Tout d’abord, les premiers internés du camp de Rivesaltes furent les Espagnols, victimes de la Guerre civile. En février 1939, lors de la « Retirada », 500 000 républicains ont traversé les Pyrénées. Le conseil municipal de Perpignan a décidé de répartir les réfugiés dans tous les camps militaires départementaux. Le camp de Rivesaltes accueillit 15 000 réfugiés catalans. Leur situation n’était pas clairement définie, car ils pouvaient être renvoyés de France à tout moment.
Le 17 septembre 1939, une circulaire ordonne l’expulsion ou l’internement des étrangers. Les allemands, qu’il s’agisse de juifs ou d’opposants politiques qui ont fui le nazisme, sont également internés sous prétexte de leur nationalité ennemie. La préfecture rédige un rapport le 5 juillet 1940, où, pour la première fois, les termes « indésirables » et « internés civils considérés comme prisonniers de guerre » sont mentionnés. Ainsi le 10 août 1940, le camp d’internement est rebaptisé « Centre d’hébergement de Rivesaltes ».
Dès 1940, le gouvernement de Vichy aggrave la situation précaire des Tsiganes avec une circulaire précisant que « la circulation des nomades est interdite sur la totalité du territoire métropolitain pour la durée de la guerre » et qu’« il leur sera enjoint de se rendre dans une localité où ils seront tenus à résider sous la surveillance de la police ». Le gouvernement a usé des camps dans une optique de sédentarisation et de contrôle des populations nomades. En juillet 1942, les 380 tsiganes ont définitivement quitté Rivesaltes pour rejoindre le camp de Saliers. Ceci marqua la fin de l’internement des tsiganes au sein du camp.
En participant activement à la déportation, Rivesaltes était un camp de rassemblement régional avant le départ des convois vers Drancy puis vers Auschwitz. Pour répondre à la demande allemande, tous les juifs étrangers, sans papiers, en France ou victime d’une rafle étaient internés dans les camps du sud-ouest dont celui de Rivesaltes. D’après une liste officielle diffusée par Vichy, le camp était destiné à l’« hébergement surveillé » des « étrangers avec familles et nomades français ». Il devint alors le « Centre national de rassemblement des israélites ». Le camp d’internement de Rivesaltes ferma ses portes le 24 novembre 1942. Les internés restant sont dispersés entre le camp de Gurs, Saliers et les GTE.
La répartition de la population, au sein du camp de Rivesaltes, évolua pendant toute la période d’internement tout en conservant les grandes lignes d’attribution des îlots : le regroupement était effectué en fonction des origines et des dates d’arrivées. La distribution d’îlots pour les juifs fut particulièrement entrecoupée par différents événements et différentes politiques d’internement. A partir de la Pessa’h (Pâques juives) de 1941 les femmes et enfants sont séparés des hommes. Puis, les autorités décidèrent d’isoler, dès leur arrivée, les femmes et enfants juifs qui rejoignaient l’îlot K (le plus délabré du camp).
La garde du camp de Rivesaltes connu de graves problèmes de 1941 à 1942. En effet beaucoup de gardiens ont été révoqué ou réprimé pour avoir été coupable de différents méfaits : absentéisme, vols de nourriture destinée aux internés, brutalités, alcoolisme forcené, violences sexuelles, échanges de nourriture contre un service sexuel ou corruption pour permettre une évasion.
Les conditions sanitaires étaient médiocres : la quantité de savon était limitée et les latrines débordantes dégageaient une odeur nauséabonde. Les denrées alimentaires journalières représentaient 800 calories, soit la moitié de la ration minimale nécessaire pour un adulte. L’hiver de 1942 fut particulièrement meurtrier entre le froid, la faim et les maladies.
Pour améliorer les conditions de vie, plusieurs œuvres d’assistance étaient présentes au sein du camp de Rivesaltes : la Croix-Rouge, les « Quackers » américains, l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants), le Secours National sous l’autorité de Pétain, la CIMADE de confession protestante ainsi que le YMCA (Young Men’s Christian Association). L’hôpital Saint-Louis de Perpignan et la pouponnière de Banyuls accueillaient les malades du camp. La maternité de l’Elne a été créé en 1939 et a vu naître 597 enfants. Dès le 15 mai 1941 des écoles sont installées pour 1 550 enfants répartis dans 17 classes. Cependant, les médiocres conditions d’enseignement ont fait diminuer le nombre d’enfants scolarisés. En octobre 1941 la CIMADE créa un « jardin d’enfants » pour divertir les enfants.
La déportation commença en août 1942. Au total 2 313 personnes ont quitté le camp à destination de Drancy, avant de rejoindre Auschwitz.
Au début de l’internement des juifs, les œuvres d’assistances n’avaient pas accès aux îlots où la population juive du camp de Rivesaltes était internée. Ce n’est qu’après de longues négociations que les juifs ont pu être aidés par des organismes de secours. Toutes ces différentes méthodes de mise à l’écart des juifs au sein du camp de Rivesaltes avait un seul but : faciliter la déportation vers Drancy d’août 1942.
Le 18 mars 1962, les Accords d’Évian sont signés et mettent fin à la guerre d’Algérie. Perçus comme des traîtres par les Algériens, les Harkis fuient l’Algérie pour trouver refuge en France. Tout laisse à penser que plus de 20 000 Harkis ont transité par le camp de Rivesaltes.
A leur arrivée en France, en 1962, les Harkis ont été mis à l’écart et ce malgré leur statut de « civils ». Pour justifier cette exclusion, le Ministre des Armées Pierre Messmer les juge « au-dessous du niveau minimum nécessaire à l’adaptation à la vie française ». La loi du 1er juillet 1962 enleva la nationalité française aux Harkis. Pour la recouvrer ils devaient faire une demande auprès du tribunal d’instance. Cependant, dans un but « d’intégration », on leur demandait d’oublier leur religion et leurs noms de familles étaient francisés.
Au 23 octobre 1962, on dénombre 9 620 personnes internées au camp de Rivesaltes, dont 1 910 femmes, 3 050 hommes et 4 660 enfants. Au vue de cette forte densité de population, les habitants de Perpignan sont contre le camp de Rivesaltes. Ces tensions se font ressentir à travers la presse avec des titres de journaux évocateurs de ce désarroi : « Rivesaltes à l’heure des Harkis ».
Pour permettre l’intégration des Harkis, l’administration mit en place des institutions de formation et d’apprentissage : 50 institutrices sont chargées de donner une formation aux enfants en bas-âge, le Secours Catholique s’occupe d’apprendre aux mères comment prendre soin de leur nouveaux-nés et les formations sur quinze métiers du bâtiment destinées aux adultes.