Le savant, en route vers la professionnalisation

La vulgarisation des connaissances

L’institutionnalisation engendre tout d’abord la vulgarisation des connaissances, c’est-à-dire parvenir à rendre le savoir accessible à davantage de personnes. Il n’est pas encore question de diffusion massive, mais la diffusion s’accélère quand même.

Depuis l’arrivée de l’imprimerie en France au XVe siècle, la diffusion du savoir se fait plus facilement et plus rapidement. Au XVIIIe siècle cette diffusion est d’autant plus rapide qu’elle profite d’un engouement inédit pour les sciences. Le principal moyen de diffusion de la connaissance est la parution d’ouvrages et de journaux savants, tels que Le Journal des Savants, gazette qui permet la multiplication d’échanges entre les savants mais qui suscita l’intérêt de nombre d’érudits rejoignant ensuite les cercles savants, favorisant ainsi la diffusion de nouvelles idées et de nouvelles techniques. Des ouvrages savants voient aussi le jour: c’est le cas de la célèbre Encyclopédie de Diderot et d’Alembert éditée entre 1751 et 1772 qui comprend des articles dans tous les domaines, tant dans les sciences et les techniques que dans la philosophie. Elle s’est vendue, entre 1751 et 1782 à 25 000 exemplaires, preuve de cet immense soif de savoir au XVIIIe siècle.

L’institutionnalisation, évoqué plus, légitime encore l’importance du savoir et participe à sa consolidation et à l’engouement au sein de la population. De même, entre les savants, comme nous l’avons évoqué précédemment, les échanges deviennent de plus en plus importants et de plus en plus variés. En effet, dans un contexte d’Europe monarchique, les idées nouvelles définies par les savants se diffusent entre eux à l’échelle européenne via les correspondances privées dans lesquelles les savants font part de leurs théories et des résultats de leurs expériences .

Au sein même des cercles savants, de nouvelles idées s’échangent entraînant ainsi de nouvelles découvertes et de nouvelles techniques destinées à faciliter la vie des Hommes.

En effet, le XVIIIe siècle voit naître de nouvelles innovations qui ont marqué leur époque : c’est le cas de la première machine à vapeur mise au point par Newcomen et Savey en 1705 et améliorée par James Watt en 1765 qui crée la machine à vapeur avec condensation ou encore l’invention de la machine à écrire par H. Mill en 1714.

Ces inventions ont marqué leur temps, constituant des nouveautés importantes pour les contemporains.

"La Liseuse", Jean-Honoré Fragonard, vers 1770, huile sur toile,  National Gallery of Art, Washington

« La Liseuse », Jean-Honoré Fragonard, vers 1770, huile sur toile, National Gallery of Art, Washington

Un début d’organisation

La diffusion des idées est énormément favorisée par l’émergence de cercles savants qui sont des lieux où il y a une multitude d’échanges, débats ou discussions. Ces pratiques ont permis d’intégrer la communauté scientifique avec en 1666 la fondation de la première Académie des Sciences de Paris.

Jusqu’alors, les savants devaient surtout compter sur le mécénat privé ou sur des subventions officielles et surtout, ils ne disposaient pas vraiment de structures pour travailler. Les universités en effet, si elles existent depuis le Moyen Age, ne sont guère ouvertes aux nouveautés. Avec les académies, au moins celles de Paris, les membres obtiennent des moyens réguliers pour mener leurs travaux.

Ces académies ont pour but de rassembler les savants de l’époque et elles organisent le travail avec des « classes » selon les disciplines, des réunions régulières, des commissions d’examen, etc. Au sein des académies, des concours se mettent en place, permettant des rencontres entre savants ( tant provinciaux que parisiens). Ils sont accessibles à tous, organisés par domaines , et sont financés et jugés par les académies elles-mêmes. Ils très populaires: selon Jérémy L. Caradona dans son ouvrage Prendre part au siècle des Lumières le concours académique et la culture intellectuelle au XVIIIe siècle, entre 1670 et 1793 15 000 personnes participèrent aux concours. Les concours académiques représentent pour les savants de nombreux mois de préparation. De célèbres savants y participèrent : c’est le cas de Voltaire, Rousseau ou encore Bernoulli. Au XVIIIe, les concours commencent à se diversifier : centrés autour du roi, ils sont aussi de véritables outils pour discuter des institutions politiques et religieuses, souvent remises en cause Les concours représentent donc un autre mode de diffusion des idées de l’époque.

Elles sont aussi une fonction enseignante qui s’organise principalement autour de quelques sujets principaux : le dessin appliqué, la botanique, les sciences physiques et mathématiques et, plus rarement, la médecine. Globalement, ces académies restent très élitistes mais elles peuvent s’ouvrir un peu. Ainsi, celle de Dijon ouvre sept cours: sur l’agriculture, l’architecture, l’anatomie et la médecine pratique, la géométrie pratique et la mécanique, la peinture, le dessin, la médecine vétérinaire, la musique. Ces cours sont ouverts largement avec notamment la médecine dans les campagnes.

Le modèle académique permet donc d’institutionnaliser les pratiques savantes et de donner plus de poids à la communauté scientifique.