A partir de février 1939, la France recense 453 000 réfugiés de la Guerre d’Espagne et les répartit de la manière suivante : 270 000 militaires; 170 000 civils; 13 000 blessés et malades. Le gouvernement français est débordé devant cet afflux massif de réfugiés, qui sont d’abord parqués dans des camps comme celui d’Argelès-sur-mer qui héberge 220000 personnes. Les conditions sont épouvantables, il n’y a pas d’abris et le climat n’est pas favorable en cet hiver 1939 où les températures chutent violemment. En réaction à cette arrivée massive, les autorités civiles et militaires créent une commission de recherche de camps de concentration et de rassemblement à partir du 6 février à Foix (Ariège). Le but est de trouver des lieux d’hébergement pour ces personnes dans un périmètre proche et avec une capacité d’accueil importante. Ainsi le 10 février, les premiers internés arrivent au camp du Vernet d’Ariège. On remarque encore une fois que les lieux ne sont pas adaptés à l’accueil d’un nombre aussi important d’individus. En effet, il n’y a seulement dix-neuf baraquements ce qui signifie que beaucoup dorment dehors, parfois dans la neige avec des températures avoisinant les -15°C.
Aux environs de mai, 50 baraques sont bâties pour diminuer les risques de mort, mais cela semble insuffisant. En effet, « Cinquante-sept internés meurent de froid ou de faim de mars à septembre ». De plus, le camp reçoit la visite du général Gamelin en août 1939. Ce dernier fait construire une infirmerie et la nourriture distribuée est plus variée. L’aide vient aussi de l’extérieur du camp, par exemple le Syndicat National des Instituteurs procure « un soutien matériel (vivres, vêtements, argent) et moral (envoi de livres, de lettres) ». Le gouvernement décide alors de vider le camp des éléments les moins dangereux. Ainsi, avant la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne le 3 septembre 1939, le camp ne compte plus que 370 internés. Le graphique ci dessous issu du mémoire de Maugendre Maëlle, présente cette évolution.
Après avoir été utilisé comme centre d’accueil pour les réfugiés espagnols de la Retirada, le camp devient un camp d’internement administratif à partir du 12 octobre 1939. L’objectif du camp est désormais d’isoler des éléments « dangereux pour l’ordre public, suspects au point de vue national ou extrémistes ». En effet, un premier train, mis en service par l’administration française, composé de communistes ainsi que d’allemands, arrive au Vernet d’Ariège ce 12 Octobre. Le 18 Novembre 1939, les conditions d’internement sont modifiées et concernent désormais les individus qui représentent un danger « pour la défense nationale et la sécurité publique ». En conséquence, la population du camp augmente fortement, « passant de 915 le 13 octobre, à 1725 le 1er décembre et à plus de 2000 en février 1940 ». En Juin 1940, des Italiens sont internés dans le camp suite à l’entrée en guerre de Mussolini. Ainsi, de 1939 à 1940 les motifs d’internement au camp du Vernet d’Ariège sont majoritairement des raisons politiques. Sous le régime de Vichy, « les considérations raciales l’emportent désormais ». On note ainsi l’arrivée de juifs étrangers dans le camp, cependant il y a aussi de nouveaux internés pour des raisons politiques. En effet, avec le déclenchement de l’Opération Barbarossa en Juin 1941 des russes sont internés.
Parmi la masse impressionnante d’internés dans le camp on trouvait parfois des personnalités célèbres, que ce soit pour leur engagement politique ou pour leurs talents artistiques. Ainsi, on retrouve de nombreux chefs de la Guerre d’Espagne on peut citer Ricardo Sanz qui a écrit un livre contant son séjour au Vernet : Los que fuimos a Madrid, Columna Durruti, 26a. División. Sanz a dirigé la 26e division Durruti durant la guerre civile espagnole. Aussi des résistants anti-fascistes allemands et autrichiens sont internés à partir du 12 Octobre car bien que se revendiquant contre les régimes totalitaires, ils sont très vite soupçonnés d’être des partisans nazis infiltrés, la «cinquième colonne». Le journaliste allemand Louis Emrich fut interné au Vernet à partir d’octobre 1939, malgré le fait qu’il soit profondément contre Hitler « directeur d’un journal pro-français en Sarre, éditeur d’ouvrages anti-nazis à Strasbourg », il fut déporté en Allemagne. Léon Degrelle fut lui aussi interné au camp. C’était un chef du mouvement rexiste wallon, plus tard il fut libéré à la demande d’Hitler. De plus, le camp accueille des intellectuels comme l’écrivain et dramaturge Friedrich Wolf, renommé pour ses pièces ouvertement opposées au régime nazi, il est surnommé par la presse américaine «l’ennemi n°1 d’Hitler». L’écrivain hongrois Arthur Koestler et l’espagnol Max Aub y ont respectivement écrit La Lie de la Terre et le Manuscrit Corbeau, dans lesquels ils racontent leurs séjours au Vernet.
Le camp fut, de plus, utilisé comme zone d’internement des juifs sous l’autorité allemande. Des juifs furent internés et les allemands arrivèrent au camp, de même que le camp fut par la suite lié à d’autres lieux ariégeois quant aux déportations de juifs. Enfin, en 1944, lorsque le camp fut vidé, on l’utilisa pour interner les allemands qui étaient jusque-là de l’encadrement
Persécutés durant la Seconde Guerre Mondiale, les populations juives subissent différentes évolutions de statut : recensement dans un « fichier des juifs » à chaque préfecture (ordonnance du 27 septembre 1940), assignation à résidence et exclusion des postes de la fonction publique, la presse et le cinéma (3 octobre 1940). De plus, à compter de cette date, chaque préfet peut prendre la décision d’interner les juifs dans des camps de la zone non occupée. Drancy fut ouvert le 10 août 1941, accompagné de la décision d’internement de toute personne non-recensée dans la zone non-occupée. Le premier convoi part de Drancy le 27 mars 1942, suivi le lendemain de l’obligation du port de l’étoile jaune en zone occupée. La France lance un objectif de 100 000 déportations et René Bousquet obtient en contrepartie l’interdiction de déporter des juifs de nationalité française. Les juifs de Paris sont cependant raflés durant la nuit du 16-17 juillet 1942 pour être envoyés dans les camps, soit un total de 13 152 juifs.
Les plaques tournantes de la Gestapo sont installées partout, y compris à Toulouse. En 1943, les juifs jusque-là envoyés directement à Drancy, Dachau, Auschwitz, sont alors parqués dans le fond des camps. au Vernet, ils sont entre trois cent et quatre cent à être parqués en attendant les wagons à bestiaux. Les juifs restant tout au plus un mois au camp, ce n’est qu’un lieu de transit. Le camp du Vernet était à ce moment-là un camp d’internement administratif. Les allemands faisaient beaucoup de visites au camp afin de chercher de la main d’oeuvre pour les usines d’armement. Le camp devint mixte à la fin de l’année 1943, entre 250 et 300 femmes, en provenance de Gurs, qui restèrent un mois au fond du camp avant d’être envoyées à Toulouse puis Drancy. Le débarquement des alliés en Normandie apporta la joie des internés et la panique des allemands qui arrivèrent en masse au camp le matin du 9 juin 1944. Le camp fut vidé quasi totalement, les internés étaient mis dans des wagons à bestiaux pour Drancy. Les 403 qui restèrent dans le camp partirent le 30 juin, rejoignant Toulouse et leurs compagnons d’internement. tous furent envoyés dans le dernier train pour Drancy et la Pologne, le convoi 77 appelé « train fantôme ».
Le camp du Vernet d’Ariège fut de plus mis en relation avec le château de la Hille et le village d’Aulus les Bains
En juillet 1940, les rafles commencèrent et les juifs cachèrent leurs enfants notamment dans des « home d’enfants » encadrés et protégés par le cartel de secours aux enfants victimes de la guerre. Cela deviendra plus tard la croix rouge suisse secours aux enfants. En Ariège, les enfants furent regroupés au château de la Hille. Reculé par rapport à la civilisation, il fut mis rapidement en état par des anciens internés du camp du Vernet. En juin 1941, on comptait 90 occupants dirigés par Rosli Naf. A l’aube du 27 août 1941, les gendarmes arrivent avec une liste de 40 noms d’enfants à consonance juive. Les quarante enfants sont envoyés au camp du Vernet. Rosli Naf les y rejoignit et obtint un droit de visite. Grâce au directeur de la croix rouge suisse secours aux enfants, ceux-ci ne furent pas déportés le 1er septembre et furent ramenés au château après le départ du convoi. En 1943, les déportations reprennent. Les adolescents de plus de seize ans sont déportés, c’est pourquoi les encadrants leur cherchent du travail dans les fermes avoisinantes afin de les faire quitter le château. En 1944, la plupart des jeunes réussit à passer les frontières.
Le village reculé d’Aulus les Bains est réquisitionné mi 1941 par le régime de Vichy afin d’y installer les familles juives sous résidence surveillée. Quelques-uns tentèrent de passer la frontière mais la plupart des hommes étaient bloqués de par leurs familles ou leurs bagages.
La libération arriva peu après, en 1944 et le camp fut vidé de tous ses occupants. Néanmoins les nazis présents en Ariège à la libération furent recherchés et envoyés au camp du Vernet, pour un total de 1800 à 2000 hommes allemands, russes, polonais, mongols, des pays de l’est. Les prisonniers furent transportés par voie pédestre depuis Foix et arrivèrent au camp le 24 août 1944. Ce fut rapidement un fardeau à entretenir. La nourriture était pour partie en provenance de dons des villes de Foix et de Toulouse quant au reste, provenait de réquisitions faites chez les agriculteurs alentours en échanges de bons de caisse. Par la suite, on sépara les différents groupes, militaires du rang, sous-officiers, officiers puis on sépara les hommes selon leur pays d’origine et surtout afin de ne plus mélanger les mongols des allemands qui les prenaient pour des « sous-races ».