Le mémorial de Rivesaltes a été imaginé par l’architecte Rudy Ricciotti et le cabinet Passelac & Rocques qui ont remporté en 2005, le concours de maîtrise d’œuvre. Le conseil général a en 2005, acheté les 42 hectares qui composent l’îlot F et en 2011, a délégué la maîtrise d’ouvrage à la région Languedoc-Roussillon. Le mémorial est finalement inauguré le 16 octobre 2015 en la présence du Premier ministre Manuel Valls.
Comment cette œuvre architecturale met-elle en lumière la mémoire et comment l’a fait-elle vivre? Cette question met en avant l’idée de Pierre Nora : celle d’une promulgation de la mémoire au travers d’un lieu : ici un bâtiment. L’œuvre de Ricciotti a été bâtie sur l’ancienne place où avait lieu l’appel et le rassemblement des détenus. La construction du mémorial n’a donc pas nécessité la destruction des restes du camp (d’anciennes baraques entre autre) pour voir le jour. Au contraire, il s’intègre dans ce décor et a été élaboré de sorte à ne pas être omniprésent.
Le mémorial est un parallélépipède en béton brut de 250m de long et de 25m de large. La géométrie du bâtiment rappelle l’organisation linéaire qui caractérise le camp. On peut également penser que cette rigueur dans la forme mais aussi dans les matériaux utilisés peuvent retranscrire la dureté du climat (sec et chaud en été et froid en hiver). Aussi, la couleur ocre du mémorial rappelle le paysage. Les mots de l’architecte « comme pour s’excuser d’être là » montre bien cette volonté de préserver le cadre dans lequel s’inscrit le mémorial. Le bâtiment est en parti enterré et sort progressivement de terre pour atteindre une hauteur maximale de 4 mètres, dénotant ainsi, une fois de plus, la volonté de respecter l’ environnement dans lequel le bâtiment s’inscrit.
De plus, l’œuvre de Ricciotti est composée de deux salles d’exposition, une permanente, l’autre temporaire. Au niveau de ces salles, la pénombre règne contrastant ainsi avec les salles de détente, de travail ou encore à l’accueil, qui elles, sont baignées dans la lumière naturelle issue des puits de lumière. Dans la salle d’exposition permanente, des vitrines horizontales exposent la vie des internés à Rivesaltes et retracent leurs souvenirs. Sur les côtés de cette vaste salle, des bornes d’écoutes ont été mises en place pour délivrer aux visiteurs des témoignages d’anciens détenus ou de bénévoles d’associations.
Pour beaucoup, le mémorial est une « œuvre de résistance contre l’oubli » qui permet ainsi de faire perdurer la mémoire tout en respectant le cadre historique dans lequel il s’inscrit. L’architecture permet de transposer une atmosphère, dans le cas de Rivesaltes, l’enfermement. L’architecture qui « contient » en son sein la mémoire, peut mettre les visiteurs dans des prédispositions particulières en vue de réveiller leurs émotions et ainsi de les marquer plus profondément. A première vue, secondaire, l’architecture apparaît alors comme un vecteur important dans la promulgation de la mémoire.