Aménagement du camp de Noé

Suite à la décision du Ministère de la Guerre, le 20 septembre 1940, est créé Noé, « centre de séjour surveillé » – ou « camp d’internement » -, connu, à partir de février 1941, sous la dénomination de « camp-hôpital ». Par la création de ce camp, Vichy construit une base solide pour sa nouvelle politique vis-à-vis de l’internement.

Avant de devenir un symbole de la politique vichyssoise, Noé était un village d’une dimension importante, regroupant environ mille habitants, étendus sur un espace de mille hectares. Dès 1937, l’espace sur lequel est installé le camp de Noé – l’ancienne poudrerie du Fauga – est aménagé en camp-hôpital par des travailleurs espagnols du G.T.E. (Groupe de Travailleurs Étrangers). Dès lors, nous observons une différence d’avec les autres camps ; des pavillons sont mis en place – et non plus des baraques –, les fils de fer barbelés sont remplacés par des morceaux de bois, tout cela dans le but d’atténuer l’idée d’enfermement et de mettre en œuvre une opération publicitaire visant à faire de Noé une vitrine sur la politique française d’internement. Ce qui, d’après les paroles du Chef du camp en 1941, semble fonctionner, les étrangers présents étant « généralement heureux d’être à l’abri en attendant des jours meilleurs ». De par sa dénomination de camp d’internement administratif, Noé est un espace fermé, pouvant accueillir une population de 1 650 internés, visant à regrouper des personnes privées de leur droit de liberté, et ce, par une décision totalement arbitraire. Cette décision était incontestable par les tribunaux ou la justice et ne pouvait être prise que par le Ministre de l’Intérieur. L’internement administratif débutant dès 1938 et la France étant dès lors sous le gouvernement de la Troisième République, la nation française fut la première république à priver arbitrairement sa population de ses libertés.

Carte reprenant les différents camps d'internement dans le sud de la France

Carte des camps d’internement dans le sud de la France pendant la Seconde Guerre mondiale

Ainsi, dès 1940, le camp de Noé s’inscrit dans l’archipel des camps d’internement du Sud-Ouest de la France, regroupant Récébédou – son camp jumeau –, Septfonds, Brens, Saint-Sulpice, Gurs, Le Vernet, Bram, Mauzac, Rivesaltes, Agde, Le Barcares, Saint-Cyprien.

Suite aux 6 premiers convois d’étrangers venus des camps voisins en février 1941, la population de Noé s’étend déjà jusqu’à 1 500 internés. L’ensemble des internés se divise alors en deux catégories. Sont présents, d’une part, des anciens miliciens espagnols invalides venus de Catalogne française en 1941, et d’autre part, des juifs allemands, pour qui le camp de Noé n’était qu’une des différentes étapes avant leur transfert au camp d’extermination nazi d’Auschwitz. En tant que camp-hôpital, Noé se devait d’accueillir une importante population de personnes âgées et/ou invalides, qui étaient divisées en catégories en fonction des âges ; moins de 18 ans, de 18 ans à 55 ans, et plus de 55 ans.

Le 7 janvier 1941, Marcel Peyrouton, ministre de l’Intérieur sous Pétain, met en place deux décisions, susceptibles de changer radicalement l’organisation du camp de Noé. Il s’agit, tout d’abord, de l’acceptation de l’aide de 21 associations humanitaires au sein du camp, dont 4 associations américaines. La Suisse a également répondu présente parmi les différentes aides mises en place, notamment par l’action du Comité International de la Croix-Rouge (C.I.C.R.). Sur le plan national, la Croix-Rouge Française (C.R.F.) intervient auprès des internés dans la même optique que son intervention dans les prisons, c’est-à-dire afin « d’assurer leur assistance en raison de son rôle humanitaire général, comme elle est amenée à s’occuper de détenus de droit commun ». Leur mission principale repose dans le ravitaillement et la gestion des internés au sein du camp. La décision de Marcel Peyrouton vise avant tout à embellir l’image des camps d’internement sur le plan international, notamment vis-à-vis des Américains, adeptes des critiques sur le traitement des internés dans les camps français.

La seconde décision prise fut celle de la création de la nomination de « camp-hôpital ». À partir de février 1941, Noé étant devenu un « camp-hôpital », sont alors créées des baraques d’infirmerie, isolées du reste de la population, dans le but de recevoir plus de 150 tuberculeux. Cependant, il reste très difficile de déployer de grands moyens pour s’occuper des malades. Le personnel médical était formé d’un médecin, d’une infirmière-major et de 25 infirmières. En ce qui concerne la question du matériel médical, les camps du Sud-Ouest de la France restaient très mal lotis.

Photographie de malades cachectiques prise par le Docteur Weill dans le camp de Noé

Photographie de malades cachectiques pendant la Seconde Guerre mondiale

De nombreuses maladies, notamment dues aux conditions de vie exécrables, font leur apparition au sein du camp. Les plus meurtrières sont l’hypertension, les cardiopathies, les bronchites chroniques, la cachexie, et la tuberculose pulmonaire et osseuse. En mai 1941, environ 37 % des internés souffrent d’une de ces maladies, à l’origine de la mort de 556 internés.

Environ un mois après la création du camp-hôpital, en mars 1941, des journalistes américains vinrent visiter les « camps-vitrines » français de Noé et du Récébédou, afin d’observer les conditions de vie des internés dans la zone non-occupée ; conditions qui semblent néanmoins les avoir satisfaits puisqu’ils finirent par rendre un « éclatant hommage au Maréchal Pétain ». Ces propos restent cependant à nuancer, notamment à la vue d’un rapport effectué par la Croix-Rouge après les déportations de 1942 certifiant que « le centre de Noé regroupe essentiellement des vieillards et des malades sans que ni les conditions d’hygiène, ni des soins, ni de l’alimentation diffèrent sensiblement des autres camps ».

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