Conclusion
Les camps antichambres de la déportation ont ainsi une histoire en deux-temps. Instrumentalisés tout d’abord par le gouvernement collaborateur dans une logique d’exclusion des populations indésirables, ils contribuent à la transformation de la zone « libre » en une véritable prison à grande échelle (55 000 détenus en zone « libre » contre 3 000 en zone occupée en janvier 1941). L’année 1942 représente un moment charnière dans l’histoire concentrationnaire française, on passe alors d’un système d’internement à un système de déportation : il n’est plus question d’exclure une population de la société, mais de l’annihiler. Les camps français, dont les plus symboliques sont Drancy pour la zone occupée (8 juifs sur 9 sont passés par cette « étape ») et Rivesaltes pour la zone « libre », deviennent ainsi des lieux de transit vers les camps d’extermination de l’Est. Pour cela, toute une logistique minutieuse est mise en place. L’organisation méthodique de la déportation repose sur deux piliers : une administration disciplinée et le système ferroviaire. Cette constatation entraîne un questionnement : quel degré d’implication pour ces acteurs, notamment pour la SNCF ? Sachant que l’entreprise n’a présenté ses excuses officielles qu’en 2010, la question est donc bel et bien toujours d’actualité. En effet, les mémoires de la Seconde Guerre mondiale sont encore vives et sensibles dans la société. La collaboration française et sa participation à la déportation de milliers de personnes ont longtemps été occultées ou déformées (censure du film Nuit et Brouillard par exemple) en faveur d’un mythe résistancialiste – gaulliste ou communiste -, unissant la France d’après-guerre où l’épuration faisait rage et laissait planer une menace de guerre civile. De nos jours, les historiens tentent de révéler au grand jour cet épisode sombre de notre histoire afin de rétablir la vérité historique, progressivement assumée par les Français (reconnaissance en 1995 du Président Jacques Chirac quant à la participation française dans la rafle du Vel d’Hiv, par exemple). La question du devoir de mémoire demeure…
Le temps de l’internement, 1940-1941
La place des camps du sud-ouest dans la déportation…