Les financements des œuvres juives 

L’action humanitaire juive a pu être aussi diversifiée et aussi massive uniquement grâce à des moyens financiers considérables. L’urgence de la situation des juifs français et étrangers dans les camps d’internement du Sud-Ouest nécessite de mobiliser des moyens humains et financiers à la hauteur de la menace qui pèse sur ces populations. Les fonds perçus par les œuvres juives dès le début de la guerre proviennent essentiellement de la solidarité de la communauté juive américaine.

Le Joint (American Jewish Joint Distribution Committee) est le principal organe de financement des œuvres humanitaires juives partout dans le monde depuis 1914. Grâce à ce titre de principal pourvoyeur de fonds auprès des œuvres juives, le Joint est la plus grande et la plus riche association humanitaire juive du monde. Les sommes d’argent réunies pour venir en aide aux communautés juives européennes atteignent 70 milllions de dollars entre 1939 et 1945. Le joint constate l’urgence de la situation dans les camps français dès 1940.

L’argent est récupéré en Suisse par des membres des associations bénéficiaires dignes de confiance. L’argent est d’abord transféré des banques américaines via les banques suisses par des montages financiers complexes. L’argent est amené en France dans des mallettes. La voiture et le train sont les moyens de transport des fonds les plus courants. Les humanitaires ont sans cesse la crainte de devoir justifier la provenance de l’argent liquide auprès des forces de l’ordre en cas de contrôles d’identité. Le risque étant l’arrestation et la saisie des sommes transportées. De 1942 à la fin de la guerre, les œuvres juives perçoivent pas moins de 500 000 francs par mois de la part du Joint.

Les œuvres juives bénéficient également de fonds publics non négligeables pour appuyer leurs actions humanitaires. Les Éclaireurs israélites de France reçoivent l’approbation des services publics dans le cadre de leur « plan de retour à la terre » qui consiste à former des jeunes juifs aux métiers agricoles. Pour mener à bien cette mission, les éclaireurs s’installent sur des terres en friches avec le consentement des préfectures et du Ministère de l’Agriculture.

Le gouvernement de Vichy n’entrave pas les actions humanitaires juives dans la mesure où elles peuvent être bénéfiques à l’État. La prise en charge des internés par les œuvres privées permet à l’État de ne pas avoir à assurer lui même l’entretien de ces populations. C’est donc par pragmatisme que le régime de Vichy accepte de coopérer avec les associations juives. L’Organisation de Reconstruction du Travail (ORT) met en place des ateliers professionnels dans les camps pour former une main d’œuvre qui puisse se rendre utile à l’État. Dans un contexte de pénurie de mobilier dans les camps, les ateliers de l’ORT sont l’occasion pour l’État de confectionner des meubles à moindre coût. Le ministère de l’Intérieur accepte d’assumer les dépenses d’électricité et de fournir à l’association les locaux nécessaires à l’implantation des ateliers. Les œuvres juives coopèrent sans difficultés avec le Secours National, l’association humanitaire d’État par excellence. A partir de 1943, le Ministère de l’Intérieur confisque le mobilier des œuvres juives (les locaux appartiennent à l’État mais les ateliers sont la propriété de l’ORT) en raison du durcissement de la politique de répression contre les juifs. Vichy à partir de 1943 préfère confier les missions humanitaires des œuvres juives au Secours National. Les œuvres juives ne peuvent compter que sur leurs financements privés après les grandes rafles d’août 1942.

Une fois la guerre terminée le Joint s’engage dans une vaste action sociale via une œuvre spécialement créée à cet effet, le COJASOR (Comité juif d’action sociale et de reconstruction). Le COJASOR dirige plusieurs établissements dans toute la France destinés en priorité à accueillir les personnes âgées les plus démunies. Les seniors sont logés dans des maisons de retraite et ont accès à des maisons de la culture dans toute la France. L’association met également en place des bourses et des prêts pour les étudiants. Elle intercède auprès des États pour obtenir des indemnisations aux rescapés de la Shoah. Environ 20 000 personnes sont soutenues par l’action sociale du COJASOR.

Couverture du livre de Sandra Marc représentant les maisons de repos du Cojasor de Lacaune.

Couverture du livre de Sandra Marc représentant la maison de repos du Cojasor de Lacaune.