Les Rutènes [2021]

Nous connaissons le peuple rutène au travers de sources étrangères car les Gaulois avaient recours à une tradition orale et non écrite. Ainsi, Poseidonios d’Apamé, en 100 av. J.-C, parle le premier du système politique en Gaule. Bien que la conquête d’une partie du peuple rutène ait eu lieu en 121 av. J.-C., il faut attendre César et son œuvre De Bellum Gallicum pour en apprendre plus sur cette conquête. Le Pro Fonteio (discours de Cicéron) en 70 av. J.-C. parle des Rutènes pour la première fois. Les mentions des Rutènes se multiplient avec les écrits de Jules César lors de la guerre des Gaules. Ce dernier passe sous silence les Rutènes dits “provinciaux”, en raison de jeux politiques à Rome. Il parle du rapport entre les Rutènes et l’alliance gauloise réunie autour des Arvernes.

Le territoire des Rutènes courait sur les plateaux du Larzac et s’étendait des massifs aveyronnais aux plaines du Tarn actuels. Ce dernier aurait fait office de frontière à l’époque où la partie Sud du territoire rutène était associée à la province romaine de la Narbonnaise.  La Graufesenque, Montans et Rodez figurent parmi les premières agglomérations rutènes de l’âge du Fer. Les populations se regroupent en oppidum comme sur le site de Rodez/Segodunum et usent de carrefours commerciaux près des sites de production artisanale comme à La Graufesenque/Condatomagos. Ces marchés témoignent ainsi d’un ancrage certain des Rutènes dans un réseau d’échange avec leurs voisins. Un géographe grec du Ier siècle av. J.-C., Strabon, situe leur territoire au Sud de celui des Arvernes. Les Cadurques le bordent à l’Ouest et les Gabales à l’Est.

Sous le Haut-Empire, les Rutènes forment l’une des cités de la province Aquitaine de l’Empire créées dans les territoires de la Gaule dite “chevelue” en 15 av. J.-C. Le chef-lieu de la cité rutène est antérieur à la création de la province d’Aquitaine, Segodunum a d’ailleurs une racine celtique qui signifie « la place de la Victoire ». Cependant c’est seulement au Ier siècle que Segodunum développe une forme de centralisation autour de différentes institutions romaines. L’importance des élites rutènes visible tant au Ier siècle av. J.-C. qu’au IIe siècle ap. J.-C. démontre une certaine continuité dans l’exercice du pouvoir malgré le passage à un mode politique romain. Nous pouvons affirmer qu’il y a bien continuité grâce aux découvertes d’inscriptions sur lesquelles sont visibles des noms d’origines gauloises investis de charges influentes. Une autre manifestation de l’élite rutène peut être vue à travers la pratique de l’obside concernant Tatinos et Attalus. Des infrastructures romaines se disséminent autour du chef-lieu rutène. Nous pouvons donner l’exemple de l’aqueduc découvert à Luc-La-Primaube ou encore le site des Balquières.

Carte de répartition des sites rutènes considérés comme agglomérations secondaires. Source : Gruat P., Pailler J-M., Schaad D., Les Rutènes ; du peuple à la cité, Bordeaux, Aquitania, 2007, p.642.

Les Rutènes ont su développer de bonnes relations économiques avec leurs voisins. Ils utilisent les voies fluviales et terrestres créés durant l’âge du fer, celles-ci ayant facilité la conquête romaine et la construction de leurs voies reprenant les axes préexistants. Les Romains s’approprient ces voies de communications pour favoriser le commerce lié entre autre à la céramique sigillée.

Exposition des découvertes sur le site de La Graufesenque, Musée de Millau et des Grands Causses. Source : wikimedia.org.

Le site de Condatomagos/Millau, en est un bon exemple. Il fut le plus important atelier de poterie de l’empire romain au Ier siècle av. J.-C. et au milieu du IIIe siècle après J.-C. La production de céramique sigillée se caractérise par une céramique fine de couleur rouge. Les Rutènes en produisaient plus de 80 000 entre l’an 15 et 170. La diffusion de cette céramique, qui s’étendait de l’Afrique du Nord à la mer Noire, montre l’intensité et la portée de l’activité sigillaire issue de Condatomagos pleinement intégrée dans le vaste réseau commercial romain. Sur le territoire rutène les romains ont su extraire un grand nombre de minerais. Dès le Ier siècle av. J.-C. des societas romaines se sont installées pour exploiter les minerais des monts de l’Orb à grande échelle. Les archéologues ont répertorié un grand nombre de mines et ateliers antiques en Viadène, dans le Sud du Tarn et de l’Aveyron puis dans la région proche de Villefranche-de-Rouergue. Une de ces mines était même propriété impériale sous Tibère comme l’indique la découverte d’une inscription sur une dalle à La Bastide-l’Evêque.

Bien des études ouvrent une multitude de champs de réflexion, archéologues et historiens multiplient les recherches sur ce peuple encore méconnu.

Bibliographie

Réalisé par Solen Cayeul-Veteau, Loïs Mordasini, Mathis Bonhomme et Nathan Clavère.