L’implication de l’armée et la construction des premiers camps par les préfectures

Dès leurs arrivés à la frontière1, les réfugiés républicains furent pris en charge par l’armée française. Ils furent tout d’abord désarmés2 et conduit vers les camps des plages3. Initialement, six régiments d’infanterie et quatre régiments de cavalerie ont été mobilisés pour gérer cette situation et contrôler l’afflux de réfugiés. Mais l’armée fut aussi utilisée pour faire pression sur la construction des camps. Un témoignage recueilli par Anne Grynberg dans son ouvrage, Les camps de la honte : les internés juifs des camps français, 1939-19444, illustre l’urgence dans laquelle se trouvait l’État. En effet, un exploitant forestier de la région aurait été réquisitionné par un commandant des gardes mobiles pour superviser une centaine d’espagnols, qui n’avait aucune expérience dans le métier de charpentier, afin de construire très rapidement le camp d’Argelès5.

Internée au camp de concentration d'Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales).

Internés construisant le camp d’internement d’Argelès-sur-Mer en Pyrénées-Orientales en février 1939.

Les baraques ont donc été construites de manière rudimentaire et en quantité insuffisante. Les installations manquèrent, et toujours dans l’optique d’ouvrir de nouveaux centres d’internement, les préfectures ont décidé que certains camps militaires, comme Rivesaltes initialement créé en 1935, soient réhabilités comme camps d’internement.

Les premiers camps qui ont été construit ont d’abord été ceux « des plages », (Argelès, Agde, Barcarès, Bram, Rivesaltes et Saint-Cyprien). Cependant, dans la précipitation de la situation et face à la surpopulation des réfugiés, les ouvriers n’ont pu construire que peu de baraques en comparaison des effectifs accueillis. Les baraquements déjà construit servirent à abriter les personnes âgées et les malades. Mais, les autres internés durent se fabriquer leurs propres abris avec des planches et des morceaux de tôles trouvés sur place.

Robert Capa, Exilés républicains marchant sur la plage vers un camp d'internement, Le Barcarès, France, mars 1939 © International Center of Photography / Magnum Collection International Center of Photography

Exilés républicains marchant sur la plage vers un camp d’internement au Barcarès en France en mars 1939.

La construction du camp de Gurs par exemple, supervisée par le général Ménard et le préfet des Basses Pyrénées, Angelo Chiappe, a été annoncée le 15 mars 1939. Dans la journée, des terrains6 furent réquisitionnés par le ministère de l’Intérieur et le camp fut construit en 42 jours par 400 ouvriers pour un coût total de 12,5 millions de francs.7Les ouvriers du chantier furent sous la direction d’ingénieurs civils des Ponts et Chaussées qui dépendirent du Ministère des travaux publics. Une très grande majorité des chantiers furent supervisée par l’administration des Ponts et Chaussées jusqu’au 4 mars 1939, date à partir de laquelle le général Ménard, et le Ministère des travaux publics se sont mis d’accord pour que les aménagements et les entretiens des camps d’internement soient réalisés en collaboration avec les équipes d’ingénieurs des Ponts et Chaussées et le service de génie militaire.

Photographie provenant du Film « No pasarán » de Henri-François Imbert. Crédit photo : Cartes postales APA

Carte postale du camp de Gurs dans les Pyrénées-Atlantiques.

Les baraquements qui servirent d’habitations, furent très rudimentaires car ils étaient réalisés en bois pour les planchers et en tôle pour les murs et les toits. Ces choix dans la construction eurent un impact direct sur la vie des internés qui durent lutter contre le froid. Le choix des matériaux s’expliqua d’abord par son prix peu onéreux ainsi que par la facilité avec laquelle les baraquements pouvaient être installés. Aussi, l’internement des étrangers dans les camps étaient initialement prévus pour ne servir que quelques mois, ils devaient donc être possible de les désinstaller rapidement. Le général Ménard, participa en novembre 1939 à la création du CCR8. Cette commission eu pour but d’intervenir auprès des internés pour tenter d’améliorer leurs conditions de vie. Le CCR dépensa plus de 600 000 francs pour leur fournir des vêtements et des produits pharmaceutiques. Mais malgré ces tentatives, les conditions de vie dans les camps ne se sont pas améliorées.

1 Les premiers réfugiés arrivèrent en France lors de l’hiver entre 1938 et 1939.
2 Les réfugiés espagnols comptent des soldats républicains dans leur rangs.
3 Argelès, Agde, Barcarès, Bram, Rivesalte et Saint-Cyprien
4 Anne Grynberg, Les camps de la honte : les internés juifs des camps français,1939-1944, La Découverte Poche / Sciences humaines et sociales n°73, 1999, p.49.
5 Le camp fut ouvert en 1939.
6 Environ 80 hectares ont été réquisitionnés ce jour là.
7 Anne Grynberg, Les camps de la honte : les internés juifs des camps français,1939-1944, La Découverte Poche / Sciences humaines et sociales n°73, 1999, p.49.
8 Commission des Centres de Rassemblement (CCR)