La France, deux zones pour deux politiques
L’occupation des départements français par l’Allemagne n’était pas une première (guerre Franco-Prussienne ou Première Guerre Mondiale). Toutefois, cette ligne de démarcation établie en 1940 et présentée dans l’introduction est d’un genre nouveau par ses conséquences dans l’espace, dans le temps et sur l’administration française.
En mai 1940, la Wehrmacht commence sa ligne de front par l’Est de la France. Cette dernière progresse relativement vite aussi bien vers le Sud que vers l’Ouest de la France dans le but de mettre l’armée française à terre. Face à l’occupation allemande grandissante, des millions de Français se dirigent vers le Sud et l’armée française est défaite. Si bien que le 17 juin 1940 le maréchal Pétain déclare « il faut tenter de cesser le combat ». Le 21 juin, Hitler répond de manière favorable à la demande française d’armistice. Dans celle-ci, était inscrit l’établissement d’une frontière artificielle passant d’Est en Ouest sur le territoire français. Les Allemands voulaient rejoindre les troupes italiennes vers le Sud-Est, occuper le littoral atlantique afin de prévenir tout débarquement ; dans le même temps Hitler s’octroyait une route vers l’Espagne et une grande partie des ports français. Ainsi les troupes allemandes arrêtaient tous combats. L’autre faveur accordée aux Français était celle d’une zone « libre » au sud où la France garderait un espace de souveraineté. La zone allemande était alors pour l’Allemagne une formidable réserve de ressources économiques, matérielles et humaines.
La zone allemande qui devait avoir un caractère militaire prit un caractère administratif, politique et économique. Le régime de Vichy était soumis à une politique de chantage où Paxton qualifie la ligne de démarcation de « garrot »(1). En effet les Allemands resserraient ou ouvraient cette frontière selon les liens entretenus avec Vichy et pouvaient ainsi bloquer l’économie et les ressources de ce régime. Beaucoup des ministres de Vichy et des Français espéraient la suppression de cette ligne. L’entrevue de Montoire, le 24 octobre 1940 ranima les plus vives espérances. Cette entrevue, qualifiée de «miroir aux alouettes»(2) par Jean-Pierre Azéma n’amena aucune solution. En effet, les ministres obtenaient toujours de grandes difficultés pour se rendre en zone occupée.
Vichy veut par ailleurs garder une certaine souveraineté (qui sera limitée) sur l’ensemble du territoire français. C’est notamment pour cela que Vichy entretient une politique collaborationniste avec l’Allemagne. Ces dirigeants diront après 1944 que le mot « collaboration » apparaissant dans l’Armistice signé en 1940, ce dernier avait été imposé par l’occupant. En réalité ce fut le régime de Vichy qui faisait des propositions collaborationnistes tant aux niveaux économique que politique et l’Allemagne fixait seulement ses conditions. Bien que la collaboration touche tous les pays occupés, en France le phénomène est particulier dans la mesure où cela est dû à la demande du pays vaincu.
Dans une moindre mesure, la France est le seul État à avoir pu négocier un armistice et à avoir pu garder une indépendance diplomatique notamment à l’étranger en continuant par exemple sa politique impériale avec ses colonies.
[1] PAXTON Robert La France de Vichy, 1940-1944, Seuil, Paris, 1999
[2] AZEMA Jean-PIerre, De Munich à la Libération, Seuil, Paris, 1979.