Impact humain et économique du camp sur sa région

Le camp d’internement et son environnement local ont constitué deux mondes en communication. Étant situés de manière systématique près d’un axe de circulation majeur de la région, ville ou village, les habitants étaient en contact quotidien avec les internés. Les riverains pouvaient voir ou entendre ce qui se passait à l’intérieur de ces lieux et en faisait un sujet de discussion visiblement inévitable. Ils connaissaient le « type » d’internés, hommes, femmes, étrangers et cela influençait leur vision et leur rapport au camp. A Brens, les pensionnaires du camp étaient des femmes et des enfants de diverses origines, ce qui « gênait » les riverains. Bien que rarement consultée avant l’établissement de telles installations, une partie de la population locale approuvait cet internement arbitraire. On peut trouver l’origine de cette opinion dans le contexte politique de l’époque dans le Sud-Ouest de la France, dirigé par le régime de Vichy, puis sous l’occupation après l’invasion de la zone « libre » en novembre 1942 par les armées allemandes.

L’autre source importante de contact entre le camp et son environnement local est l’activité économique. Pour démontrer cette affirmation, nous avons utilisé les sources mises à notre disposition. Il s’agit de plusieurs documents d’archives sur la comptabilité du camp de Brens ainsi qu’un témoignage. Dans ce camp, lors des grands travaux agricoles (récoltes, semis…), des internées allaient assister les agriculteurs locaux qui manquaient souvent de main-d’œuvre ; comme notre témoin nous l’a indiqué. Ces sorties étaient, bien entendu, toujours suivies par des gardiens du camp. Ce personnel, si essentiel au fonctionnement de ce système, était en grande partie recruté dans les environs. D’autres opportunités étaient proposées aux riverains qui refusaient rarement un gain d’argent ou de nourriture dans ces temps de restrictions. En effet, notre témoin s’est vu proposé un travail de surveillance nocturne des voies de chemin de fer sur une dizaines de kilomètres pour empêcher toute action de la Résistance assez présente dans le département. Il y avait deux mouvements assez importants, celui de la Montagne Noire et celui de la forêt de Grésigne. On trouvait d’autres preuves de sorties d’internées, entre autres dans les cahiers où étaient retranscrits les frais de déplacement du camp. Ainsi, des internées avaient l’occasion de quitter les murs du camp pour des visites médicales à Albi.

Ces prisons, constituant plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’internés, constituaient un impact économique incontestable sur la région où elles étaient implantées. Comme en témoignent les nombreux devis et autres frais pour l’aménagement du camp de Brens retrouvés dans les archives de la comptabilité. Les entreprises locales et régionales participaient à toutes sortes de travaux, de la simple maçonnerie à l’ameublement.