La sphère scientifique

Nouvelles méthodes et systèmes

 

Buste d’Aristote
conçu par Lysippe de Sicyone en marbre.

Au XVIIIe siècle, les progrès scientifiques se font en dehors des universités qui enseignent la pensée scolastique, qui mélange la théologie et l’étude de philosophes grecs et notamment Aristote, qui est le premier véritable fondateur de la biologie en tant que discipline scientifique. De cet enseignement qui cherche à capter le domaine scientifique, naissent les systèmes. Ces derniers marient les idées abstraites et métaphysiques à la physique pure et privilégient le raisonnement aux expériences. Bien que peu rigoureux quant à la méthode employée, car s’appuyant sur des approximations scientifiques, ils connaissent un fort succès et sont de plus en plus présents au XVIIIe siècle. De nombreux détracteurs se font cependant connaître, tel que Condillac qui publie en 1749 un Traité des systèmes sur la caducité de ces derniers. Ces systèmes ont pour vertu de vulgariser l’étude des sciences naturelles et donc d’y intéresser le plus grand nombre.

En parallèle, Carl Von linné un naturaliste suédois publie en 1735, la première classification des êtres vivants, du règne animal et végétal dans son Systema Naturae.

Buffon formule des thèses sur la possibilité que l’homme puisse descendre du singe. Il est également l’un des précurseurs du mouvement transformiste, un mouvement qui formule la théorie sur l’évolution des espèces. Ses premiers travaux majeurs découlent de nouvelles conceptions et méthodes scientifiques rigoureuses, mais aussi des discussions entre savants et parfois même des conflits entre savants religieux et savants athéistes.

Un outillage plus rigoureux

Portrait de Jean-Antoine Nollet
Maurice Quentin de La Tour, 1753
Munich, Ancienne Pinacothèque

Des savants plus audacieux délaissent l’observation passive et les théories parfois hasardeuses au profit de l’expérimentation. En 1738, l’Abbé Nollet témoigne de la multiplication des expériences en province. La recherche scientifique commence à rejeter le savoir purement empirique pour mieux gagner en objectivité et tente d’apporter des éléments de réponse rationnels et concrets aux faits amassés, en procédant à des vérifications consciencieuses par des expériences répétées par les savants.

La passion pour les sciences naturelles favorise cette recherche qui se veut de plus en plus expérimentale dont elle permet le financement des expériences ainsi que la création de nouveaux outils. Cependant, les nouvelles théories se heurtent considérablement au dogme religieux ou, parfois au contraire, sont encouragées par l’Église.

Conflits entre savants et religieux

Au XVIIIe, la moitié des savants sont des hommes de foi, tels que l’abbé Nollet ou l’abbé Berthelon. Cette partie de la communauté scientifique est, malgré certaines réticences et tabous, encouragée par l’Église. Cette dernière les soutient dans leurs travaux et recherches, dans le but que les sciences naturelles amènent la preuve irréfutable de l’existence de Dieu. Ainsi, par les sciences naturelles, se crée un courant de rationalisation de la théologie.

Les expériences scientifiques s’évertuent donc à expliquer les mystères de Dieu, comme en témoigne la table méthodique du Journal des savants, qui laisse la première place à la théologie. Le spectacle incroyable de la nature est considéré comme la preuve de l’existence de Dieu et de sa toute puissance.

Acta Euruditorum, première revue scientifique parue en Allemagne (1682 – 1782) avec le portrait de Johann Jakob Scheuchzer
Université Amsterdam Marssen

En 1725, est traduit L’existence de Dieu, démontrée par les merveilles de la nature de Nieuwentyt ou encore en 1732, La physique sacrée ou histoire de la bible du Suisse Scheuchzer. On peut parler ici d’une instrumentalisation des sciences naturelles par le domaine religieux. Paradoxalement, et malgré la participation intensive de ces savants religieux aux débats et aux recherches scientifiques, le dogme continue de former un certain clivage avec la démarche scientifique.

Les savants athéistes mènent une résistance désorganisée face au dogme bien que le courant des Lumières y participe en faisant émerger une nouvelle représentation du monde. On se met à comprendre que la nature est régie par un ensemble de lois et que c’est un univers ordonné et intelligible. Cet aspect de la nature est rendu visible par des savants tel que Buffon qui publie en 1749 trois volumes de Histoire naturelle ou encore Isaac Newton avec sa théorie de la gravitation universelle. La lutte contre le dogme religieux se traduit par des débats virulents, la censure de certains traités ou même la condamnation et l’exil pour certains auteurs. Les écritures contraires aux textes bibliques sont souvent sujettes à polémique. Buffon en fait les frais, on le confond avec ce que l’on appelle alors chez certains détracteurs « la secte encyclopédique » : les théologiens s’évertuent à marquer des bornes à la science. Malgré tout, certains auteurs tentent un consensus scientifico-théologique. En 1767, Torbun publie Un accord de la foi avec la raison dans la manière de présenter le système physique du monde et d’expliquer les différents mystères de la religion.

Ainsi, ce consensus provoqué par les savants théologiens est bénéfique aux sciences naturelles. Il entraine un recul progressif du dogme religieux dans le domaine scientifique, et ce, au profit des sciences, ce qui conduira les mentalités à évoluer. Cette évolution et cette volonté de mieux connaître le monde est l’un des facteurs qui permet la multiplication des expéditions.