Moyen-Âge. À cette époque, Albi était une ville fortifiée. Au début du XI ème siècle, si on compare à la situation actuelle, la partie de la ville qui se situe au Nord du Tarn n’existait pas. Le pont vieux a été construit de 1035 à 1042 et Albi en tire de nombreux avantages.

Le pont vieux :

Albi devient grâce à ce pont un lieu très important de la circulation monétaire dans le Languedoc.En effet, elle se trouve alors sur d’importantes routes commerciales comme celle qui relie la Mer Méditerranée à l’Océan Atlantique, ce qui permet d’attirer de nombreux voyageurs.

Au XII ème siècle, un faubourg va se développer de l’autre côté de l’édifice, cette partie de la ville sera alors appelée le « Bout du Pont ». Même si l’activité principale y est l’agriculture, de nombreuses personnes ont des métiers reliés à l’artisanat, par exemple des maçons, des forgerons… Ces activités artisanales permettent de développer l’activité économique générale de la ville. Le « Bout du Pont » a donc tenu une place importante à Albi au Moyen-Âge.

https://www.mairie-albi.fr/fr/le-pont-vieux

Les places de la ville :

Les places dans Albi font elles aussi partie des principaux éléments économiques, c’est sur ces dernières que des grands marchés sont organisés. Les produits vendus sont nombreux et variés, du tissu de soie, du sel, de l’huile d’olive, des poissons de mer, des épices,des légumes… Aux abords des places,d’autres commerces sont présents comme des coutelleries ou des cordonniers. Sur une place proche de l’actuelle cathédrale se trouvait la maison de la pile. La pile est l’unité de mesures des grains ou des liquides du marché. On pouvait y évaluer les quantités de grains récoltés par des agriculteurs.

La justice :

L’activité de la ville d’Albi est aussi marquée par la présence de fortes institutions judiciaires. Il existe deux cours de justices qui sont commandées par l’évêque. Il y a l’officialité qui concerne tous les crimes du domaine religieux et, la temporalité qui concerne les autres crimes. À cette époque, il y avait la présomption de culpabilité c’est-à-dire qu’avant que le verdict ne soit prononcé , l’accusé était considéré comme coupable. Les sanctions envers les accusés étaient souvent très sévères. Ils pouvaient être pendus, mutilés, marqués au fer rouge ou condamnés à la prison à perpétuité.

Religion:

Il existait jusqu’au XIII ème siècle, une autre cathédrale Sainte Cécile qui était en pierre et qui mesurait 57 mètres de long. C’était alors un des principaux lieux de culte. Au XII ème et au XII ème siècle, la religion cathare se développe fortement dans la région albigeoise. Les cathares sont des chrétiens hérétiques c’est-à-dire qu’ils s’opposent sur de nombreux points au dogme de l’Église. Ils dénoncent notamment une trop grande puissance et richesse de l’Église. Entre eux, les cathares s’appellent les Bons Hommes.

Le catharisme | Albi
https://www.mairie-albi.fr/fr/le-catharisme

C’est pour lutter contre le développement du catharisme que l’évêque Bernard de Castanet fait construire une nouvelle cathédrale Sainte Cécile à Albi. Elle se situe à proximité de l’ancienne. La première pierre de la nouvelle cathédrale est posée le 15 août 1282. L’édifice est très imposant et illustre la puissance catholique. Le chantier de cette cathédrale se déroule très lentement car la construction du palais de la Berbie (https://www.mairie-albi.fr/fr/le-palais-de-la-berbie) s’effectuait en parallèle. Une fois terminée, la cathédrale mesure 113 mètres de long, 35 mètres de large et 78 mètres de hauteur. Elle est construite en briques rouges typiques de la région.

Contexte artistique :

L’architecture gothique :

Son histoire :

Ce style est né en France au XII ème siècle dans les régions de l’Île-de-France et de la Haute-Picardie. Il s’est ensuite étendu dans toute l’Europe occidentale pendant la seconde moitié du Moyen-âge. Il était précédé par l’architecture romane qui était le style dominant dans la première moitié du Moyen-âge. La principale hypothèse pour expliquer ces lieux de naissance franciliens et picards serait la présence de monuments paléochrétiens à cette époque ; forme d’art produite entre l’an 200 et 500, comportant des cathédrales à murs fins, charpentées et percées de nombreuses baies. Ces régions sont donc déjà préparées aux choix techniques et esthétiques du gothique. Le style évolue dans le temps, au gothique dit « primitif » (xiie siècle) succèdent en France le gothique « classique » (1190-1230 environ), puis le gothique « rayonnant » (v.1230 – v.1350) et enfin le gothique « flamboyant » (xve siècle / xvie siècle). La cathédrale Sainte Cécile d’Albi appartient au style gothique languedocien que nous pouvons rattacher par ses dates de constructions au style rayonnant.

ARCHITECTURE GOTHIQUE
https://www.citedelarchitecture.fr/sites/default/files/documents/2017-04/dossier-pedagogique_architecture-gothique.pdf

Principales caractéristiques esthétiques :

Le style gothique en architecture a pour objectif de réussir à faire des bâtiments toujours plus grands grâce aux voûtes en arc d’ogive qui permettent d’atteindre de plus grandes hauteurs. Les murs sont très fins permettant une plus grande entrée de lumière que dans les structures romanes, entraînant une multiplication des jeux de lumières et de couleurs . De grands vitraux et rosaces font leurs apparition dans les cathédrales. L’une des caractéristiques principales de ce style est également la recherche de détail de plus en plus précis. De nombreuses statues très détaillées font leur apparition ainsi que des dentelles de pierre dans les tympans des églises et cathédrales ou dans le cas de Sainte Cécile d’Albi sur le porche mais aussi à l’intérieur de la cathédrale. Ces sculptures sont appelées ainsi car elles sont de très fines, taillées dans la pierre et très détaillées ce qui donne une impression de dentelle. L’élément qui rend le gothique remarquable est également la présence des arc-boutant qui permettent d’atteindre de plus grandes hauteurs car ceux-ci soutiennent les murs qui sont éloignés et fins ne permettant donc pas de soutenir toute la structure.

Fichier:(Albi) Door of the Sainte Cécile Cathedral west view.jpg — Wikipédia
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:%28Albi%29_Door_of_the_Sainte_C%C3%A9cile_Cathedral_west_view.jpg

Les Fresques murales :

Définition :

Abordons maintenant les fresques (style de peinture murale) qui ornent les murs de la cathédrale et de nombreuses structures gothiques. . Le mot fresque vient de l’italien :  « affresco » qui signifie « dans le frais ». Il existe différents styles de fresques selon leur époque comme celles de l’époque médiévale. Généralement les fresques représentent une histoire passée devenue importante ou transmettent un message religieux . Elles sont souvent réalisées dans les églises et cathédrales. La fresque est peinte sur un enduit frais qui va permettre aux pigments de tenir sur le mur : les couleurs dureront plus longtemps. Un enduit est une préparation d’une pâte fluide ou non qu’on applique sur une surface, ça peut être un mortier. Pour les peintres c’est un travail très délicat et assez long car on doit laisser poser l’enduit avant de remettre une couche de peinture par dessus.

Les fresques de Sainte Cécile d’Albi :

Dans la cathédrale d’Albi on trouve des fresques surtout de la Renaissance (1400 à 1600) il y en a plus que partout ailleurs en France, avec près de 20 000 mètres carrés de murs décorés. Presque toutes les surfaces de la cathédrale ont été décorées. Celles-ci sont très bien conservées. Sur les murs intérieurs différentes couleurs sont utilisées. Le bleu domine, comme à la Sainte Chapelle à Paris et la majorité des églises françaises de cette époque. Les fresques de la voûte font 97 mètres de long et 28 mètres de large il s’agit de peintures de la renaissance italienne.

Le jugement dernier de la cathédrale d’Albi :

Le jugement dernier est une fresque peinte dans la cathédrale qui se trouve sous l’orgue, épousant les deux colonnes le soutenant, il représente le sort réservé aux élus et aux damnés. C’est la représentation la plus importante de France (300m²).

La partie centrale, où le Christ apparaissait en gloire, a été détruite à la fin du XVII ème siècle. Le haut de la fresques représente le paradis que chaque chrétien espère atteindre, le bas l’Enfer que chacun souhaite éviter. La partie médiane représente l’attente face au jugement dernier. Les élus sont accueillis par les anges lors de leur résurrection et invités à rejoindre les apôtres et les saints. Les damnés quant à eux, sont envoyés en enfer, un monde de désolation.

Le jugement dernier de la cathédrale Sainte Cécile d’Albi est le premier à mettre en scène les sept péchés capitaux, tous sont représentés par un supplice. Le jugement dernier a était peint sous ordre de Louis 1 er d’Amboise.

La Cathédrale Sainte-Cécile • AGIT
https://www.lesguidesdutarn.com/visites/la-cathedrale-sainte-cecile/

Les peintres de la cathédrales :

Plusieurs peintres ont été nécessaires pour peindre la cathédrale, mais nous ne connaissons qu’un seul nom celui de Giovanni Francesco Donnela, originaire de Capri en Italie. Nous pouvons voir son nom inscrit sur les fresques de la cathédrale dans la chapelle 7. Les peintres ont utilisé les techniques de peinture de la renaissance italienne qui commence en Italie au XIV -ème siècle. L’art de la Renaissance représente surtout des rois ou des portraits mais aussi des figures catholiques du nouveau testament.

Bibliographie :

  •  Jean-Louis Biget et Michel Escourbiac, La cathédrale Sainte-Cécile, 1998
  • Jean-Louis BigetI , Albi et l’Albigeois au Moyen-Âge, Paris, Archives et patrimoine, 2023, Tome 1, 621 pages
  • Patrick Demouy, Les cathédrales, Paris, PUF, 2007, 127 pages
  • Philipe Bernadi, Batir au moyen age, CNRS éditions,2014
  • Xavier Barrel, L’art médiéval ,Que sais je
  • Yves Esquieu , Quartier Cathédral, Paris, Rempart, 1994, 127 pages
  • Alain du Bassac-Eric Berchmans- véronique Béné- Gabrielle du Montcel, Fresques au moyen âge
  • Christian Heck (dir.), Histoire de l’Art. Moyen Âge : Chrétienté et Islam, Paris,2 Flammarion, 2011
  • Claudine Lautier, Histoire mondiale de l’architecture N° 2 – Architecture gothique ,
    ERREUR PERIMES Casterman, 1990
  • Damien Carraz,L’architecture médiévale en Occident , que sais je
  • Emmanuel Quidarré, Les représentations de Sainte-Cécile dans la cathédrale(article)
  • Erwin Panofsky, Architecture gothique et pensée scolastique, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1967
  • Gérard Monnier, Histoire de l’architecture, Que sais-je, 2021
  • Hélène Rousteau-Chambond, Le gothique des Temps modernes. Architecture religieuse en milieu urbain,Picard, 2003
  • Jean Biget et Michel Escourbiac ,Sainte-Cécile sculpture, odyssée
  • Jean Louis Biget, Cathédrale d’Albi, la forteresse de la foi
  • Jean Louis Biget, Le chœur de la cathédrale a Albi
  • Jean-Louis Biget , Albi et l’Albigeois au Moyen-Âge, Paris, Archives et patrimoine, 2023, Tome 1, 616 pages
  • Jean-Louis Biget , Michel Escourbiac ,Sainte-Cécile d’Albi peintures, Éditions Odyssée,2005
  • jean-Louis biget, Sainte-Cécile d’Albi : 500e anniversaire des peintures de la voûte, Odyssee, 2009
  • Jean-Louis Biget, Sainte Cécile d’Albi et le décor peint à la première Renaissance ,Midi Pyrénées / Portet Sur Garonne, 2015
  • Marcel Bécamel, A la découverte de la cathédrale d’’Albi
  • Michel Balard ,Michel Rouche , Jean-Philippe Genet , Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette Supérieur, 2008
  • Olivier Mignon, Architecture des cathédrales gothique, Ouest France,2015