A l’échelle locale, différents acteurs interviennent également dans le processus.

 L’architecture des camps se met en place

Des structures d’encadrement sont réalisées petit à petit. Tout d’abord, les baraquements s’organisent peu à peu avec l’installation de lavoirs, la création d’infirmeries, de cuisines, de latrines couvertes et cloisonnées. Les conditions d’internement deviennent un peu plus décentes.

Carte réalisée par Monique Morales Source : Livre Les Camps du Sud-ouest de la France  Page 78, édition Privat

Le camp de Brens en 1941

Le camp de Gurs dans les Pyrénées-Atlantiques est construit en 1939 pour y recevoir les juifs et les détenus politiques notamment des communistes français. Le camps compte 425 baraques construites réparties sur 13 îlots (ce qui fait à peu près une trentaine de baraques par îlot). Certaines de ces baraques en bois sont transformées en infirmerie mais le matériel médical est encore très rare. Ensuite, un hangar est construit en tôle de zinc et sert de cuisine avec deux cuisinières qui y travaillent. L’aménagement de baraques pour les douches améliore également l’hygiène dans le camp. Des baraques disposent aussi de lavabos avec une quarantaine de robinets qui distribuent de l’eau à certaines heures de la journée pour les réfugiés. Le camp est entouré de fils barbelés avec des miradors surveillant les personnes internées.

Le préfet du Tarn établit le 16 octobre 1939 le camp de Brens à proximité de Gaillac dans le Tarn pour y accueillir les réfugiés. C’est au début un camp pour réfugiés espagnols, puis un centre d’hébergement pour juifs étrangers et enfin un camp de femmes. Les pensionnaires du camp sont en libre circulation jusqu’en 1940 avant que celle-ci soit interdite. La situation n’est guère brillante : plus de 100 personnes par baraques, les vêtements et les chaussures manquent, il n’y a pas de lait frais pour les enfants et l’eau potable est en quantité insuffisante, pas d’infirmerie alors que de nombreux enfants sont atteints d’angines, d’otites et aussi de congestion pulmonaire. Le 31 décembre 1941, le préfet du Tarn annonce que Brens vient d’être retenu par la direction de la Police nationale pour l’installation d’un « camp de concentration ». On y procède donc à des travaux, une clôture de fil de barbelé est installée, des miradors de garde avec plus de 150 gardes qui assurent la sécurité, des baraques en bois, une infirmerie.

Une plus grande organisation et des moyens de sécurité se mettent en œuvre. L’installation des clôtures de barbelés (double rangées) et des miradors permettent également une plus grande sécurité. Des baraques de miliciens sont construites dans le camp pour améliorer la surveillance. Une structure et une organisation plus élaborée se dessinent peu à peu.

 Une conception étudiée et réfléchie

Avant de construire, le ministère de l’Intérieur inspecte d’abord les terrains les plus adaptés pour y établir un camp. Ensuite, la situation géographique des camps est étudiée pour qu’ils soient construits à proximité des axes routiers et des voies ferrées pour des liaisons plus faciles. De plus, pour résoudre le problème de ravitaillement donc les livraisons insuffisantes, des terrains à proximité sont loués à des volontaires qui, avec leur récolte, apportent une ration alimentaire en plus au camp. Ces prisons de fortune se situent à proximité de forêts et sont éloignées des populations pour ne pas trop sensibiliser les masses avec ce genre de méthode et ainsi maintenir les déportés dans l’isolement.

Sous le régime pétainiste, les camps ont chacun une fonction typologique distincte telle que : camp d’accueil, d’internement, de séjour, de prisonniers, ou alors de transit. On décide aussi la création de camp hôpitaux, comme par exemple celui de l’île de Noé réservé aux personnes âgées, infirmes et malades. Avec des baraques propres, avec des toits de ciment ondulés et des murs blanchis à la chaux, avec un poêle en fer, avec du petit bois côté pour se chauffer, les conditions d’internement sont nettement plus agréables que d’autres camps. Le camp est placé sous l’autorité de la Garde nationale.

Source : Archives des Pyrénées-Atlantiques

Centre d’accueil des réfugiés espagnols » de Gurs en construction par Ponts et Chaussées, le 1er avril 1939.

Malgré une architecture inspirée, l’architecte et l’urbanisme n’ont pas leur place dans la mise en œuvre des camps du sud-ouest. Sous les ordres du ministère de l’Intérieur, les ingénieurs des Ponts et-Chaussées avaient la responsabilité de construire les camps inexistants ou de rénover d’anciens lieux pour y accueillir les internés. Puis, les préfets convoquent des entreprises privées qui construisent les camps d’internement aidées par les futurs pensionnaires de ces mêmes camps. La construction se fait donc par étape et elle est le résultat d’une demande venant du gouvernement français. Une structure et une organisation plus élaborée se dessinent. Aucun architecte n’était donc présent lors de l’élaboration d’un camp. Ces ingénieurs travaillaient dans l’urgence, avec le contexte de guerre ils faisaient du fonctionnel, souvent en suivant un plan orthogonal.

Le financement et le budget

Les budgets alloués à la construction des camps ainsi que les sources des financements sont différents en fonction du régime qui les dirige. C’est ainsi qu’entre 1936 et 1940, les camps du sud-ouest de la France sont construits et gérés par les garnisons militaires présentes dans les villes ou sont construites les camps. C’est par exemple le cas d’Agde, de Perpignan ou encore de Rivesaltes, où les baraquements sont venus s’apposer aux baraquements déjà existants du 9° Régiment d’artillerie, ce qui montre à la fois un réel désir de rapidité dans la construction des camps, mais aussi un non-contrôle de l’État dans la conception et le financement de ces camps.

Cette situation change dès 1940, date à laquelle l’ensemble ces camps passe sous l’autorité du Ministère de l’intérieur. Ce dernier réalise chaque année des budgets-prévisionnels qui sont étudiés et réels qui sont appliqués lors de comités budgétaires de la Direction Générale de la Sécurité Nationale (maintenant : DGSN). Ces derniers allouent les fonds nécessaires à la construction de nouveaux camps, mais aussi ceux qui sont nécessaires au fonctionnement du camp, tel que les salaires des gardes – désormais policiers-, ou encore les dépenses en nourriture et en transport de détenus. Des crédits sont aussi demandés à la Banque de France une fois les budgets validés, mais les dépenses en termes de construction et d’aménagement sont assurées par les préfets qui sont ensuite remboursés par l’État.

Source : Denis Peschanski.  Les camps français d'internement (1938-1946)  Doctorat d'Etat. History.Universite Pnathéon-Sorbonne-Paris I, 2000

Tableau rédigé en 1942 pour le prévisionnel 1943.

Les entreprises locales se situant à proximité des camps fournissent les matériaux nécessaires à savoir pour la plupart du temps du bois blanc très poreux recouvert de cartons bitumés, baraques qui ne résistent donc pas aux intempéries et ainsi très précaires, car elles sont inconfortables et érigées avec des matériaux de basses qualités de secours est clairement expliqué comment il fallait qu’ils s’y prennent pour faire des économies.