De nouveaux arrivants renforcent les actions politiques.

Malgré ce qu’on pourrait penser, les internés ont trouvé le moyen de mener des actions politiques à l’intérieur des camps, notamment contre l’autorité qui les dirigeait. Les premières actions sont menées par des Espagnols. Ainsi, ils créent une radio du nom de Chavola avec par exemple l’émission Altavoz qui permet de faire passer des messages à caractère politique au reste des internés. De surcroît, des bulletins sont rédigés à la main dans plusieurs camps différents et ce notamment par des étudiants et des intellectuels. C’est le cas du Boletin de los estudiantes qui permet de diffuser l’actualité sportive et culturelle autant que politique. En effet, il relaye les résumés de conférences qui ont lieu clandestinement et qui visent à combattre le fascisme. Ces journaux sont aussi un moyen pour les détenus de continuer à prendre des nouvelles de l’extérieur, puisque ceux qui sont encore publiés, légalement ou illégalement, sont remplis d’informations sur la situation de la guerre, sur la politique intérieure de Vichy… C’est pour les internés, qui étaient souvent d’assidus lecteurs de journaux avant leur incarcération, une occasion de continuer à avoir cette habitude de lecture. (VILLEGAS, 1939, p. 128)

Boletin de los estudiantes du camp de Gurs, 22 mai 1939.

Boletin de los estudiantes du camp de Gurs, 22 mai 1939.

Aussi, grâce à la complicité de certains gendarmes, des journaux politiques sont introduits dans les camps et diffusés dans les baraques. Ceci permet aux internés de se tenir informés de l’actualité politique, surtout par rapport à celles en relation avec le régime de Franco, et les communistes.

Pour ce qui est des autres internés, des campagnes d’information politique sont aussi menées et l’on constate également la mise en circulation de l’Humanité. Ce journal circule donc de façon clandestine non seulement à l’intérieur d’un même camp mais aussi d’un camp à l’autre. La plupart des militants communistes qui ne sont pas espagnols fondent ou rejoignent eux aussi ces unités antifascistes. De plus, des cours de géographie, d’histoire ou encore de français sont mis en place par certains internées. Ils constituent un prétexte supplémentaire pour se réunir et débattre de questions politiques, à l’écart de l’autorité du camp. C’est notamment le cas à Gurs mais aussi au camp de Rieucros et de Brens où étaient détenues des femmes. Il y a aussi l’exemple des femmes du camp de Brens, qui lors d’une représentation théâtrale, ont réussi à faire passer des critiques sur leurs conditions de vie. Cette pièce avait été jouée dans le cadre d’une visite du camp par un fonctionnaire de Vichy, pour l’alerter sur les conditions de vie mais aussi pour narguer les autorités du camp devant un représentant de l’État, car elles avaient pu monter un tel spectacle sans que les gardes du camp ne s’en rendent compte. Après ce spectacle, les conditions de vie s’améliorent légèrement, même si les meneuses du projet sont punies. 

Au camp du Vernet  sont essentiellement enfermés les militants politiques les plus virulents. Cela conduit donc à la mie en place de collectifs clandestins qui vont jusqu’à mettre sur pied une direction parallèle du camp. Ces groupes se renouvellent en fonction des arrivées et des départs fréquents des internés. C’est notamment ce qui c’est passé après la révolte de février 1941. Ce mouvement avait pour but de s’insurger contre la famine et les brutalités incessantes. Les principaux meneurs de cette action sont alors envoyés dans d’autres camps et notamment dans le désert algérien. Enfin, à l’intérieur du même camp les internés se réunissaient afin de mener des réflexions sur les possibles moyens de survie ou d’évasion mais aussi de libération du camp. Il y a parfois des disputes entre internés, qui ne partagent pas toujours les mêmes idéologies politiques. Par exemple, dans le camp du Vernet, on pouvait avoir un résistant anarchiste comme Francisco Ponzan Vidal ou un militant nazi comme Léon Degrelle. Les autorités laissant faire. Toutefois, ces actions lorsqu’elles sont découvertes par les autorités du camp sont sévèrement réprimées. Leurs meneurs sont la plupart du temps envoyés dans d’autres camps, voire exécutés. Tout ceci conduit le camp du Vernet à devenir un réservoir de résistants improbables pour toute l’Europe, à leur sortie du camp.