Les Jeux Pythiques, Isthmiques et Néméens [2025]

Le monde grec antique est impressionnant de par son foisonnement de jeux et d’activités sportives dont la pratique nous est parvenu avec l’exemple très iconique des Jeux Olympiques. Cependant il n’existe pas que ces jeux. En effet, d’autres cités ont copié ou -du moins- repris le concept de compétitions sportives qui s’organisent à l’échelle de la Grèce. D’autres jeux avec une certaine renommée nous sont parvenus par les sources et autres traces comme archéologiques. C’est le cas des Jeux Pythiques, Néméens et Isthmiques. Pourtant, peu d’historiens en parlent comme des jeux particuliers car les 4 jeux sont interconnectés dans un calendrier de 4 ans, nommé une olympiade où les athlètes avaient le temps de participer aux 4 jeux malgré leur distance géographique. Le monde grec se retrouvait sur sa passion commune pour la compétition sportive et un semblant d’unité inter-cités pouvait se ressentir au travers de ces évènements. De plus ces jeux ne sont pas laïcs, ils sont accompagnés de multiples cérémonies en l’honneur des Dieux, les grecs se retrouvaient donc aussi sur leur cosmogonie et leur système de croyance commune. Nous allons tenter au travers de cet article d’exposer les divers aspects de ces jeux. Ainsi quelles sont les caractéristiques des jeux pythiques, isthmiques et néméens dans la compréhension du sport en Grèce Antique ? Nous allons distinguer chacun des trois jeux en faisant au maximum abstraction des jeux Olympiques car chacun à sa quantité d’informations. Mais nous nous efforcerons de présenter les points communs entre ces trois jeux mais aussi les distinctions spécifiques. 

En Grèce, le lieu le plus incontournable est Delphes qui se situe en Phocide dans la Grèce centrale. Delphes est le siège de la Pythie, qui est une voyante aux capacités de divinations donnés par le dieu Apollon, les grecs étant croyants, venait la voir pour obtenir des présages des Dieux au travers de cet intermédiaire. Les Jeux pythiques font d’elle l’arbitre des Jeux. Les jeux sont bien sûr dédiés à Apollon et de sa victoire contre le serpent Python qui gardait Delphes. Les premiers jeux dont nous avons une trace sont ceux de 582 d’avant notre ère. La particularité des Jeux pythiques est que les jeux sont principalement musicaux (avec le chant) mais aussi des jeux verbaux  comme l’éloge, t les joutes verbales et la pantomime qui est un jeu de théâtre muet qui utilise des gestes, des mimiques et des mouvements corporels pour raconter des histoires ou exprimer des émotions. Mais il y aussi des jeux  sportifs comme la course à pied, la gymnastique, la lutte et la boxe. Le laurier de tempé remplace les premières récompenses monétaires par sa valeur symbolique. Le laurier est un des symboles d’Apollon. Le lieu où se déroulent les épreuves se situe sur la colline du Mont Parnasse à Delphes, où diverses installations étaient présentes pour les jeux, notamment un stade (au plus haut), puis le théâtre, le sanctuaire de la pythie et les différents trésors donnés par les cités. Un trésor désigne un bâtiment dans lequel une cité grecque dépose des fonds monétaires importants pour les Dieux (ici apollon) et s’assure son soutien dans des divinations de la pythie favorable. Ces trésors permirent à Delphes de s’enrichir très fortement car beaucoup de cités sont données pour le sanctuaire. Les gens les plus fortunés peuvent construire pour eux seuls un trésor. Il y a un chemin principal pour se déplacer dans le sanctuaire qui se nomme la Voie sacrée. Les processions religieuses et les athlètes l’emploient pour effectuer leurs tâches respectives. Les jeux se déroulent  entre juillet et août de la troisième année de l’olympiade (les jeux se déroulent principalement dans cette période peu importe l’année de l’olympiade). Delphes est aussi pour les grecs le nombril du Monde (grec) nommé omphalos, cela renforce son importance religieuse dans la conception grecque du monde. Pour soutenir la pythie, une ligue de chefs religieux nommée l’Amphictyonie pyléodelphique est un groupe international de religieux qui gère les jeux pythiques (dans le cas de Delphes) dont leurs déroulement, les sacrifices, les rituels et la protection des terres sacrées. La pythie dépend de ce groupe car elle doit être isolée du monde pour pouvoir entendre les paroles des Dieux. Ils sont le symbole de l’harmonie et de l’unité du monde grec. L’amphictyonie désigne les prêtres et la Pythie, ainsi que les théores chargés de faire connaître le début de la trêve sacrée et des jeux dans l’ensemble du monde grec. 

Un des vainqueurs des Jeux Pythiques est Timasithéos de Delphes qui a remporté trois fois les Jeux Pythiques au pancrace à la fin du VIème siècle avant notre ère.

Théâtre de Delphes où avaient lieu les épreuves musicales.

© Leonidtsvetkov

Les Jeux Isthmiques, également appelés concours isthmiques, sont organisés tous les deux ans sur l’isthme de Corinthe, ces jeux mêlaient compétitions sportives, célébrations religieuses et événements artistiques. Les Jeux Isthmiques trouvent leurs racines dans la mythologie grecque. 

Plusieurs légendes entourent leur création :

  • Sisyphe, roi légendaire de Corinthe, aurait institué ces jeux en l’honneur de Mélicerte (également connu sous le nom de Palaemon), un dieu marin né d’une tragédie familiale. Sisyphe aurait organisé des rites funéraires pour Mélicerte après avoir retrouvé son corps sur les rivages de l’isthme.
  • Une autre version attribue leur fondation à Thésée, roi d’Athènes, qui transforma ces rites funéraires en compétitions sportives dédiées à Poséidon. Thésée aurait également négocié avec les Corinthiens pour accorder aux Athéniens des sièges privilégiés durant les jeux.

Historiquement, les Jeux Isthmiques sont attestés dès 582 av. J.-C., avec des célébrations centrées autour du sanctuaire panhellénique de Poséidon situé sur l’isthme.

Les Jeux Isthmiques comprenaient une variété d’épreuves athlétiques et artistiques :

  • Courses à pied : Différentes distances, incluant le stade (192 m) et le dolichos (course longue).
  • Lutte et pugilat : sports de combat populaires dans la Grèce antique.
  • Pentathlon : Un ensemble d’épreuves comprenant le lancer du disque, le lancer du javelot, le saut en longueur, la course à pied et la lutte.
  • Courses hippiques : Courses de chevaux et de chars.
  • Course maritime : En raison de la proximité avec la mer, des courses de bateaux étaient également organisées.

À partir du Ve siècle av. J.-C., des compétitions musicales, poétiques et dramatiques furent ajoutées. Ces concours incluent :

  • Des récitations de poésie épique ou lyrique.
  • Des représentations théâtrales.
  • Des performances musicales dédiées aux divinités grecques.

Les Jeux Isthmiques étaient avant tout une célébration religieuse dédiée à Poséidon, dieu des mers et des chevaux. Les festivités commençaient par des sacrifices au temple de Poséidon situé près d’un bois sacré sur l’isthme. Ces rites visaient à invoquer la protection divine pour les participants et les spectateurs.

Statue de Poséidon conservée au Musée national  

© zunkir

Les vainqueurs des Jeux Isthmiques recevaient une couronne faite de céleri sauvage ou de pin, symboles d’humilité et d’honneur. Ces couronnes mettaient en avant l’esprit compétitif mais non mercantile des concours panhelléniques.

Les Jeux Isthmiques étaient ouverts à tous les Grecs, renforçant ainsi leur identité collective. Ils servaient non seulement à démontrer les prouesses physiques mais aussi à célébrer l’unité culturelle et religieuse du monde grec antique. Leur popularité rivalise parfois avec celle des Jeux Olympiques.

Les Jeux Isthmiques incarnent une tradition riche mêlant sport, art et religion dans un cadre mythologique fascinant. Bien que leur influence ait diminué avec le temps, ils restent un témoignage vibrant de la culture panhellénique et du rôle central que jouent les compétitions dans la société grecque antique.

Les Jeux Néméens étaient organisés tous les deux ans dans l’Antiquité grecque. Dédiés à Zeus, ces jeux se tenaient dans la petite ville de Némée, au cœur d’un sanctuaire sacré. Plongeons dans l’histoire fascinante de ces jeux qui mêlaient mythologie, compétition et culture.

Deux récits principaux expliquent l’origine des Jeux Néméens :

  1. Le mythe d’Opheltes : Selon Pausanias, les jeux furent institués en l’honneur d’Opheltes, un jeune enfant tragiquement tué par un serpent. Alors que sa nourrice Hypsipyle guidait les guerriers des Sept contre Thèbes vers une source d’eau, le bébé fut laissé sur un lit de céleri sauvage et attaqué par un serpent. En hommage à sa mort, les guerriers organisèrent des jeux funéraires qui devinrent les Jeux Néméens. Opheltes fut ensuite surnommé Archemoros, signifiant « celui qui annonce la mort ».
  2. Héraclès et le lion de Némée : Une autre légende attribue la fondation des jeux à Héraclès après qu’il eut vaincu le lion de Némée lors de son premier travail. Pour célébrer cette victoire et honorer Zeus, Héraclès aurait instauré ces compétitions.

Les Jeux Néméens proposaient une grande variété d’épreuves athlétiques et équestres, similaires à celles des autres concours panhelléniques :

  • Stadion : Une course à pied sur environ 178 mètres.
  • Diaulos : Une course doublement longue que le stadion (355 mètres).
  • Dolichos : Une course de fond dont la longueur exacte reste incertaine.
  • Hoplitodromos : Une course en armure où les participants portaient casque, bouclier et parfois des jambières.
  • Pankration : Un mélange brutal de lutte et de boxe avec peu de règles.
  • Pentathlon : Incluant la course à pied, la lutte, le lancer du javelot, le lancer du disque et le saut en longueur.

Les courses de chars (tethrippon) et les courses à cheval (kélès) se déroulaient dans un hippodrome. Ces épreuves se distinguaient par leur ouverture aux femmes en tant que propriétaires de chevaux ou de chars, bien qu’elles ne participaient pas directement aux courses.

Les Jeux Néméens étaient profondément enracinés dans la religion grecque antique. Ils se déroulaient dans un sanctuaire dédié à Zeus et incluaient des sacrifices rituels pour honorer le dieu suprême. La couronne remise aux vainqueurs était faite de céleri sauvage, une plante associée à Opheltes, symbolisant à la fois la vie éphémère et le triomphe.

Le sanctuaire de Némée © Carole Radatto

À leurs débuts, les Jeux Néméens étaient fortement militarisés. Seuls les guerriers et leurs fils pouvaient y participer. Les épreuves comme la course en armure reflétaient cet héritage martial. Avec le temps, les jeux s’ouvrirent à tous les Grecs libres, devenant une célébration panhellénique plus inclusive.

Après avoir disparu pendant des siècles, les Jeux Néméens ont été ravivés en 1996 grâce aux efforts du Society for the Revival of the Nemean Games. Ces interprétations modernes permettent aux participants du monde entier de revivre l’expérience antique en courant pieds nus dans des tuniques traditionnelles au sein du stade restauré de Némée. Les vainqueurs reçoivent encore aujourd’hui une couronne de céleri sauvage.

Les Jeux Néméens incarnent l’esprit compétitif et religieux qui définissait la Grèce antique. Ils servaient non seulement à démontrer la force physique mais aussi à renforcer l’unité culturelle entre les cités-États grecques. Aujourd’hui encore, leur renaissance témoigne d’un profond respect pour ce patrimoine historique unique.

En revisitant ces traditions ancestrales, nous renouons avec un passé où sport, mythe et communauté s’entrelacent harmonieusement pour célébrer l’humanité dans toute sa splendeur.

La fin des Jeux Pythiques, Néméens et Isthmiques s’inscrit dans le déclin général des Panhelléniques sous l’influence de Rome et l’essor du christianisme. À partir du IIe siècle av. J.-C., la domination romaine affaiblit le soutien aux compétitions grecques, les considérant comme des célébrations païennes incompatibles avec les valeurs chrétiennes. Les Jeux Néméens furent déplacés à Argos en 271 av. J.-C., avant d’être progressivement abandonnés sous la pression impériale contre les rites polythéistes au IVe siècle apr. J.-C. Les Jeux Isthmiques, eux, continuèrent sporadiquement après la destruction de Corinthe en 146 av. J.-C., mais disparurent également vers la fin du IVe siècle, lorsque les cultes païens furent interdits. Quant aux Jeux Pythiques, leur célébration à Delphes persista jusqu’à environ 424 apr. J.-C., malgré l’essor du christianisme et le déclin des sanctuaires païens. En 393 apr. J.-C., l’empereur Théodose Ier interdit officiellement les jeux panhelléniques, marquant ainsi la fin définitive de ces festivités historiques. 

Les jeux pythiques, isthmiques et néméens occupent une place fondamentale dans la compréhension du sport dans la Grèce antique, chacun incarnant des aspects distincts mais complémentaires de la culture grecque. Ces compétitions, bien que inférieures en notoriété par rapport aux Jeux Olympiques, étaient néanmoins profondément enracinées dans la société grecque et reflétaient les valeurs de la polis, de la religion et de la guerre.

En conclusion, les jeux Pythiques, Néméens et Isthmiques témoignent de la richesse culturelle et religieuse de la Grèce antique, où sport, art et spiritualité s’entrelacent harmonieusement. Ces compétitions panhelléniques, dédiées respectivement à Apollon, Zeus et Poséidon, incarnaient bien plus qu’un simple rassemblement sportif : elles renforçaient l’unité entre les cités-États grecques tout en honorant les divinités. Bien que leur influence ait décliné avec la montée du christianisme et la domination romaine, leur héritage perdure comme un symbole de la grandeur culturelle de l’Antiquité. Aujourd’hui, ils nous rappellent l’importance des valeurs de dépassement de soi, de célébration collective et de connexion spirituelle dans une société.

Bibliographie:

Sources primaires :

  • Pindare, Néméennes, texte établi et traduit par Aimé Puech, Paris, Les Belles Lettres, 1923.
  • Pindare Tome IV, Isthmiques et fragments, texte établi et traduit parAimé Puech, Paris, Les Belles Lettres, 1961.
  • Pindare, Pythiques, 2000, texte établi et traduit par Aimé Puech, Paris, Les Belles Lettres, 2000

Ouvrages et articles spécialisés :

  • BRUIT ZAIDMAN Louise, SCHMITT PANTEL Pauline, La religion grecque dans les cités à l’époque classique, 4ème éd, Armand Colin, Paris, 215 p. 
  • COGAN, Gwenola. « Les concours des cités à l’époque de Pindare : Panhelléniques et chrêmatites ? », Dossier : Émotions, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2011.
  • DECKER Wolfgang et THUILLIER Jean-Paul, Le Sport dans l’Antiquité, Égypte, Grèce, Rome, A. et J. Picard, 2004. 
  • LEVEQUE Pierre et SECHAN Louis, Les grandes divinités de la Grèce, Paris, Armand Collin, 1990 (1re éd. 1966).
  • MARTINETTI, Anne, Sur la piste des jeux antiques, Malakoff, Armand Colin, 2024.

Clément Fugit (L2), Tanguy Montesinos (L2), et Alex Guinvarch (L1)

S’informer en Occitanie (1850-1945)

Par Elisa MAILLE, Anabelle GAMBA et Victor FIEVET

A partir de la seconde moitié du XIXème siècle, la presse connaît un grand essor en France et reste le moyen d’information dominant jusqu’à la moitié du XXe siècle. En effet, ce siècle est un siècle d’innovations techniques importantes qui vont progressivement toucher l’ensemble du territoire et révolutionner les moyens de s’informer pour la population française, et plus particulièrement occitane. Par Occitanie, nous entendons l’ensemble des régions du Midi, du Languedoc ainsi que du Roussillon. S’informer entre le milieu du XIXème siècle jusqu’à la fin des guerres mondiales signifie aussi un lien avec un contexte politique en évolution, qui va influencer et réguler les libertés de la presse et les évolutions techniques : radiophonie, cinéma et télévision. En effet, les années 1850 sont marquées par la fin de la IIème République et le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, dont va naître le Second Empire (1852-1870), puis l’installation de la IIIème République, cependant affaiblie par les deux guerres mondiales ainsi que le gouvernement de Vichy (1940-1945).

Comment s’organisent et évoluent les moyens d’informations occitans entre 1850 et 1945 ?

I) 1850-1914 : S’informer en lisant : l’âge d’or de la presse

A) 1850-1870 : Développement de la presse sous le Second Empire

L’image de la presse du Second Empire (1852-1870) connaît une évolution et un développement durant la période concernée. Nous pouvons apercevoir deux phases distinctes :

La première se déroule entre 1852 et 1860. La politique du gouvernement à l’égard de la presse était autoritaire avec une tutelle administrative qui impose le monopole postal, la surveillance accrue du colportage et de la vente sur voie publique des imprimés non périodiques ainsi que le cautionnement des timbres et brevets pour les imprimeurs et libraires, pour contrôler la presse politique. A partir du coup d’État du 2 décembre 1851 de Napoléon III, certains quotidiens sont supprimés et les rares journaux démocrates interdits ainsi que l’avertissement qui amène à une auto-censure par les rédactions.

La seconde phase se passe entre 1860 et 1870, plus libérale avec la réapparition ainsi que la naissance de nombreux journaux, avec la loi du 11 mai 1868 où les avertissements sont abolis et les timbres réduits. Une diversification du journalisme a lieu et ce sont les débuts d’une véritable révolution de la presse à un sou ou de la “petite presse”. Entre 1851 et 1870, le nombre de titres a été multiplié par 5 et les tirages quotidiens sont passés de 200 000 à 1,5 million d’exemplaires. Les classes populaires accèdent à la lecture régulière des journaux quotidiens et en Occitanie nous pouvons trouver certains titres comme Le Courrier du Gers, publié de 1868 à 1888 depuis Auch, L’Union Nationale, quotidien publié de 1868 à 1881 à Montpellier dans l’Hérault, ou encore L’Émancipation, journal toulousain paru entre 1868 et 1873.

Source : BNF Gallica

L’expansion du marché de la presse participe à l’évolution générale de la société. Nous pouvons apercevoir une nette diminution des analphabètes à la suite de la politique scolaire de la monarchie de Juillet, grâce à la loi Guizot et celle de l’empire avec la loi Duruy et les mesures prises par Rouland. Le nombre de lecteurs augmente et ils deviennent de plus en plus demandeurs. La croissance est accélérée grâce à de nombreuses innovations techniques qui augmentent la production en réduisant les coûts. Le développement des transports et des services postaux favorisent également la diffusion.

La mise en place du suffrage universel masculin instauré en 1848 crée une demande d’information des citoyens à la fois politique ou de faits divers à laquelle la presse répond.

B) 1870-1914 : Âge d’or de la presse

La IIIe République est une période marquée par la libéralisation politique que permet l’installation durable de la République et de son expansion économique sans précédent. Dès 1870-1880 dans le monde journalistique, la quête d’un lectorat “de masse” favorise l’émergence d’un “journalisme d’information”, fondé sur l’exposition factuelle des nouvelles, la narration des choses vues et surtout sur la recherche du spectaculaire. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse du nouvel ordre républicain envisagée comme une suite logique du suffrage universel masculin, les journaux sont libérés des entraves administratives et financières connues sous le Second Empire.

Les oppositions politiques en crise et faibles espèrent reconquérir par cette nouvelle liberté de la presse, le terrain perdu sur le plan électoral et s’appuie sur la presse populaire. Cela entraîne l’apparition de nouvelles thématiques dans la presse comme le nationalisme, l’antiparlementarisme ou encore l’antisémitisme comme dans le cas de l’affaire Dreyfus. Des journaux comme La Dépêche ou Le Petit Méridional ont été les vecteurs privilégiés au développement du scandale ainsi qu’à sa mise en scène, essayant d’attirer un maximum de lecteurs.

A cette époque, les carrières de journaliste et d’homme politique étaient imbriquées. Nous pouvons trouver comme figures importantes de la presse radicale populaire du sud-ouest Arthur Huc et Maurice Sarraut, dirigeants de La Dépêche (Toulouse) ou encore Jules Gariel, directeur du Petit Méridional (Montpellier) et enfin Jean Jaurès, collaborateur régulier de La Dépêche : ces hommes avaient une double activité. Ils utilisaient la thématique de l’antisémitisme afin d’accentuer l’offensive contre les Républicains modérés au pouvoir et pour rassembler les opposants, en espérant rallier les suffrages populaires. L’important poids des stéréotypes véhiculés a eu un grand rôle dans la diffusion du discours antisémite. Dès les années 1880 de nouveaux termes xénophobes apparaissent comme dans La Dépêche qui introduit le terme de “juif allemand” en 1891 afin de distinguer le “bon juif français” du “mauvais juifs étranger”.

Source :
BNF Gallica – Presse ancienne numérisée : Extrait de La Dépêche du 10 novembre 1894

II) 1914-1939 : Avoir accès à l’information avec un renouvellement de ses moyens

A) La presse entre 1914 et 1918

Avec l’entrée en guerre de la France fin juillet 1914, la presse, habituée depuis 1881 à une totale liberté est pour la première fois confrontée aux contraintes qu’imposent une situation de guerre. Dès le 2 août 1914, l’état de siège est décrété sur l’ensemble du territoire, autorisant les autorités militaires à suspendre toute publication jugée nuisible. Le 3 août, un Bureau de la presse est instauré au ministère de la Guerre, chargé de filtrer toute information militaire avant sa diffusion. La censure et la propagande outrancière de la presse visent à conditionner l’opinion publique et maintenir le moral de l’armée en diffusant des informations déformées, inventées et/ou mensongères. C’est le début d’un véritable « bourrage de crâne ».

La Dépêche, Le Petit Méridional ou L’Express du Midi, adaptent leurs lignes éditoriales avec le discours officiel du patriotisme des soldats français mais font face aux censeurs militaires qui peuvent obliger à des espaces vides dans les articles, qui décrivent l’héroïsme des combattants français, des conditions de vie utopiques dans les tranchées ainsi que des descriptions des combats qui insistent sur la bravoure des soldats français et la cruauté supposée ou la lâcheté de l’ennemi avec l’utilisation d’un vocabulaire martial et grandiloquent. Ainsi le Petit journal du 7 février 1915 dit « Quand les Boches sont assurés de gagner nos tranchées et de se rendre sans tomber sous les coups de leurs propres canons, ils y mettent une ardeur incomparable. »

L’effet de ce bourrage de crâne est cependant limité et contre productif et perd en crédibilité, avec par exemple la grande retraite d’août-septembre 1914 ; les autorités modèrent le ton de la communication. Certains titres commencent même à se démarquer comme Le Midi Socialiste, journal influent dans le Sud-Ouest, donne progressivement la parole à certains discours pacifistes et syndicalistes opposés à la guerre. Si ces positions restent minoritaires et surveillées, elles reflètent le basculement progressif et la lassitude de l’opinion publique.

Source : BNF Gallica

B) Vers un renouvellement avec la mise en place de la radiophonie

Après la Première Guerre mondiale (1914-1918), la “grande presse” connaît une stagnation, de par un contexte de crise économique ainsi que par un contexte politique de radicalisation et de structuration des partis mais également avec une nouvelle concurrence avec les magazines et de la radiophonie. La Grande Presse cherche à se renouveler ; la presse politique croît, à toutes échelles par le biais d’acteurs engagés. Ces journaux peuvent être, hebdomadaires, bimensuels ou exceptionnels ; par exemple, le journal radical-socialiste Le Républicain de Lavaur fut publié entre mai 1932 et avril 1936, afin de soutenir la candidature du futur député Emery Comparé. On observe également le développement de journaux républicains et patriotes ou socialiste et syndicalisme ; par exemple l’Éveil ouvrier, organe des syndicats ouvriers, de l’action coopérative et socialiste publié à Carmaux entre 1934 et 1939, qui changera de nom pour “l’Éveil du Tarn socialiste : organe de la fédération socialiste SFIO du Tarn”.

Source : BNF Gallica – Extrait de la publication du 6 Octobre 1934

La radiophonie comme moyen de communication et d’information se développe avec l’innovation du poste à télégraphes puis du poste à galène et ses enjeux sont saisis à la fois par l’État ainsi que par les développeurs de la radioélectricité avec des intérêts économiques et commerciaux ; les stations d’Etat (PTT) font face au développement de stations privées, tolérées mais pas légalement autorisées.

Les individus jouent un rôle dans son développement et reçoivent des informations et des programmes de plus en plus variés. Une presse radiophonique est créée par des amateurs de la radiophonie, sous la forme de gazettes, et connaît aussi un investissement par des groupes presse dans des radios privées pour un meilleur contrôle et éviter la concurrence.

En Occitanie se développe Radio Toulouse fondée en 1925 par le propriétaire de La Dépêche du Midi Jacques Trémoulet face à Radio Toulouse-Pyrénées PTT. Une guerre des ondes est observable entre celles-ci. Les deux stations présentent des programmes d’informations, artistiques et retransmission d’autres radios PTT. Le même modèle se développe pour Radio Montpellier (1925), avec des programmes sur les marchés agricoles/viticoles qui font face à la création de la radio Montpellier-Languedoc (1929). Une privatisation des radios du Sud, appelée la “Radiophonie du Midi” se développe grâce à Jacques Trémoulet.

III) 1939-1945 : Une information toujours à contrôler

Après la défaite de 1940, le pays est divisé en deux zones : une zone occupée par l’Allemagne au nord et une zone libre administrée par le régime de Vichy au sud, sous la direction du maréchal Pétain. Pendant cette période l’information en Occitanie, comme dans le reste de la France, se trouvait au cœur des enjeux politiques et sociétaux. Entre le contrôle étroit exercé par le régime de Vichy et la résistance clandestine, deux univers médiatiques coexistaient : celui de la propagande officielle et celui de la presse libre clandestine.

A) La propagande de Vichy

Dès son établissement en 1940, Vichy utilisait l’ensemble des les médias pour diffuser un discours politique clair : responsabiliser la Troisième République et les Alliés dans la défaite de 1940, tout en mettant en avant une politique de collaboration avec l’Allemagne pour protéger la France de « pires conséquences » ainsi que la promotion des valeurs de la « Révolution nationale » (« Travail, Famille, Patrie ») et censurait toute critique du régime ou des Allemands. Les journaux régionaux comme La Dépêche, Le Petit Méridional ou encore L’Indépendant des Pyrénées-Orientales ont continué à paraître, mais avec des contenus encadrés. Les radios locales, comme Radio Toulouse, étaient également réquisitionnées par l’État. Elles diffusaient des discours de Philippe Pétain et des messages visant à justifier la collaboration avec l’Allemagne nazie. La propagande utilisait également des affiches et des rassemblements publics pour renforcer le rôle de Philippe Pétain comme « père protecteur ».

Source : L’Empaillé

B) La Résistance

Parallèlement, la Résistance produit son information à la fois dans un objectif d’organisation entre résistants puis maquisards, les réseaux étant disparates, ainsi que pour concurrencer la propagande du gouvernement de Vichy sous la forme de journaux et de tracts par une distribution anonyme ou organisée. Ils sont composés de messages anti-Pétainiste, d’organisation d’actes de sabotage et, d’organisation des réseaux de résistance et les maquis. Par exemple, Le Maquisard : Journal des Forces Françaises de l’Intérieur du Tarn, est un journal hebdomadaire mêlant à la fois des idéaux politiques, l’actualité du réseau, et remettant en question d’autres opérations résistantes. Cela nous montre donc que la concurrence idéologique et sa diversité permettent aux individus d’être à la fois informés, et de prendre position politiquement.

Source :
Cecila, bibliothèque numérique du patrimoine albigeois – Extrait du
Maquisard : journal des Forces françaises de l’intérieur du Tarn, n°23, 29/10/1944

Conclusion : 

Entre 1850 et 1945, s’informer devient un enjeu clé de l’intégration de la société, et tous les acteurs en prennent conscience. Les moyens d’information évoluent, touchent de plus en plus de monde et de classes sociales différentes et leurs variétés permet un choix d’information selon sa culture ou ses idéologies politiques ; inversement, les producteurs d’informations structurent également les opinions publiques.

Bibliographie :

Archives départementales du Tarn, Presse ancienne [en ligne]

CELERIER, Jean-Pierre, CAZALS, Rémy (dir.), La radio à Toulouse (1925-1945) : la puissance du groupe Trémoulet, Toulouse, S.I. s.n., 2002, 627 p.

CHARLE, Christophe, Le siècle de la presse (1830-1939), Paris, Seuil, 2009, 413 p.

DE FREMINVILLE, Solange, Un antisémitisme républicain ? : la presse radicale du Sud-Ouest dans le contexte de l’affaire Dreyfus, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2023, 155 p. 

GODECHOT, Jacques, LERNER, Henri, “La Dépêche” journal de la démocratie : contribution à l’histoire du radicalisme en France sous la Troisième République, Toulouse, Association des publications de l’Université de Toulouse, 1978, 1012 p. 

SOUTADE, Gérard, Le rayonnement géographique d’un journal tarnais : le Tarn libre, Albi, Imprimerie coopérative du Sud-Ouest, 1969, 32 p.

TCHUKRIEL, Thierry, CABANEL, Patrick (dir.), Accomodements, ambivalences, résistances dans la France de Vichy : Deux itinéraires de presse : le Journal du Tarn et l’Effort paysan, Toulouse, S.I. s.n., 2003, 123 p. 

ULMAAN-MAURIAT, Caroline, Naissance d’un média : histoire politique de la radio en France, 1921-1931, (Collection Communication et civilisation), Paris, l’Harmattan, 1999, 270 p. 

Holodomor (2025)

L’Holodomor, un débat entre reconnaissance et camouflage

« La presse est l’instrument principal de l’opinion publique. Son rôle dans le monde moderne est de propager des informations et d’influencer les attitudes et les actions des nations ». Selon Walter Lippmann

Selon cette citation du journaliste et philosophe américain, tirée de son ouvrage « Public Opinion » en 1922. Il tente de démontrer l’importance de la presse durant le XXe siècle notamment dans la diffusion des informations qui garantissent l’émergence de l’opinion publique à l’échelle internationale. Néanmoins, il n’exclut pas le fait que la presse peut être facteur de désinformation, influençant ainsi l’opinion publique en minimisant ou en camouflant certains faits. La famine ukrainienne, orchestrée par le régime soviétique stalinien dans les années 1930, s’inscrit dans ce contexte. En effet, elle met en avant les perspectives qui caractérise la presse entre diffusion d’informations témoignant ainsi de l’existence de la famine et désinformation, camouflant ou minimisant l’Holodomor. La notion de camouflage, soutenant le silence des faits, se définit ainsi par un processus qui utilise stratégiquement la presse afin de dissimuler ou de manipuler certaines informations.

Ce procédé, souvent utilisé pour des raisons politiques et militaires, incite alors la désinformation et la manipulation des événements tels qu’ils se sont déroulés, appuyés par de solides propagandes aussi bien à petite ou grande échelle. Avec le camouflage, on nie une histoire. On peut donc le voir avec le phénomène négationniste vis-à-vis de la Shoah, pouvant subsister dans certains discours politiques aujourd’hui. Il y a bien une forme de négationnisme, encore aujourd’hui dans le paysage politique russe. Walter Duranty, est un des nombreux acteurs ayant essayé de camoufler cet événement dans la presse internationale. Journaliste américain et correspondant à Moscou pour le New York Times, il est ensuite reconnu pour ses écrits minimisant et justifiant les politiques staliniennes en Ukraine. Le but de Walter Duranty a été de démentir les propos de Gareth Jones, journaliste gallois qui utilise la presse pour diffuser des informations défendant l’existence de l’Holodomor. Ayant traversé l’Ukraine durant trois jours, il a été témoin de la famine orchestrée par le régime soviétique. Les deux acteurs sont ainsi amenés, en mars 1933, à se confronter dans la presse internationale. Gareth Jones, reconnaissant la famine tente alors de diffuser son témoignage au monde, mais cela est donc démenti par Duranty qui utilise des euphémismes afin d’atténuer la réalité brutale de la famine en Ukraine. Il s’agirait donc de se demander en quoi le débat entre Gareth Jones et Walter Duranty, dans la presse, suscite-t-il une controverse entre reconnaissance et camouflage de la famine ? Il s’agirait d’aborder la reconnaissance de la famine par Gareth Jones, tout en énonçant le camouflage de Walter Duranty dans le New York Times. Enfin, il s’agirait d’étudier en profondeur le débat entre les deux acteurs à l’échelle internationale.

La reconnaissance de la famine par Gareth Jones

Portrait du journaliste britannique Gareth Jones

Durant la famine, l’URSS tente de masquer ses crimes, de nombreux pays occidentaux ne peuvent alors pas critiquer publiquement le régime stalinien. Cependant, certains acteurs vont faire rencontrer aux autorités soviétiques quelques difficultés, c’est le cas de Gareth Jones, journaliste Gallois lié au Times. Ce dernier a commencé à se faire connaître au Royaume-Uni notamment avec son interview avec le nouveau chancelier allemand, Adolf Hitler.

C’est d’ailleurs le tout premier journaliste étranger à en avoir fait une avec lui. Alors conseiller de politique étrangère auprès de David Lloyd George, Gareth Jones obtient un visa et part pour l’URSS afin de comprendre comment cette Confédération, âgée depuis plus de dix ans, finance son économie fédérale. Le but de Staline étant de redynamiser l’URSS afin de renforcer sa compétitivité face aux puissances occidentales. Il se verra être un acteur occidental décisif dans la reconnaissance de l’Holodomor. En effet, tout en traversant pendant trois jours l’Ukraine de manière clandestine dans le dos des autorités soviétiques, ce dernier a pu garantir la prise en note de témoignages de la population ukrainienne affamée et également des conditions de vie de ses derniers tel que les queues pour le pain à Kharkiv.

D’autres acteurs reconnaissent et appuient les affirmations de Gareth Jones, c’est notamment le cas d’un autre journaliste britannique du nom de Malcolm Muggeridge, actuellement utilisé afin de mettre en avant l’acceptation d’une famine programmé et non pas naturelle, rapporte en 1934 dans Winter in Moscow, comme Gareth Jones, qu’il y avait bien des “gens abattus” devant les “pyramides alléchantes de fruits” dans les rares magasins de denrées alimentaires. En tant que témoin de la famine, Gareth Jones met en avant le véritable aspect, caché par le régime stalinien, de l’Holodomor. Son but étant de mettre en avant les faits tels qui se sont passés durant cette période historique en URSS. Cela permet la mise en lumière de la réalité des événements, illustrée par certains ukrainiens témoignant de ce manque de nourriture. Ainsi, Petro Drobylko, survivant de l’Holodomor dit alors en 1933 “ Je suis presque illettré et j’écris simplement, mais ce que j’écris est vrai et la vérité, vit-on, triomphera du mal”. Cette citation, tirée du livre The Black Deeds of the Kremlin, est mise en lumière, dans les années 80, par l’activiste Semen Pidhainy et retrace ainsi les témoignages des survivants. Contrairement à l’écrit, qui est un moyen de rapporter le réel en passant par une opération intellectuelle pouvant être modifiée, voulue ou non, avec la réalité.

L’écrit s’avère donc être subjectif. Un autre support est utilisé dans le monde de la presse, la photographie. Cet outil met de côté la négation du pouvoir soviétique, car elle entretient un rapport direct avec les réalités des faits en Ukraine. Gareth Jones l’utilise d’ailleurs lors de sa traversée du territoire ukrainien en printemps 1933, il rapporte alors plusieurs clichés tout comme le chimiste Alexander Wienerberger. Ce dernier a secrètement pris des clichés de l’Holodomor où l’on y voit principalement des cadavres dans les rues ainsi que les queues des habitants pour aller chercher du pain à Kharkiv (République Socialiste Ukrainienne).

Le camouflage de l’Holodomor par Walter Duranty  

Portrait de Walter Duranty

Cependant, l’objectif de Staline est de manipuler la presse étrangère. Pour cela, il arrive à obtenir la complicité de certains journalistes étrangers. Cela peut être illustré par le journaliste américain, correspondant  du New York Times à Moscou dans les années 30, Walter Duranty, minimisant sous pression soviétique et pour des intérêts individuels les traits de la famine ukrainienne. Il est à noter qu’il s’agit d’un média influent à l’international. En effet, Duranty avance qu’« il n’y a ni famine ni mort de faim, simplement une mortalité généralisée liée aux maladies dues à la malnutrition », cet euphémisme garantie ainsi l’étude de Cohen Yves, directeur des études à l’EHESS, parlant d’une « conspiration du silence » renforçant cette minimisation des faits. Ce correspondant du New York Times est souvent critiqué pour avoir minimisé l’Holodomor.

Bien que Walter Duranty soit la figure la plus emblématique de cette désinformation, d’autres personnalités occidentales ont également contribué à dissimuler ou à nier l’ampleur de cette famine. L’ancien président du Conseil français, Édouard Herriot, membre du Parti Radical Socialiste, ayant visité l’Ukraine en 1933 nie l’existence de la famine, déclarant ainsi que l’Ukraine est un « jardin en fleurs ». Ses déclarations renforcent alors la propagande soviétique tout  en discréditant les témoignages des survivants. Un autre journaliste américain et correspondant à Moscou pour The Nation, Louis Fischer, a souvent défendu les politiques soviétiques. Bien qu’il ait reconnu des difficultés alimentaires en URSS, il a minimisé leur gravité et rejeté l’idée d’une famine intentionnelle, non pas naturelle mais bien humaine. Enfin, le dramaturge irlandais George Bernard Shaw, après une visite en Union soviétique en 1931, à louer le régime stalinien et rejeter les critiques occidentales s’opposant à la famine. Ces personnalités, par leurs déclarations, influencent alors l’opinion publique internationale en masquant l’Holodomor.

Cependant, il n’y a pas de preuves directes et documentées indiquant que ces acteurs ont collaboré ou se sont concertés afin de promouvoir une réalité dans laquelle les gens ne mourraient pas de faim en URSS. Néanmoins, les principaux concernés se retrouvent liés aux cercles soviétiques et le contrôle des médias. En effet W. Duranty, comme d’autres journalistes occidentaux travaillant à Moscou, fréquentaient des cercles soviétiques strictement contrôlés par le régime. Par la politique stalinienne, le gouvernement fournissait un accès limité et soigneusement orchestré à l’information. De plus, les journalistes avaient des contacts avec des représentants étrangers lors de visites officielles en URSS, tel que Walter Duranty à Moscou durant la visite de Édouard Herriot. Dans le contexte du camouflage, W. Duranty a pu jouer un rôle dans l’organisation des récits à transmettre aux visiteurs étrangers, comme le faisait souvent le régime. Il est important de retenir que W. Duranty était un fervent partisan du régime soviétique. En effet, il pensait que les sacrifices faits par le peuple soviétique étaient nécessaires pour atteindre les objectifs de modernisation et d’industrialisation de Staline, c’est-à-dire les plans quinquennaux. De plus, Duranty avait un accès privilégié auprès de Staline, ce qui lui permettait de publier des articles exclusifs et de maintenir sa position de correspondant influent. En minimisant l’ampleur de la famine, il a contribué à préserver ses relations avec les autorités soviétiques et à protéger sa carrière. Finalement, pour l’époque, une telle désinformation avait un impact direct sur l’opinion publique. Une désinformation qui pèse donc son poids face au journaliste Gallois Gareth Jones.

Le débat entre les deux acteurs, avec le point de vue international

Article de Walter Duranty, le 31 mars 1933

Il s’agirait maintenant de les opposés. Gareth Jones afin de cristalliser ses observations les diffusent lors d’une conférence de presse le 30 mars 1933 où il déclare l’existence d’une grande famine en Union soviétique, « La famine étreint la Russie, des millions de gens meurent, l’inactivité augmente”. Cela est réfuté dès le lendemain par Walter Duranty affirmant, dans le New York Times, que « pour dire les choses brutalement : on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs… Les conditions sont mauvaises, mais il n’y a pas de famine. ». L’article de Gareth Jones, dans le journal Le Times, dénonce les conditions de vie de la population locale. Ce dernier est en parfaite contradiction avec l’écrit de son opposant ayant comme nom principal « Les Russes ont faim, mais ne meurent pas de faim ». Ce titre est intéressant, il qualifie le peuple Ukrainien de Russes, bafouant totalement l’identité nationale ukrainienne. Ainsi il y a une réelle opposition dans la presse internationale entre diffusion, de ce que les Ukrainiens endurent et le camouflage, voire la censure de l’information qui est faite, face à la réalité.

Le monde international préfère ne pas se mêler de ce qui se passe en URSS. En 1933, le contexte est marqué par la Grande Dépression,  une crise économique mondiale depuis le krach de Wall Street en 1929. L’URSS, alors non connectée au commerce international, est un des pays qui est le moins touché, surtout après le début de ses plans quinquennaux depuis 1928.C’est en novembre 1933 que Franklin Delano Roosevelt reconnaît l’URSS. Il ne la reconnaît pas par les actions inhumaines circulant alors dans certains journaux, mais bien pour des objectifs commerciaux. C’est également pour cette raison, que l’Angleterre collabore avec l’URSS. Cependant il est important de constater une certaine évolution de la reconnaissance internationale aujourd’hui. En effet, environ 20 à 30 pays reconnaisses l’Holodomor comme génocide au XXIe siècle. Par exemple, pour illustrer les tendances historiographiques, c’est-à-dire la manière dont est faite l’Histoire et comment elle est racontée, l’historien Ray Gamache, auteur du livre Eyewitness to the Holodomor, autrement dit “Témoin oculaire de l’Holodomor”, qualifie cet événement comme une “privation de nourriture orchestrée”. Il n’utilise pas alors le terme de “famine”, laissant celui-ci dans la conception d’un ordre naturel (comme ce fut le cas en URSS entre 1920 et 1921), mais bien celui d’un ordre volontaire et humain.

Photo de la Fille aux épis, Musée national du mémorial aux victimes du Holodomor

L’Holodomor aujourd’hui

Le débat sur la reconnaissance du génocide de l’Holodomor est profondément ancré dans la dualité entre l’oubli et le souvenir, entre la répression et la libération de la parole. Les survivants ont porté la mémoire de cette tragédie à travers leurs témoignages oraux et écrits, souvent au péril de leurs vies. Sur le plan international, le contraste entre les journalistes qui ont révélé la vérité et ceux qui l’ont dissimulée montre que la reconnaissance de l’Holodomor a été et restera une lutte constante. La perception de cet événement, tant en Ukraine qu’en Russie, continue d’évoluer. Le XXIe siècle a vu une intensification des efforts, malgré les tensions géopolitiques actuelles, en faveur de l’enracinement de la famine dans la notion de génocide. Raphaël Lemkin, à la fin des années 40 pour définir la Shoah, théorise cela par l’extermination d’un peuple pour diverses raisons (ethniques, religieuses, culturelles). Selon Viktor Almqvist, attaché de presse pour le parlement européen, la résolution de cette institution vise à reconnaître, en 2022, l’Holodomor comme un génocide. Cela donne une réelle naissance d’une opposition face au négationnisme de la Russie. Au sein des députés européens se compte près 507 voix en faveur de ce concept ainsi que 12 opposants à cela. En effet, ce dernier rapporte que “Tout en condamnant le régime russe actuel pour avoir manipulé la mémoire historique pour sa propre survie, le Parlement demande à la Fédération de Russie, en tant que principal successeur de l’Union soviétique, de présenter des excuses pour ces crimes.”

Enzo Dauzats, Enzo Lagrange, Eva Lepagnol, Jeanne Molinier, Gabriel Lassevaine, Baptiste Bragato

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L’Armagnac

Comment la connaissance et la pratique de la distillation ont-elles influencé le développement de l’utilisation de l’armagnac depuis sa création au Moyen Âge ?

L’armagnac et la distillation

L’armagnac est la toute première eau-de-vie française. Elle est produite dans les départements du Gers, des Landes et du Lot-et-Garonne, des territoires riches en calcaire et propices à la culture des raisins que l’on utilise pour la production de l’armagnac. On en produit dès le Moyen Âge, notamment à des fins médicinales, mais sa commercialisation ne commence réellement qu’à partir du XVIIe siècle pour connaître son apogée au XIXe siècle. Il existe trois étapes nécessaires à la fabrication de tous types de boissons alcoolisées : la fermentation, la distillation et la macération. 

L’étape de la distillation dans la fabrication de l’eau-de-vie se fait à l’aide d’un alambic et consiste en le fait de réchauffer des fruits préalablement fermentés dans la partie inférieure de l’alambic qui repose sur le feu. L’alambic existait déjà avant le Moyen Âge et est encore aujourd’hui une technique connue et pratiquée par les professionnels agréés, notamment pour la production d’armagnac.  L’armagnac est ensuite vieilli en fût de chêne pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies ; plus l’armagnac vieillit, plus il développe des saveurs et des arômes complexes. Les savoir-faire de l’élaboration de l’armagnac sont inscrits à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français depuis 2020. L’armagnac est une eau-de-vie d’appellation d’origine protégée depuis 1936, ce qui veut dire qu’on ne peut faire de l’armagnac que dans la région d’Armagnac, en utilisant un cahier des charges et une méthode très précise.

L’antiquité et les premiers alambics

La Chrysopée de Cléopâtre

On attribue généralement le premier alambic (tribicos) à Marie la juive, une femme alchimiste, au Ier siècle avant J.-C. environ. L’alambic était encore loin d’arriver en Occident, ce système de cuisson à été pensé pour la première fois en Égypte, probablement à Alexandrie. Cette même femme est aussi à l’origine de ce que l’on appelle aujourd’hui le « bain-marie », une idée transmise par un philosophe chrétien anonyme au cours du IIe après J.-C. Certaines autres sources attribuent l’origine de l’alambic à Cléopâtre, entre le IIe et le IIIe siècle après J.-C., suite à la découverte d’une représentation d’un alambic à son nom retrouvée dans un manuscrit grec du XIe siècle : la Chrysopée de Cléopâtre.

Les premiers modèles d’alambics sont repris par l’alchimiste grec Zosime de Panapolis entre le IIe et le IVe siècle. Ce dernier souhaitait améliorer ses propres versions en s’inspirant à la fois du monobicos, un alambic en cuivre disposant d’un seul tube (l’alambic original), et du dibicos, un alambic à deux tuyaux inspiré de celui de la Chrysopée de Cléopâtre. On observe ainsi au IVe siècle le même type d’alambic que ceux encore utilisés aujourd’hui par les bouilleurs de cru.

Ce dispositif est repris au VIIIe siècle par des alchimistes arabes d’Andalousie pour la distillation des eaux tirées des herbes et des fleurs, pour fabriquer de l’eau de rose par exemple. La distillation au bain-marie est nettement privilégiée chez les alchimistes arabes et perses du Xe au XIIIe siècle, elle permet de fabriquer des extraits et d’obtenir des préparations médicinales en réduisant des sucs issus de plantes ou de fruits. On sait d’ailleurs que l’eau-de-vie d’armagnac était initialement utilisée à des fins médicales, bien avant de devenir un alcool de bouche.

Les vignes au Moyen Âge et les premières utilisations d’armagnac

Le vin est nécessaire à la production d’armagnac : Le processus de production commence par la fermentation du vin qui se trouve ensuite distillé pour créer l’eau-de-vie. La qualité du vin utilisé influence la qualité finale de l’armagnac.

Au Moyen Âge, les vignes occupaient une place centrale dans le paysage agricole français. C’est un héritage précieux qui remonte à la Rome antique. La culture de celles-ci était étroitement liée à la vie quotidienne des communautés, et les vignobles étaient associés aux monastères et aux châteaux. Les conditions climatiques ont en grande partie déterminé les grandes régions de production viticole. Chaque terroir à dû choisir un cépage adapté à ses conditions.

De nombreuses vignes sont réquisitionnées par le clergé et le vin devient au cours de la période une boisson essentielle. Il est alors consommé de manière quotidienne.

Les vignes avaient un grand impact, tant dans l’économie médiévale que dans l’affirmation du pouvoir des souverains régionaux. Le vin était considéré comme une boisson essentielle à la vie quotidienne, mais il s’agit également d’une source de revenu importante. Le commerce permet de créer de nouvelles voies de circulations, mais également de transmettre les savoirs liés aux vignes et à leur exploitation.

Les vignes du comte d’Armagnac en Rouergue et ses marges à la fin du Moyen Âge

Le terroir de l’Armagnac offre ainsi des conditions idéales pour la culture des cépages spécifiques utilisés dans la production de cette eau-de-vie. Les cépages blancs, tels que Colombard, Ugni Blanc et Folle Blanche, prospèrent dans ce climat unique. 

L’utilisation de l’armagnac au Moyen Âge concerne exclusivement la médecine, notamment en ce qui concerne ses premières utilisations. Effectivement, l’armagnac était reconnu pour ses propriétés curatives : meilleure digestion, diminution des maux de têtes… C’était également un très bon antiseptique au vu de sa forte teneur en alcool, ainsi qu’un excellent tonique !

L’époque moderne, entre améliorations et commercialisation

Les XVI, XVII et XVIIIe siècles sont les témoins de nouvelles améliorations techniques. Jean Chaptal, chimiste, médecin et homme politique français est à l’origine des modifications les plus importantes apportées à l’alambic entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Bien qu’amélioré, l’alambic de Chaptal ne permet d’obtenir que les petites eaux, c’est-à-dire les liqueurs à faible teneur en alcool. De plus, toutes les modifications effectuées pour tenter de pallier les différents problèmes que rencontrent la distillation génèrent des coûts élevés, que ce soit pour les combustibles ou pour la main-d’œuvre.

En 1801, Édouard Adam reprend le modèle de Chaptal et l’améliore. Les récipients présents dans l’alambic contiennent maintenant du vin et permettent d’enrichir les vapeurs et d’en retirer un titre alcoolique élevé. Ce nouvel appareil représente alors un gain de temps, d’argent et de main d’œuvre considérable puisqu’il ne suffit que d’un homme pour la faire fonctionner. L’introduction du chauffage par la vapeur marque un tournant dans cette activité : la plupart des alambics sont à présent chauffés grâce à cette nouvelle technique. La distillation doit maintenant en priorité répondre à des facteurs économiques, jusque-là non considérés. De plus, leur production se raréfie, restant en grande partie réservée aux bouilleurs de cru et aux distilleries artisanales.

Appareil distillatoire d’Édouard Adam breveté en 1805

Entre le XVe et XVIIe siècle, l’eau-de-vie d’armagnac est encore utilisée comme un remède à diverses douleurs (maux de têtes, paralysies…). Il pouvait également parfois servir d’anti-âge !

C’est seulement au XVIIe siècle que l’armagnac change de dimension puisque l’élixir est désormais commercialisé en Europe et devient un véritable bien de consommation. Les principaux artisans de ce bouleversement sont les hollandais, très friands de la boisson. C’est aussi à cette période que le vignoble dans la région Armagnac va s’étendre largement, notamment grâce à l’Edit de 1766 qui autorise le défrichement des forêts pour y planter de la vigne.

Durant l’époque moderne, les hollandais ne sont pas les seuls amateurs d’armagnac. En effet, les américains fraîchement indépendants vont importer massivement des eaux-de-vie françaises boycottant celles des britanniques. De plus, les liqueurs comme le cognac et l’armagnac vont servir de monnaie d’échange lors de la traite négrière.

L’époque moderne est une période de croissance pour le vignoble mais aussi et surtout pour la région d’Armagnac. Au XVIIIe siècle, cette eau-de-vie devient un véritable produit de luxe car sa qualité s’améliore grandement grâce aux améliorations de techniques de fabrication et au climat favorable.

Les nouvelles problématiques du XIXe et du XXe siècle

La véritable apogée de l’Armagnac se trouve dans la seconde moitié du XIXe siècle. Lorsque Napoléon III est élu, il baisse considérablement les impôts sur l’alcool tandis que le vignoble s’étend et que la production double. L’économie de la région se base alors sur la fabrication et la commercialisation de cette eau-de-vie et les villes principales comme Condom s’agrandissent.

En revanche, cette gloire est de courte durée puisqu’à la fin du XIXe siècle, les intempéries et les parasites, notamment le phylloxéra, ont réduit le vignoble de moitié en cinq ans à peine…

Suite à cette grave crise, les élus locaux mettent en place des politiques de réorientation agricole, soit la transition de la viticulture en d’autres domaines d’élevages comme les volailles ou les céréales. C’est toute une région qui se retrouve confrontée à un changement brutal d’activité du jour au lendemain.

Durant le XXe siècle, la consommation d’armagnac chute. La région est touchée par une importante crise démographique à l’origine d’une nette baisse de la production, et d’une hausse conséquente des prix en parallèle. Néanmoins, la reconnaissance du savoir-faire de la région d’Armagnac est mise en avant par le traité Fallières en 1909 : la région et ses limites territoriales sont redessinées afin de mettre en lumière l’eau-de-vie et les artisans qui sont à l’origine de sa production.

Vignoble de l’Armagnac de nos jours

De nos jours, la production et la consommation d’armagnac ont tendance à stagner sans parvenir à véritablement s’imposer ou du moins augmenter. Toutefois, des initiatives locales sont mises en place, soutenues par des décrets visant à accroître la densité de plantation des vignes, dans l’espoir de retrouver un jour la grandeur d’antan de cette eau-de-vie !

Hugo Belmonte, Clément Labite, Jeanne Enot

Bibliographie

Les animaux et leurs représentations dans l’art en Occitanie du XIe au XIVe siècle

L’animal est un sujet privilégié dans l’art : sa représentation traverse le temps et les sociétés, depuis l’art rupestre préhistorique à nos jours. Au Moyen Age, les drôleries mettent en scène des animaux et le bestiaire roman propose un répertoire animalier diversifié. La religion a aussi interrogé notre place par rapport à l’animal. S’agissant du christianisme, le célèbre passage de la nomination des animaux par Adam dans la Genèse est un acte de domination qui insiste sur le rôle particulier dont est investi l’Homme dans la création divine (Genèse 1:28). Mais c’est aussi un acte de reconnaissance et de connaissance. Par l’acte de nommer, et l’usage de la parole, Adam se distingue du reste des créatures. Une distinction cognitive et technique qui suscite encore au XXIe siècle des débats philosophiques et scientifiques…

Quelle place pour l’animal dans l’historiographie ?

Jusque dans les années 70, les vétérinaires étaient essentiellement les seuls à s’intérésser à l’animal dans leurs thèses, à la fois comme objet biologique et culturel. Avec l’essor de l’histoire culturelle, l’enjeu de la préservation de la biodiversité et la prise de conscience grandissante de l’impact des activités humaines sur une faune et une flore fragilisées* ont nourri la recherche historique. Ces réflexions nouvelles ont trouvé leur expression dans le champ historiographique mais ont plus largement touché la vie politique des Français**. Aujourd’hui, le sujet de l’animal ne relève plus de la « petite histoire« (Pastoureau) et est étudié sous différents angles qui ont facilité le croisement disciplinaire entre la science historique, l’archézoologie, la zoologie, l’éthologie et la génétique évolutive.

*Le loup gris par exemple a complètement disparu en France métropolitaine dans les années 40 jusqu’à sa réintroduction dans les années 90 depuis l’Italie. 

** Ça passe concrètement en 1970 par la création d’un ministère de l’environnement

Représentations générales de l’animal

Dans le quotidien des populations médiévales, les animaux sont omniprésents. C’est donc tout naturellement qu’elles se sont posées la question de la responsabilité morale de ces êtres en cas de vols de nourritures ou d’accidents. Dans l’art, la représentation de l’animal est chargée des peurs, des concepts et de la recherche de  la perfection par l’Homme. Elle porte des défauts et des qualités qui nous renvoient à notre propre humanité et aux référents moraux de l’époque. Dans le bestiaire médiéval, les animaux représentent le bien ou le mal et symbolisent souvent ce que l’on trouve dans l’Ancien ou dans le Nouveau Testament. Cependant, l’interprétation peut être déformée car il faut prendre en compte tout le contexte dans lequel on retrouve l’animal. C’est en ce sens que la représentation de l’animal occupe une fonction didactique : en servant de modèle moral il montre à l’humain ce qu’il doit être et ne pas être. Dans ce processus d’assimilation, l’animal est l’extension de la nature humaine. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir un animal représenté en train d’effectuer une activité humaine.

L’animal produit de l’homme : le cas du chien

Nos ancêtres ont joué un rôle significatif dans l’évolution génétique des chiens par les croisements intentionnels et la sélection des races selon des critères physiques et des aptitudes spécifiques. A l’époque médiévale, cet animal bénéficiait déjà chez certains auteurs d’une image relativement positive. C’est le cas de l’érudit romain Isidore de Séville (†636) et dont les Étymologies constituaient une source importante de savoir pour les contemporains. L’auteur écrit au sujet du chien que sa nature le rend incapable de vivre en dehors de la société. Naturellement, cette vision positive se retrouve dans les ouvrages cynégétiques* comme le Livre du roi Moldus, ou, plus près de chez nous, le Livre de la Chasse (1387-89) de Gaston Phébus (1331-1391)

*Ouvrage qui porte sur l’art et les pratiques de la chasse

Dans cet ouvrage riche de pas moins de quatre-vingt-sept enluminures, Phébus dénombre cinq différentes races de chien : l’alant, le lévrier, le courant, le mâtin et le chien d’oiseau, chacune représentée et valorisée pour leur beauté. Gaston Phébus précise également les capacités physiques et les caractères associés à une race et une couleur du pelage. Ainsi suivant la description qu’il en apporte, les chiens courants noirs seraient plus rapides et les chiens d’oiseaux blancs tachetés (épagneuls), plus doux et intelligents. De manière générale, la meute de chien est valorisée en tant qu’instrument de travail.

Certaines associations dans le traité de chasse nous renvoient à tout un tas d’éléments de folklore et de traditions. Les valeurs symboliques projetées sur le comportement des animaux ne sont pas sans faire écho aux bestiaires et aux croyances médiévales chrétiennes.

Maison du 13e siècle dite Maison des Loups
Maison des Loups et ses statues lupines à Caylus, datant du XIIIe siècle (photo de Thérèse Gaigé, monumentum)

A l’inverse du chien : le loup. Dans le Livre de la Chasse, les artistes ont insisté plus qu’avec les autres bêtes noires* sur le caractère violent de cet animal. Ses traits péjoratifs sont suggérés par le sang de ses proies nombreuses, les crocs et son regard exorbité. De même, on le voit quasi systématiquement en train de manger ou en présence de sang. A la différence de beaucoup d’animaux, l’image du loup est toujours négative. Redouté, bien qu’il s’attaque rarement aux hommes, le loup est un prédateur pour le bétail. La menace qu’il représente a justifié la chasse qui a drastiquement réduit sa population, de la louverie de Charlemagne et Louis XIV à sa destruction au XIXe siècle. En plus d’avoir marqué la toponymie de certains lieux, le loup est très présent dans les scènes de chasse au loup comme celle plus tardive (XVIIe siècle) sur le plafond du château des Fiches à Verniolle, en Ariège.

*Dans l’ouvrage, Phébus distingue les bêtes rouges herbivores qui concernent les proies nobles par excellence telles que le cerf, aux bêtes noires aussi dites puantes. Ce sont les carnivores et nuisibles comme le sanglier, le loup et le renard.

Les spécificités de la représentation animale en Occitanie

2. Église du Plan d’Aragnouet (Hautes-Pyrénées)
Plan d’Aragnouet, XIVe (photo de É. Bielle)

Concernant les spécificités de la représentation animale en Occitanie, les productions artistiques de la zone sont très imprégnées de la faune locale. C’est ainsi qu’au XIVe siècle, après l’essor de l’aristotélisme*, l’isard et le bouquetin deviennent des sujets de choix dans le répertoire des artistes de la période. On retrouve ces figures dans des plafonds peints dont celui de Lagrasse, ou dans des peintures comme celle décorant la chapelle du château de Castillon-en-Couserans. Un autre exemple notable est la fresque de la chapelle funéraire de Dominique Grima au couvent des Jacobins de Toulouse, où un quadrupède arbore des cornes d’isard.  Cette tendance pour les artistes à peindre des espèces de leur environnement proche est illustrée par le Plan d’Aragnouet. Dans Le bouquetin dans les Pyrénées du Moyen Age au XXe siècle, Claudine Pailhès parle de représentation

pyrénéisée” des animaux.

*Avec cet aristotélisme permis par la rédecouverte des textes d’Aristote, on se tourne vers le monde réel. La connaissance des choses ne vient plus du divin (Platon) mais du contact avec notre monde extérieur. Ce réalisme qui exalte l’empirisme (les sens et l’expérience perçue) permet à la culture médiévale de s’intérésser autrement à la nature. Certains, comme François d’Assise (†1226), considèrent les animaux et les Hommes comme parents

Plan d’Aragnouet
Peintures du XIIIe de deux bouquetins sur l’abside du château de Castillon-en-Couserans (Ariège), (photo de J-F. Peiré, Drac Occitanie)

L’autre caractéristique distinctive réside dans l’apport ibérique, en particulier dans la zone languedocienne. Cette influence se manifeste dans la typologie des représentations des animaux. Dans les plafonds peints et closoirs du XIII et XIVe siècle du palais archiépiscopal de Narbonne c’est surtout vrai pour cerfs et les oiseaux : les plumes de l’alule suivent une ligne spiralée, un choix stylistique qui nous renvoie aux enluminures des Beatus* espagnols du VIII et XIIe siècle. Cet apport s’explique par la circulation de copies catalanes de Beatus dans le diocèse de Narbonne dès le XIIe siècle. Le diocèse ayant, à cette époque, des droits sur des évêchés catalans comme l’Elne. 

*Il s’agit de manuscrits espagnols qui comprennent des commentaires et des enluminures sur l’Apocalypse de Saint Jean

Narbonne, Palais Vieux, closoir, monuments historiques et objets d’art du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées

L’animal dans la poésie occitane

Les propriétés naturelles, ou symboliques, attribuées à l’animal dans la tradition littéraire et des bestiaires ont inspiré l’expression artistique des troubadours occitans de la fin’amor* du XIIe. Ainsi, dans la chanson Altressi com l’orifans, Rigaut de Barbezieux (1120-1163) raconte comment il trahit et perd sa dame, manipulé par une autre. Frappé de douleur, il s’enferme dans une maison isolée dans les bois pendant deux ans et refuse de partir sans avoir obtenu son pardon. Dans ce passage, il utilise l’image de l’éléphant : “Comme l’éléphant qui, lorsqu’il tombe, ne peut se relever jusqu’au moment ou les autres, au bruit de leurs cris, le redressent grâce à leur voix (…)”. Les auteurs de bestiaires pensaient en effet que l’éléphant était dépourvu d’articulations au niveau des jambes. Il lui était donc impossible de se relever seul de sa chute. Cette spécificité est expliquée par Pierre de Beauvais par le fait que le mammifère met bas dans l’eau et qu’il s’adosse contre un arbre dans son sommeil. 

Le loup a aussi une place significative dans la littérature médiévale. Le troubadour Peire Vidal (1175-1205) chante la Louve de Pennautier. Entre 1190 et 1194, il écrit quatre chansons qui mettent en scène son amour pour la Loba, nom qui lui sert à dissimuler l’identité de sa dame. Dans De chantar m’era laissatz, la passion dévorante de ses sentiments glisse vers la folie. Il se met à porter la fourrure du loup et est chassé par les bergers. La Loba quant à elle rit et prend plaisir dans le spetacle de la souffrance du poète. Cette insensibilité manifeste renvoie à la cruauté traditionnellement associée à la figure lupine.

*littérature courtoise méridionale du XIIe siècle en langue vernaculaire. Aussi dit amour courtois, cette fin’amor porte sur un amour idéalisé et raffiné, mettant l’accent sur la courtoisie, la loyauté, le respect envers la dame aimée et que la dévotion. Elle met souvent en scène un amour adultère.

Conclusion

L’animal est une figure pluridimensionnelle : il est à la fois compagnon et nuisible, force et instrument de travail, ressource vitale et vecteur symbolique. L’utilisation pratique et symbolique de l’animal révèle la complexité de nos interactions avec notre environnement et la connexion particulière que l’Homme entretient depuis toujours avec le monde animal. Encore aujourd’hui, l’animal est omniprésent dans notre culture populaire. Personnage de contes, de cinéma ou encore de jeu vidéo, il continue de nous divertir dans des memes et sert de logo pour de grandes marques (Tony the Tiger, renard de Firefox). Qui n’a pas vu passer cet adorable Shiba Shokupan ?

Japanese Dog Shiba Inu Memes Auctioned For Crore, Breaks, 57% OFF

POUR APPROFONDIR…

ACHERMANN Alain-Jean-Paul, Les animaux de la sculpture médiévale en France, Presses Universitaires de Toulouse, Toulouse, 1970, p.107

BARATAY Eric (dir.), Aux sources de l’histoire animale, Éditions de la Sorbonne, Paris, 2019, p.282

CAZES Quitterie, Une nouvelle lecture du cloître de Moissac (Tarn-et-Garonne), Bulletin monumental, tome 170, n°1, Paris, 2012, p.5

PAILHÈS Claudine, L’homme et l’animal sauvage dans les Pyrénées ariégeoises, Conseil général de l’Ariège-Archives départementale, Foix, 2013, p.321

PASTOUREAU Michel, L’Ours : Histoire d’un roi déchu, Seuil, Paris, 2007, p.419

REGOND Annie, Peintures murales médiévales : images pour un message, Rempart, Paris, 2004, p.127

L2 : Camille Dias, Clémence Laborie

La folle histoire des chemins de Saint-Jacques de Compostelle

Pour connaître le début des chemins de Saint-Jacques de Compostelle il faut faire un grand bon dans le temps et son histoire commence en Espagne au Moyen-Age. 

En effet, nous sommes en Espagne en 711, le nord de l’Espagne est occupé par un gouverneur musulman Munuza. Mais, en 722 il y a une révolte contre celui-ci à Covadonga, le nord de l’Espagne sera libre et deviendra une terre favorable à la chrétienté. 

La visite des reliques sont véritablement le début du pèlerinage que l’on connaît aujourd’hui. Et on le verra, c’est une histoire pleine de rebondissements à travers les époques. 

La ferme des moines : une ferme sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle

La découverte des reliques du Saint

D’après le “Codex Calixinto”, un ouvrage du XII ème siècle, qui retrace la vie de l’apôtre et notamment dans le  livre V, on connaît mieux la découverte des reliques. 

Le Codex Calixinto
Site internet officiel des Chemins de Saint Jacques de Compostelle : camino de Santiago.gal

Vers 813, un ermite nommé Pelay, raconte à son évêque Théodomire que les étoiles les appellent dans la nuit et qu’il entend des chants d’anges et des lumières mystérieuses à travers les montagnes. 

Avec des habitants, ils vont suivre les étoiles à travers les montagnes, après trois jours de jeûne, ils trouvent un mausolée avec la dépouille du saint décapité tenant sa tête sous le bras. 

C’est un miracle ! 

C’est à ce moment-là que l’histoire du pèlerinage commence, avec la volonté de protéger ce lieu et en faire un lieu saint et de culte. 

La diffusion extraordinaire des Chemins de Saint Jacques 

Le “miracle” de Saint Jacques de Compostelle va connaître un fort retentissement et de nombreux pèlerinages vont progressivement apparaître à destination de Saint Jacques de Compostelle. Cette “popularité” est notamment due à la nouvelle mise en avant des reliques autour de l’An mil et mettre en avant les reliques pour promouvoir la chrétienté et la diffuser dans l’ensemble du Monde. Ainsi, on peut dire que les reliques de Saint Jacques de Compostelle sont tombées à pic surtout dans un contexte de tensions en péninsule Ibérique entre les royaumes chrétiens et les territoires musulmans au Sud depuis l’invasion par les Arabes de 711.

Carte de la Péninsule ibérique représentant les expéditions d’Al-Mansur au 10ème siècle Source : Revue Historique L’Histoire

 De plus, les reliques de Saint Jacques de Compostelle détiennent un tout autre enjeu politique pour appuyer la résistance des royaumes chrétiens du Nord de l’Espagne comme la Castille, la Navarre, le Léon face aux incursions arabes comme celle d’Al-Mansur. De nombreux royaumes étrangers vont même envoyer des dons, financer la construction d’une cathédrale à Saint Jacques de Compostelle pour symboliser l’emprise chrétienne et sa puissance. Les Royaumes chrétiens en tirent des avantages économiques. 

Ainsi, au 10ème siècle, vers 950 est attesté le premier pèlerin documenté partant du Puy en Francie pour rejoindre Saint Jacques d’après Denise Péricard-Méa qui en fait mention dans son ouvrage Les routes de Compostelle publié en 1996. 

Le pèlerinage a pris tant d’ampleur qu’il a  dépassé la péninsule Ibérique. Plusieurs chemins vont voir le jour en Francie à destination de Saint Jacques avant de converger en un seul de l’autre côté des Pyrénées. Le pèlerinage est un véritable succès ! Renforcé par la prise de Jérusalem par les Turcs musulmans bloquent en effet les pèlerinages et cela à pour conséquence de rediriger les pèlerins vers Saint Jacques qui récupère toute la gloire ! La popularité est telle que des livres sont dédiés à ce pèlerinage. Dès 1140, un ouvrage nous expliquant le trajet et le déroulé du pèlerinage montrant une véritable importance et ampleur que ce pèlerinage a du moins en Europe de l’Ouest. L’ouvrage est le livre V du “Codex Calixtinus” dont on a déjà fait mention plus haut qui se révèle être une source primordiale pour comprendre les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Dans cet écrit, un moine Aimery Picaud écrit son périple, il part du Pays Basque et franchit la montagne  Port de Cize en direction de Saint Jacques de Compostelle.

L’époque moderne, synonyme de déclin pour le pèlerinage 

L’époque Moderne est un véritable coup dur pour le Chemin de Saint Jacques de Compostelles, on voit une baisse de fréquentation du chemin. La situation de l’Europe à partir du XIVème siècle est assez difficile, en effet elle connaît de grave pandémie de peste comme la Peste noire (1347-1352) suivie de mauvaise récolte. Les individus ne veulent pas perdre de temps à faire de longue marche spirituelle, car c’est du temps perdu à ne pas travailler ou des vivres gâchés. Puisque les hommes vivent de leur force de travail, ils ont très peu de réserve de nourriture et ne peuvent plus se permettre de partir en pèlerinage.

En Espagne la situation est encore plus compliquée, les chemins ne sont plus aussi sûrs, il y a un climat d’insécurité fort, les musulmans menacent à nouveau les royaumes de Castille et d’Aragon  qui délaissent peu à peu les terres du nord. 

Au 16ème siècle, un nouvel évènement affaiblit encore les pèlerinages de Saint-Jacques de Compostelle : l’apparition du protestantisme qui s’oppose farouchement au catholicisme. Il y a une vraie volonté de purifier l’Eglise catholique et ses pratiques mystiques. Les pratiques des prêtres notamment, commencent à devenir de plus en plus gênantes comme la pratique des indulgences c’est-à-dire payer pour aller au paradis  et cela n’est pas très acceptable. Luther lui-même notamment, condamnera  le pèlerinage et doutera de la véracité des reliques, il dira :

“On ne sait pas si est enterré la Jacques, un chien ou un cheval mort”. 

Martin Luther (1483-1546)

Puis, vers 1590 c’est le pompon sur le chemin, les reliques sont perdues et c’est à ce moment-là, incontestablement l’histoire du pèlerinage prend un tournant, presque rocambolesque. Un corsaire anglais Francis Drake menace de ravager Santiago de Compostela et de saccager le tombeau. Alors l’évêque de Santiago, Juan de Sanclemente, décide de cacher les reliques du saint. Le problème un peu fâcheux, c’est qu’il va mourir avant de révéler sa cachette secrète. 

C’est vraiment à ce moment que la décadence du Chemin s’accélère.

Et aujourd’hui ? 

Les Chemins de Saint Jacques de Compostelle sont toujours autant populaires même si le pèlerinage a connu des difficultés au début du XXème siècle, finalement il s’est accroché grâce à des petits coups de pouces extérieurs ! 

En effet, le 28 janvier 1879 durant des travaux dans la cathédrale, derrière l’autel principal un ouvrier, finalement presque LE messie trouve, une urne avec des ossements humains. L’évêque pense immédiatement qu’il pourrait s’agir des reliques de saint Jacques cachées en 1590.  Il envoie les restes à l’université de Compostelle pour les faire analyser. Sans surprise, sans prise de position bien évidemment, il s’agit bien des reliques du saint. Le pape Léon XIII dans sa lettre « Deus Omnipotens » annonce immédiatement au monde chrétien cette redécouverte. C’est le point de départ du renouveau du pèlerinage, quelle chance inouïe pour l’Eglise quand même, ou peut être est-ce un miracle ? 

La déclaration du Chemin de Compostelle en Espagne  comme Patrimoine de l’humanité par l’UNESCO en 1993 en 1998 en France parachève les conditions de cette renaissance.

Mais également, les individus et leurs façon de voir le pèlerinage à réellement modifié les habitudes de celui-ci. Il y a une vraie diversification des raisons de faire le pèlerinage. En effet, ce n’est plus seulement la quête du religieux et spirituelle, mais également l’émerveillement vis à vis  des lieux et de la nature. Le nombre de pèlerins croient ainsi chaque année.

Les chemins vers Compostelle, Statistiques officielles du bureau des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle

Le sport fait également partie des nouvelles motivations, en effet la marche et la randonnée sont devenues très à la mode, surtout après la crise de la COVID avec une réel envie de retourner aux choses simples, la nature et la marche. Également, une vraie envie de valoriser le patrimoine, être dans la découverte des richesses architecturales, l’histoire des itinéraires…

Mais attention, sur le papier c’est presque idyllique, mais au tour des chemins il y a une réelle économie, un attrait touristique du chemin très fort, qui dynamise l’économie locale , qui fait qu’il est toujours très emprunté. Avec des infrastructures à adapter comme des hôtels, hospices en développement le long du chemin. On a pu voir du jour au lendemain la multiplication des spécialistes du chemin, qui font la promotion de leur site internet, des guides touristiques, conseils concernant les randonnées. Il y a un vrai circuit économique local dépendant du pèlerinage, des restaurants avec une nourriture réconfortante, ou pour manger sur le pouce des boutiques liées au tourisme. Les collectivités locales s’emparent du sujet pour promouvoir leur territoire et leurs économies comme par exemple ici le département du Lot. En effet, on se retrouve toujours avec un porte clé ou il y a une coquille saint jacques, on ne sait pas où le mettre mais cela rappelle toujours un souvenir. 

Touristes sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle reconnaissable à sa coquille ; photo extraite du site Tourisme Lot

Désormais, on retrouve des nouveaux itinéraires, qui viennent compléter l’originel celui en bleu ci dessous la carte de M. Manfred Zentgraf. Chaque ville à envie d’avoir son bout de chemin de Compostelle pour amener des touristes et profiter de cette entreprise très florissante. Ce ne sont pas forcément des villes avec une identité et une histoire religieuse fortes ni avec des reliques mais elles doivent avoir leur moment de gloire.

Voici les différents chemins pour se rendre à Saint-Jacques de Compostelle en Espagne. 

Via  Turonensis, au départ de Paris, en passant par Tours.

Via Lemovicencis, au départ de Vézelay, en passant par Limoges.

Via Podiensis, au départ du Puy-en-Velay, en passant par Moissac.

Via Tolosane, au départ d’Arles, en passant par Toulouse.

« La Route des Anglais », Dieppe-Rouen-Evreux-Chartres. 

Il y’a même des chemins annexe, en noir.

Donc aujourd’hui les chemins de Saint-Jacques de Compostelle connaissent un réel développement, de par la diversification des pratiques et pas seulement spirituelle, mais également par un large déploiement touristique. En effet, tout est fait ou presque pour que l’expérience Saint-Jacques soit agréable, mais c’est le cas aujourd’hui en 2023, mais c’était également le cas durant le Moyen-Age. Les contemporains ont  seulement volé l’idée à leurs ancêtres, puisque les grandes villes étapes étaient déjà largement bénéficiaires de cette situation il y a déjà deux siècles.  

Pour aller plus loin : voici notre bibliographie.

BOULANGER LILY 

ALEXANDRE BUC

La ligue de Délos, début d’état fédéral ou instrument de domination athénien ?

De nos jours, les états fédéraux sont monnaie courante et de nombreux pays comme l’Allemagne, la Russie ou les Etats-Unis reposent sur ce système. Pourtant dès l’Antiquité, on retrouve des systèmes qui tendent à mettre au point une forme d’état fédéral, notamment en Grèce avec la fédération Thessalienne (VII-VIIIe av J.-C) qui très tôt met en place un système dans lequel chaque cité membre se réunissent pour décider d’une stratégie commune en particulier sur le plan militaire et économique. Pourtant, la ligue de Délos (-476 / -404), dirigée par Athènes durant l’essentiel du Ve siècle avant notre ère fait office de cas d’école, tant par son histoire que par les transformation subies au cour de son existence.

Avant toute chose, il semble primordial de définir certains termes afin d’éviter tout amalgame. Une fédération est une association d’États qui abandonne une partie de leurs souveraineté au profit d’une autorité centrale. A l’inverse, une confédération est une association d’États qui ne perdent pas leur souveraineté. Enfin, une ligue et une alliance à but strictement militaire.

I. Les débuts de la Ligue 

Dans un premier temps, intéressons-nous à la création de la ligue, afin de savoir quels ont été les éléments déclencheurs de la formation de la ligue de Délos. Entre -490 et -472, les cités grecques sont affaiblies par une série de deux guerres qui les opposent à l’empire perse, ce sont les fameuses guerres médiques. C’est durant ces dernières que des batailles comme Marathon (-490) ou les Thermopyles (-480) se jouent. Les deux guerres médiques vont marquer l’histoire et le fonctionnement des cités elle-même. Ayant subi de lourdes pertes et en étant proches de la reddition, les cités grecques n’ont eu d’autre choix que de s’unir pour arriver à repousser l’envahisseur perse. Deux cités ressortent grandies des guerres médiques: Sparte et Athènes, les plus grande cités grecques de cette période sur le plan politique, économique et, bien sûr, militaire, ce qui leur a permis de se placer au devant des autres grecs pour mener à bien la victoire grecque sur les perses. Ainsi, les deux cités, Sparte et Athènes, vont  tenter de s’imposer comme leader politique des grecs en formant des alliances avec les cités voisines pour garantir une sécurité commune face aux perses. Sparte forme alors la ligue du Péloponnèse qui unit principalement les cités de la région du Péloponnèse et de Boétie. De son côté, Athènes crée la ligue de Délos en -478 qui réunit surtout des cités maritimes tout autour de la mer Egée. Les deux ligues vont s’opposer durant le Ve siècle avant notre ère pour le contrôle économique, militaire et surtout politique du monde grec.

L’Acropole d’Athènes, avec comme plus grand temple le Parthénon.
Source: iStock-Leonid Andronov, guideulysse.fr

Intéressons-nous maintenant au fonctionnement atypique de la ligue de Délos au moment de sa création. Plusieurs facteurs poussent les cités de la ligue à s’allier, évidemment la peur du perse rassemble les grecs à s’unir et ce regroupement est facilitée par la langue commune et la culture panhélléniste plus particulièrement la culture religieuse commune qui est généralement similaire à tous les grecs. Dans son fonctionnement, la ligue semble équitable. En effet, les cités membres se réunissent plusieurs fois par an sur l’île de Délos pour décider des stratégies à adopter. Chaque cité à alors une voie qui pèse autant que celles des autres. Enfin, tous les membres versent un tribut (pécuniaire ou humain) à Athènes de manière à se doter d’une armée puissante et ainsi être près à affronter les perses. A l’origine, le système de la ligue de Délos est celui d’une ligue car elle unies les citées membre dans un but et un objectif purement militaire.

II. De la démocratie à l’impérialisme 

Pourtant l’hégémonie d’Athènes sur la ligue va progressivement se transformer en impérialisme, plus particulièrement sous le mandat de Périclès. Une date symbolise cette prise de pouvoir d’Athènes: -454 date à laquelle Périclès détourne le trésor de la ligue vers Athènes pour alimenter une politique de grands travaux dans la cité et en particulier sur l’Acropole. Cette prise de pouvoir forcée entraîne des contestations de la part des cités membres de la ligue. Face aux contestations, Athènes n’hésite pas à utiliser la violence sur ses alliés pour s’assurer leur fidélité. En effet, quelques-unes des cités les plus importantes de la ligue vont se révolter et tenter de quitter la ligue. On peut alors parler de Naxos (-468) ou encore Samos (-440) qui vont être violemment matter par les hoplites athéniens. Ultime humiliation pour ces cités, Athènes va implanter des clérouquies à proximité des cités insurgées afin de dissuader toutes nouvelles révoltes. Malgré tout, le commerce va fortement se développer dans la mer Egée grâce à la sécurité imposée par la martine athénienne comme en témoignent les sources de certaines cités dont celle de Thasos dont le vin s’exporte dans toute la Grèce.

Carte représentant les clérouquies athéniennes.
Source: Larousse. 

 Néanmoins, la situation se tend au sein de la ligue de Délos et les premiers éléments de distension apparaissent sous le mandat de Périclès. On pourrait voir que la ligue tend à se transformer en fédération car les cités perdent peu à peu leurs autonomies au profit d’Athènes qui s’impose comme la seule maîtresse de la ligue et balaie par la force les contestations de ses alliés. 

III. La fin de la domination athénienne

Les tensions se font également de plus en plus fortes avec les autres cités grecques et plus particulièrement avec la ligue du Péloponnèse. Dans cette volonté d’hégémonie sur toute la Grèce les deux ligues en viennent à lancer une guerre qui les oppose durant près de 30 ans, c’est la guerre du Péloponnèse.  Dans la première phase de la guerre, Athènes est largement malmenée par Sparte qui lance des raids autour de la ville d’Athènes. Dans le même temps Athènes est durement frappée par la peste (-430/-426) qui va tuer près d’un quart de sa population et emporter son leader: Périclès.

 L’expédition de Sicile en -415 est au départ lancée par Athènes dans le but de sortir la tête de l’eau dans ce conflit qu’elle est en train de perdre. Pourtant, elle se solde par un vrai désastre ce qui marque le début de la fin pour la cité qui va perdre la quasi-totalité de son armée. Elle ne peut alors plus assurer la sécurité dans son empire. En -404, Lysandre, roi de Sparte entre dans la cité d’Athènes et impose le démantèlement de la ligue de Délos. En signe d’humiliation, la cité d’Athènes doit détruire les murs de la cité et voit sa marine, fer de lance de sa puissance réduite. 

Carte de la Ligue de Délos dans la mer Egée en -431,.
Source: Wikipédia.

La ligue de Délos occupe une place particulière dans l’histoire du monde grec antique du fait de ses transformations. Au départ une ligue, car fondée dans un caractère purement militaire et pour faire face aux perses, elle prend néanmoins la forme d’une confédération dans laquelle chaque membre à une place une voie pour décider des stratégies à adopter. Mais, progressivement, Athènes transforme la ligue en un instrument de domination en détournant le trésor de la ligue et en intervenant face aux cités dissidentes. De ce fait, les cités alliées perdent leur souveraineté, transformant ainsi la ligue en fédération. Néanmoins, les ambitions hégémoniques de la cité vont la conduire à sa perte en -404 par la capitulation de la ville d’Athènes face à Sparte.

L’Agriculture en Aveyron au XXe siècle.

L’Aveyron se situe dans une région de moyenne montagne au sud-ouest de la France dont le paysage est diversifié notamment entre le plateau de l’Aubrac, le Lévézou, le Ségala ou encore le Larzac.  Le département de l’Aveyron est reconnu à l’échelle nationale par le biais de ces produits locaux tels que le Roquefort, les couteaux Laguiole ou encore les Bougnats de Paris.

Cartes des différents espaces du département Aveyronnais.
Source: LABLANQUIER, Michel, “le ségala aveyronnais : propos sur un développement agricole”, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, N°63, 1992, pp 421-451.

Ces aspects culturels, traditionnels et sociaux marquent le caractère de ce département, ancré dans des valeurs communes.
En l’espace de quelques décennies, l’Aveyron a changé de langue, de culture, de genre de vie, et de techniques. 
Plus globalement le XXe siècle est marqué par de nombreux bouleversements notamment par deux guerres mondiales. C’est un changement de mentalité qui s’est surtout fait ressentir durant ces deux guerres, notamment par rapport à la considération de la femme, mais aussi la prise en compte de l’importance des paysans dans l’économie départementale. Ce siècle fût également marqué par la transformation du mode de vie des français. (En effet, on uniformise les régions autour de la capitale, on ne vit plus au sein du village mais l’on dépend de plus en plus de l’entièreté du pays). 
A l’échelle de l’Aveyron, on voit apparaître au XX siècle, un changement du rapport de production des agriculteurs. Le siècle précédent s’inscrit dans une production essentiellement vivrière à l’échelle de la famille tandis que le XX siècle, tend vers de profonds changements de mode de vie des populations rouergates pour aller vers une agriculture centralisée, extensive et intensive au service d’un état qui ne cesse de se mondialiser. 

Une agriculture familiale

L’agriculture familiale est une forme d’agriculture très répandue dans le système agraire aveyronnais au XIXème siècle. En 1881, l’agriculture occupe plus de 50% de la population. La vie du paysan est alors uniquement tournée vers l’agriculture, le contraire serait mal vu. Le bétail est considéré comme un membre à part entière de la famille. Une production artisanale, allant de la production des outils à la production des produits, est assurée au sein de la ferme. A la fin du XIXème siècle, les paysans n’ayant pas succombé à l’exode rural deviennent de petits propriétaires, situation idéale pour eux afin de subvenir aux besoins de la famille tout en étant indépendants, ce qui devient un idéal qui permet la subsistance du paysan et de sa famille au cours d’une période difficile. Le XIXème est celui de l’appropriation du sol qui semble être, pour les paysans, une manière de se sentir protégés, en restant indépendants. Dans les années 1950, la ferme aveyronnaise n’est pas encore une entreprise, elle est d’abord la base nourricière de la famille paysanne. Le redémarrage de l’économie française après la guerre impose des achats de plus en plus fréquents, tels que des outils agricoles, de l’engrais, des semences et des articles ménagers. En 1950, on assiste aussi à la modernisation des structures anciennes et à l’apparition de nouvelles techniques. Une autre conception du développement apparaît. Il faut trouver un équilibre entre la modernité et la structure familiale.

Une comparaison avec d’autres régions agricoles en France

La région Midi-Pyrénées, fait partie depuis 1840 des 8 régions assurant le plus gros taux de croissance et production agricole animale et végétale, ce qui perdure jusqu’en 1990. Cependant, au sein même de la région, on peut déjà constater des différences entre l’Aveyron et d’autres départements d’Occitanie (Tarn, Haute-Garonne,). En effet, l’Aveyron, dû à ses paysages montagneux, a su adapter son agriculture et est reconnu pour son élevage bovin et ovin. L’Aveyron est le département le plus spécialisé de Midi-Pyrénées. Ainsi, ce qui caractérise les autres départements est une grande variété de production agricole. Si l’on compare l’Aveyron avec le Tarn, région juxtaposée à l’Aveyron, selon le paysage de la région les cultures varie : sur les coteaux Ouest du département du Tarn, les cultures et polycultures y sont majoritaires, Gaillac est réputé pour ses vignes, tandis que l’Est et le Sud du département est composée d’un élevage allaitant et laitier. 

Le rayonnement Aveyronnais sur la France

L’Aveyron est un département ayant un rayonnement très important sur la France, ainsi, nombreux de ces produits locaux sont aujourd’hui des produits incontournables. Tout d’abord, le couteau Laguiole qui ne cesse de s’accroître et de se moderniser depuis la création de la société

Elle excelle aussi dans la gastronomie, dont la réputation s’est certainement faite grâce à la mobilité des aveyronnais vers Paris. Ce qui permet aujourd’hui, et ce chaque année, le marché aveyronnais, lors duquel les produits phares du “petit pays” y sont présentés. On y découvre le célèbre aligot, ou encore le Roquefort, le premier fromage à bénéficier de l’AOC le 26 juillet 1925.

L’Aveyron est donc un pilier dans la gastronomie française de par sa diversification de productions et d’élevages.

Une variété d’élevage

À Massergues, dans la région de Roquefort, les brebis rentrent à la bergerie sous l’œil des bergers. 
Source : la France des métiers : dans les fermes et caves de Roquefort.

Le département de l’Aveyron dispose d’une variété de cheptels qui font sa spécificité. Au XX siècle, les élevages les plus importants sont ovins et bovins. Jusqu’au début des années 1960 les bovins de la race Aubrac représentent la première base du système d’exploitation sur le plateau de l’Aubrac, pour réaliser principalement du fromage. Les bêtes ne restent sur l’exploitation que d’octobre à mai, puis partent pour la transhumance.
Sur le ségala, la première base d’exploitation est aussi bovine, mais à destination de de la production de viande, on ajoute en plus les cultures de la pomme de terre ainsi que de la Châtaigne.  
L’autre principale production est celle des ovins lait avec la race Lacaune, destinée à la production du Roquefort. Cette production se fait essentiellement sur le plateau du Larzac.
 
A la fin de la seconde guerre mondiale, se voit développer la production de lait de vache avec les races Brunes et Bertonnes, sur la région de Sévérac le Château ou encore dans le ségala. On voit également la production porcine se développer. En 1984, les exploitations ont une superficie d’environ 28 Hectares, ce qui est supérieur à la moyenne de Midi-Pyrénées. 

Progression collective du territoire

Les modifications du XXe siècle ont permis à l’Aveyron de répondre à de nouveaux défis sociaux. Le XX siècle fût également marqué par un rassemblement du territoire et des richesses, au sein de diverses activités. En effet, encore au XIXe siècle, les paysans sont éloignés du monde urbain, ne se rassemblent qu’autour des foires, ou encore à l’église. 

Cependant au XX siècle, les foires explosent : cela devient un endroit de rassemblement où l’on amène les bêtes pour être vendues. L’atout de ces marchés est tout d’abord pour les Maquignons puisqu’ils peuvent acheter en plus grande quantité avec un déplacement moindre, mais c’est aussi pour les éleveurs un moyen de communication et d’échanges avec les populations rurales.

Le marché de Laissac, a ouvert ses portes en 1977, tandis que le marché ovin de Réquista a lui été créé en 1992, cela n’empêchait pas pour autant d’être déjà auparavant au cœur des négociations.

Une modernisation tardive de la technologie 


Scène de “dépiquage” mécanique ; une batteuse, qui s’occupe de séparer la paille du grain, qui vient remplir de façon automatique des sacs. 
Source : L’Aveyron : le temps de la terre, 1950-1960, 2012.

Suite aux dommages et aux pénuries causés par la guerre, l’agriculture française a besoin de se renouveler à l’échelle nationale grâce à la modernisation. Pour répondre à ces nouveaux enjeux, l’Aveyron a besoin de moderniser son matériel de production mais aussi son système d’exploitation.
L’utilisation d’engrais chimiques se fait lentement mais se répand de plus en plus dans les petites exploitations. De même que l’utilisation des machines modernes, avant réservé aux grandes exploitations, apparaît au sein des petites exploitations remplaçant les vieux moyens (charrues, faucheuses, tracteurs collectif). On voit alors se répandre la motorisation et la mécanisation.
En effet, la première machine à traire en Aveyron, apparaît en 1932, sur le territoire de Camarès.
Le dépiquage, illustré ci-contre, permet une certaine mécanisation du travail mais le travail de l’homme n’est pas terminé. Il doit couper le blé, changer les sacs et les acheminer jusqu’ au grenier.

La modernisation n’est pas seulement l’entrée dans l’exploitation des machines, mais bien la mise en place d’un modèle agricole plus moderne, plus diversifié. Cette modernisation ou à l’inverse, le retard pris dans l’adaptation à de nouvelles formes de production joue un rôle important sur la prospérité ou le déclin des fermes. L’Aveyron, notamment le Ségala, arrive à conserver sa réputation de “bon pays agricole”, en conservant son côté “exploitation familiale”, tout en évoluant avec la modernisation. 

L’impact des guerres mondiales 

L’impact des guerres sur la campagne aveyronnaise est un tournant majeur dans son évolution agricole se traduisant en partie par l’absence des hommes aux champs, en sachant que la population est composée à 52% de paysans. 
Cependant, l’Aveyron reste une région reculée, enclavée entre des vallées et des montagnes. Ainsi, les conséquences physiques sur le territoire était bien moindre que dans les régions les plus près du front. Néanmoins cette position reculée du département face au territoire s’est avérée être un frein au cours de son évolution, que ce soit dans les mentalités mais aussi dans la modernisation agricole. Effectivement, comparé à d’autres départements en France, celui de l’Aveyron n’a pas pu profiter des bénéfices de l’entre-deux guerres. Ainsi lorsque le département est tombé sous domination du régime de Vichy, beaucoup de paysans n’ont vu que les intérêts du régime concernant la valorisation du domaine agricole. Cependant ce territoire étant depuis toujours marqué par une xénophobie très importante, c’est vers le début de l’année 1943 que la germanophobie, accentuée par une forte influence du catholicisme, a pris de l’ampleur. Ainsi, beaucoup de paysans qui jusque-là ne s’étaient pas encore engagés dans la Résistance, ont commencé à soutenir les maquis aveyronnais, ou du moins en garder le secret.

Le rôle de la femme


Femme travaillant dans un champ, ramassant le foin.
Source : L’Aveyron, le temps de la terre, 1950-1960.  2012

Les femmes déjà très largement implantées dans le monde agricole aveyronnais, ont pu en partie profité de l’absence des hommes aux champs pour prendre encore plus leurs essors.
Née de la JAC, la JACF voit le jour en 1933, et ses principales actrices influent tout au long du XXe siècle sur la modernité du département autour de la considération de la femme.
La JAC s’est appuyé sur l’Aveyron pour rechristianiser les campagnes françaises, en organisant des activités pour les jeunes et en répondant à leurs envies.
La JACF a essayé de moderniser les réflexions patriarcales en acquiesçant tout d’abord le rôle important de la femme au sein du foyer mais aussi son potentiel apport au sein du village. Cette organisation met en place des formations professionnelles, culturelles et sociales pour faire en sorte que les jeunes restent investis dans le domaine rural du département.
Les Aveyronnaises ont su taper du poing sur la table pour moderniser le planning familial, mis en place en 1961 en Aveyron, et en faire bénéficier le plus de femmes possibles. C’est aussi en 1961 que l’on a choisi d’unir cette organisation sous un même nom, pour favoriser la mixité : la MRJC.

Essor des nouvelles organisations et aides


Affiche « paysans du Larzac », 1971.
Source : Larzac.org

A la fin de la seconde guerre mondiale, la politique agricole commune est amenée à s’adapter à de nouveaux enjeux agricoles, à travers de perpétuels changements et évolutions. 
Ces nouvelles aides européennes s’accompagnent d’une nouveauté nationale mais aussi régionale et départementale : le mouvement syndicaliste des agriculteurs.
A l’échelle nationale, il existe le FNSEA, et pour les jeunes agriculteurs, le syndicat JA, qui a pour but de pour défendre les intérêts des jeunes, proposer des idées novatrices pour le métier, communiquer sur le milieu rural. 
Du côté de l’Aveyron, une organisation syndicale est née en 1985 à la suite de la lutte du Larzac. Cette décennie fut marquée par des oppositions non violentes menées par une communauté de paysans, qui se sont opposés à la l’extension d’un camp militaire qui aurait empiété sur les champs de ces derniers. Ces années de luttes, ont mené à la création du syndicat : la SCTL qui est encore actif aujourd’hui. 

Peu importe les syndicats en place sur le département, leur but est de transformer le plus possible les exploitations agricoles en place, en les amenant vers des entreprises modernes, efficaces et viable. C’est un des enjeux les plus importants de cette fin de siècle, à savoir la compétitivité entre les départements. L’Aveyron est en retard sur de nombreux autres départements et cherchent donc à l’aide de ces syndicats de débloquer des fonds auprès de l’État pour moderniser leur agriculture.

Bibliographie indicative