Le camp du Vernet d’Ariège possédait une superficie de 50 hectares entouré de fils barbelés et de fossés aux extrémités. Pour en séparer les différentes parties, chaque section était cloisonnée des autres par des barbelés et des tranchées. Les baraquements, qui furent peu à peu construits par les internés espagnols, étaient principalement formés de planches de bois. Ils mesuraient 30 mètres de long sur 5 de large, et pouvaient héberger jusqu’à 300 hommes. Avec l’arrivée de nouveaux internés à partir d’octobre 1939, il était nécessaire d’organiser le camp en le cloisonnant selon les différentes raisons d’internement. Le camp est alors divisé en trois sections A, B et C.
La section A regroupe les droits communs, c’est à dire ceux qui ont été interné pour un motif de droit commun (faux papiers, absence de carte d’identité, …) ou qui ont été condamnés auparavant. Il y avait huit baraques avec, dans chacune, 60 à 80 individus. La section B regroupe les extrémistes dangereux, c’est à dire des anarchistes, des communistes, mais aussi des nationalistes comme le rexiste belge Leon Degrelle. Ces personnes ne pouvaient pas circuler librement dans le camp. Enfin, la section C regroupe tous les autres internés : les suspects ou ceux que les autorités considèrent comme des extrémistes mais sans qu’elles aient de preuves. On y retrouve des membres des brigades internationales. Elle est la plus importante par son nombre d’internés qui se partagent seulement 18 baraques, pour :
« […] une population carcérale de trois à cinq mille personnes. »
La vie au quotidien des prisonniers était souvent difficile, à l’égard des conditions dans lesquelles ils vivaient.
Les gardes et l’encadrement étaient relativement stricts. Chaque journée était ponctuée de quatre à cinq rassemblements, eux-mêmes donnant lieu à des appels effectués par les chefs de baraque. Les appels étaient effectués sous l’œil des gardes et se faisaient au garde-à-vous qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige.
« Les gardiens surveillent en permanence les alentours et tirent sans sommation préalable sur qui voudrait sortir ou entrer sans permission expresse ».
Les prisonniers travaillaient toute la journée, été comme hiver.
« Nous fûmes rattrapés et dépassés par une troupe qui descendait militairement la route au pas cadencé. Ils portaient des pelles sur l’épaule, les hommes avaient la tête rasée et tous une barbe de deux jours. »
Les prisonniers travaillaient à la construction du camp puis à son entretien quand il fut terminé ; ils travaillaient aussi dans les fermes avoisinantes. Quand le camp devint camp d’internement administratif, on cessa tout contrat avec l’extérieur dû à un renforcement de la sécurité au sein du camp. Les prisonniers espagnols en profitèrent alors pour s’installer à l’extérieur du camp grâce à leur travail qui était à l’extérieur.
La hiérarchie se faisait selon le grade lors de la première utilisation du camp comme centre d’accueil. Les réfugiés étant majoritairement des militaires républicains, on les séparait selon leur grade, militaire du rang, sous-officier, officier. Ensuite, quand le camp fut utilisé comme camp d’internement administratif, il fut redécoupé en trois parties. Il y avait les pauvres, les riches et les lépreux.
Les lépreux étaient la représentation de la misère depuis 1940, l’abjection sous toutes ses formes. C’était le baraquement 32, ils étaient des laissés pour compte, oubliés et rejetés par le reste du camp, que ce soit l’administration ou les autres internés. La croix rouge était débordée à cause de la guerre, elle ne pouvait rien leur offrir.
Ensuite vint la hiérarchie dans chaque baraquement qui se voyait désigner un chef de baraquement. Celui-ci était responsable de son baraquement devant l’autorité et avait pour fonction de faire l’appel aux rassemblement de son baraquement.
La nourriture distribuée au sein du camp était trop peu nombreuse. En effet, les républicains espagnols ayant fui l’Espagne arrivèrent en France en état de sous-nutrition. La France n’ayant pas réagi assez tôt, les arrivées de camions de nourriture se faisaient rare et la nourriture était entreposée dans un coin du camp, sous surveillance accrue. Les repas étaient maigres durant l’année 1939. Le scandale de ravitaillement de juin 1939 fut tel que des changements étaient à déplorer dans l’organisation du camp et dans le ravitaillement. Notamment, l’apport de viande fut plus important, au moins une fois par semaine elle était servie aux prisonniers. Néanmoins, le rationnement était hétéroclite puisque les officiers étaient mieux nourris que les autres réfugiés et avaient un meilleur accès à leur cantine.
L’entretien du camp passait par les prisonniers. Du temps des réfugiés espagnols, la corvée la plus représentative du travail des internés était celle des tinettes. Elle consistait à porter les récipients d’eaux usées et de déjections à la rivière la plus proche, l’Ariège, pour les vider. C’était les réfugiés les plus faibles qui s’occupaient de cette tâche. Elle leur permettait, aussi, de pouvoir sortir du camp, fumer, se laver dans la rivière.
Du temps de l’utilisation du camp comme zone d’internement administratif, cette corvée était appelée celle des tinettes et tout le monde pouvait l’effectuer, qu’importe le passé du prisonnier. Parfois, certains internés qui étaient révulsés à l’idée d’effectuer cette tâche payaient d’autres internés pour le faire, avec le contenu de leur prochain repas.
« Il fallait deux fois par jour, aller récupérer les tinettes, les vider par trois dans de grands baquets. Les internés portaient ces baquets sur des trucks et poussaient les wagonnets jusqu’à l’Ariège. Il fallait ensuite laver les baquets dans l’eau de l’Ariège parfois glacée par endroits, et les remonter ».
Les prisonniers avaient peu de droits durant leur internement, mais leurs quelques droits étaient importants pour eux. On retrouve le droit de correspondance. Les prisonniers avaient droit à quatre pages par mois, pour un destinataire résidant la France, ou alors deux pages par mois pour un destinataire résidant hors de France. L’administration filtrait les lettres, apportant une restriction à la liberté d’expression, tout comme elle lisait les lettres qui arrivaient au camp ainsi que les colis qui servaient pour la plupart à faire transiter des médicaments ou des livres. Les internés avaient aussi un droit de visite, mais uniquement pour les résidents de quartier C. Les autres internés ne pouvaient rencontrer leurs proches mais arrivaient tout de même à les voir
« De temps à autre, soit coté RN20, soit du coté du chemin de st Paul, un interné réussissait à voir son épouse ou sa famille, à cinquante ou soixante mètres et leur faire des gestes de la main. »
Le camp du Vernet avait un droit qui lui était propre : le mariage. Les détenus trouvaient une femme française ou résidant dans un pays neutre, l’épousaient, consommaient ou non le mariage, afin d’avoir une attache et de sortir du camp. On dénombre entre le 18 juin 1940 et le 18 mars 1943 un total de 27 mariages enregistrés à la mairie du Vernet d’Ariège.
A cause de conditions de vie relativement difficiles, les conditions sanitaires au sein du camp étaient déplorables. En effet, le camp a fait face à de nombreuses maladies contagieuses (dysenterie, grippe, typhoïde, variole). Le taux quotidien de malades avoisinait les 25%. Ces épidémies sont le résultat de trois facteurs :
– Un entassement excessif des prisonniers,
« […] nous devions vivre dans notre espace vital de 50 centimètres. »
– L’insalubrité des baraques,
« […] laisser des hommes de soixante ou soixante-dix ans dans des baraques glacées, à une température voisine des -17, -18°C. »
– Mais aussi à un problème de moyens matériels et humains.
En effet, les problèmes d’hygiène du camp, proviennent en partie de la mauvaise qualité et du nombre trop faible des installations, comme le manque de douches et de latrines, dans la partie la plus ancienne du camp. L’infirmerie est assez sommaire, elle est tenue par deux médecins militaires français qui ne parviennent pas à gérer tous les problèmes médicaux. En raison de cette insuffisance de moyens, les malades les plus graves sont répartis dans les hôpitaux de la région. La gestion des eaux usées est un problème majeur qui peut provoquer ou amplifier ces épidémies, mais aucune solution n’est réellement trouvée : « De plus, il ressort des divers rapports émanant des autorités du camp, que le terrain et le manque d’infrastructures particulières telles que des canaux d’évacuation des eaux usées, créent des situations sanitaires totalement insalubres ». Cependant la vaccination des internés est très efficace pour contenir le risque de contagion.
Enfin, le camp totalise un nombre d’environ 60 décès en septembre 1939 dû en grande partie aux maladies ou au froid. Ce chiffre est dans la moyenne si on le compare avec le nombre de morts au camp de Septfond (81 pour 16 000 internés), or le comptage des décès, ne débute qu’en Mars 1939 et peut varier selon les institutions ( Mairie du Vernet, Autorité du Camp).