Les implantations françaises dans les Mers du Sud

Raisons politiques et stratégiques des implantations

En 1664 est instituée la Compagnie française des Indes orientales, selon l’initiative de Jean-Baptiste Colbert. La Compagnie est formée d’un groupe de négociants-armateurs qui s’engagent à protéger les bâtiments de commerce en cas de guerre, en échange du monopole sur le commerce colonial, concédé par le roi. Les négociants doivent également assurer le transport et l’implantation de colons, mais aussi le ravitaillement du marché français en divers produits coloniaux, et enfin la gestion des établissements1. Sa première implantation outre-mer se réalise en 1673, avec le don d’un petit village sur la côte indienne par le sultan de Bijapur, qui donne naissance au futur chef lieu des établissements français aux Indes Orientales. Y est établi le comptoir de Boudouts-chery, qui devient Pondichéry, puis suit Chandernagor en 1688. En 1697, le traité de Ryswick reconnaît la possession définitive de Pondichéry par la France. 

La région est propice à l’agriculture et de 1701 à 1704, une ville est construite en bordure de mer, organisée autour d’une citadelle, le fort Saint-Louis. On y trouve des édifices religieux, des édifices militaires à but défensif, des églises, l’hôtel de la monnaie (1738), et, construite de 1724 à 1747, une enceinte défensive2.

Nicolas de Fer : Plan de Pondichéry à la côte de Coromandel occupé par la Compagnie des Indes Orientales, Paris, 1705, Biblioteca Nacional Digital, Portugal.

Le territoire connait une véritable prospérité économique, notamment grâce à ses activités commerciales. La région voit apparaître plusieurs comptoirs, structurés dans leur organisation : dans chacun d’entre eux est construit un port avec la possibilité de faire relâche3 et donc de rencontrer les marchands locaux pour négocier la vente de la cargaison4.

L’aménagement des ports de ces îles permet d’entretenir des navires à proximité de la compagnie des Indes afin de préserver les possessions de la France, qui pourraient être menacées par les Anglais. En effet, les Mers du Sud deviennent un champ de bataille entre Angleterre et France. Ces conflits, nommés guerres Carnatiques, s’étendent sur environ dix-sept ans, de 1746 à 17635 et sont divisés en plusieurs phases, avec un paroxysme pendant la Guerre « de Sept-ans » (1756-1763). Parmi les facteurs à l’origine de ces rivalités, on peut citer le désir de contrôle des ports indiens. Lors de ces conflits, la disponibilité d’équipements militaires et surtout de navires de guerre joue un rôle décisif. Les Français s’appuient notamment sur l’île de France. Sur mer et sous le commandement suprême de Mahé de La Bourdonnais, gouverneur de cette l’île6, ils parviennent à capturer la ville anglaise de Madras. Des volontaires venus de l’île Bourbon participent également au siège. Néanmoins, au traité d’Aix la Chapelle, Madras est rendue aux Anglais et la France ne conserve que cinq comptoirs indiens, l’Ile de France et l’île Bourbon7.

                               Les principales étapes et lieux d’implantation

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Frise réalisée par nos soins.

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Carte réalisée par nos soins.

Deux pièces maîtresses : l’Ile Bourbon et l’Ile de France

Ces deux îles ont vu leur territoire aménagé dans un but stratégique par les Français, d’importantes populations d’esclaves et de cultivateurs s’y installer, créant ainsi une véritable société créole dans les Mers du Sud.

Les Français arrivent sur l’île Bourbon en 1640. Elle devait alors servir d’escale vers la conquête de Madagascar et la Compagnie des Indes comptait mettre en valeur le potentiel de l’île grâce aux plantations de café. C’est à l’arrivée des premiers colons, en 1665, que la société bourbonnaise se met en place. Les colons reçoivent des exploitations et sont considérés comme des employés de la Compagnie, mais ils ne peuvent pas transmettre ces terres par hérédité et peuvent être expulsés à tout moment. On fait venir de Madagascar et d’Afrique Orientale de nombreux esclaves pour cultiver le café et les épices. En 1765, on compte 25 000 habitants sur l’île. Pour des besoins de communication entre maîtres et esclaves, la langue créole se développe. La langue créole, qui varie selon les colonies, naît du contact de populations d’origines diverses présentes sur l’île8. Parmi le reste de la société bourbonnaise, on trouve également des nobles, présents sur l’île dans le but de faire fortune, et qui sont aussi bien ceux qui ont servi dans l’armée royale, qui se sont mis au service de la Compagnie des Indes, que des nobles dont l’anoblissement n’est que récent. Ils possèdent des esclaves qu’ils font travailler dans des cotonneries, la soie et divers milieux agricoles.

La France prend possession de l’île de France plus tardivement, en 1715, car elle se trouve sur la route des Indes. Le principal port de l’ile, Port-Louis, est aménagé à partir de 1721. La Compagnie des Indes cherche à se servir de l’île comme point de relâche et de ravitaillement sur la route des Indes. Néanmoins, l’Ile de France subit de véritables difficultés d’autosuffisance et la gestion de l’île devient de plus en plus difficile9. En 1735, le gouverneur Bertrand François Mahé de Labourdonnais (1699-1753) tâche d’entreprendre des grands travaux de construction, notamment un chantier naval10. On y trouve également divers édifices tels qu’un hôpital afin de soigner les malades du scorbut qui accostent, un arsenal, une armurerie, des greniers. Le chantier naval produit armes et navires pour permettre à la marine coloniale de prendre part à des expéditions militaires. On y construit également un aqueduc afin de recevoir l’eau potable et enfin un Hôtel du Gouvernement. Grâce à l’intendant Pierre Poivre, la ville s’agrandit et passe sous tutelle royale de 1767 à 1790, après la faillite de la Compagnie des Indes. Au départ de Pierre Poivre, en 1772, le port est à nouveau agrandi par un ingénieur naval, le Chevalier de Tromelin11.

De ces implantations va rapidement découler la mise en place d’un commerce important dans l’Océan Indien.

1 M. VERGE-FRANCESCHI (dir.), Dictionnaire d’histoire maritime, Paris, Robert Laffont, 2 vol., 2002, vol. 1, p. 395. 

2 M. VERGE-FRANCESCHI (dir.), op. cit., vol. 2, p. 1160

3 Ibid.

4 Ibid, p. 386

5 Site du Centre for Science and Environment Indian Portal : http://cseindiaportal.wordpress.com/2012/10/05/carnatic-wars/

6 G. BARLOW, The story of Madras, Teddington, Echo Library, 2009, 68 p., p.17.

7 Site du Centre for Science and Environment Indian Portal : http://cseindiaportal.wordpress.com/2012/10/05/carnatic-wars/

9 D. AUZIAS, J.-P. LABOURDETTE, Maurice-Rodrigues 2012, Paris, Le Petit Futé, 2011, p. 75.

11 Site de l’Ile Maurice : http://www.ile-maurice.fr/infos-pratiques/histoire-et-geographie/port-louis.html

Rédactrice : Maurel Marie-Anne