Les français et l’internement

     Aveuglé par la propagande ministérielle des gouvernements successifs, les civils n’ont qu’une vague image et souvent déformée des camps d’internement. Le contrôle des journaux est très vite une préoccupation pour les gouvernements français qui vont essayer de contrôler la presse, allant jusqu’à la censure et l’interdiction d’entrer dans les camps pour les journaux français. Cette censure a bien sûr pour but de contrôler l’opinion publique. C’est dès le gouvernement de Daladier que va être mis en place le contrôle de l’image des camps. Mais c’est le régime de Vichy et son habileté à la propagande qui vont se lancer dans un véritable contrôle des consciences à travers d’outils comme la culture. Le régime exerce son autorité sur les différents organismes de presse, de la radio aux journaux et ne tolère aucune opposition. Ce qui marque une véritable volonté de faire oublier l’existence des camps d’internements aux Français.

    Afin d’étudier les « images » des camps d’internement, il est important d’étudier aussi les témoignages à la fois de simples civils et des internés. Afin de voir le décalage entre ce que savaient et voyaient les civils et la réalité que les internés vivaient. Les témoignages sont d’importantes sources d’information. Que ce soit pour en apprendre plus sur les conditions de vie dans les camps ou sur l’organisation des camps. Les internés décrivent avec précision les lieux et les taches qui rythment leur journée. Ils nous renseignent aussi sur les relations entre les gardes et les internés, de même que sur la complexité des rapports entre les internés. Ils nous permettent aussi de voir l’évolution de l’interaction entre le camp et l’extérieur.

   Pour étudier ces témoignages, il faut bien sûr prendre en compte, les traumatismes dans la perception des témoins de cette époque où la France connaît une crise économique et une guerre mondiale (1940-1945). La France à partir de 1940 est sous le contrôle de l’occupant Allemand ce qui va bien sur changer la façon de voir des Français qui ont peur de l’avenir et encore plus du présent. Il est donc important de confronter les faits aux témoignages. Nous verrons ainsi qu’il y a une véritable évolution de « l’image » des camps d’internement dans l’esprit des Français à travers les différents gouvernements de Daladier à Vichy.

Une arme politique

L’enfermement des ressortissants républicains des régimes fascistes

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La Retirada espagnole

   Si le gouvernement et une bonne partie de la population furent rétifs à accueillir ces réfugiés étrangers, certains français vinrent pourtant à leur aide, les assistant pour la traversée, leur offrant du réconfort. Nous pouvons en voir un exemple sur l’image d’en-dessous : en effet, l’homme au béret derrière l’enfant blessé était un français, tenant la main à un enfant espagnol.2 En parallèle, le 12 novembre 1938, la première loi permettant l’internement administratif des« indésirables étrangers » fut votée et approuvée par la IIIème République. Ainsi, les réfugiés espagnols furent les premiers à devoir ce soumettre à cette loi xénophobe.

   Vint, en septembre 1939, l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, les réfugiés espagnols furent rejoint par une nouvelle catégorie, dénommée officiellement en tant que : « ressortissants des puissances ennemies ». Il s’agissait là de réfugiés Allemands et Autrichiens, recherchant la sécurité de la France, tout en fuyant un pays où leurs vies étaient en danger : l’Autriche étant rattachée à l’Allemagne depuis l’Anschluss (12 mars 1938), les gouvernements étaient les mêmes et les « indésirables » également.

   Aussi, les réfugiés étaient principalement composés de Juifs, de Communistes, etc. La plupart des internés furent des femmes, les hommes étant renvoyés dans leur pays d’origine. Plusieurs lois furent alors votées, réprimant ces communautés, qu’elles soient étrangères ou non. (interdiction des organisations communistes en 1939, par exemple). De même, le 18 novembre 1939, le gouvernement fit passer un nouveau décret : « […] les individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique peuvent, sur décision du préfet, être éloignés par l’autorité militaire des lieux où ils résident, et, en cas de nécessité, être astreint à résider dans un centre désigné par décision du ministre de la défense nationale et de la guerre et du ministre de l’intérieur. […] Les individus soumis aux dispositions du présent décret peuvent être requis en vue d’accomplir tous travaux intéressant la défense nationale. […] tout individu astreint à résider dans un des centres prévus à l’art. 2 qui le quittera sans autorisation, sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans. »3

   Ainsi, il s’agissait alors d’enfermer des catégories de personnes non pas après avoir eu la preuve véritable de leur dangerosité, mais selon le danger potentiel qu’elles pourraient éventuellement représenter pour la population, selon des critères telles que leur ethnie, leur origine, leurs opinions politiques, etc. Cela s’emboîte dans les quatre logiques qui se sont succédées tour à tour en France : entre 1938 et 1940, l’exception ; entre 1940 et 1942, l’exclusion ; entre 1943 et 1944, la déportation et le retour à la première logique entre 1944 et 1946.

   En effet, sous Vichy principalement, les « indésirables » étaient ces catégories-là de la population, que le Maréchal Pétain nomma « les forces de l’anti-France », et dont il se servit pour sa propagande, mais également pour les valeurs : « Travail, Famille, Patrie. » Selon cette même politique, les camps d’internement étaient devenus essentiels pour ‘sauver’ la France, en enfermant ces éléments indésirables, à l’abri des regards, et les excluant de la population française. C’était, par conséquent, un moyen pour le Régime de Vichy d’enfermer en toute impunité les possibles opposants. Ainsi, l’internement était devenu une arme politique, un outil pour contrôler la population et les opinions.

Sous l’occupation, enfermement des « indésirables » désignés par le IIIème Reich

    La période d’occupation allemande débute dès le 22 juin 1940, avec l’armistice signée entre la France et l’Allemagne. Dirigée par le Maréchal Pétain, la France devint l’État français, mais sera ensuite connue comme le Régime de Vichy. La France, soumise à l’Allemagne, subira des dommages économiques, humains, et territoriaux. Pour assurer la place ainsi que l’autorité de la France dans ce nouveau monde, Pierre Laval, chef du gouvernement après le 18 avril 1942, met en exergue la collaboration de la France avec le IIIème Reich.

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Le Juif, parasitant la France ?

   S’agissant là de propagande, ces expositions seront diffusées publiquement par les Actualités Mondiales qui était une presse filmée de propagande sous le Régime de Vichy, présentant, dans des éditions d’une quinzaine de minutes, la situation de la France et du IIIème Reich d’une manière positive.

   Cependant, avec cette collaboration, d’autres mesures furent également prises. Après la Conférence de Wansee7, le Régime de Vichy fit, dès le printemps 1942, entrer les camps d’internement français dans cette politique d’extermination. Les camps français demeurèrent des camps d’internements, avec pour fonction principale celle de contrôler les populations et, contrairement à des camps tels que Auschwitz, ils n’eurent pas comme fonction d’exterminer. Ils n’étaient, par conséquent, pas des camps d’extermination. Ces derniers avaient pour unique mission celle de tuer de manière rapide et efficace, dès l’arrivée des indésirables dans ces derniers. Cela, même durant l’Occupation, ne changea pas.

   Mais cela n’empêcha pas les morts et, plus encore, cela n’empêcha pas les camps d’internement de servir d’antichambre de la mort pour les indésirables. Les Juifs et les autres indésirables y étaient identifiés8, regroupés, enfermés, avant d’être déportés vers les camps d’extermination nazis. « Les chiffres sont connus : sur les quelques 320 000 Juifs présents en France, 76 000 furent déportés et seuls 2 500 survécurent. »9, selon les sites gouvernementaux. Les déportés étaient aussi bien des femmes, des hommes, que des enfants. Les papiers étaient signés par les dirigeants français, notamment les directeurs des camps d’internements. Plus tard, certains prétendirent ne pas connaître la destination des déportés, ne faisant qu’obéir aux ordres provenant du Régime de Vichy.

 

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1 http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/ : site gouvernement (gouv.fr), regroupant des articles sur l’histoire de France, mais également sur l’actualité.

2 Conférence du 24/09/2015 de Guillaume Agullo, responsable du musée de la résistance et de la déportation à Toulouse.

3 Extrait du décret du 18 novembre 1939, relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux, pour la défense nationale ou la sécurité publique.

4 Loi du 3 octobre 1940, puis du 2 juin 1940.

5 Loi du 4 octobre 1940.

6 Exposition du 5 septembre 1941 « Le Juif et la France », se tenant tout d’abord à Paris, puis à Bordeaux et Nancy.

7 En Janvier 1942, les responsables nazis officialisent la « solution finale », visant les indésirables désignés par le IIIème Reich et visant à leur extermination dans des camps d’exterminations.

8 20 mai 1942 : port de l’étoile jaune devenu obligatoire.

9 « SHOAH Repères et histoire » par Jacques DECALO, avec le concours de Xavier ROTHEA, membres du Collectif « Histoire et Mémoire »

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