Pour fuir le régime autoritaire de Franco et le climat de tension en Espagne, les réfugiés espagnols se dirigent vers la France où ils ne sont pas bien accueillis par le gouvernement français. En effet, le gouvernement Daladier a peur que ces militants, pour la plupart d’extrême-gauche, essaient de propager leurs idées en France. Ceux qui fuient se sont en effet battus pour la République en Espagne, mais ils n’ont pas ou peu reçu d’aide des pays démocratiques européens. Des mesures d’urgence sont cependant prises et des camps insalubres en bordure de plage sont créés pour enfermer les réfugiés. On ne veut pas qu’ils vivent avec les Français.
Ayant fui le régime dictatorial franquiste, ils ont quitté leur pays en grande partie pour des raisons politiques et sont donc pour la plupart très politisés. En regroupant tous les Espagnols, la poursuite de la dynamique de politisation s’en trouve facilitée, voire accentuée. Du côté des autorités, cela permet aussi de recenser les différents partis ou syndicats et leurs membres présents dans les camps. Il existe des tensions entres communistes, anarchistes, socialistes, libertaires, ainsi que des nationalistes basques et catalans.
Les internés élisent parmi les militants politiques un chef de baraque, qui anime les activités culturelles ou même sportives. Les activités liées à la politique sont officiellement, interdites même si plus tard cela va changer.
La mise en place de la surveillance de l’État français dans les camps n’empêche pas le développement des actions politiques clandestines. Militer permet tant bien que mal aux internés de continuer à vivre à l’intérieur des camps. Les communistes et les anarchistes se divisent et il y a parfois des bagarres, ce qui profite à la direction des camps qui laisse les disputes éclater. En effet, il vaut mieux pour elle que les détenus se battent entre eux que contre les gardes. De surcroît, une organisation politico-culturelle est créée : le Frente popular, pour maintenir un bon niveau de vie dans les camps et qui organisent différentes activités pour éviter l’oisiveté des internés. Il existe aussi d’autres associations créées pour faire passer des messages ou des journaux entre les prisonniers. Ces actions ne sont pas sans risques pour les détenus. Une fois que les autorités ont eu connaissance de ces activités, elles deviennent plus vigilantes et durcissent leurs contrôles. (VILLEGAS, 1939, p. 89)
Durant les temps de travail se déroulant à l’extérieur des camps (comme dans des forêts), les prisonniers en profitent pour parler politique, pour se réunir et préparer des opérations clandestines. Ce temps leur est profitable car la police est peu présente. Certains prisonniers en profitent pour s’échapper et vont rejoindre la Résistance de l’autre côté des Pyrénées, dont 200 évadés du camp du Vernet d’Ariège.
Pour maintenir le lien entre les détenus, une unité antifasciste est créée et elle a des liens avec l’extérieur. En effet, les visiteurs officiels ou clandestins relaient les informations de l’extérieur qui sont ensuite échangées entre les camps d’Argelès et Gurs dès que possible. Par exemple, des bulletins ou des journaux comme l’Humanité circulent entre ces deux camps grâce notamment à des gendarmes complices.
Les camps sont des lieux où les activités culturelles et politiques se développent, ce qui accentue l’identité républicaine espagnole.