La Cité internationale des chercheurs du 17 de la rue Sainte-Catherine dispose d’un parcours muséal, mis en place en 2023. L’université de Toulouse a souhaité que ses textes soient accessibles en ligne.
Les panneaux historiques de la venelle
1229-1329 – Le temps des fondations
Le traité de Paris imposé au comte de Toulouse Raymond VII par le pape et le roi de France à l’issue de la Croisade anti- albigeoise, le 12 avril 1229, prévoit la création à Toulouse de quatorze écoles de théologie, droit canon, arts libéraux et grammaire dont les professeurs seront rétribués par le comte. Mais rien n’est dit de l’organisation de l’enseignement et on ne peut pas encore parler d’université. Celle-ci en tant qu’institution autonome pourvue de statuts et privilèges est mise en place dans les années suivantes par plusieurs bulles pontificales dont la plus importante (In civitate Tholosana) est promulguée par le pape Innocent IV le 27 septembre 1245.
DU MODÈLE PARISIEN À UNE IDENTITÉ RÉGIONALE
L’université a été initialement conçue sur le modèle parisien. Les premiers professeurs viennent de Paris et l’objectif est d’établir à Toulouse, pour parachever l’œuvre de la Croisade, un centre d’enseignement religieux et de formation du clergé au service de la foi catholique la plus orthodoxe. Mais bientôt, alors que le comté de Toulouse est désormais gouverné par Alphonse de Poitiers (depuis 1249) puis rattaché en 1271 au domaine royal, l’université évolue dans un sens qui n’était pas celui originellement prévu. Elle est finalement bien acceptée par la population toulousaine et s’ancre dans la société locale. Les professeurs parisiens sont vite remplacés par des maîtres méridionaux. Les disciplines religieuses sont cantonnées dans les couvents dominicain et franciscain. L’université elle-même se consacre avant tout aux enseignements de droit canon et de droit civil, avec des écoles préparatoires de grammaire et de logique, ce qui est plus conforme aux traditions culturelles du Midi.
DES STATUTS POUR PÉRENNISER L’UNIVERSITÉ
La documentation de la seconde moitié du XIIIe siècle est très lacunaire, mais on devine que le nombre des professeurs et des étudiants augmente rapidement. Ils viennent avant tout du Languedoc, du Sud du Massif central et de Gascogne. Quelques petits collèges sont créés pour abriter des étudiants pauvres. Les institutions se précisent, mais restent mal connues avant 1300. C’est pour faire face à cette croissance rapide et aux problèmes qui en résultent, que l’université se décide entre 1300 et 1329 à se doter d’une série de statuts généraux détaillés et validés par les autorités ecclésiastiques. Ces statuts sont originaux, ils ne reproduisent pas le modèle de Paris ou de Bologne. Ils ont pour objectif de fixer le cadre de la vie universitaire et les obligations religieuses des maîtres et étudiants, de définir les règles de gouvernance de l’université sous la double autorité du chancelier de l’église de Toulouse et du recteur qui est un professeur assisté d’un conseil où siègent même quelques étudiants. Les statuts déterminent aussi les programmes dans chaque discipline ainsi que les cursus d’études. Ils fixent minutieusement le déroulement des examens qui permettent aux étudiants, dans chaque matière, d’accéder aux divers grades (baccalauréat, licence, maîtrise ou doctorat) à l’issue d’épreuves essentiellement orales. Ce grand édifice réglementaire se clôt en 1329 avec les statuts de l’archevêque Guillaume de Laudun qui confirme l’ensemble des dispositions antérieures tout en insistant sur le nécessaire sérieux des études et des grades et le respect de l’ordre et de la hiérarchie au sein de l’université.
Dans les mêmes années, le roi de France commence à s’intéresser à l’Université de Toulouse et la place en 1324 sous sa « protection et sauvegarde spéciale ».
Jacques VERGER (2023)
1229-1329 – Laying the foundation
On 12 April 1229, the Treaty of Paris was imposed on Raymond VII, Count of Toulouse, by the Pope and the King of France. The treaty provided the framework for the creation of fourteen schools of theology, canon law, liberal arts and grammar in Toulouse. The university, as an autonomous institution with its own statutes and privileges, was established over the course of the following years by several papal bulls, the most important of which (In civitate Tholosana) was promulgated by Pope Innocent IV on 27 September 1245, with the aim of completing the work of the Crusade by establishing a centre in Toulouse for religious education and training for the clergy in the service of the most orthodox Catholic faith.
The university soon became firmly rooted in local society and devoted itself primarily to teaching canon law and civil law, with preparatory schools for grammar and logic. The number of teachers and students, who came primarily from the Languedoc, the south of the Massif Central and Gascony, increased rapidly. To cope with this rapid growth and the ensuing problems, between 1300 and 1329 the university decided to adopt a series of general statutes setting out the framework for university life, the religious obligations of teachers and students, the curricula in each discipline and the study courses.
1329-1470 : L’affirmation de l’université et la naissance des collèges universitaires
Lettrine initiale de l’acte de fondation du collège de Foix par le cardinal Pierre de Foix le 26 sept.1457 – AD31/CD31/FRAD031-3-D-6-1 Grand sceau de l’université du début du XVe siècle. Vierge à l’Enfant surmontant un professeur en chaire, deux étudiants et un bedeau – AAV – Arm. I.
Après l’adoption des statuts du début du XIVe siècle, l’université apparaît comme une institution solide, bien implantée dans sa ville et sa région. Son prestige et ses effectifs en font la seconde université du royaume après Paris.
L’AFFERMISSEMENT DE L’INSTITUTION
Quelques traits permanents la caractérisent désormais. La population étudiante frôle parfois les 2000 individus et ne descend jamais en dessous du millier. Le corps enseignant, toutes disciplines confondues, regroupe une vingtaine de régents. Le recrutement géographique s’étend à un vaste quart Sud-Ouest du royaume et se prolonge en Catalogne et en Aragon, le recrutement social est largement ouvert, de la paysannerie à la bourgeoisie et même la petite et moyenne noblesse. Tant par le nombre des maîtres et étudiants que par la qualité des enseignements, ce sont les facultés de droit civil et canonique qui occupent le premier rang. Ses gradués se retrouvent aussi bien dans le clergé méridional (chanoines, évêques, abbés) que parmi les officiers royaux, les juges, les avocats et les procureurs. De niveau plus modeste, la faculté de théologie créée en 1360 forme des prédicateurs, celles d’arts et de grammaire accueillent aussi de nombreux élèves. Seule la médecine reste peu enseignée à Toulouse avant 1470.
LA NAISSANCE DES COLLÈGES UNIVERSITAIRES
Malgré pestes et guerres, le XIVe siècle est pour l’Université de Toulouse une époque brillante car elle bénéficie de la présence de la papauté à Avignon depuis 1309. Beaucoup de gradués toulousains trouvent un emploi à la cour pontificale, plusieurs deviennent cardinaux et même pape (Innocent VI). Les longs rôles de suppliques envoyés à Avignon montrent qu’étudiants et maîtres toulousains obtiennent facilement des bénéfices ecclésiastiques dont les revenus les font vivre. Ce sont des prélats avignonnais qui sont à l’origine des principaux collèges fondés à cette époque pour loger des étudiants pauvres, mais aussi des parents et protégés du fondateur. Ces collèges, une dizaine en tout, souvent pourvus de robustes bâtiments et d’une bibliothèque, transforment le paysage du bourg, autour de la rue du Taur et de Saint-Sernin.
LES CRISES DE LA FIN DU MOYEN ÂGE
Pendant le Grand Schisme (1378-1417) qui divise la chrétienté entre deux papes, les universitaires toulousains sont restés longtemps fidèles au pape d’Avignon, alors que l’Université de Paris prône le recours au Concile pour rétablir l’unité de l’Église.
La fin du Schisme et le retour du pape à Rome marquent pour l’université le début de temps plus difficiles. Les effectifs baissent, l’horizon géographique se réduit, les fondations de collèges se font rares, les enseignements n’évoluent guère, l’université s’ouvre à peine aux débuts de l’humanisme. En revanche, les tensions avec la population et les capitouls qu’irritent les désordres imputés aux étudiants et les exemptions fiscales des collèges, s’aggravent. Le roi reste globalement bienveillant mais au prix d’un contrôle accru sur l’institution universitaire, dont il délègue désormais la surveillance et la réforme au Parlement installé à Toulouse en 1443. Au tournant des années 1460, tout n’est cependant pas noir. Avec le retour de la paix et de la prospérité, les effectifs remontent, les Catalans reviennent, en 1457 le cardinal Pierre de Foix fonde un nouveau collège particulièrement bien doté pour 25 boursiers, l’imprimerie s’installe à Toulouse en 1476. L’université est prête à prendre sa part au « siècle d’or » de la Renaissance toulousaine.
Jacques Verger (2023)
1329-1470 – The affirmation of the university and the creation of university colleges
After the adoption of its statutes in the early 14th century, the university appeared to be a solid institution, well established in its city and region. Its prestige and student numbers make it the second largest university in France after Paris. The faculties of civil and canon law are in joint first place in terms of both the number of teachers and students and the quality of teaching. The faculty of theology, founded in 1360, trained preachers, while the faculties of arts and grammar also welcomed many students. Medicine was rarely taught in Toulouse before 1470. Many graduates from Toulouse found work at the papal court in Avignon, and it was prelates from Avignon who founded the main colleges of this period, transforming the landscape of the Bourg, around the rue du Taur and Saint-Sernin.
The end of the Schism and the Pope’s return to Rome in 1420 marked the beginning of more difficult times for the university. Student numbers fell, the founding of new colleges was increasingly rare and teaching did not evolve. Indeed the university only just skimmed the beginnings of humanism. However, at the turn of the 1460s, student numbers began to grow again with the return of peace and prosperity.
1470-1560 – Laïcisation de la gouvernance
Sceau de l’université créé pour le VIIe centenaire. Fronton de la Faculté des lettres Le cardinal d’Armagnac, archevêque de Toulouse. Musée Paul Dupuy Cours du Pr Guillaume Benoît Bibliothèque municipale de Toulouse
À la fin du Moyen Âge, pour s’émanciper de la papauté, la monarchie a besoin de cadres bien formés et obéissants ; elle décide donc de reprendre en main l’Université de Toulouse, jusque-là trop soumise à Rome. Dès 1470, elle en transfère la gouvernance de l’Église vers le parlement qui devient son autorité de tutelle et qui va surveiller sa bonne marche par maints règlements salutaires : les recrutements sont améliorés par l’interdiction de la vente des chaires et du népotisme et par la généralisation du concours public ; la construction d’un bâtiment pour la Faculté de droit est imposée aux capitouls (1516-1522) ; les théologiens sont écartés du rectorat au profit, dans un premier temps, des juristes et artiens (en général des laïcs) en alternance, puis des seuls juristes (1622). Ceux-ci vont rester largement favorisés par la monarchie et protégés dans leurs privilèges fiscaux : ainsi la Faculté de droit de Toulouse devient le fleuron et le moteur de la vie universitaire.
FINANCEMENT PUBLIC DE L’UNIVERSITÉ
Un grand progrès est réalisé quand le cardinal d’Armagnac décide d’allouer une subvention religieuse annuelle aux universitaires (1564) ; le pouvoir royal approuve le geste et le double d’une subvention royale prélevée sur les impôts du sel de Languedoc. Ce financement public de l’université, mal accepté jusqu’à Louis XIV, lui assure du moins un budget fixe de fonctionnement qui la préserve des dérives courantes sur d’autres campus, comme la vente des diplôme ou l’indulgence vénale.
UNE RENAISSANCE BRILLANTE MAIS ÉCOURTÉE
Toutes ces mesures consolident l’Université de Toulouse comme pôle d’excellence et pas seulement en droit, même si le campus lui doit principalement son renom de « Ville palladienne » : il faut dire que, jusqu’en 1679, l’Université de Paris n’est pas autorisée à enseigner le droit romain. Aussi nombre de futurs magistrats et avocats descendent-ils du nord du royaume pour venir étudier à Toulouse où la Renaissance bat son plein, animée par des humanistes de renom. Si Cujas n’a pas été docteur régent dans sa ville natale (pour des motifs personnels), il y a du moins été formé comme des foules d’étudiants venus de tous les coins du royaume et même de l’étranger (d’Espagne et du Portugal surtout). La célébrité de la plupart des enseignants et la mode humaniste de la peregrinatio academica, c’est-à-dire les études supérieures lointaines et souvent itinérantes, font alors de Toulouse une étape de premier choix sur la carte universitaire de l’Europe : elle conservera durant tout l’Ancien Régime son rang de deuxième université du royaume après Paris.
AFFLUENCE ET VIOLENCES ÉTUDIANTES
Rançon de sa gloire, cette population étudiante bigarrée et remuante d’un gros millier de jeunes gens n’est pas de tout repos pour les habitants, pour les capitouls et pour le guet. Le quartier latin retentit de jour comme de nuit de leurs frasques et rixes sanglantes, quand ce n’est pas de l’incendie d’une classe de droit comme en 1540. C’est donc avec raison que Rabelais fait dire à son héros Pantagruel : « qu’il vint à Toulouse où il apprit fort bien à danser et jouer de l’espée à deux mains comme est l’usance des écoliers… ». Ces étudiants venus d’horizons divers et déracinés se regroupent en solidarités qu’on appelle « nations étudiantes ». Leur activité principale semble consister en ripailles, danses et affrontements violents. C’est en vain que le Parlement et les capitouls cherchent à réprimer ces turbulences urbaines : ils ont beau interdire les « nations étudiantes » et le port de l’épée, rien n’y fera jusqu’à l’avènement de Louis XIV.
Patrick Ferté (2023)
1470-1560 – The secularisation of governance
At the end of the Middle Ages, in order to emancipate itself from the papacy, the monarchy needed well-trained and obedient executives, so it decided to take control of the University of Toulouse, which had been too subservient to Rome up until that time. In 1470, it transferred the governance of the university from the Church to Parliament, which became its supervisory authority. Major progress was made when Cardinal d’Armagnac decided to allocate an annual religious grant to university students (1564); the royal authorities approved the gesture and doubled it with a royal grant taken from the Languedoc salt tax. This public funding provided the University with a fixed operating budget.
The celebrity of most of its professors and the humanist fashion for peregrinatio academica, i.e. higher education in faraway places and often at multiple institutes, made Toulouse a first- choice stop on the university map of Europe. Throughout the Ancien Régime, it maintained its position as the kingdom’s second-largest university after Paris. However, this glory came at a price and the vibrant, lively student population of around a thousand young people was a lot for the locals, the capitouls and the watchmen to deal with.
1560-1679 – Troubles de la religion et répression
Portrait de Guillaume de Maran ©BUA UT Capitole cliché SICD, UT Entrée de Louis XIV à Toulouse en octobre 1659. Archives municipales de Toulouse
La période de la Renaissance, un temps active et brillante, est tôt écourtée à Toulouse par les troubles de la Religion. La reprise en mains par le catholicisme est rapide et sévère. Épuration et répression éliminent des professeurs penchant vers la Réforme protestante : certains éminents juristes et humanistes, des docteurs régents de la Faculté des arts libéraux ou médecins sont destitués, condamnés, voire massacrés. Le serment à la Vierge est exigé de tout licencié : l’enseignement secondaire dans les deux grands collèges de la ville, L’Esquile et le Collège jésuite normalise en amont de l’université les futurs étudiants dans l’esprit de la Réforme catholique et d’Aristote, donc loin de l’esprit critique. Novateurs et dissidents éventuels en médecine et philosophie naturelle sont rares et peinent à trouver une chaire : Francisco Sanchez surnommé le Sceptique a bien du mérite à publier son fameux De quod nihil scitur (1581) où il n’hésite pas à critiquer les Anciens. Professeur des arts libéraux (1585) puis de médecine (1612-1623), il enrichit son expérience clinique en tant que médecin de l’Hôtel Dieu Saint-Jacques durant trente ans, alors que la Faculté de médecine méprise la chirurgie. La révolution galiléenne mettra du temps à s’imposer et la condamnation de Vanini n’a pas peu contribué à ce retard.
RELÂCHEMENTS ET DÉRIVES
Passé les Guerres de Religion, s’ouvre une époque baroque de relâchements divers dans toutes les universités du royaume : Toulouse n’y échappe pas mais reste le deuxième campus du royaume, grâce surtout aux facultés de droit canon et de droit romain, fusionnées en 1598. Les juristes consolident leur leadership sur l’université en monopolisant le rectorat. En 1604, Henri IV crée à Toulouse une chaire de pharmacie et chirurgie qui aurait pu montrer la voie du progrès ; mais l’université va lutter pour l’abolir, reléguant jusqu’au siècle des Lumière la chirurgie comme un « art vil et méchanique » ! Le collègue qui en est titulaire doit enseigner gratuitement, injustice qui ne sera réparée qu’en 1712. Durant cette période, l’université réussit encore à contenir l’offensive du Collège jésuite qui tente d’obtenir son agrégation à la Faculté des arts et le droit de diplômer : il faut une coalition des universités du royaume pour préserver leur monopole de graduation (1626), du moins pour un demi-siècle encore, avant de devoir céder.
LA RESTAURATION LOUIS-QUATORZIENNE
Autre victoire, plus durable celle-ci, Louis XIV règle définitivement le problème du financement public de l’université en forçant les prélats à honorer la décision du cardinal d’Armagnac de subventionner l’Université de Toulouse. En retour toutefois, la monarchie exige une vaste enquête sur les divers abus qui dérèglent la vie universitaire à l’image des autres campus du royaume : durant cette période d’inspection par les commissaires du roi, la vie des facultés est gelée durant une douzaine d’années (1667-1679), le temps de mettre au point une sévère réforme des études juridiques.
Patrick Ferté
1560-1679 – Religious unrest and repression
The activity and brilliance of the Renaissance period were curtailed by Religious troubles in Toulouse. The Catholic return to power was swift and severe. Purge and repression eliminated professors leaning towards Protestant Reformation: some eminent jurists and humanists, doctors regent of the Faculty of Liberal Arts and doctors were dismissed, condemned and even massacred. All graduates were required to swear an oath to the Virgin Mary. In 1604, Henri IV created a chair of pharmacy and surgery in Toulouse, but the university fought to abolish it, relegating surgery to the status of a « vile and mechanical art » until the Age of Enlightenment.
Louis XIV finally resolved the problem of public funding for the university by forcing the prelates to honour Cardinal d’Armagnac’s decision to subsidise the University of Toulouse. In return, however, the monarchy demanded a wide-ranging investigation into the various abuses that were disrupting university life. The King’s commissioners inspected the university, and day-to-day life at the faculties was frozen for a dozen years (1667-1679), the time required to implement a severe reform of legal studies.
1679-1793 – Une faculté de droit modèle
Œuvre du médecin François Bayle ©BUA UT Capitole cliché SICD, UT
Depuis le règne personnel de Louis XIV jusqu’au siècle des Lumières, les facultés de droit et de théologie consolident leur rang de deuxième population étudiante du royaume. Elles continuent de recruter jusqu’au-delà de la Loire, même si c’est moins massivement qu’aux périodes précédentes.
La grande réforme des études juridiques (1679-1683) appliquée à toutes les universités du royaume entend assurer un meilleur contrôle des cursus devenus plus réguliers et plus sérieux. Mais en tolérant de les raccourcir pour les étudiants de plus de 24 ans (licence en six mois au lieu de trois ans), la monarchie va voir de plus en plus de jeunes gens s’engouffrer dans cette brèche. Durant tout le XVIIIe siècle, la plupart des facultés sont donc envahies d’étudiants météores (de 70 à 80 %), tandis que Toulouse se distingue par une faible proportion de ces dérogataires peu studieux : comme le proclamait un vieil adage,
« Et Toulouse pour apprendre », on vient donc toujours dans la
« cité palladienne » pour étudier sérieusement.
RÉFORME CATHOLIQUE ET QUERELLES DOCTRINALES
Durant cette période, la Faculté de théologie participe d’abord ardemment à la Réforme catholique. Le prouve l’envolée des diplômes de Louis XIII à la Révocation de l’édit de Nantes avant une nette décrue qui atteint le niveau le plus bas à la fin du XVIIIe siècle. Toutefois les clercs continuent de venir y étudier massivement, mais désormais sans forcément passer les graduations : vu le marché de l’emploi ecclésiastique saturé, un haut diplôme n’est plus le gage d’un meilleur profil de carrière. La faculté reste tout au long de la période animée par d’ardentes querelles doctrinales (jansénisme, molinisme, thomisme…) et inter-monastiques : au grand dam des Dominicains, la Compagnie de Jésus obtient enfin des chaires en théologie, mais aussi à la Faculté des arts libéraux à laquelle son collège est annexé (1681). En 1717, c’est le collège des Doctrinaires (L’Esquile) qui lui est incorporé. La Faculté des arts, antichambre mixte de la théologie et de la médecine, en est revigorée d’autant : son diplôme, la maîtrise ès arts jusque-là délaissée, connaît une expansion record. Quant à son contenu, il évolue sensiblement d’un aristotélisme étroit à une science plus diversifiée et plus ouverte au progrès malgré la persistance de freins.
LA MÉDECINE ET SES VERROUS
La Faculté de médecine, elle, garde un rang plus modeste du fait de l’hégémonie de sa puissante voisine, Montpellier. Son rayon d’attraction est donc plus restreint. Son enseignement met longtemps à desserrer l’emprise des Anciens. Par deux fois, un médecin au talent reconnu à Paris, Londres et Rotterdam, François Bayle, échoue au concours pour une chaire (1670 et 1675) pour avoir critiqué Aristote et plaidé la nécessité d’unir la théorie à l’observation, et de jumeler la médecine et la chirurgie. Après 1690, la Faculté de médecine décide enfin que les jurys de recrutement aux chaires ne soient composés désormais que de docteurs en médecine. Lentement la réforme porte ses fruits : dans la deuxième moitié du siècle des Lumières, la faculté recrute des régents moins fermés à la nouveauté, comme l’encyclopédiste Gardeil, et rénove ses bâtiments. Pourtant un dernier verrou subsiste : la faculté refuse d’incorporer l’École de chirurgie qui se crée en dehors d’elle (1761). Le bilan global de ses facultés à la fin de l’Ancien Régime reste fort honorable mais l’inadaptation générale du système universitaire français aux exigences nouvelles des Lumières condamnent l’Université de Toulouse au même titre que les nombreux campus décadents (15 septembre 1793).
Patrick Ferté
1679-1793 – A model law faculty
From the personal reign of Louis XIV through to the Age of Enlightenment, the faculties of law and theology consolidated their position as the second largest student population in the kingdom. Between 1679 and 1683, a major reform of legal studies was applied to all the universities in the kingdom, with the aim of ensuring better control over the curricula, which had become more aligned and more serious. Throughout the period, the faculty was subjected to fierce doctrinal disputes (Jansenism, Molinism, Thomism, etc.) and inter-monastic disputes: the Society of Jesus finally obtained chairs in theology, but also in the faculty of liberal arts, to which its college was annexed in 1681. In 1717, the college of Doctrinaires – l’Esquile – was incorporated into it. The Faculty of Arts, the combined antechamber of theology and medicine, was reinvigorated: its degree, the previously neglected Master of Arts, experienced record growth.
After 1690, the Faculty of Medicine finally decided that the recruitment panels for the chairs would consist solely of doctors of medicine. However, the faculty refused to incorporate the School of Surgery, which was established outside it in 1761.
1793-1870 – La révolution et l’Université impériale
AD 31 Coll. privée Alexis Larrey (1750-1827)
LA RÉVOLUTION
La suppression des facultés, déjà largement désertées, se fait en deux temps : le décret de la Convention du 15 septembre 1793 qui abolit les universités est suspendu le lendemain. Elles continuent donc d’exister en droit sinon en fait jusqu’au décret du 25 février 1795 (7 ventôse an III) qui les remplace par des écoles centrales. À noter que deux des professeurs de droit de Toulouse se mettent en évidence dans les rangs girondins, Joseph de Rigaud, premier maire de Toulouse (1790-1792), guillotiné, et Jacques-Marie Rouzet, député haut-garonnais.
TOULOUSE ESSAIE DE SAUVER SON ENSEIGNEMENT
Dépourvue d’université, la ville multiplie les initiatives pour sauver l’enseignement, sans que ce qui relève du secondaire ou du supérieur soit encore bien défini. L’Institut Paganel (1794), puis l’École centrale (1795) incombent aux autorités départementales, tandis que médecins, chirurgiens et pharmaciens fondent, en 1801, une Société de médecine qui propose un enseignement médical. Si l’État ne se désintéresse pas de l’enseignement supérieur, l’heure n’est plus aux facultés généralistes d’Ancien Régime. Désormais, c’est la formule de l’école spéciale qui prime. Mais pour l’État, outre la formation militaire et enseignante (l’École polytechnique et l’École normale supérieure sont fondées en 1794), les priorités vont au droit et à la médecine. Toulouse obtient bien une école spéciale de droit en 1804, qui se replace vite au deuxième rang des écoles de droit de l’Empire, mais pas de médecine. Pour les sciences et les arts, c’est la municipalité qui doit ouvrir des écoles.
LA NAISSANCE DE L’UNIVERSITÉ IMPÉRIALE
En 1806-1808, Napoléon Ier ressuscite les facultés. Mais elles n’ont, localement, aucun lien institutionnel, si ce n’est qu’elles dépendent du recteur. Elles sont rattachées à l’Université impériale, centralisée à Paris. L’académie de Toulouse est alors dotée de cinq facultés : de droit, de théologie catholique, de théologie protestante (à Montauban), des sciences et des lettres. Ces deux dernières constituent une véritable innovation institutionnelle, immédiatement organisées avec un cursus complet jusqu’au doctorat. Le choc est rude pour les Toulousains qui ne retrouvent pas leur faculté de médecine. Ils n’obtiennent en 1806 qu’une école impériale de médecine et de chirurgie, uniquement habilitée à former les officiers de santé.
LA NAISSANCE DE L’ÉCOLE VÉTÉRINAIRE
Une autre école voit encore le jour, l’école vétérinaire. Décidée en 1825, ses premiers cours ouvrent en 1828. En 1834, elle s’installe dans de beaux bâtiments à Matabiau, spécialement construits pour elle. Trop proches de la gare, elle devra les quitter plus d’un siècle plus tard.
LES FACULTÉS TOULOUSAINES
Les facultés toulousaines parviennent à traverser les soubresauts politiques du siècle, non sans crises. Ses étudiants et ses professeurs, particulièrement en droit, se mobilisent à chaque changement de régime. La surveillance de l’État central, notamment au Second Empire, pèse sur chacune d’elles. Pour autant, elles ne se développent pas au même rythme. La Faculté de théologie catholique est totalement concurrencée par le séminaire. Celles des lettres et des sciences sont très mal logées au lycée. Elles n’ont que peu de vrais étudiants, même si leurs cours publics rencontrent un certain succès. Les étudiants sont plus nombreux à l’École de médecine et, surtout, à la faculté de droit. Ils y sont près de 500 par an entre 1861 et 1870.
Caroline Barrera & Patrick Ferté
1793-1870 – The revolution and the imperial university
The Convention of 15 September 1793 abolished the universities and replaced them with central schools. The Paganel Institute, founded in 1794, and then the central school founded in 1795, were the responsibility of the departmental authorities, while doctors, surgeons and pharmacists founded a medical society offering medical education in 1801. In addition to the military and teaching training provided by the École polytechnique and the École normale supérieure founded in 1794, the priorities for the State were law and medicine.
Between 1806 and 1808, Napoleon I revived the faculties, which were attached to an imperial university centralised in Paris. The Académie de Toulouse had five faculties: law, Catholic theology, Protestant theology (in Montauban), science and literature.
Another school was also created, the veterinary school. The decision to open the school was taken in 1825, and its first classes were held in 1828. In 1834, it moved into beautiful, purpose-built buildings in Matabiau.
1870-1945 – Age d’or et temps de guerres
Faculté des sciences – Dts rés. Grand amphithéâtre de la faculté de médecine et pharmacie de Toulouse – Dts rés.
LES RÉFORMES DE LA IIIe RÉPUBLIQUE
La IIIe République, qui naît sur les ruines de la défaite contre la Prusse, met du temps à s’imposer. En 1875, les monarchistes font ainsi voter une loi sur la liberté de l’enseignement supérieur, qui permet la création d’une université catholique de Toulouse en 1877 (Institut catholique en 1880). Pendant ce temps, la rénovation de l’enseignement supérieur avance. Avec la défaite, cet enseignement est jugé indigne d’une grande puissance, à un moment où les besoins en diplômés vont croissant. À Toulouse, une antenne de la Société pour l’enseignement supérieur (1881) rassemble les progressistes. L’État accorde aux facultés un début d’autonomie, notamment via la personnalité civile et le budget. Cela permet de créer des chaires ou des cours.
LA CRÉATION DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
L’État ambitionne aussi de sélectionner cinq ou six villes pour y installer des universités susceptibles de rivaliser avec leurs homologues allemandes. Il met donc les candidates en concurrence. Mais la situation catastrophique des locaux universitaires toulousains, l’absence de faculté de médecine, les dissensions politiques sur les priorités budgétaires n’envoient pas un message positif sur la place de la science à Toulouse. L’action des républicains, la mobilisation des élites locales et la pression de l’État poussent la Ville à bâtir des « palais universitaires » : aux allées Jules-Guesde pour le pôle « science- médecine » et rue de l’Université pour le pôle « lettres-droit », où un bâtiment pour les lettres est construit (1888-1892). En échange de ces efforts, Toulouse retrouve enfin sa faculté de médecine (1891). Sous la pression des villes et du Sénat, l’État renonce finalement à son projet de concentration et en 1896, ce sont seize universités régionales qui naissent, dont celle de Toulouse. Ses facultés (droit, lettres, médecine et pharmacie, sciences, théologie protestante) sont rassemblées dans un Conseil de l’Université de Toulouse. Il fonctionne jusqu’en 1968.
L’ÂGE D’OR
Pour l’université toulousaine, s’ouvre alors un âge d’or (1896- 1914). Dans des locaux rénovés (mais vite insuffisants), elle voit ses chaires se multiplier, des formes institutionnelles émerger avec les stations (dès 1892) ou les instituts techniques (dès 1906). Son public s’élargit socialement avec la création des bourses (1877). Les femmes commencent à arriver et les étudiants étrangers à affluer. En 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État l’oblige à se séparer de la Faculté de théologie protestante de Montauban.
LE TEMPS DES CRISES
Mais à partir de 1914, l’université doit affronter deux guerres mondiales et une crise économique internationale. Dès la mobilisation, étudiants et enseignants quittent massivement les bancs des amphithéâtres. Beaucoup n’en reviennent pas. L’après-guerre est un temps de pénurie budgétaire, aggravé par la crise économique qui fait chuter la proportion d’étudiants étrangers. La Deuxième Guerre mondiale mobilise peu de temps les universitaires, mais ouvre une période sombre. L’université, désormais soumise à une dictature qui collabore avec l’occupant nazi, doit accepter des lois d’exclusion : contre les syndicalistes et les opposants politiques (1940), les fonctionnaires d’origine étrangère (1940), les francs-maçons (1940), les juifs (1940 et 1941), les femmes (1940) et ceux qui rejoignent la France libre. L’université ne réagit pas collectivement mais nombre de ses membres entrent alors en résistance. Malgré ce contexte très difficile depuis 1918, l’université continue de se développer et à rayonner en France et à l’étranger.
Caroline Barrera
1870-1945 – Golden age and times of war
In 1875, the monarchists passed a law on the freedom of higher education, which led to the creation of a Catholic university in Toulouse in 1877. A Toulouse-based branch of the Société pour l’Enseignement Supérieur (Society for Higher Education), founded in 1881, brought together progressives. The State granted the faculties the beginnings of autonomy by giving them a legal personality and a budget. “University palaces” were built on the Allées Jules-Guesde for the « science-medicine » centre and on rue de l’Université for the « arts and law » centre. Under pressure from the cities and the Senate, sixteen regional universities were created, including Toulouse. Its faculties (law, literature, medicine and pharmacy, sciences, Protestant theology) are grouped together under the University of Toulouse Council.
In renovated premises, Toulouse’s university saw an increase in the number of professorships and the emergence of institutional forms such as delocalised antennae from 1892 and technical institutes from 1906. The public it attracted expanded socially with the creation of bursaries in 1877. The first female students attended the university and it was very popular with foreign students. But from 1914 onwards, the university had to contend with two world wars and an international economic crisis.
1945-1968 – Les réformes avant 1968
L’institut de génie chimique – AMT L’école nationale de l’aviation civile – ENAC La cour de l’ENSICA – ISAE-SUPAERO
LA REPRISE EN MAIN DE L’ÉTAT CENTRAL
Après-guerre, l’État intervient fortement dans l’enseignement supérieur pour le rationaliser et le moderniser. À Toulouse, les instituts techniques deviennent des écoles nationales supérieures d’ingénieurs indépendantes, en 1948 pour l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT) et l’École nationale supérieure d’électrotechnique hydraulique de Toulouse (ENSEHT) et en 1953 pour l’École nationale supérieure de chimie de Toulouse (ENSCT). L’École de commerce entre également dans une logique de rénovation. Des instituts s’inscrivant dans des dynamiques nationales sont également fondés : celui des techniques économiques et comptables (1944), l’Institut d’études politiques (1948) et plus tard l’Institut de préparation aux affaires (1955). Pour réduire l’échec à l’université, l’État met en place une année de « propédeutique » (1947).
LES NOUVEAUX INSTITUTS ET LES CENTRES DE RECHERCHE
La dynamique de création des instituts ne faiblit donc pas. Avec la mise en place d’un 3e cycle d’études supérieures de spécialité dans les facultés des sciences en 1954, elle est accompagnée par celle des centres de 3e cycle. La Faculté des sciences ne cesse d’en créer, facilitant ainsi l’émergence de nouvelles disciplines dans son campus moderne de Rangueil. À la Faculté des lettres aussi, les créations vont bon train, notamment avec le Centre d’études et de recherche en sociologie (1956) ou le Centre interuniversitaire d’études urbaines (1966). En droit, les années 1950 voient la création du Centre de recherches économiques et statistiques, du Centre d’études des pays sous-développés et les années 1960 celle du Centre d’études juridiques et économiques de l’emploi ou encore du Centre de documentation et de recherches européennes.
LES NOUVELLES ÉCOLES D’INGÉNIEURS
Devant le manque d’ingénieurs, l’État favorise la mise en place d’un nouveau type d’écoles qui recrutent après le baccalauréat. À Toulouse, l’Institut national des sciences appliquées s’installe (1958-1963) à Rangueil. L’intervention de l’État est particulièrement forte avec la mise en œuvre d’une politique d’aménagement du territoire et de déconcentration scientifique en matière aéronautique. Elle va durablement marquer la ville. Dans les années 1960, une partie du Centre national d’études spatiales et trois écoles d’ingénieurs et de cadres techniques de l’aéronautique sont ainsi transférées : l’École nationale supérieure des constructions aéronautiques en 1961 (Matabiau), l’École nationale supérieure de l’aéronautique et l’École nationale de l’aviation civile en 1968 qui s’installent dans des locaux neufs à Rangueil, près de la Faculté des sciences et de l’Institut national des sciences appliquées (INSA).
VERS L’EXPLOSION DE MAI 1968
La décennie qui précède 1968 est incroyablement riche. Marquée au fer rouge par la massification des effectifs, la modernisation accélérée de l’économie et de la société, l’université ne cesse de rénover ses études. Les réformes s’enchaînent dans les licences, de nouveaux diplômes sont créés (BTS en 1962, DEA en 1964), les instituts universitaires de technologie (1966) voient le jour. En 1966, la réforme Fouchet est radicale. Elle réagence les études en trois cycles successifs, supprime le vieux système flexible des certificats et scinde les cursus en filières spécialisées, encadrées par le ministère. Mais en termes de gouvernance, la situation n’évolue guère et les enseignants subalternes, les étudiants ou les personnels administratifs et techniques en sont toujours exclus. Cette situation d’un autre âge, couplée à l’explosion des effectifs, à la situation intenable des locaux, aux revendications de la jeunesse font exploser, en 1968, la vieille université de 1896.
Caroline Barrera
1945-1968 – Reforms before May 68
After the Second World War, the state intervened heavily in higher education to rationalise and modernise it. In Toulouse, the technical institutes became independent national engineering schools. With the introduction of a 3rd cycle of specialised higher education in 1954, the Faculty of Science continued to create new courses, facilitating the emergence of new disciplines on its modern Rangueil campus, as did the Faculty of Arts and the Faculty of Law. The Institut national des sciences appliquées moved to Rangueil between 1958 and 1963. The State implemented a policy promoting regional planning and scientific devolution in the field of aeronautics. There was a succession of reforms in bachelor’s degrees, new qualifications were created (BTS in 1962, DEA in 1964) and university institutes of technology were created. The Fouchet reform, which took place in 1966, was radical.
In terms of governance, the situation remained largely unchanged, and junior lecturers, students and administrative and technical staff were still excluded. This outdated situation, coupled with an explosion in enrolments, the untenable situation with regard to premises and the demands of young people, marked the end in 1968 for the old university dating back to 1896.
1968-2022 – De l’éclatement à l’unité retrouvée ?
LA LOI FAURE ET LA RECONNAISSANCE DE TOUS LES ACTEURS DE L’UNIVERSITÉ
La réponse gouvernementale à la crise de 1968 prend forme avec la loi du 12 novembre 1968. Loi d’ampleur, elle fait entrer la participation démocratique à l’université, mettant fin à la
« République des professeurs ». Alors que la légitimité des pouvoirs fonctionnait sur une délégation de l’État calée sur la hiérarchie de 1808 (ministre, recteur, doyens assistés des assemblées des professeurs), elle est désormais assise sur le suffrage de l’ensemble des acteurs de l’université (étudiants, enseignants, personnels administratifs et techniques). Elle confie la gestion des nouvelles universités à des présidents élus par leurs représentants. Leur autorité est découplée de celle du recteur, représentant de l’État et donc de la centralisation. Chaque université a un conseil élu, dans lequel siègent les représentants des enseignants, des chercheurs, des étudiants, du personnel administratif et technique et des personnalités extérieures. Chaque université est également dotée d’un conseil scientifique qui détermine les programmes de recherche et les crédits qui leur sont affectés. Pour autant, les revendications d’autonomie ne sont que partiellement satisfaites. Si les universités peuvent déterminer leurs activités d’enseignement, les programmes de recherche ou les méthodes pédagogiques, les prérogatives de l’État, qui finance massivement l’université, sont bien maintenues. L’université apprend donc à passer des contrats avec l’État.
L’ÉCLATEMENT INSTITUTIONNEL DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
La loi Faure supprime aussi les facultés et le conseil de l’Université de Toulouse qui les unissait depuis 1896. Elle vise à mettre en place des universités pluridisciplinaires en regroupant des unités d’enseignement et de recherche. Toulouse comptant en 1960 moins de 40 000 étudiants, le ministère considère que deux universités sont suffisantes. Mais, localement, les débats sont houleux, droit et médecine voulant leurs propres universités. Finalement, l’Université de Toulouse éclate en trois universités : Toulouse I (ex Faculté de droit et des sciences économiques, désormais université des sciences sociales, future Université Toulouse Capitole), Toulouse II (ex Faculté des lettres et sciences humaines, désormais Université Toulouse Jean Jaurès) et Toulouse III (ex Facultés des sciences et de médecine- pharmacie, désormais Université Toulouse III Paul Sabatier). Un Institut national polytechnique regroupe les anciens instituts techniques de la Faculté des sciences devenus écoles nationales d’ingénieurs. Il s’enrichit par la suite de l’École nationale d’ingénieurs de Tarbes, de l’École nationale de la météorologie et de l’École d’ingénieurs de Purpan. Ces restructurations sont matérialisées par la poursuite de la délocalisation massive des campus universitaires en périphérie et, notamment, du déménagement de Toulouse II dans le quartier du Mirail, où s’installe également l’école d’architecture.
VERS L’UNITÉ RETROUVÉE ?
Pendant plus de vingt ans, les nouvelles universités toulousaines fonctionnent donc sans structure fédérative, avant que le Plan « Université 2000 » (1990) n’incite à l’action collective, en se focalisant sur la modernisation des infrastructures universitaires, et en pointant la nécessité d’améliorer la visibilité internationale des universités. C’est ainsi que naît en 1995 le « pôle universitaire européen de Toulouse » qui comprend les acteurs du monde académique et scientifique régional (universités, grandes écoles, organismes de recherche) et les collectivités territoriales. La nécessité d’aborder collectivement les questions de site se renforçant, sous l’influence des classements internationaux et des politiques nationales, la structure ne cesse d’évoluer. En 2007, le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) marque une première étape avant transformation en 2015 en Communauté d’universités et d’établissements – Université fédérale de Toulouse Midi- Pyrénées, puis au 1er janvier 2023, par une nouvelle Université de Toulouse.
Caroline Barrera & Philippe Raimbault
1968-2022 – From fragmentation to renewed unity?
The government’s response to the 1968 crisis took shape with the Faure Act of 12 November 1968. This act was a far-reaching piece of legislation and provided each university with an elected council, made up of representatives of teaching staff, researchers, students, administrative and technical staff and people from outside the university. Each university also had a scientific council to determine the research programmes and the funding allocated to them. But local debates were fierce, with law and medicine wanting their own universities. Eventually, the University of Toulouse split into three universities: Toulouse I, Toulouse II and Toulouse III. A National Polytechnic Institute became the umbrella organisation for the former technical institutes of the Faculty of Science, which became national engineering schools. In 1990, the « Université 2000 » plan encouraged collective action to improve the international visibility of universities. This led to the creation in 1995 of the « Toulouse European University Pole », which brings together stakeholders from the regional academic and scientific world and local authorities. In 2007, the Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur – PRES (Research and Higher Education Hub) marked the first stage in the transformation in 2015 into the Communauté d’Universités et d’Etablissements – Université Fédérale de Toulouse Midi- Pyrénées, renamed Université de Toulouse in January 2023.