En 1942, Rieucros, seul camp de femmes de la zone Sud, ferma ses portes pour cause d’insalubrité. De ce fait, le 17 janvier 1942, le chef du camp de Rieucros demanda au préfet de la Lozère le transfert de ces femmes internées vers le camp de Brens, dans le Tarn. Ce furent 320 femmes et 26 enfants qui arrivèrent le 14 février 1942 à la gare de Gaillac pour être conduits au camp de Brens. Après la mise en place de nouvelles constructions permettant un plus grand contrôle des internées, tels des barbelés de trois mètres de haut, les internées ne pouvaient plus sortir du camp et il était difficile d’approcher ce dernier de l’extérieur.
Ce n’était plus un camp temporaire mais un camp durable, surveillé nuit et jour. Les femmes qui peuplaient le camp de Brens venaient de différents horizons. Dans le camp, il y avait une quinzaine de nationalités et de nombreux motifs d’arrestation. Le camp était surtout connu pour avoir emprisonné des opposantes politiques mais ce ne fut qu’en 1943 que ces dernières peuplaient la majorité du camp. Ces femmes étaient communistes ou syndicalistes, refusant le régime actuel de Vichy.
De plus, des Allemandes anti-nazies n’approuvant pas la politique collaborationniste française furent arrêtées. Des prisonnières de droit commun furent internées ainsi que des prostituées venant des grandes villes, condamnées à cause de maladies vénériennes. De plus, certaines de ces femmes étaient espagnoles, la plupart internées depuis 1939. Elles arrivèrent en France pendant la Retirada et furent internées dans des camps sur la plage, comme celui d’Argelès. À la différence des hommes, ces femmes n’étaient pas réparties dans les camps en fonction de leurs motifs d’arrestation. Elles étaient ensemble car elles étaient des femmes. Ceci peut poser la question de la place de la femme dans la société française au milieu du XX ème siècle.
Cependant, ce camp était spécial puisque la population qui y était internée était assez jeune : 60 % des internées avaient moins de 40 ans. La présence d’enfants peut expliquer cette moyenne d’âge assez jeune. Cependant, ces enfants ne restèrent que jusqu’en 1943 car ils furent ensuite déplacés vers le camp de Douadic. Cette mutation du camp de Brens l’amena à devenir un camp de concentration qui s’inscrivait dans la logique du régime en place. L’isolement des individus considérés comme « suspects » ou « indésirables » de la société ainsi que l’inquiétude qui régnait au sein du camp en faisait un outil qui suivait la politique de Vichy. Ce changement de statut amena des changements d’organisation au sein du camp, du côté de l’administration ainsi que du côté des internée
La disposition géographique du camp de Brens répondait à la logique d’isolement des individus. En effet, les 22 baraques en bois du camp comptaient plusieurs services. Les baraques pouvaient être aménagées en infirmerie ou bien pour l’administration. Aussi, une baraque était réservée pour les aides comme la Croix-Rouge ou bien pour mettre en place un foyer pour les internées. Le directeur logeait dans le pavillon aménagé juste à proximité du camp. De plus, les internées avaient accès à des lavabos et des WC qui se trouvaient à l’extérieur des baraques, à ciel ouvert. Cette disposition faisait en sorte qu’aucun individu n’avait le besoin d’aller à l’extérieur pour s’approvisionner. La répartition des internées au sein du camp, c’est à dire dans les baraques, se faisait en fonction des motifs d’arrestation ou bien des nationalités.
Le peu d’espace dans le camp et la promiscuité des internées créaient des tensions. En effet, certaines mères avaient peur que les prostituées apportent des maladies à leurs enfants. De plus, il existait certains litiges entre les internées causés par des tensions géopolitiques.
La vie dans le camp était précaire. Il y avait en effet une alimentation en eau limitée. La nourriture étant pauvre, les œuvres de charité comme la CIMADE ou les Quakers fournissaient des compléments alimentaires. Aussi, l’environnement était particulier : la boue et l’humidité rendaient le quotidien de ces femmes difficile. Les vêtements portés par les internées étaient des robes se présentant comme les vêtements portés par les internés de camps de concentration des nazis. Cette proximité entre les internées qui leur imposait une vie commune créa une organisation propre aux internées. Elle était nécessaire pour pallier l’ennui. Pour contrer cet ennui, des activités au sein du camp se développèrent. Le théâtre était une activité importante pour les internées. De plus, la direction du camp n’y voyait pas d’inconvénients puisque cela maintenait la discipline au sein du camp. La pratique du théâtre fut possible grâce aux œuvres de charité. D’autres activités comme la couture ou la menuiserie étaient présentes au sein du camp. Les différences de nationalité engageaient des échanges culturels. En effet, des cours de langues ainsi que de français se mirent en place. Le développement d’un lien social entre les internées leur permettait d’avoir une véritable unité au sein du camp, visible notamment lors des révoltes.
L’administration répondait aussi à une logique spéciale. Celle-ci dépendait du ministère de l’intérieur. Au niveau régional, elle était sous la charge de l’intendant de police de Toulouse et au niveau départemental sous la charge du préfet. Les personnes travaillant au sein du camp étaient des volontaires et la plupart du temps recrutées dans les communes voisines. L’administration était composée de quatre services : la police, l’administration, les employés dans le service de santé et pour finir les annexes. Le chef de camp se chargeait de la coordination des services ainsi que de la surveillance permanente des internées. Pour cela il était logé à proximité du camp. Le gestionnaire avait la mission de s’occuper du ravitaillement, le matériel, les salaires ainsi que le contrôle des magasins présents au sein du camp. Des inspecteurs venaient habituellement contrôler l’état du camp. André Jean Faure était l’inspecteur du camp de Brens. Ces inspecteurs pouvaient aussi faire des enquêtes au sein du camp et étaient chargés du contrôle postal. La surveillance extérieure était sous la direction des brigadiers. Ils contrôlaient l’entrée et les sorties des individus de l’enceinte du camp. Des rondes permettaient cette surveillance, notamment grâce à un chemin privé ou à des postes fixes de surveillance. La surveillance intérieure était quant à elle gérée par un personnel strictement féminin. Ces femmes veillaient jour et nuit. Elles exerçaient un contrôle constant sur les internées. Ces surveillances extérieures et intérieures permettaient de créer une unité dans l’administration du camp.
En avril 1944, une rumeur courait dans le camp sur une possible évacuation. La multiplication des changements de directeurs abreuva cette rumeur. La même année, les effectifs des internées augmentèrent, des opposantes politiques furent arrêtées (communiste, femme de militants).
Ce fut en juin 1944 que la décision de vider le camp fut prise. Les raisons de ce transfert pouvaient être expliquées par l’état avancé de délabrement des installations du camp. En effet, en février 1944, le directeur du camp se plaignait de l’état vestimentaire de son propre personnel. Le 3 juin 1944, les 150 internées furent embarquées dans des trains à la gare de Gaillac. Le personnel de la surveillance prévint les internées qu’ils partaient pour une autre destination mais les internées ne savaient pas la destination exacte.
Ce fut dans la nuit, vers 22h30 que les prisonnières furent embarquées dans des wagons.L’administration tenta de camoufler ce départ. Lors de ce transfert, il n’y eut pas d’appel des internées, pas de vérification des effectifs. Ceci pouvait traduire une certaine précipitation. En effet, le 6 juin 1944 avait lieu le débarquement des alliés en Normandie. Cette période fut signe de la fin du régime de Vichy et de l’occupation allemande.
Le camp fut donc déserté jusqu’en décembre 1944 où il devint un camp de collaborateurs tarnais.
Ce fut donc la fin du camp de femmes. Entre le camp de Brens et St-Sulpice, cinquante internés perdirent la vie. Il était difficile pour les internées de savoir s’il y avait des décès dans le camp car il n’y avait pas de cimetière. Ces femmes qui furent donc internées pendant deux ans au camp de Brens partirent vers le camp de Gurs où les conditions étaient encore plus déplorables. Cependant, un grand nombre d’internées réussirent à s’évader.