Les résistants dans les camps administratifs sont-ils considérés comme des résistants de guerre en France ?
La Résistance française se définit généralement comme les actions menées par des réseaux et des mouvements clandestins contre l’occupant nazi et le gouvernement de Vichy. Cette définition semble pourtant partielle car la Résistance ne peut être dissociée d’une idéologie commune concernant les Droits de l’Homme, la liberté et la dignité humaine et exclurait ainsi, les multiples formes de résistance dans les camps.
Dans les camps, des actes de résistance sont menés par des individus appartenant à un groupe politique par exemple. Certains luttent directement contre l’occupation et l’instauration du gouvernement autoritaire de Vichy mais beaucoup d’internés passent à l’action dans le but d’améliorer leurs conditions de vie ou d’échapper à la mort. Cependant, tous aspirent à une même évolution : recouvrer les libertés qui ont été bafouées et retrouver un territoire français non occupé.
Les actions combinées des résistants à l’intérieur et en dehors des camps mettent à mal le système mis en place. A ce titre, il est difficile de totalement les opposer et nier les liens qu’il peut y avoir entre eux. D’autant plus qu’il paraît étonnant de séparer résistant de guerre et résistant dans les camps, lorsque l’on voit que certains espagnols républicains, par exemple, d’abord internés puis libérés ou évadés, rejoignent ou forment des maquis.
Une révolte contre la faim dans le camp du Vernet d’Ariège
Dans le camp de concentration du Vernet d’Ariège, 30 000 à 40 000 « indésirables étrangers » d’une cinquantaine de nationalités différentes, ont posé leurs pieds sur le sol du camp entre 1939 et 1944. En novembre 1942 une grève de la faim éclate alors que le camp fait partie des plus répressifs de tout le Sud-Ouest de la France. S’il y a une révolte, alors que les soulèvements d’internés sont très rares, c’est que le camp abrite des membres des Brigades Internationales, comme Ljubomir Ilic, et que la situation alimentaire est extrêmement alarmante comme nous pouvons le voir dans la lettre de Rosa P., directrice de l’association « Les Amis de la Pologne », dont le président est le Maréchal Pétain. Elle a réussi à faire parvenir une lettre aux mains du service de la censure pour montrer « le grand dénuement dans lequel se trouve les étrangers dans les camps de France ». Mais en vain, personne ne réagit. (ESTEBE, 1996). Le chef du camp est contraint de négocier car la visite de l’Inspection générale des camps, en septembre, donne raison aux internés. Bien que la nourriture ait été un peu améliorée, les rations ne se distribuaient que sous la menace du gouvernement. On parle peu de révoltes dans les livres, comme si elles n’avaient jamais existé. Pourtant, elles sont importantes car elles montrent que les conditions de vie sont épouvantables.
Les évasions
Il existe plusieurs façons de sortir d’un camp d’internement : la mort, le travail obligatoire, être déporté dans un autre camp, être libéré, etc. On comprend alors pourquoi l’évasion est la solution que choisissent le plus souvent les internés. Pourtant, « dans une évasion, il faut 90 % de chance et 10 % d’audace, mais il faut beaucoup de chance » comme le dit Achille S, évadé du camp de Noé (Pierre Faulet, 1991, p. 39).
Chaque fois qu’une fuite est constatée, le personnel du camp doit alerter les autorités et transmettre un rapport d’évasion à la Préfecture de région. Cependant, ils ne le font pas toujours afin de garder une « bonne » image. En effet, il serait mal vu pour le chef du camp de noter beaucoup d’évasions à succès car cela signifierait qu’il fait mal son travail. Il est donc difficile de donner des chiffres, certaines évasions étaient par exemple inscrites dans la catégorie « divers ». Nous pouvons néanmoins proposer un tableau du nombre d’évadés de juin 1943 à novembre 1943 au camp de Noé. Sachant, qu’il faut prendre en compte les évasions non notées, nous pouvons être étonnés par le nombre de fuites qui ont réussi. Notons également qu’il y a presque deux fois plus d’étrangers que de français qui se sont évadés. Ce qui peut paraître étonnant car ils n’ont pas de famille chez qui se réfugier mais pour eux, le risque d’extermination est plus grand.
Les évasions sont plus courantes lors des mois chauds, notamment août et septembre, moment plus propice pour ne pas mourir de froid. Elles se déroulent principalement de nuit, au crépuscule, durant les coupures d’électricité, durant les alertes aériennes ou parfois lors des fêtes, comme c’est le cas pour Dora Schaul ou encore Freddy Szpilgofiel et David Blum. Rares sont les internés qui s’enfuient à plus de deux à la fois pour de ne pas éveiller les soupçons des gardiens. Les évasions se font parfois lors des tâches nécessaires au camp, comme pour Marcel Langer qui s’évade durant une corvée en permutant avec une personne extérieure au camp, ou lors des visites médicales obligatoires. Pour le camp du Récébédou, les évasions d’un centre hospitalier occupent un tiers au total des évasions de ce camp. (AUBRESPY, 1999, p. 42). Dans ce cas là, les internés en profitent pour s’échapper dès que le ou les gardes ont la moindre baisse d’attention. Il y a un manque de personnel important et parfois un seul surveillant à la garde de six internés à la fois ! Les chefs des camps se plaignent donc, pour la plupart, du manque de gardiens auprès du préfet, ce qui justifiait ces évasions (c’était notamment le cas du chef du camp de Noé ou de celui du Récébédou).
Malgré ces conditions opportunistes, on recense très peu d’évasions réussies sans aide intérieure ou extérieure, voire les deux. Il faut pouvoir s’organiser dans le déroulement de l’évasion et anticiper la suite. En effet, à la sortie du camp, l’évadé a souvent besoin de faux papiers, de lieux pour être hébergé et nourri sans risque. Ces aides sont plus qu’utiles, elles sont véritablement nécessaires à la survie de l’interné qui s’évade.