L’établissement des camps d’internement dans le sud-ouest de la France de 1938 à 1946 relève essentiellement de mesures et de procédures qui elles mêmes proviennent de la haute administration. Il est donc intéressant de mettre en évidence l’interprétation de certains décrets étatiques par les grandes instances administratives que sont les préfectures.
Le décret « pionnier » du 12 novembre 1938 explicite pour la première fois la logique d’exclusion par le biais de l’aménagement de centres de rassemblement pour les réfugiés de la république d’Espagne bouleversée par la guerre, ainsi que pour les réfugiés autrichiens et allemands fuyant le régime Nazi. Cependant, il est important d’ajouter que ce décret fut initiateur de nombreuses autres lois et circulaires qui furent votées tout au long de la seconde guerre mondiale par les diverses entités politiques au pouvoir durant cette période.
C’est notamment le cas des circulaires du 6 février au 1er octobre 1939, promulguées afin d’accueillir les Républicains espagnols dans les Pyrénées Orientales (et donc liées à la création des premiers camps). Cette circulaire fit l’objet de vifs débats, notamment à propos de la construction du camp de Gurs (15 mars-25 avril 1939), qui devait initialement être construit à Ogeu (arrondissement d’Oloron en Pyrénées-Atlantiques). En effet, au cœur des délibérations est évoqué le problème d’une éventuelle et impossible cohabitation, s’il advenait que le camp de réfugiés espagnols fut construit à Ogeu; notamment entre Basques Français et Basques Espagnols qui ont entretenu des relations complexes avec de fortes tensions. Un mouvement de contestation fut donc mené par Jean Ybarnegaray qui défendit face au préfet l’idée que le camp d’internement puisse être construit à Ogeu.
Suite à ces arguments et sous sa décision, le préfet choisit de faire construire le camp à Gurs, une construction supervisée par le préfet des Basses-Pyrénées ainsi que par le général commandant la 18ème Région, l’un supervisant l’intendance et l’autre l’encadrement.
De plus, il est important de souligner un décret, qui de par son intitulé permet de corréler les initiatives des préfectures face aux décisions étatiques, il s’agit du décret en date du 18 novembre 1939. Il prévint l’extension des mesures d’internement prise à l’encontre des « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique » sur décision du préfet (incontestable juridiquement et sans besoin de justification) ; ce décret fut révisé le 3 septembre 1940 et prolongea les possibilités et mesures que put prendre le préfet ; une nouvelle échelle des pouvoirs législatifs et exécutifs leur fut donc accordée. En raison de cette prolongation de responsabilités, il est intéressant de citer une application concrète de cette extension menée par l’un de ces derniers. En effet, un accord fut établi entre la préfecture de Haute-Garonne (et son préfet Léopold Chéneaux de Leyritz) et le « Comité de Bienfaisance Israélite », en novembre 1940 pour accueillir dans le camp de Brens les individus de confession juive qui auparavant étaient réfugiés dans la ville de Toulouse.
Dans un cas similaire, on retrouve le lien entre autorité étatique et application directe de la haute administration. Effectivement, le décret du 27 juillet 1940 amorça l’institutionnalisation des G.T.E. Ces Groupes de Travailleurs Étrangers interagirent directement avec le camp de Septfonds, qui dès le 15 mars 1940 fut utilisé dans le but de développer l’instruction de ces réfugiés. Le camp reçut, tout au long de la seconde guerre mondiale, environ huit cent aviateurs de l’armée polonaise ainsi que de nombreux réfugiés fuyant l’annexion de la Pologne par l’Allemagne Nazi dès septembre 1939. A partir de l’année 1941, le préfet prit l’initiative d’administrer le camp en tant que dépôt de régiment de marche pour volontaires étrangers, pour économiser ainsi les dépenses d’entretien à propos du camp et pour pallier au manque de la main d’œuvre française notamment en raison de sa mobilisation dans le deuxième conflit mondial.
De surcroît, on note que sous Vichy et plus précisément le 3 octobre 1940, une étape fut franchi dans la violence antisémite. Effectivement, le Statut des Juifs délimita une exclusion formelle des personnes de confession juive dans l’ensemble des institutions qui régissent la société française (enseignement, police, radio, commerce…). A l’échelle des camps, nous sommes en mesure de relier ce décret aux agissements du préfet de l’Ariège, qui à la suite de cette circulaire décida d’organiser de vastes travaux d’aménagement du camp afin d’en augmenter la capacité. Dès 1942, le camp du Vernet servit de lieu de transit suite à l’arrestation de Juifs conformément à l’idéologie de Vichy et de ses lois antisémites.
Enfin, on trouve l’ordonnance datant du 4 octobre 1944, qui autorisa les préfets à interner administrativement les individus jugés comme « collaborationnistes » jusqu’à cessation des hostilités, notamment en raison du courant résistantialiste, créant un fort réveil du sentiment patriotique face à l’occupant vaincu et qui se popularisa dès la fin de la guerre.
Celle-ci ne fut en vérité appliquée qu’à partir du 31 octobre 1944, (moment où Adrien Tixier, homme politique français présida le Conseil Général de Haute-Vienne), en abrogeant et amendant certains intitulés du décret du 12 novembre 1938, initialement promulgué par la IIIe République. Cette modification entraîna l’internement des collaborateurs de Vichy, cependant leurs détentions engendra une problématique d’un nouvel ordre, puisque les préfectures manquèrent à ce moment de moyens, qu’ils soient de nature financière ou le résultat d’un manque d’espace. Ce fut par exemple le cas des Pyrénées-Orientales, où l’on fit construire à Perpignan sous décision du préfet des maisons d’arrêt ou bien encore des casernes afin de permettre l’augmentation de la capacité d’internement.