Terreur et angoisse

En 1768, James Cook, navigateur britannique, embarque sur L’Endeavour afin de découvrir le Pacifique. Le 14 février 1779, il est massacré sur une plage des îles Sandwich à Hawaï par des sauvages. Ses troupes se seraient battues contre les habitants de cette île. Selon la légende, une flèche aurait été fabriquée à partir d’un des os de Cook. En 1824, le roi d’Hawaï a remis cette flèche à un médecin britannique de la famille de l’épouse de James Cook. Puis l’objet a été donné au musée australien en 1890. Mais en réalité rien ne prouve qu’il eut été mangé par les indigènes, il aurait plutôt été tué dans la bataille. Néanmoins, cette disparition renforce l’image négative de la mer et contribue amplement à renforcer le sentiment de peur que la population du XVIIIe siècle s’en faisait. Cette légende est également accentuée par le fait que la mer ne garde aucune trace de l’humain après avoir péri dans ses profondeurs.

De 1785 à 1788, Lapérouse, à la demande du roi Louis XVI, alla explorer de nouvelles terres sur l’Océan Pacifique dans la lignée de James Cook. A l’époque, la mer était un univers inconnu, inquiétant et fascinant2. Or, on ne saura que bien plus tard qu’il s’échouera à Vanikoro, en 1788, ce qui ajoute encore plus de mystère, de terreur et d’angoisse à son voyage.

Dans son journal, Lapérouse décrit la mer négativement3. En voici, quelques exemples :

« nous avions toujours navigué au milieu des plus grosses lames », « un coup de mer avait même emporté notre petit canot » (p327)

« la mer était extrêmement grosse », « les vents furent très variables et les mers très agitées » (p329)

« Ces pluies, ces orages et ces grosses mers » (p331)

« Une grosse houle de l’ouest rendait notre navigation extrêmement fatigante » (p332)

« la mer brisait avec fureur » (p338)

A travers ces citations, l’auteur montre bien que la mer est un élément dangereux, d’une extrême violence pour l’Homme et qui n’inspire pas confiance. La notion d’insécurité s’ancre davantage dans les esprits de l’époque.

De plus, Lapérouse décrivit la mer comme un lieu désertique, où l’Homme est seul face au monde :

« notre horizon était très étendu : nous n’aperçûmes aucune terre » (p329)

« cette vaste mer », « dans le grand océan » (p330)

« un horizon de la plus grande étendue » (p331)

« l’espoir de rencontrer quelque terre ; mais, quoique l’horizon fut de la plus vaste étendue, aucune ne s’offrait à notre vue » (p332)

En ayant expérimenté la mer, Lapérouse ne change pas le regard de la mer dans les moeurs du XVIIIe siècle. Ce qu’il raconte à travers son journal renforce les préjugés (que la mer est l’ennemie de l’Homme, par exemple) des personnes de cette époque. La mer reste en tout point un lieu redouté.

Les regards des artistes et des scientifiques sur la mer : des visions qui sèment le doute chez les contemporains

1(1741-1788), Jean-François Galaup de Lapérouse, officier de marine et explorateur français

2Corbin A. et Richard H. La mer : Terreur et fascination, Paris, BNF, 2005, 251 p.

3Lapérouse J-F. Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole, Paris, édition la découverte poche, 2008, 414 p.