L’enfance

L’éducation à la maison

Jean-François de Galaup faisait partie de la centaine de nobles albigeois sur les 9 000 habitants d’alors. Il a donc reçu une éducation privilégiée qui a pu profiter de la visite de nombreux hommes d’Église, dont beaucoup sont les amis de sa mère. Ces religieux conviés par la famille, contaient histoires, légendes et traditions catholiques au jeune de Galaup.

On comptait beaucoup sur cette éducation religieuse, d’autant plus que la religion était incontournable au XVIIIe en France. Durant son enfance au manoir, Lapérouse a appris à parler latin avec l’aide de sa mère. À l’époque cette langue, aujourd’hui morte, était très enseignée dans les milieux aisés de la société et fonctionnait comme le marqueur social des élites éduquées.

Cette éducation passe également par la nourrice, dont le rôle n’est pas à négliger. Dans la noblesse française du XVIIIe siècle, en effet, on délègue beaucoup l’éducation des jeunes à des nourrices. Celle du jeune De Galaup lui a permis d’apprendre à danser, chanter, dessiner et à écrire. Parmi ces enseignements, Lapérouse a également reçu des cours « d’armes », autrement dit, il a appris à se battre.

C’est conforme au rôle traditionnellement attribué aux nobles, dont les privilèges étaient censés être justifiés par leur capacité à prendre les armes. Cette éducation « primaire » reçue de ses parents et de sa nourrice, justifie le choix de ne pas scolariser Lapérouse avant ses 9 ans. À l’époque, ce n’est pas un fait rarissime en province. Cela s’explique aussi par la localisation arriérée du hameau du Gô par rapport au centre historique « d’Alby ».

Terrasses où il jouait avec sa sœur
Photographie : Lucas Rivet, 2013.

Le temps de l’enfance

Quand il ne recevait pas de cours, Jean-François passait beaucoup de temps avec sa sœur cadette, Jacquette, à jouer sur les terrasses verdies du manoir, en compagnie des autres enfants du hameau. Lapérouse et sa sœur ont entretenu une relation fraternelle très forte, qui elle perdura jusqu’à sa mort.

Ceci peut s’expliquer par le fait qu’ils étaient les seuls enfants à avoir survécu à la forte mortalité infantile de la fratrie (Victoire De Galaup, étant née bien plus tard). De plus, en dehors des balades en forêt avec ses amis du Gô, Jean-François accompagnait son père (car il était le seul fils) lors de visites de territoires que ce dernier convoitait.

Lapérouse ne manquait pas d’occupations. En dehors de la relation avec sa sœur, Jean-François ne peinait pas à s’intégrer dans des groupes d’amis. En effet, c’était un enfant très amical, et s’il est connu pour son humanité lors de ses découvertes, le jeune De Galaup tient ce trait de caractère de son enfance. Il est décrit comme un enfant « en avance sur son temps » : il ne faisait pas la différence entre les ordres, pour lui, un ami était un ami, peu importe l’importance de son rang. Cela ne l’empêchait pas d’être un enfant plutôt turbulent et perturbateur, comme le décrivent plus tard ses professeurs.

Les relations avec son père

Lapérouse s’est donc rendu compte qu’il ne partageait pas les valeurs de la noblesse de l’époque. Ceci ne facilitera pas la relation très tendue qu’il a eue avec son père, Victor-Joseph De Galaup. Jean-François le trouvait trop autoritaire, trop sévère. Le patriarche de la famille voulait que son fils lui succède, comme consul et qu’il continue à agrandir ses possessions autour d’Alby.

C’est la raison pour laquelle il l’inscrit au collège jésuite. Au XVIIIe, les enfants n’avaient pas le choix d’un « projet professionnel », les parents décidaient pour eux, c’est ce qui se passe pour Jean-François. Mais comme ce dernier n’est guère passionné par les activités de son père, cela ne facilite pas leurs relations.

Carte de la boucle du Gô
Photographie : Lucas Rivet, 2013.