Un sentiment d’exclusion
Le 12 novembre 1938, un décret-loi du gouvernement Daladier est promulgué, facilitant les expulsions et ouvrant la création de « camps de concentration » pour les étrangers « indésirables ». Le 18 novembre 1939, en élargissement de celle du 12 novembre, une nouvelle loi permet l’internement d’individus français ou étrangers dangereux pour l’État. On assiste peu après à l’accueil, par la France, de réfugiés espagnols venus en nombre en raison de la guerre civile espagnole (la Catalogne tombe en mars 1939). Le 21 janvier 1939, suite à cet événement, une loi ayant pour but de créer des centres spéciaux de rassemblement pour ces réfugiés est votée, renforçant les textes existants. Plusieurs camps voient le jour dans le sud-ouest de la France.
Le 10 juillet 1940 marque l’arrivée de Philippe Pétain qui reçoit les pleins pouvoirs de l’Assemblée, après la défaite de la France et la démission de Daladier. Dès lors, il dirige « l’État français » fréquemment connu sous le terme de « régime de Vichy ». A contrario du gouvernement Daladier, les lois concernant les camps d’internements deviennent plus répressives pour les juifs étrangers et français. Le 4 octobre 1940, un loi est créée afin d’interner immédiatement « tout ressortissant étranger de race juive ». Le 1er mars 1941, Pétain revient sur les personnes « indésirables », qui sont désormais internées loin de leurs domiciles afin d’anéantir toute menace potentielle de résistance ou d’aide extérieure. Le 2 juin 1941, une loi est mise en place en substitution de celle du 3 octobre 1940 sur le statut des juifs dans le régime (un Français juif est exclu de toute fonction publique, commerciales et industrielles). En plus de cela, les préfets ont le droit de prononcer l’internement dans un camp spécial pour n’importe quel juif même si celui-ci est français.
Encadrement à différents échelons
Les lois ne définissent pas la politique d’encadrement des camps d’internement. C’est pour cela que les systèmes de surveillance sont différents selon les camps, en étant plus ou moins répressifs.
Il y a tout d’abord, les camps hôpitaux, tels que celui du Récébédou ou de Noé, qui ont une politique d’encadrement plus souple que les autres car ils n’hébergent que des personnes faibles, malades ou âgées. Les internés de ces camps ne sont pas en mesure de poser des problèmes de discipline et ne nécessitent donc pas un fort encadrement. Ils restent tout de même surveillés car ils restent «indésirables».
Il y a ensuite les centres d’hébergements qui, à cette époque, se trouvent presque dans tous les départements comme par exemple celui de Saint-Sulpice dans le Tarn, Gurs dans les Hautes-Pyrénées ou encore celui d’Argelès et Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales. Chaque camp est encadré de la même manière se positionnant entre un centre de séjour surveillé et un camp répressif. Si l’encadrement est plus léger, il n’en demeure pas moins dur.
Enfin, il y a les camps répressifs qui ne concernent dans le sud-ouest que le camp du Vernet. Il est généralement destiné aux soldats de l’armée républicaine espagnole et aux personnes politiques qualifiées de « dangereuses ». Afin de se faire respecter, les gardes n’hésitent pas à employer la violence. L’encadrement est donc très dur dans ce camp où les internés sont traités comme des prisonniers, vivant dans la répression constante. La dureté de cette situation répressive se ressent au quotidien, par exemple « quand ils faisaient l’appel, les gardes se fichaient de le faire dans le froid. » , d’après le témoignage d’Antoine Canovas, publié dans le livre de l’office de tourisme du Saverdun.
La survie par le travail
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la France manque cruellement de main-d’œuvre pour assurer la défense nationale. Pour résoudre ce problème, le gouvernement Daladier promulgue un décret-loi en avril 1939 déclarant que les réfugiés bénéficiaires du droit d’asile ou apatrides doivent participer à la défense du pays sous forme de « prestations » obligatoires.
Le recrutement se fait soit collectivement, soit individuellement pour les Espagnols dans les secteurs agricoles, industriels, et dans une moindre mesure militaire. On nomme ces camps des CTE (Compagnie de Travailleurs Espagnols). Ainsi, les internés reçoivent la visite de « recruteurs » au sein même des camps et sont triés sur le volet suivant leur constitution physique. Le travail leur permet en effet de sortir du cadre pénitentiaire des camps pour finalement vivre en dehors des murs, et ainsi échapper à ce sentiment d’emprisonnement. Les compagnies sont affectées à des travaux liés à l’effort de guerre comme des travaux sur la ligne Maginot ou la construction de pièges antichars.
Les internés allemands sont, quant à eux, engagés soit, à travailler pour la légion étrangère, soit à quitter sans délai la France, soit à demeurer internés ou à accomplir des prestations lors de la déclaration de guerre contre l’Allemagne. Des internés Italiens et des Juifs ont aussi relayé des compagnies espagnoles jusqu‘en 1943. La rémunération des travailleurs étrangers est aussi un facteur important et a connu des évolutions dans le temps. Les travailleurs forcés reçoivent un faible revenu qui peut constituer pour les internés une raison supplémentaire de sortir des camps pour travailler, même en considérant le salaire dérisoire accordé pour leurs services.
Les femmes exécutent un travail bien différent. Elles doivent effectuer des taches au sein même du camp comme l’épluchage des légumes, le nettoyage des camps ou encore tricoter des chaussettes pour l’armée.
A partir de mars 1940, le manque de main d’œuvre pousse le recrutement à se faire dans la précipitation, ainsi, des internés âgés, malades ou peu habitués aux travaux de force sont tout de même considérés comme « aptes » pour des travaux dans des CTM (Compagnies de Travailleurs Militaires).
Avec la défaite de la France face aux nazis en Juin 1940, de nouvelles dispositions sont prises. Les CTM n’ont alors plus de raison d’être puisque la France est sous l’occupation allemande, et par conséquent la contribution à l’effort militaire n’est plus à jour. elles sont dès lors abolies. Sous le régime de Vichy, les CTE sont remplacées par des “Unions professionnelles”. De plus, des commissariats à la lutte contre le chômage (CLC) sont créés jusqu’en 1943 pour éviter d’éventuels troubles sociaux pour une population ayant particulièrement souffert de la guerre, Français ou réfugiés. Durant l’occupation, une loi a promulgué la « protection de la main-d’œuvre nationale » qui instaure des quotas pour les étrangers désireux de travailler. Ainsi, l’échappatoire que constitue le travail à l’extérieur des camps s‘est raréfiée et est devenue très sélective. Les CTE ont laissé la place aux GTE (Groupes de Travailleurs Étrangers) sous la seule tutelle du ministre du Travail et de la Production. Ces nouvelles structures ont désormais une finalité punitive.
MIARA Walid, MOULARAT Romain