Les camps d’internement ont été sujets à une valorisation différenciée selon les régimes en place pendant et après la seconde Guerre Mondiale. Implantés en majorité dans le sud de la France, ces camps ont connu une phase d’oubli volontaire à travers divers facteurs qui rendaient le sujet tabou.
Les camps d’internement en France existaient déjà durant la première Guerre Mondiale ; ils avaient pour fonction d’y loger, dans des locaux collectifs, des repris de justice, des « filles publiques » et des Austro-Allemands.
À partir de 1938, peu avant la Seconde Guerre mondiale, on remet en place le système de camps d’internement. Ces camps sont d’abord faits de toiles (exemple avec les plages du Roussillon) puis en dur. On privilégie les bâtiments déjà existants tels que militaires avec le Fort-Barraux, carcéraux, hôteliers avec Bompard de Marseille mais aussi d’anciennes usines comme pour le camp des Milles, qui était une ancienne briqueterie. Les terrains privés sont eux aussi réquisitionnés par le Ministère de l’Intérieur qui verse, tout de même, un loyer ou des dédommagements aux propriétaires.
Dans un premier temps, ces camps avaient pour fonction d’être des camps de contrôle et de triage pour les réfugiés allemands qui fuyaient le nazisme et les Espagnols qui, eux, fuyaient la guerre civile et le régime franquiste. Ils « seront gardés étroitement avant leur refoulement » précisa le Ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut. Ils seront internés par exemple dans les camps de Brens et du Vernet.
Les camps vont, par la suite, de plus en plus se spécialiser dans un certain type de population, par exemple avec le camp de Brens qui devait accueillir les vieillards et les femmes. Mais aussi Rivesaltes, où les internés étaient des catalans. Ces camps d’internement vont devenir des camps de concentration composés majoritairement de juifs et d’internés politiques potentiellement dangereux selon le régime. Par la suite, ils vont devenir des antichambres de la mort à partir de 1942 en se convertissant en camps de transit des victimes « raciales » et vont participer à la politique d’extermination de ces populations, avec par exemple les camps de Brens, du Vernet, de Drancy et de Rivesaltes.
Les camps, pour la majorité, vont à partir de 1944 jusqu’à la fin de la guerre être soit vidés petit à petit, soit utilisés par la résistance comme hangars pour stocker l’armement ou y interner des prisonniers de guerre et ceux accusés de collaboration. C’est le cas des camps de Brens, du Vernet et de Noé.
À la fin de la seconde Guerre Mondiale la France connaît une nouvelle phase d’évolution des camps. En effet, même si la majorité des camps d’internement est vidée et fermée à la fin de la guerre, certains restent ouverts plusieurs années et accueillent de nouveaux internés ou revêtent d’autres fonctions. Le prolongement de l’activité des camps s’explique avant tout par le long processus d’évacuation des internés en attente de jugement mais aussi par le nombre important d’internés dont l’administration française ne sait pas quoi faire. Par exemple, la population Tzigane va rester internée jusqu’en 1946 dans les camps comme celui de Rivesaltes. De plus, des camps vont être réutilisés, tel que Rivesaltes, par la résistance jusqu’en 1947. Certains vont de nouveau assumer la fonction de camp de transit et de reclassement, en 1962, avec l’internement des Harkis durant la Guerre d’Algérie. Mais la majorité des camps est abandonnée, rasée ou même rachetée comme Brens, repris par la CGT de Toulouse en avril 1946. D’autres reprendront leurs activités d’origine, telle que la briqueterie du camp des Milles dès 1946 jusqu’en 1987. L’oubli progressif auquel font face ces camps est dû à une volonté de la population française qui s’explique avant tout par le fait que l’existence même de ces camps est peu connue et sinon taboue. La reconstruction du pays passait avant la préservation de la mémoire des camps. De nos jours, certains camps font toujours l’objet d’un oubli collectif comme Brens ou sont rasés pour les supprimer de la mémoire, tel que le Vernet. Cet oubli est aussi dû à la politique entreprise par Charles de Gaulle : le résistancialisme. En effet, la résistance de la France face à l’Allemagne nazie est énormément mise en valeur, notamment grâce à la lecture de Charles de Gaulle en 1958, dans laquelle il annonce que « le régime de vichy est une parenthèse dans l’histoire de la république ». Cette politique entraîne l’effacement progressif des camps.