Cette libération s’inscrit dans une continuité d’actions menées par le groupe créé en 1942 par le Juge d’instruction de Muret, André Reboul, qu’il constitue avec quelques patriotes. Deux ans après, sous le commandement du capitaine Jules Delattre, le groupe devient le Maquis de Rieums-Muret. Sabotages de voies ferrées, de pylônes haute-tension de la SNCF sont certains des actes de résistance de l’organisation, notamment le 10 juin 1944.
Le camp n’est réellement fermé qu’en 1947. La fermeture du camp n’entraîne pas la remise en cause du concept même de l’internement administratif : « Sa [Camp de Noé] situation géographique, son installation impeccable et la proximité relative du grand centre de Toulouse sont autant de facteurs en faveur du maintien du Camp, aussi longtemps que son existence sera nécessaire ». A l’instar de Drancy, de nombreux camps utilisés pendant le régime pétainiste sont ré-ouverts pour incarcérer des personnes accusées de collaboration soit en attente de jugement pour les soustraire à la vindicte populaire, soit après condamnation.
Si les lieux sont maintenus, le personnel du camp l’est aussi. Au 14 octobre 1944, soit deux mois après la libération du camp, le processus d’épuration est enclenché. Cependant, un réel paradoxe voit le jour : en plus du personnel de Noé nommé par le Régime de Vichy resté après la fin de la guerre, s’ajoutent également des personnes nommées par le Gouvernement Provisoire de la République Française.
Le profil des internés restants change également après août 1944. Une extrême majorité sont des internés politiques dont l’âge varie de 20 à 50 ans. Plus les mois passent, de moins en moins de français sont présents ainsi qu’un recul d’internés-enfants. Se dessine ainsi à Noé un profil de « camp des indésirables ». De nombreux internés sont à Noé pour des motifs inconnus, ce qui explique sans doute le nombre croissant d’évasions. En effet, du 1er octobre 1944 au 15 mai 1946, 40 évasions ont lieu dont le pic se trouve lors de la première moitié de l’année 1946. Le camp n’est définitivement fermé par décision de la direction de l’administration pénitentiaire que le 31 mai 1950. Il est « rendu » à la commune de Noé lorsque cette dernière fait une proposition d’achat du camp. A compter de cette date, le camp de Noé n’est plus que l’ex-camp de Noé. Les détenus condamnés par décisions de justice sont transférés dans des établissements pénitentiaires, les autres sont libérés.
Le camp n’est rendu à la commune qu’en 1950, il est donc légitime de s’attacher au devenir du camp. A l’emplacement du camp est construit un stade; la ville ayant gardé le bâtiment des sanitaires pour s’en servir comme vestiaire. La raison invoquée est celle de la praticité, l’eau courante étant déjà reliée.
Cette réutilisation du camp, et en général l’occultation de la mémoire de celui-ci, crée des polémiques autour du devoir de mémoire. L’association ETHIC (Enquête sur la Tragique Histoire des Internements dans les Camps) fondée en 1995, lutte pour l’étude et la reconnaissance de l’existence du camp de Noé. A travers le témoignage de son fondateur, Kurt Werner Schaechter, résistant autrichien dont les parents sont internés dans des camps au Sud de Toulouse (sa mère au camp de Noé), l’association nous donne à voir le portrait d’un homme en lutte permanente, contre le nazisme tout d’abord puis contre l’oubli de cette période.
La volonté de commémorations est aussi présente à Noé. En effet, un monument Mémorial Européen de la Déportation à l’emplacement du camp par des associations mémorielles est réclamé. Les seuls lieux mémoriels pour les victimes du camp sont aux cimetières de Noé (Monument aux morts) et une plaque commémorative à la gare SNCF de la commune. A l’heure actuelle, en 2015, aucun mémorial n’est en place dans la commune de Noé, pour la reconnaissance du camp. Mais les efforts des associations mémorielles ne faiblissent pas. Le camp de Noé échappe au radar de la mémoire officielle contrairement à d’autres camps. Comme l’exemple du camp de Rivesaltes, le projet initié en 2007 pour la fondation d’un mémorial a vu le jour le 14 octobre 2015. Cependant, l’histoire n’oublie pas pour autant Noé. L’historien Eric Malo ne cesse de travailler sur celui-ci depuis sa maîtrise en 1985.