La découverte de l’Atlantique

L’Atlantique est l’océan bordant, à l’Est, l’Europe et l’Afrique et à l’Ouest l’Amérique du Nord et du Sud. Sa superficie est d’environ 106 millions de km². C’est le second océan le plus grand de la planète derrière l’océan Pacifique.

La réelle difficulté de l’Atlantique est surtout de réussir à dompter cette étendue d’eau. Il faut donc prévoir des provisions plus importantes et surtout avoir une connaissance précise de l’océan si l’on ne veut pas se perdre et se faire emporter par les vents. C’est pour cela que durant des siècles, la côte africaine est restée inconnue de la part des Européens car elle était inaccessible pour les navigateurs, tellement inaccessible que la partie sud de l’Atlantique est surnommée « mer des Ténèbres ». 1

Bien entendu, toutes ces expéditions ont été menées grâce aux progrès techniques touchant l’astronomie et la cartographie notamment. On voit apparaître l’astrolabe, le quadrant ainsi que le compas magnétique, inventé et développé en Chine. L’appareil se composait d’un récipient d’eau sur lequel flottait une aiguille aimantée qui pointait le Nord et le Sud. Sous Jean II, roi de Portugal (1481-1495), la «junte des mathématiciens» découvre le moyen de calculer la latitude d’un lieu quelconque grâce à l’astrolabe, qui sert à mesurer l’angle de l’étoile Polaire, puis du Soleil et de la Croix du Sud (dans l’hémisphère austral) avec l’horizon. Dès lors, on n’hésite plus à s’éloigner des côtes. Au XIVe siècle, sur les cartes, figurent avec précision la Méditerranée, la mer Noire ainsi que les côtes atlantiques. Au XVe siècle, on voit l’apparition d’un nouveau type de bateau : la Caravelle. Ce navire, avec une coque plus large, s’enfonce moins dans l’eau. Le fond est plat et renforcé ce qui facilite les explorations côtières. En revanche, les bords sont élevés ce qui permet de lutter contre les vagues de l’océan Atlantique. Les différents mâts sont dotés de voiles triangulaires qui captent la direction du vent mais il existe aussi des voiles carrées2.

Les premiers européens à s’aventurer sur l’Atlantique sont les Vikings qui vont sillonner la mer du Nord et l’Atlantique nord. Vers 900, le viking Gumbjoin et son équipage naviguèrent jusqu’au Groenland. Plus tard, ils s’élancèrent vers Terre-Neuve au Canada où ils ne réussirent pas à s’installer et leurs colonies vont alors disparaître. En 986, Hjarni Herjolfson, un norvégien, poussé par le hasard des vents et des courants, avait déjà eu un premier contact avec une terre du sud (qui se trouvait être le continent américain)3.

La première partie des territoires découverts lors de la traversée de l’Atlantique fut donc le Nord du continent américain même si des territoires plus proches furent colonisés comme les îles Canaries par les Français avec Jean de Béthencourt qui y installa des comptoirs au début du XIVe siècle.

Après les pays Scandinaves, Giovanni Cabotto (John Cabot en anglais) et son fils sont envoyés par des marchands anglais afin de trouver une route au nord de l’Amérique menant aux Indes, le 2 mai 1497. A cette occasion, ils découvrirent la province de Terre-Neuve et le Labrador (région continentale de Terre-Neuve), pensant qu’il s’agissait des terres asiatiques. Du côté Français, Jacques Cartier traverse lui aussi la partie Nord de l’Atlantique dès le mois d’avril 1534 dans la même optique (découvrir une route vers les Indes). Il arrive également à Terre-Neuve, qu’il nomme lui même ainsi. Il découvre également un fleuve qu’il nomme le Saint- Laurent. Huit mois après, Cartier découvre la région de Québec ainsi que l’emplacement futur de Montréal. Le troisième et dernier voyage lancé en 1540 a pour but d’établir une colonie française. Cependant, cette tentative de colonisation fut un échec et Cartier ainsi que les survivants de l’expédition fuirent le Canada. Certains français eurent le courage de rester mais trois ans après, il ne restait plus aucune trace de la colonie. Les territoires suivants à être découverts (sans que leurs découvreurs sachent qu’ils avaient découvert une nouvelle terre en revanche) se situaient dans les Caraïbes.

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Portrait de Christophe Colomb par le peintre Allemand Karl von Piloty en 1865 (http://www.insecula.com)

Les Espagnols avec Christophe Colomb s’élancent le 3 août 1492 dans l’Atlantique Nord afin de trouver une route vers l’Ouest qui mène aux Inde et tombèrent sur quelques îles dont Haïti mais aussi les Bahamas. Colomb revient une seconde fois en 1493 avec des centaines d’hommes (marins et soldats) et installe la première colonie espagnole sur Haïti. Cependant, jusqu’à sa mort, Colomb est persuadé d’être arrivé aux Indes mais pas d’avoir découvert un nouveau continent.

 Il faut savoir qu’avant les grandes découvertes, les marins avaient peur de s’éloigner en haute mer. Le savoir des pilotes reposait uniquement sur la navigation à l’estime (une méthode de navigation qui consiste à déduire la position d’un navire de sa route et de la distance parcourue depuis sa dernière position connue), d’où leur navigation près des côtes. De plus, la Méditerranée est une mer fermée : après quelques jours de navigation en gardant le même cap, on est certain de trouver une terre connue. Pas à pas, les navigateurs du XVe siècle découvrent le régime des vents de l’Atlantique appelés les alizés. Ils trouvent ainsi la clé pour une navigation en direction de l’Outre-mer4.

En raison de son importance stratégique, la découverte du régime des vents en Atlantique Nord fut considérée comme un secret d’État jusqu’au XIXe siècle. En effet, les portugais ont compris que pour aller sur la côte Sud de l’Afrique, il valait mieux se laisser déporter à l’ouest par les alizés, puis revenir ensuite vers le sud de l’Afrique : cette route maritime s’est appelée la « volta » en portugais (ou « vuelta » en espagnol).

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Carte des différents courants marins de l’Atlantique Nord que les navigateurs européens surent utiliser (http://www.laterredufutur.com )

Cependant, il reste encore la partie Sud de l’océan qui est plus grande et totalement inconnue. Différentes motivations vont pousser les Européens à se lancer dans les eaux de l’Atlantique Sud.

Du VIIIe au XVe siècle ce sont les cités italiennes qui possèdent le monopole du commerce entre l’Europe et le Moyen-Orient. Cependant, avec la montée en puissance de l’Empire ottoman et la chute de Constantinople en 1453, les autres pays européens subissent une augmentation des taxes et doivent trouver de nouvelles routes commerciales. Cette quête de nouveaux débouchés commerciaux mais aussi de nouvelles matières premières pour répondre aux besoins alimentaires de populations croissantes, sont des motivations auxquelles s’ajoutent encore les besoins des Portugais en esclaves pour accroître leurs plantations sucrières de Madère ou des Açores. De plus, les épices utilisées par les Européens sont « distribuées » par les marchands italiens qui en trouvent dans les ports orientaux de la Méditerranée avec une forte augmentation du prix de celles-ci. Par ailleurs, les riches Européens ont une demande toujours plus importante de produits de luxe venus d’Asie : soie, épices, pierres précieuses… Les mines européennes d’or et d’argent s’épuisent, alors que le commerce et l’industrie ne cessent de se développer : il y a donc un besoin crucial de métaux précieux. Il existe cependant une quantité importante d’or en Afrique soudanaise mais le trafic est contrôlé par les musulmans. La Méditerranée étant contrôlée par les Italiens, les Portugais et Espagnols cherchent une nouvelle route menant vers l’Orient afin d’éviter les nombreuses taxes imposées.

Il existe aussi des motivations religieuses qui poussent les Européens à explorer l’Atlantique Sud. Le XIIIe siècle est marqué par la fin de la Reconquête Portugaise. Le Portugal avait en tête de découvrir la limite Sud du Maroc afin d’attaquer le pays à revers et ainsi de se venger de ses anciens colonisateurs. Il suit ainsi la logique de la Reconquista. De plus, au XVe siècle, l’expansion coloniale est un devoir chrétien envers le souverain. Le concept de Terra Nulius apparaît : une terre qui n’appartient pas à la civilisation chrétienne n’est la terre de personne. Il faut répandre la bonne parole auprès des autochtones, que ce soit de gré ou de force.

Enfin, il ne faut pas négliger le sentiment de curiosité qui a entretenu cette volonté de découverte. L’un des buts était notamment de mieux connaître les terres mais aussi de vérifier certaines hypothèses géographiques, comme la distance entre l’Europe et l’Orient par la voie maritime par l’Ouest5.

Tout commence avec les premiers explorateurs, qui sont Italiens et notamment Génois. En 1291, Ugolino et Vadino Vivaldi s’élancent dans une expédition financée par Teodisio Doria. Ils tentent de faire le tour de l’Afrique par voie maritime, donc en passant par l’Atlantique. Le voyage ayant pour terme l’Inde, leur but est économique. Ils ont à leur disposition deux galères. Ils quittent Gênes en mai 1291, passent Gibraltar et longent les côtes de l’Afrique puis ils disparaissent vers le Golfe de Guinée. Le Vénitien Alvise da Cà da Mosto et le Génois Antonio Usodimare sont eux des hommes d’affaires qui pensent surtout que la découverte du monde est une excellente occasion d’ouvrir de nouveaux marchés : pour le commerce d’esclaves par exemple.

Après les Génois, les Portugais dominent l’exploration de l’Atlantique Sud. Ils suivent une démarche rationnelle, veulent évaluer les risques et les bénéfices de ces explorations et ils ont également un but religieux en tête. Leurs conquêtes de l’Atlantique se feront pas à pas sur une durée d’environ un siècle. Un des précurseurs est le prince Henri (1394-1460) dit Henri le Navigateur (alors qu’il n’a jamais navigué de sa vie).

Il commande toutes les premières expéditions sur la côte sud-ouest de l’Afrique, où les objectifs sont commerciaux. Il a pour but de découvrir les terres au delà du cap de Bojador et des Canaries mais également de trouver des rois chrétiens avec qui commercer et l’aider à combattre les infidèles. Des décrets pontificaux autorisent le roi du Portugal à réduire les incroyants à l’esclavage ainsi que de s’adjuger le monopole sur les régions conquises. Pour voir la mentalité portugaise de l’époque on prend pour exemple Nuno Tristam, qui, en 1443, découvre l’embouchure du Sénégal et déclare qu’elle est la propriété du Portugal. On notera que par la suite, à partir de 1444, ces expéditions deviennent rentables grâce à l’augmentation du nombre d’esclaves.

Il existe cependant certaines difficultés auxquelles les expéditions du prince Henri sont confrontées dès le début : aller au delà du cap Bojador. La tache est difficile à cause des courants mais en 1434, une de ces expéditions, dirigée par Gil Eanes, réussi à le franchir, suivie en 1441 par une autre, qui passe le Cap Blanc situé à la frontière de la Mauritanie et du Sahara occidental actuels.

Après la mort d’Henri le navigateur, c’est le roi Jean II qui commanditera les expéditions. L’équateur est une étape majeure et elle est franchie en 1475 par des explorateurs portugais. Jean II chargea Diogo Cão, durant son premier voyage (1482-1483), de poursuivre l’exploration des côtes d’Afrique. Ce dernier emporte avec lui une borne de pierre surmontée d’une croix, nommée Padrao, afin de marquer les territoires conquis par la couronne portugaise . C’est à l’embouchure du fleuve Congo qu’il plaça le premier Padrao en 1483. Il va ensuite vers le sud jusqu’au Cap Sainte-Marie en Angola, ce qui marque une nouvelle progression dans l’Atlantique Sud. Mais l’expédition qui réalisera toute les espérances portugaises est celle de 1486 grâce à Bartolomeu Dias qui fut chargé par le roi Jean II de poursuivre les explorations de Diogo Cão le long de l’Afrique. A cet effet, le roi lui confia le commandement de deux caravelles et d’un navire de vivres. Le but était d’étudier la possibilité de l’existence d’une route maritime vers les Indes. Dias devient ainsi le premier occidental à doubler le cap de Bonne-Espérance en 14886.

 De l’autre côté de l’océan, les premiers explorateurs des côtes sud-américaines furent également les Espagnols et les Portugais. L’un des premiers navigateurs fut le compagnon de Christophe Colomb : Vicente Yanes Pinzon. Il partit en décembre 1499 et navigua le long de la côte. Ainsi, cela permit aux Espagnols de connaître la forme triangulaire du continent sud-américain. Trois mois après le retour de Pinzon, au début de l’année 1500, Cabral se lance à son tour dans l’exploration de la côte au service du Portugal. Il accosta sur l’actuel Brésil et prit possession de ces terres au nom du roi du Portugal.

Cependant, l’explorateur qui sera conscient d’avoir vraiment découvert un nouveau continent fut le navigateur italien au service de l’Espagne, Amerigo Vespucci. En effet, il doutait que Colomb ait trouvé un chemin vers l’Asie et se dit par la suite que ces terres étaient peut-être un nouveau continent. Le roi Ferdinand II d’Aragon, qui avait une grande confiance dans le navigateur, décida de donner le prénom de Vespucci au continent afin de le remercier : c’est ainsi que naquit l’« Amérique ».

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La rencontre entre les Espagnols, commandés par Vespucci et les populations locales. Gravure de Théodore de Bry, dessinateur et graveur liégeois. ( www.la-mer-en-livres.fr)

Par la suite, le premier explorateur à s’être élancé dans le Pacifique fut le portugais Fernand de Magellan en 1519. Son but était de trouver un passage vers l’Ouest. Pour cela il longea la côte sud-américaine, finit par atteindre le sud du continent et arriva à la Terre du Feu (au sud de l’actuelle Argentine). Une fois arrivé, lui et son équipage découvrirent un détroit navigable qui permettait d’accéder à l’océan Pacifique et de continuer leur route vers les Indes. Ce détroit sera alors nommé le détroit de Magellan en hommage à ce personnage qui fut le premier européen à le passer. Il permit d’ouvrir les portes sur un océan et des territoires encore inconnus7.

  • 1 P. Butel, Histoire de l’Atlantique, Paris, réed. Perrin, coll. « Tempus », 2012.

  • 2 D.S. Johnson, J. Nurminen, La grande histoire de la navigation, National Geographic, 2009.

  • 6 C. Pereyra, La Conquête des Routes Océaniques, d’Henri le navigateur a Magellan, Paris, Les Belles-Lettres, 1949.

Rédacteurs : Cédric Mazel, Anna Bonte, Clément Boyer