En 1763, après le traité de Paris, la France lègue la plupart de ses territoires ultra-marins à sa principale rivale et nouvelle puissance dominante en Europe : l’Angleterre.
Conclusion de la guerre de Sept ans, ce traité, très désavantageux pour la France, est la conséquence de plusieurs facteurs, en premier lieu la suprématie écrasante de la Royal Navy sur la flotte française, les français étant vaincus dans la quasi-totalité des batailles navales qui les opposèrent aux britanniques durant le conflit. Constatant cet état de fait, le ministère de la marine engage des réformes avec par exemple une difficulté accrue des examens pour les officiers, et une modernisation de la flotte.
C’est dans ce contexte que Louis-Antoine de Bougainville fut chargé d’un voyage autour du monde, avec comme objectif premier l’expérimentation de l’efficacité de ces réformes. Fils de notaire, mathématicien de formation, Bougainville fit ses armes durant la guerre de Sept Ans, notamment sur le front québécois (où il assista à la prise de Québec par les troupes britanniques en 1759) et sur les bords du Rhin en 1761.
Bougainville devait tout d’abord remettre aux espagnols les Îles Malouines, prises par la France en 1763, prise dont il fut lui même l’instigateur, l’ayant proposée au gouvernement français car convaincu de l’importance de ménager une base de départ vers le Pacifique. Cette rétrocession fut accomplie en vertu du »pacte de famille », une série d’accords entre différentes branches d’une maison régnante, en général pour ne pas se nuire entre elles, ici les Bourbons, signé en 1761 entre la l’Espagne et la France ; ainsi que du traité d’Utrecht (1713), les bourbons de France ayant alors renoncé à toute prétention sur des terres espagnoles afin que Philippe d’Anjou puisse obtenir le trône d’Espagne.
Sur ordre de Louis XV, Bougainville devait ensuite prendre possession de nouveaux territoires afin de pallier les pertes coloniales de 1763 via des »actes de prise de possession », un acte de droit international public par lequel un gouvernement ou un individu agissant en son nom déclare établir sa souveraineté sur un territoire qu’il découvre ou qu’il considère comme n’appartenant à aucune autre puissance.
Le troisième objectif du voyage est la découverte des terres australes : les débats portant sur l’existence d’un continent inconnu au Sud du globe étaient vifs, alors. Les mouvements encyclopédistes encourageant à laisser libre cours à la curiosité pour étendre les connaissances, les marins et les savants ne cessant d’améliorer les conditions de navigation et les États cherchant à engranger les ultimes parcelles territoriales encore non revendiquées, les terres australes, avec leurs mystères et leurs richesses supposées, sont présentes dans tous les esprits ; légendes dont héritera Bougainville, lancé à la recherche des ces terres mythiques.
A cette époque la France est en proie à de graves troubles fiscaux, ne pouvant rembourser les prêts contractés afin de soutenir l’effort de guerre contre les anglais. Afin de tenter de régler ce problème, Bougainville avait également pour mission de développer les liens économiques et commerciaux avec la Chine, la dynastie régnante Qing étant alors au faîte de sa puissance.
Enfin, le voyage de Bougainville reçut un objectif scientifique : l’académie des sciences, ainsi que Louis XV, désiraient perfectionner l’hydrographie, la cartographie, l’ethnologie, la botanique, l’astronomie ou encore la physique grâce à ce voyage.
Ainsi, lorsqu’il appareille de Brest, l’équipage de la Boudeuse emporte avec lui l’ingénieur Charles Routier de Romainville (1742-1792), chargé du relevé cartographique, l’astronome Pierre-Antoine Véron (1736-1770), venu mettre au point la méthode de calcul de la longitude par les distances lunaires, et le naturaliste Philibert Commerson (1727-1773), célèbre pour avoir collecté de par le monde des milliers d’espèces de plantes nouvelles, d’insectes, de poissons et d’oiseaux qui furent offerts au Jardin du roi. Le navire embarque également la »cucurbite », une machine destinée à dessaler l’eau de mer dont on souhaitait tester les capacités.