Images du camp de Noé

De nombreuses traces écrites et iconographiques des camps d’internements sont découvertes dont celui de Noé. La majeure partie des images qui nous sont parvenues, sont des productions d’internés. Pour autant, nous ne devons pas oublier la production iconographique commandée par les autorités et les diverses représentations émises par la population locale.

photo

Photographie de Joseph Weill 1942.                        Contrôle médical d’internés au camp de Noé.

La photographie à droite est produite par Joseph Weill. Il est né à Bouxwiller en 1902 près de Strasbourg. Son père est rabbin et malgré une éducation allemande, sa famille est francophone. Il réalise des études de médecine et devient chef de clinique du professeur Blum à Strasbourg. A l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il préfère s’engager dans la défense des droits et de la protection des individus. En 1942, il rentre dans la société OSE d’origine russe : Association de protection sanitaire des juifs. Il devient alors la figure principale pour l’aide des familles juives emprisonnées dans les camps d’internement français dont ceux de Gurs, Rivesaltes, Noé, Mille et Agde.
La photographie de Joseph Weill est intéressante, puisqu’elle fait partie des images dites chocs de la guerre, ces images démontrant l’horreur, ici l’aspect squelettique des internés. Cette image est là pour nous documenter sur ce que peuvent réellement vivre les internés. Cette photographie est en confrontation avec les rapports officiels du camp de Noé, puisque ceux-ci nous exposent la vie des internés comme « saine ».

Collection "Les inutiles" 1948-1949, le travail à transporter un cercueil

Collection « Les inutiles » 1948-1949, le travail à transporter un cercueil.

La source iconographique la plus importante pour le camp de Noé est celle de la collection de Karl Schwesig, ancien interné du camp. Cet artiste allemand né à Gersenkirchen est dénoncé comme traître contre le régime nazi par ses œuvres dénonçant Hitler et son parti. Malgré le fait qu’il reçoit le titre juridique de statut de réfugié en France, il connaît l’emprisonnement de 1941 à 1943 dans le camp de Noé. Durant son internement, il créé des dessins, des croquis de la vie quotidienne et de sa perception du camp. Ce n’est qu’en 1948 où il décide de créer des peintures dans une série s’intitulant « Les inutiles ». Ces peintures représentent des hommes souvent mutilés, maigres, qui travaillent dans les camps. La plupart des œuvres de Karl Schwesig se trouvent dorénavant au Ghetto Fighters’ House Museum à Lohamei HaGeta’ot en Israël. Ici encore, cette peinture dénote la dureté des camps.

Karl Shwesig, "La guerre total", réalisé dans les années 1950

Karl Shwesig, « La guerre total », réalisé dans les années 1950

Ces scènes peuvent nous émouvoir et nous interroger sur l’histoire de notre pays et les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est notamment pour démontrer l’horreur du camp, que des commémorations à la mémoire des victimes et/ou des survivants sont organisés pour le camp de Noé. En 1957, une plaque en marbre est installée dans le cimetière avec inscrit les 300 noms des internés et déportés et en 1983, en union avec la commune de Mannheim et l’Organisation Solidarité Israélite se lancèrent dans le projet d’une stèle commémorative. Cependant, nous pouvons voir les difficultés à réaliser un devoir de mémoire puisqu’en 2004, il y a refus de mémoire, le maire Jean-Paul Feuillerac refuse d’afficher la plaque en marbre demandée par l’association Ethic.

Aujourd’hui encore, certaines images du camp de Noé, comme celles de Karl Schwesig, sont désormais utilisées dans de nombreuses expositions. Ces expositions peuvent être à la mémoire des victimes et des survivants du camp de Noé mais aussi peuvent nous documenter sur la nature même des camps d’internement.

Pour aller plus loin…