Le camp Joffre de Rivesaltes : un camp militaire.

Il est important dans l’histoire du camp de séparer le camp militaire Joffre de Rivesaltes et le camp d’internement de Rivesaltes. Il faut donc s’intéresser à la fondation du camp en parlant du Centre d’Instruction Militaire Régional Méditerranée créé en 1939, puis de l’annexion allemande en 1942, ensuite de sa reconversion en plusieurs centres de formation entre 1951 et 1966 et enfin de sa fermeture dans les années 70-80.

C’est donc en 1935, dans une logique de politique coloniale, que le ministre de la Guerre a décidé la création d’un Centre d’Instruction Militaire Régional Méditerranée baptisé « camp Joffre » (nom du maréchal natif de Rivesaltes). Le projet voulait que le centre se dresse à deux kilomètres au nord de Rivesaltes pour sa place géostratégique, dû à sa proximité avec le réseau ferroviaire mais surtout de la Méditerranée. Dans ce projet, le camp Joffre aurait également servi de dépôt de matériel et de centre d’instructions. Cependant, en 1936, le centre était encore un simple chantier où on y dressait des habitations qui sont finalisées seulement en 1939 et en 1940 par les Espagnols des Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE). Au final, c’est plus de 1 600 travailleurs étrangers qui ont travaillé sur l’aménagement du camp jusqu’en 1940.

Les premiers résidents du camp militaire étaient les membres du 28ème RICMS (Régiment d’Infanterie Coloniale Mixte Sénégalais au nombre de 5 000 soldats) mais aussi des conscrits métropolitains et se fut donc un camp de 13 hectares, divisé en 9 îlots en parti aménagés qui ouvra ses portes. Cependant, le camp a connu une existence éphémère. En effet, le 22 juin 1940, le maréchal Pétain en signant l’armistice à Rethondes a provoqué une forte réduction des forces armées françaises : une grande partie des régiments ont donc été supprimés. Ainsi, au niveau du camp de Rivesaltes, le 28ème RICMS a été totalement dissous, provoquant ainsi, trois jours après la signature de l’armistice, le début de la fin du camp militaire. Finalement, les 4 434 derniers soldats ont été acheminés vers Marseille en janvier 1941 pour embarquer vers leurs pays. Les seuls résidents du camp étaient alors les hommes incorporés de la CTE.

Il faut donc attendre l’annexion allemande en 1942, pour que le camp Joffre de Rivesaltes retrouve une fonction militaire et que la caserne se remplit, alors que l’autre partie du camp étant le centre d’internement dépendait du Ministère de Vichy.

L‘annexion allemande est un court passage dans l’histoire du camp, mais il est important d’en parler car le camp Joffre de Rivesaltes n’est plus seulement un camp militaire, mais aussi un « camp d’internement administratif ».

C’est le 12 novembre 1942, après être entré dans Perpignan la veille, que les troupes allemandes (« troupes d’opérations ») se sont installées directement dans le camp de Rivesaltes qui était avant tout une caserne militaire. Ainsi, une seule partie du camp a été annexée par les Allemands puisque le centre d’internement du Ministère de l’Intérieur de Vichy était encore en fonction (en novembre 1943 il y avait 2 471 internés).

Il faut savoir que cette annexion allemande a inquiété les internés et a fait augmenter le nombre d’évasions. En effet, elles se sont faites surtout dans l’îlot K, qui en août 1942 était devenu l’îlot où étaient internés les juifs (comme l’îlot F) et qui était positionné près de la route. Entre le 13 novembre et le 25 novembre 1942, on a pu répertorier plus de 200 évasions de Tsiganes et de juifs. De plus, cette annexion allemande inquiétait la population locale et a créée de nombreuses tensions économiques, avec la raréfaction des marchandises et l’apparition du marché noir.

Au final, le camp a été entièrement annexé par les Allemands puisqu’ils se sont installés dans les baraques des internés et en particulier dans celles des Espagnols des GTE, mais aussi dans celles des autres bâtisseurs jusqu’au 19 août 1944 où les troupes se sont retirées après la Libération. Les troupes ne manquèrent pas de détruire les installations électriques et les centres d’eau de certains îlots tout en dérobant également les armes stockées en quittant le camp.

Le camp Joffre de Rivesaltes a retrouvé sa fonction militaire à partir de 1951, dans des centres de formations toujours encadrés par l’armée pour des anciens membres de l’armée. Dans une logique politique de décolonisation, l’État français a décidé d’ouvrir ces centres afin de permettre aux anciens soldats des troupes coloniales de s’intégrer socialement et de trouver un métier.

Ainsi, le 1er décembre 1951 le « Centre de formation professionnelle accélérée de Rivesaltes » a ouvert ses portes afin de favoriser l’insertion des conscrits volontaires, et en particulier des nord-africains. A l’ouverture du centre, 180 jeunes ont été formés, et en 1954, le camp a accueilli 150 à 200 jeunes chaque semestres, encadrés par 35 à 60 militaires. En 1957, cette politique s’est intensifiée lorsque Robert Lacoste, gouverneur général de l’Algérie, a demandé au Ministère des armées de former 2 000 jeunes en pleine bataille d’Alger. Ainsi en quatre ans, 3 000 jeunes obtiennent un CAP.

En 1962, L’îlot J contenait les conscrits français musulmans et l’îlot N les membres du FLN dans le centre pénitentiaire, qui provoqua une cohabitation difficile : bagarres, insultes… Cette cohabitation difficile a conduit à la fermeture du centre pour un transfert vers Alençon et le camp militaire est redevenu ainsi une simple caserne.

En 1951, les îlots Q et O servaient de « Centre de Formation Professionnelle pour Adultes » (CFPA) et entre 1977 et 1978 les femmes ont pu, elles aussi, bénéficier d’une formation. Il est important de parler également du « camp des Guinéens » entre 1965 et 1966. En effet, après l’indépendance de la Guinée, le contrat des soldats guinéens avec l’armée française a été rompu. Ils refusèrent cette décision et se sont fait ainsi expulser de leur pays pour arriver en France en novembre 1964. Les autorités françaises ne sachant pas quoi faire de ces expulsés décidèrent alors de les envoyer au camp Joffre où ils ont été recueilli par les troupes coloniales. Finalement, c’est 700 personnes qui ont été pris en charge jusqu’en octobre 1966, date de leur départ. Les derniers Guinéens restés dans le camp furent rapatriés vers Konakry, le 15 octobre 1966. Ce départ des Guinéens marque la fin de toute présence de troupes coloniales dans le camp Joffre, mais aussi la fin d’une politique coloniale française.

La fin progressive du camp militaire Joffre de Rivesaltes est située dans les années 1970-1980 car le camp n’était pas entretenu. Ainsi, les mairies des alentours rachetèrent petit-à-petit des parcelles du terrain et le peu qui en reste est aujourd’hui laissé à l’abandon aux squatteurs, aux vagabonds et à la tramontane. Au final, la seule partie bien conservée du camp militaire est la partie où le Ministère de l’Intérieur a fait construire un camp de rétention qui a ouvert ses portes en 1986.

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