La solidarité mise en place à Gurs
Une des formes de résistance passe par la solidarité entre internés, présente notamment dans le camp de Gurs situé dans le Béarn, en Pyrénées-Atlantiques. C’est à l’origine un camp de plage pour réfugiés espagnols de la Retirada. Cependant, le refuge se transforme vite en enfer car les conditions sanitaires s’avèrent de plus en plus déplorables. En effet, les internés se plaignent fréquemment de la quantité de boue entre les habitations, mais aussi de l’absence d’électricité, d’eau courante et de toilettes.
L’entraide, tout juste mise en place, se complique encore lors de l’arrivée de nouvelles populations en 1940 suite à la prise de pouvoir du gouvernement de Vichy. Pour y faire face, les habitants du camp doivent s’organiser différemment. Ils mettent par exemple en place l’aménagement de baraques pour des personnes âgées ou encore un service de poste et même un service de cantine.
Le service de cantine établi pendant l’été 1940, est indépendant de l’autorité du chef du camp, et géré par îlot. De ce fait, les représentants de chaque îlot vont voir les marchands du village voisin pour échanger avec eux. Les commerçants trouvant rapidement plus rentable de vendre leurs produits aux internés plutôt qu’au marché du village, car ils peuvent négocier les prix plus facilement. Ainsi, pendant l’hiver le service est dissout par le gérant du camp, sous la demande des habitants du village voisin. L’hiver est alors désastreux et beaucoup d’internés n’y survivent pas. Pour éviter une autre catastrophe, tous les chefs d’îlots s’unissent pour régler la demande de nourriture pour le camp durant le printemps de 1941 et c’est un succès à long terme.
La résistance culturelle
La résistance passe aussi par des formes plus implicites, des actions culturelles comme l’ont fait les femmes de Brens, près de Gaillac dans le Tarn.
Des cours de langues, des conférences et même des représentations de théâtre ont été mis en place, parfois en détournant leur fonction première de distraction afin de s’en servir pour transmettre des informations. Fernande Valignat, professeur, utilisait par exemple ses cours de littérature pour éveiller la conscience politique des internées. Cependant, elle est vite repérée et écartée de l’enseignement. Les femmes pouvaient également s’exprimer à travers des lettres destinées à l’extérieur qui arrivaient parfois à échapper à la censure des autorités du camp.
Deux événements d’actions culturelles majeures dans l’année 1940 ont marqué les habitants du camp. Le 1er mai, les femmes se sont réunies lors du déjeuner et ont fredonné la « Marseillaise » en quittant la table. Les internées communistes en ont profité pour porter un élément vestimentaire rouge, symbole de leur parti politique. La fête des mères, le 10 juin, a aussi été un moyen de véhiculer leurs revendications. Le 10 juin 1941, le chef du camp a voulu organiser cet événement familial, fidèle à la politique pétainiste. Cependant, les mères trouvèrent l’idée ironique car elles étaient privées de leurs enfants. Ainsi, après une succession de berceuses d’origines diverses chantées à de faux bébés, elles ont crié à l’unisson « libérez les mères » à l’intention du chef du camp et des invités qu’il avait conviés pour montrer l’exemplarité de la tenue de son camp. Ces femmes réussirent à détourner l’évènement à leur avantage et ont pu faire entendre leurs revendications et ce, au risque de leur vie.
Une communication inter-camps ?
Il est intéressant de se demander si certaines révoltes ou résistances se sont créées par imitation, mais il est difficile de répondre à cette question car nous avons peu d’informations sur les résistances. Bien entendu, ce n’était pas toujours marqué sur les registres des chefs de camp mais il est encore plus dur de savoir si cela aurait pu engendrer un quelconque écho.
Comme nous pouvons le voir sur la photographie de Maurice Laügt, employé des Ponts et Chaussées, chargé de l’entretien du camp, 400 femmes juives provenant de Noé sont arrivées le 4 mars 1911 à Gurs. Ainsi, parce que les internés ont été amenés à cohabiter dans des baraques minuscules, il y avait de la communication qui passait par l’échange d’informations. Le personnel des camps ou des organisations extérieures, s’il était complice, pouvait également faire passer des informations à travers différents camps lorsqu’il transitait.
Dans celui de Saint-Sulpice par exemple, camp pour les « indésirables français » où il y a eu plusieurs manifestations hostiles au gouvernement des camps, des fouilles ont permis de découvrir des résistances « cachées » : fausses cartes d’identités, poste radio, réchaud électrique, etc. Le poste radio, par exemple, permettait de se tenir au courant des informations. Les internés du camp de Saint-Sulpice ont pu également recevoir de la famille plus facilement, même si celles-ci sont très restreintes, voire inexistantes dans certains cas.