Les rabbins sont les précurseurs de l’action humanitaire juive dans les camps. Ils impulsent tout au long de la guerre la coopération entre les différentes œuvres privées. En 1939, les œuvres juives n’étant pas encore autorisées à entrer dans les camps, ce sont les rabbins ayant le statut d’aumôniers militaires qui administrent les premières aides humanitaires aux internés. Le rabbinat français a joué un rôle important dans l’obtention des financements de l’action humanitaire grâce à son intercession auprès du Joint. Le rabbinat français n’étant pas exempt de tensions politiques internes, est incapable de coordonner l’action humanitaire juive efficacement. Ce sont surtout des personnalités en nombre relativement limité qui ont permis de renforcer la communication et la coopération entre la multitude d’œuvres privées soucieuses de conserver leurs indépendances et leurs spécificités. Les rabbins et les œuvres privées en général agissent au nom de principes religieux et parfois identitaires. Il y a donc une réelle confessionnalisation de l’action humanitaire juive. Le rabbin René Hirschler met en place une aumônerie des camps à partir de septembre 1940 qui regroupe les rabbins les plus actifs dans les camps. L’aide apportée par ces rabbins est à la fois matérielle et religieuse. Ils mettent leurs vies en péril à cause de leurs critiques répétées à l’encontre de la politique d’internement au cours de prédications à l’intérieur des camps. La famille Hirschler est arrêtée par la Gestapo le 23 décembre 1943. Malgré les persécutions et l’interdiction progressive pour les rabbins d’entrer dans les camps, l’aumônerie des camps perdure jusqu’à la Libération.
En mars 1941, le rabbin Henri Schilli obtient de la part du directeur du camps de Rivesaltes le loisir de créer une équipe d’enseignants juifs désignés parmi les internés. Des cours de français, d’hébreux et des enseignements religieux sont ainsi mis en place au profit des enfants comme des adultes. Au camps de Gurs, les rabbins Kapel et Ansbacher organisent des activités culturelles très populaires auprès des internés. Un groupe de jeunes filles, le groupe Ménorah, reçoit un enseignement religieux de qualité. Elles apprennent dans le camps la signification des principales fêtes juives et leurs rites. Ces fêtes sont célébrées dans les camps dans la mesure où les directeurs de camps n’y voient en général pas d’inconvénients. Le rabbin Schilli procède ainsi en juillet 1941 à la circoncision de plusieurs nourrissons dans l’enceinte du camp de Gurs. Les rabbins obtiennent également pour les internés des autorisations de sorties temporaires pour célébrer des mariages.
Le rabbin Léo Ansbacher a un parcours singulier à Gurs. Il est fait prisonnier en Belgique et est interné au camp de Gurs le 19 décembre 1940 avec son frère.
Il anime la vie religieuse du camp jusqu’en décembre 1942. Grâce à ses nombreux contacts au sein du rabbinat français, il obtient la livraison de colis de médicaments. Léo Ansbacher fonde le Comité central d’assistance (CCA) qui centralise les besoins les plus urgents des internés du camp et favorise ainsi l’action des œuvres privées. Il fait l’unanimité au sein des internés de Gurs au point que ses réunions mobilisent systématiquement plus de 300 personnes, au point qu’une baraque ne soit pas suffisante pour tous les accueillir.
Il parvient à redonner la volonté de vivre à de nombreux internés qui n’acceptaient pas l’aide qui leur était proposée. Son principal fait de résistance intervient à la fin de l’année 1942 lorsqu’il cache clandestinement durant presque un mois Manfred Bauer, un interné juif inscrit sur la liste de déportation du 24 septembre 1942. Ce dernier est retrouvé le 20 octobre 1942. Léo Ansbacher est accusé de complicité d’évasion par le directeur du camp de Gurs. L’abbé Lopez prend sa défense auprès du préfet des Pyrénées-Atlantiques et Léo Ansbacher parvient à s’évader de Gurs en décembre 1942. Il réussi a émigrer vers la Palestine en 1944.