Les besoins élementaires

Le manque de nourriture

     Il faut noter que selon des années (1939 ou 1946 par exemple) et qu’en fonction des différents camps les portions alimentaires sont très variables.

L’armée est chargée de l’approvisionnement en nourriture. Souvent, au sein des Pyrénées-Orientales, sa tâche est la distribution du pain et de dons associatifs aux réfugiés. Cependant, en 1939, l’hebdomadaire Le Travailleur Catalan dénonce une entrave des autorités à la passation des vivres venant d’associations humanitaires. Au camp du Vernet, en 1939, les données sont plus précises. Les portions journalières sont, en comptabilisant petit-déjeuner, déjeuner et dîner : du café, 250 g de pain de campagne, lentilles et riz et enfin demi-litre de soupe. À Collioure, le «camp des fortes têtes », les prisonniers sont affamés, avec quasiment juste un repas par jour. À Bram, dans l’Aude, la nourriture est très variée, et les internés sont beaucoup mieux nourris que ceux d’autres camps . En effet, il y a de la viande ou de la morue quatre fois par semaine, une grande variété de légumes, parfois du saucisson et du pâté, et 600 g de pain par jour.

Repas d'internés dans le camps de Milles. Photo Site-Mémorial du Camp des Milles

Repas d’internés dans le camps de Milles

Cependant, avec l’avènement de la France de Vichy, les restrictions touchent tous les Français, et les internés le deviennent d’autant plus. Durant l’année 1941, 347 Espagnols participent à La Boulangerie Ouvrière de Campagne de Bram. 50 000 kg de pain sortent chaque jour de tous ces fours pour lutter contre la faim. À Rivesaltes, pour réaliser 2,5 francs d’économie par jour et par interné, les gestionnaires rognent sur toutes les rations, dont le plus frappant est la quantité de pain, 200 g au lieu de 275 prévus.

Après une majorité de fermetures entre 1942 et 1944 (sauf pour ceux de transit), les camps sont de nouveau ouverts jusqu’en 1946, surtout pour les prisonniers allemands, où tous les vivres sont concédés en fonction des préfets et des ministères à la demande des gestionnaires.

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Les conditions de vie sanitaire et médicale

     L’arrivée massive des réfugiés a pris de court les autorités françaises. De fait, rien n’est prévu pour ces hommes, femmes et enfants, qui sont déjà dans un état pitoyable à leur arrivée dans les camps.

L’improvisation est alors de rigueur, et les réfugiés sont réduits à laver leur linge dans l’eau boueuse du fossé qui traverse leur camp. La boue, couplée à un climat très rude comme au camp du Vernet (parfois quinze degrés au-dessous de zéro), est un calvaire pour les réfugiés d’un point de vue sanitaire. D’autant plus que les poux, les puces et les punaises prolifèrent parmi les réfugiés, sans compter les rats qui véhiculent des parasites. Une maladie bien spécifique a fait son apparition au camp d’Argelès-sur-Mer, puisqu’elle est née du sable, « la arena » surnommée Arenitis. De nouvelles installations peuvent cependant améliorer un tant soit peu l’existence des internés dans certains camps.

Dessins de Sylta Busse, Académie des Beaux-Arts de Berlin-Brandebourg, Stiftung Archiv.

Dessin réalisé à Rieucros par Sylta Busse.

Les latrines sont aussi un réel problème d’un point de vue sanitaire. Des tinettes mobiles sont installées la plupart du temps et doivent être enlevées soit par les réfugiés eux mêmes, qui les vident hors du camp, soit par des sociétés, comme la société Montalbanaise à Septfonds. Ces latrines sont souvent installées au fond des camps et parfois couvertes. Cependant, certains camps doivent, dans la précipitation, accueillir les réfugiés sans que les latrines ne soient encore installées.

Le personnel soignant est généralement constitué d’une petite équipe, avec à sa tête un médecin-commandant. Les infirmiers doivent improviser en permanence à cause du manque de matériel médical. La hantise des médecins, eux-même internés, sont d’éviter toute contagion. Ainsi, ils s’organisent pour effectuer des tours d’inspection dans les camps, dans le but de repérer d’éventuels symptômes. Bien sur, aucune installation ne permet de réaliser des opérations chirurgicales.

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Le quotidien des internés dans les baraques

      La question du quotidien s’établit sur du cas par cas.

Dans les premiers temps du camp d’Argelès-Sur-Mer, les cabanes sont construites avec des matériaux de fortune par les réfugiés. On les nomme « Chabolas ». Il n’y a ni latrines, ni eau potable, ni électricité, et encore moins de sol salubre. Après 1940, la construction des baraques est entreprise. D’après Remei Oliva, il y avait une grande pièce commune où les lits étaient alignés, avec un poêle au milieu pour le chauffage. Les camps sont séparés selon le genre (hommes-femmes) et le statut (militaire, civil).

À Saint-Cyprien, le camp est construit en quelques mois. Chaque baraque se compose de planches et de tôles. Malgré des conditions sanitaires déplorables (eau non potable, latrines infectées), des « îlots » de baraques se spécifient. Par exemple, les réfugiés lisent le journal créé par les artistes, L’îlot des Arts.

Pour le camp du Barcarès en 1939, Henri Ribera, alors jeune engagé dans les Régiments de Marche du Bacarès, indique des conditions de vie plus que rudimentaires. Il évoque également les puces, ainsi que la tâche de changement des latrines, bidons posés sous des estrades en bois.

Engagés volontaires du 21e RMVE dans une baraque du camp d’instruction militaire du Barcarès (Pyrénées-orientales). [France, 1939-1940. – © Mémorial de la Shoah / UEVACJ-EA.]

Engagés volontaires dans une baraque

À Collioure, les « fortes têtes » finissent entassées dans un château insalubre. Les prisonniers levés aux aurores, après une course à la toilette au seul point d’eau, ont droit à un semblant de petit-déjeuner avant d’entamer une journée de travail de 12h. Aucune activité et aucun contact n’est toléré. Le silence est obligatoire, et ils subissent toutes sortes de brutalités.

Le camp du Vernet permet initialement de recueillir 5 000 personnes alors que 15 000 y sont destinées. Les réfugiés sont donc entassés par 120 par baraque, en attendant la construction des nouvelles installations. En 1939, chacune des baraques compte 50 occupants. Ils disposent de longs lavabos métalliques pour la toilette et le linge. C’est en mai 1940 que les baraques disposent enfin de poêles et de lumière. Les réfugiés sont séparés par catégorie, le camp A pour les prisonniers de droit commun, le camp B pour les opposants, et les autres au C.

Enfin, au camp d’Agde, à l’arrivée, les hommes s’entassent à près de 250 dans chaque baraque. L’espace y est exigu, certains dorment par terre, et les fenêtres sans vitres doivent rester fermées à cause du froid. Les déplacements sont réglementés, les journaux sont contrôlés et il est bien entendu interdit d’exprimer toute politisation.

On peut donc observer qu’au même titre que les conditions de vie ou la nourriture, la vie des personnes diffèrent énormément selon les camps. Ainsi les baraques ne sont pas non plus le logement unique. Plus ou moins difficile, chaque quotidien est propre à chacun en fonction du lieu où il se trouve.

VIANO Victor, MOULARAT Romain