Les origines sociales et la vie familiale
Au XVIIIe siècle, on observe un mouvement “d’aristocratisation” du corps des officiers, surtout en France. En 1669, près de 40 % des capitaines de vaisseau étaient des roturiers tandis qu’en 1715 ils ne sont plus que 30 %. L’origine sociale est importante pendant l’Ancien régime, surtout en France. Il faut avoir différentes relations à la mer et au pouvoir. Dans une lettre du 2 mars 1666, Colbert ( secrétaire d’Etat de la Marine) désire des capitaines issus de familles nobles. Pour lui, il faut «élever des jeunes gens de bonne famille dans les emplois de la marine ». Mais la mer permet également de changer de statut social, elle peut devenir un facteur d’ascension. Plusieurs officiers ont été anoblis en France, c’est à dire ont reçu un titre de noblesse. Cette possibilité de recevoir un titre et une reconnaissance sociale est le résultat de l’accumulation de services rendus à l’Etat, pas seulement par l’officier mais aussi par sa famille entière, et ce, pendant plusieurs années. Ainsi il existe des familles qui ont généré des lignées directes de marins. Certaines lignées ont commencé à la fin du fin XVIe siècle ou au début du XVIIe.
Face à un corps qui devient presque héréditaire, le recrutement sous Castries connaît des réformes. Ces réformes prévoient qu’aucune condition de noblesse ne soit plus exigée. Pourront se porter volontaire des jeunes de moins de seize ans ayant un minimum d’instruction et de connaissances et ayant navigué au moins un an sur un vaisseau du roi ou du commerce et appartenant à une famille honorable. Nous pouvons donc constater que Castries a essayé de créer une marine française au XVIII° siècle qui était disposée à recevoir des officiers méritants quelle que soit leur origine sociale, contrairement à l’armée de terre.
La mer façonne la vie des officiers et malgré les campagnes maritimes parfois longues, ces hommes arrivaient à fonder une famille. Au XVIIIe siècle, l’âge du marié était en moyenne de 37 ans et celui de la mariée de 22 ans1. D’autres propositions prévoyaient que les célibataires seraient appelés plus souvent que les hommes mariés. Elles prévoyaient également l’ interdiction de recruter ensemble plusieurs membres d’une même famille, l’établissement de cas d’exemption, l’organisation des déplacements entre les lieux d’origine des hommes et les ports, enfin la fixation des droits à la pension d’invalidité.
La formation
On peut se demander quelle formation effectuaient les jeunes officiers pour acquérir leur savoir faire. L’enseignement maritime a évolué au fil des années selon les chefs d’État et les ministres de la marine. En effet, pendant longtemps, la mer ne fut qu’une tradition avant de devenir un métier. Cette tradition n’était pas enseignée mais transmise. A partir du XVII° siècle, la mer ne s’apprend plus seulement, elle s’enseigne aussi. Pour la première fois, le garde de la marine a droit à un véritable programme d’enseignement : la journée commence par la messe, à 6h l’été, 7h l’hiver. Puis viennent les cours, de 8h à 10h : écriture, dessin, mathématique, fortification, hydrographie ; de 10h à midi : danse, escrime, maniement de la pique. Après le déjeuner aux auberges, les cours reprennent de 1h à 4h : exercices du mousquet, cours de construction et de canonnage. Commence alors la visite des différents travaux qui s’exercent dans l’arsenal.
Sous Colbert, les officiers commencent à apprendre les rudiments de l’arithmétique et de la géométrie dont on se sert dans la navigation et le pilotage. Viennent ensuite la cartographie, la division des temps, les courants et marées, l’usage du compas et des instruments d’observation, de calcul des routes par quartier de réduction. On trouve aussi des cours d’architecture navale. Il existe des examens mensuels qui permettent d’assurer le contrôle des connaissances. Quatre fois par an était organisé un exercice d’attaque et de défense d’une redoute construite sur le rivage pour entraîner les officiers aux opérations de débarquement. On peut donc constater que les futurs officiers suivaient une formation très théorique et non pratique puisque, en effet, ils ne s’entraînaient pas à naviguer sur les eaux.
Au XVIII° siècle, les connaissances nautiques progressent mais les gardes, logés en chambre chez des particuliers, sont estimés trop libres. C‘est pour cela que Boyenes (secrétaire d’État à la marine sous Louis XV) juge utile de supprimer les trois compagnies de Brest, de Toulon et de Rochefort où les futurs officiers étudiaient et de les remplacer par une école de marine installée au Havre. A partir du 2 mars 1775, les jeunes étudiants sont admis comme aspirants-gardes entre quatorze et dix huit ans. Si au bout de deux ans, ils n’ont pas pu réussir l’examen de garde de la marine, ils sont renvoyés du service.
La hiérarchie
Dans la Marine royale, les officiers sont divisés en trois corps : les officiers généraux qui constituent le plus haut grade, les officiers supérieurs et les officiers subalternes. Les officiers généraux sont composés des Amiraux de France (ou grand officier de la Couronne), titre honorifique, mais aussi des vices amiraux, qui sont les vrais chefs militaires. Ils sont promus pour leur mérite et ils constituent le haut de la hiérarchie maritime. Le grade de lieutenant général appartient aussi au groupe des officiers généraux. Ce titre désigne un officier général qui « tient lieu » à la mer et un suppléant ou un délégué investi de tous les pouvoirs de la personne qu’il est censé remplacer. Ce sont les intermédiaires entre les vices amiraux et les chefs d’escadre des armées navales, leurs subordonnés. Enfin, le corps des officiers généraux est composé de chefs d’escadre c’est à dire d’officiers généraux qui commandent une escadre ou une flotte de moins de vingt vaisseaux de ligne. Le 2 novembre 1786, Monsieur de Lapérouse, commandant de la Boussole, fut promu à ce grade.
Le second groupe d’officiers qui existe au XVIII° siècle dans la marine française est le corps des officiers supérieurs. Viennent en premier les capitaines de vaisseau, puis les capitaines de frégate et les capitaines de corvette. Lapérouse était capitaine de vaisseau et de Langle également. Le capitaine commande le combat et la conduite du navire. Les capitaines ont autorité les uns sur les autres en fonction de l’ancienneté de leur commission. Quand il s’agit d’un seul navire, on parle de capitaine plutôt que de commandant. Lapérouse dirigeait deux navires, la Boussole et l’Astrolabe, il était donc commandant.
Le dernier groupe est celui des officiers subalternes ou bas officiers. Les officiers subalternes sont les lieutenants et enseignes de vaisseau, apparus en 1775. Les lieutenants sont les premiers officiers hiérarchiquement sous le capitaine, en l’absence duquel ils commandent. On trouve également les lieutenants de galiote et lieutenants de frégate. Lieutenant de frégate est un grade donné sous l’Ancien Régime à un officier généralement roturier, sorti du commerce ou de la course et en voie d’ascension sociale. Enseigne de vaisseau est un grade au dessous de lieutenant de vaisseau. A bord, il pouvait y avoir plusieurs enseignes appelés alors par rang d’ancienneté, premier, deuxième, troisième, voire quatrième ou cinquième enseigne. Il peutcommander notamment de petites unités (cotres, avisos) mais le commandement d’un vaisseau peut lui incomber si tous ses supérieurs ont été tués ou blessés au combat.
Il est a noter que chaque officier, quel que soit son grade, possède un titre, c’est à dire une fonction. Par exemple, dans la marine Française au XVIII° siècle, les lieutenants de vaisseau peuvent être des officiers d’administration, à savoir des officiers qui rendaient la justice au nom du roi ou des officiers d’épée qui sont des combattants. En plus d’être capitaine de vaisseau, Lapérouse, on l’a dit, était commandant en chef, c’est à dire un officier qui commande un bâtiment ou un ensemble de bâtiments. Ce terme est attaché à la fonction, et non au grade.
Malgré quelques réformes établies par Castries, le corps des officiers est au XVIIIe siècle un corps qui reste noble. La majorité des officiers sont issus de lignées de navigateurs et de bonnes familles. Les officiers ont un rôle toujours important dans la navigation mais nous avons constaté que leur formation est d’avantage théorique que pratique. Enfin, les officiers qui possèdent différents grades et différentes fonctions à bord, sont chargés de diriger les matelots qui tiennent un rôle majeur lors des navigations.
1http://www.sfhm.asso.fr/documents/barazuttikingscollege.pdf
Rédactrice: Cozette Clara