On voit apparaître une volonté d’intégrer les camps d’internement à travers des commémorations : par exemple, des poses de plaques. De plus les camps s’intègrent de plus en plus à la société par l’apparition des musées qui traduisent une volonté touristique ou pédagogique qui met en avant cette mémoire.
Aujourd’hui les camps d’internement français transformés en musées ont une grande valeur pédagogique. Ces lieux historiques ont une forte symbolique culturelle et selon Pierre Nora, sont « le fondement d’une perception de l’histoire de France ». L’intérêt de visiter ces lieux historique est de connaître le passé douloureux de la France qui est reconnu aujourd’hui comme erreur du passé. La valorisation de cette mémoire permet aux visiteurs de comprendre ses devoirs et ses responsabilités pour le futur. À travers cela, il apprend des erreurs du passé et comprend qu’il ne doit pas les commettre de nouveau. On veut, à partir de cette mémoire, renforcer les fondements et valeurs de la république. C’est alors dans une logique d‘accroître la culture générale et l’éducation à la citoyenneté que se font l’aménagement et l’agencement du musée comme le dit Ulrich Haase, représentant du ministère pour la culture et la recherche en Allemagne :
« Il s’agit d’ancrer le souvenir, la mémoire et la commémoration dans la vie quotidienne, comme une partie de la vie de l’autonomie. Il faut sensibiliser et rester sensible afin d’appréhender toute atteinte portée à la démocratie et à la liberté »
Le travail pédagogique dans ces lieux historiques permet, selon C. Geißler-Jagodzinski et V. Haug de mettre en évidence la possibilité pour chacun de participer, par ses moyens, à l’évolution de la société et de la politique du pays. De plus, cela permet aux visiteurs d’apprendre à avoir une attitude respectueuse envers les anciens internés de ces camps.
L’enseignement à travers les lieux historiques permet à l’enfant de se familiariser avec les lieux à travers une perception par les sens. Elle a pour effet d’agir sur leur imagination et sur la représentation des lieux à l’époque donnée, qui aide à reconstruire mentalement les conditions à l’époque. D’après Bernd Hey, historien et archiviste allemand, l’apprentissage par les lieux historiques favorise l’acquisition de connaissances mais aussi le développement, chez l’enfant, de ses capacités politiques et morales et va donc lui donner les outils adéquats pour interpréter, comprendre et critiquer les événements du passé, du présent et réagir en fonction dans le futur.
À partir des années 2000, on voit apparaître le « dark tourism ». Les camps d’internement deviennent donc une attraction touristique, on les visite par curiosité, pour apprendre, pour connaître le passé qui peut avoir touché nos ancêtres de près ou de loin. De plus, le fait qu’on aborde le sujet plus couramment, et que les camps aient trouvé leur place dans la mémoire collective favorise l’accroissement des entrées dans les musées.
Les musées sont un grand apport aux communes, notamment financièrement, mais aussi pour l’image et pour le tourisme de la ville. Ainsi la volonté première de mémoire se transforme en volonté économique. En effet, les musées coûtant très chers à leur création, il y a une recherche de bénéfices, même s’il existe de nombreuses aides, de la part de l’État ou bien encore des mécènes ou des collectivités territoriales. Pour faire venir les touristes et rentabiliser l’investissement, les musées peuvent faire appel à des mécènes spécialisés dans la communication, c’est le cas pour Milles avec la sociétés Aegis Média.
La communication ne s’est pas arrêtée là pour ce camp. En effet, la région d’Aix-Marseille a été élue en 2013 capitale européenne de la culture. Cette opération de communication d’envergure permet de faire connaître le site touristique mais aussi d’avoir des retombées positives en terme d’image. Le financement des musées prend une telle ampleur qu’ils ont plusieurs acteurs économiques à leurs côtés. Pour Milles, l’État finance des aides comme dans tous les musées ainsi que les collectivités territoriales, puis les mécènes comme Aegis Media, Orange ou encore la Caisse d’Épargne apportent leur aide en fonction de leurs moyens.
Les musées se transforment donc en de véritables entreprises, de ce fait, ils ne sont pas placés au hasard : des études sont menées, elles tiennent compte de la localisation et prédisent un nombre de visiteurs. Ainsi, tous les camps ne bénéficient pas de cette reconversion.
Ce n’est cependant pas qu’un but économique pour les localités. En effet, nous pourrions parler de phénomène identitaire car les communes décident de mettre en avant leur histoire, la population actuelle étant fondée par les communautés qui ont subi l’internement. Hans-Peter Draeyer, le conservateur du Musée national suisse, souligne d’ailleurs ce rapport de dépendance des musées d’histoire à leur époque :
« Le seul fait de savoir que les musées d’histoire, consciemment ou inconsciemment, directement ou indirectement, reflètent à chaque époque la situation socio-politique de leur pays devrait nous appeler à la prudence. Un musée n’est pas un organisme qui peut se définir par lui-même : il est lié à son époque et à ses fluctuations, notamment par l’intermédiaire de son personnel, qui vit et travaille dans le siècle »
Les musées ont pour but de revisiter la culture et l’identité des localités. Par exemple, à Rivesaltes, qui a été un camp de reclassement pour les Harkis de 1962 à 1977, on a posé une stèle pour cette population en 1995. La commémoration peut aussi prendre des tournures politiques, par exemple Nicolas Sarkozy en 2012 lorsqu’il était encore en campagne, était venu rendre hommage aux Harkis à Rivesaltes. Cependant, dans certains cas, la mairie peut refuser la pose de plaques commémoratives car elles peuvent être victimes de déni ou parce que le projet ne lui tient pas à cœur.
Plus d’information ici avec l’interview de Denis Peshanski (historien et président du conseil scientifique du camp de Rivesaltes), de Agnès Sajaloli (directrice du mémorial) et de Pepita de Bedoya Bourdellier, Paul Niedermann et Ahmed Mestar (trois anciens internés du camp de Rivesaltes)