Les lois d’exceptions rédigées sous les gouvernements Daladier et Vichy
L’afflux de réfugiés espagnols, allemands et autrichiens en France, suite à l’instauration du régime de Franco et à l’afflux d’anti-nazis ou de victimes du nazisme (pour une majorité d’origine juive) pousse la IIIe République française à trouver des solutions. En effet, il y a un choix politique du gouvernement français de placer ceux qu’on appelle « les indésirables » dans des camps d’internement. Les premiers camps administratifs sont destinés aux femmes des anti-nazis allemands. Ce sont ensuite les Espagnols qui sont placés dans ces camps après la Retirada de 1939. Enfin, les juifs sont également internés par le régime de Vichy depuis la loi du 4 octobre 1940 qui permet l’internement immédiat des juifs étrangers.
Plusieurs lois d’exception sont rédigées telles que celle du 12 novembre 1938 qui donne le pouvoir aux préfets de décider l’éloignement, et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé des individus considérés comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique.
Pétain veut réorganiser le pays en Provinces ce qui signifie que l’on a à faire à une politique régionaliste. De ce fait, c’est le préfet qui administre chaque région et qui est le garant de la province qu’il dirige (loi du 19 Avril 1941) et c’est donc lui qui donne les directives en ce qui concerne la construction des camps. Il est important de dire que différents acteurs de la société toute entière interviennent à des titres divers dans l’internement des réfugiés ainsi que dans la construction concrète des camps qui nous intéresse ici.
L’urgence dans la construction des camps
Dans les premiers temps se mettent en place différents types de camps. On note la présence de camps de « contrôle » et de « triage ». Ici on regroupe tous les réfugiés dans un même camp. Ils sont ensuite enregistrés et transférés vers différents camps du sud-ouest de la France. Les réfugiés sont « triés » selon leur sexe, leur statut (juif, réfugiés politiques, réfugiés espagnols…). C’est le cas par exemple du camp d’Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) construit le 28 janvier 1939 où été internés des réfugiés espagnols fuyant le régime de Franco.
Aussi se mettent en place des camps de « concentration » sur des plages clôturées et sans baraques. Par conséquent pendant plusieurs mois des milliers de réfugiés vont s’y entasser. Ces réfugiés sont essentiellement des juifs, des prisonniers politiques ou encore des personnes jugées « indésirables » par le régime de Vichy. On y trouve par exemple les camps de Gurs ou encore de Septfonds.
On note aussi la fermeture de certains camps dans le sud-ouest de la France. Par exemple, le camp du Récébédou qui fut un ancien camp d’internement pour les juifs ou les réfugiés espagnols a fermé ses portes à partir d’octobre 1942. Tous ses internés furent envoyés dans les hôpitaux de la ville de Toulouse. La raison de la fermeture du camp est « sa trop grande proximité avec la ville de Toulouse ».
Tous ces camps ont reçu l’aide de la Croix Rouge française ou d’autres organismes humanitaires mais ces aides n’étaient pas assez conséquentes du fait du peu de moyens dont disposaient ces organismes. Dans tous ces camps on déplore un grand nombre de victimes (de février à juillet 1939, 15000 personnes vont mourir dans les camps, notamment de la dysenterie). La malnutrition est un mal récurrent, l’accès à l’eau potable est quasiment inexistant. Tous ces camps sont mis en place sur des terrains peu propice à la construction. En, effet les camps sont construits sur des espaces boueux, instables… Puis, un dispositif de surveillance est mis en place et celui-ci se fait de façon très stricte. Par exemple, à Argelès-sur-Mer, la surveillance est assurée par les troupes militaires, les tirailleurs sénégalais, spahis ou par la garde républicaine. Avec tout cela, les internés se sentent humiliés par les conditions de vie et le traitement qu’ils reçoivent en France mais ces personnes vont quand même essayer de survivre malgré le peu de moyens dont elles disposent.
Ensuite, les premiers camps d’internement sont aménagés en urgence et dans l’improvisation totale par les autorités. L’internement des premiers réfugiés se fait d’abord sur des prairies de montagne et aussi sur des plages qui sont contrôlées par l’armée française. Il n’y a donc pas d’architecture précise pour les premiers camps. Par exemple, le camp d’internement d’Agde dans le département de l’Hérault est établi sur un terrain militaire désaffecté à proximité de la plage pour y mettre les réfugiés républicains espagnols. Constitué de baraques légères et entouré de quelques fils de fer barbelés, il est prévu pour 20 000 personnes, mais en reçoit plus de 24 000 dans des conditions précaires, en particulier sur le plan sanitaire. Les réfugiés souffrent d’un manque d’hygiène, de nourriture, d’eau et également de vêtements. Par conséquent, fièvres typhoïdes, gastro-entérites, poux, gale, abcès, plaies septiques, ulcères variqueux deviennent le lot quotidien de tous ces hommes, femmes et enfants contraints de vivre dans la promiscuité et l’insalubrité. Le camp du Barcarès dans les Pyrénées-Orientales, qui commence à fonctionner en 1939 afin de recevoir les réfugiés espagnols, fournit un autre exemple. Il est en effet construit sur une plage et ce sont les internés eux-mêmes qui creusent leurs abris dans le sable car rien n’est prévu pour les accueillir. Ces camps construits dans l’urgence ne sont pas organisés de manière à pouvoir concentrer des milliers de réfugiés et ils concentrent donc tous les problèmes.
Enfin, avec le début de la Seconde Guerre mondiale en Europe, on assiste à des flux de populations assez importants vers des zones où la guerre ne fait pas encore des ravages comme dans le sud de la France. C’est donc pour cela que les différents types de camps évoqués plus en amont vont se multiplier dans le sud et le sud-ouest de la France.