La communauté scientifique
Les communautés de savants se développent dans de nombreux États d’Europe, en Angleterre, en Italie ou en France, à partir du soutien de l’élite érudite qui se passionne de plus en plus pour le savoir scientifique. Dans les demeures nobles ou dans celles de grands bourgeois, sont ainsi créés des « cabinets de curiosité », où sont exposées des collections d’animaux, de plantes, de roches. Ces cabinets donnent lieu à des réunions, où l’on rencontre quelques grands scientifiques de l’époque qui présentent leurs travaux et leurs découvertes. Rodolphe II, prince de la maison des Habsbourg au XVIIe siècle, était considéré comme le plus grand collectionneur et organisateur de ces cabinets. En France, au cours des années 1630-1640, on retient celui de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII. Ces cabinets peuvent être dédiés à différents domaines : l’anatomie, la chimie, la pharmacie ou l’histoire naturelle. Cette nouvelle génération de scientifiques entre en contact par le biais de la correspondance épistolaire, qui dépasse les frontières : les botanistes communiquent ainsi avec des scientifiques étrangers, ce qui est facilité par l’utilisation du français comme langue internationale. Nous avons l’exemple de Joseph Lepaute Dagelet, membre de l’expédition de Lapérouse, qui correspond activement avec le scientifique anglais William Rutter Dawes.
Les princes européens « éclairés » invitent à leurs cours respectives des savants qui réalisent des expériences devant un public. Cet intérêt, scientifique et culturel pousse les mécènes à participer au financement d’académies, qui naissent au cours du XVIIe dans toute l’Europe. C’est par leur biais, que sont lancés certains voyages d’exploration. James Cook, sous le règne du roi Georges III, voit ses expéditions dans le Pacifique entièrement financées par la Royal Society.
Les académies
Le XVIIe siècle voit naître les académies qui offrent à ces scientifiques une reconnaissance officielle. L’Academia dei Lincei est fondée en 1603 à Rome, et la Royal Society à Londres en 1645. En France, l’Académie des sciences est instituée en 1666, à l’initiative de Colbert, contrôleur général des finances et secrétaire d’État sous Louis XIV. Elle est issue d’une demande directement adressée au roi, le 3 avril 1664, par le secrétaire de l’académie de Montmort, Samuel Sorbière, qui souhaite que le monarque finance une académie spécifique à la physique et où se trouvent les moyens d’expérimenter. Les arguments donnés sont convaincants, S. Sorbière fait cas du prestige dont pourrait bénéficier la France en concurrençant dans le domaine des sciences, d’autres États européens dont l’Italie et l’Angleterre. De nouvelles personnalités érudites rejoignent le point de vue de ce dernier, comme l’astronome Adrien Auzout ou l’homme de lettres Jean Chapelain. La création de cette académie est rendue possible par la politique de centralisation menée par Louis XIV, qui voit en cette institution, un moyen de mettre sous tutelle la vie intellectuelle du royaume.
Le 20 janvier 1699 Louis XIV donne à l’Académie des sciences sa protection avec un siège au Louvre. Ses soixante-dix membres, sont désormais nommés par le roi après leur présentation par l’académie. Il faut attendre 1713 pour que les lettres patentes qui l’autorisaient sont délivrées.
En 1785, s’ajoute une classe, celle de l’histoire des sciences naturelles qui compte notamment la botanique. Cette académie est donc le moyen pour les scientifiques de confronter leurs expériences, leurs savoirs, leurs compétences, leur objectif principal étant d’appréhender le monde dans lequel ils vivent. En 1706, la Société royale, extension de l’académie parisienne des sciences, est créée à Montpellier, fondée par lettres patentes de Louis XIV. Les académies se multiplient ainsi dans les grandes villes au cours du XVIIIe siècle jusqu’à la Révolution, actant de l’institutionnalisation de la vie scientifique.
Diffusion et vulgarisation
Vers la fin du XVIIe siècle, le nombre de publications scientifiques croît frénétiquement. On en a un exemple avec les Traités de Newton ou l’ouvrage Éléments de botanique de Joseph Pitton de Tournefort. C’est donc au cours de cette période qu’apparaissent les premiers livres de vulgarisation, dont le but est de traduire tout ce qui a pu être dit dans le langage de la science. Ils s’adressent à un double public : aux scientifiques et à un public non spécialisé, « les gens du monde » cultivés. Cette simplification passe également par l’écriture en français et non plus en latin. Dans la préface des Entretiens sur la pluralité des mondes publiés en 1686, Bernard Le Bouyer de la Fontenelle, secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences de 1699 à 1740, est le premier à faire référence à cette recherche du double langage. En effet, les scientifiques se heurtent aux idées anciennes pour la plupart promulguées par l’Église. Faire comprendre ses idées au plus grand nombre devient donc essentiel lorsque l’on remet en cause celles déjà établies.
Le journal des savants, dont la publication débute en 1665, permet de faire connaître les nouvelles découvertes dans les arts et les sciences à tous les scientifiques d’Europe. Il représente un réel moyen de communication entre savants européens et s’offre plus de lecteurs, par son genre littéraire de style de la gazette.
A une échelle plus importante, l’Encyclopédie représente l’un des principaux vecteurs de cette diffusion. Publiée entre 1751 et 1772, par Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert. Elle a pu être élaborée par la contribution d’un grand nombre de savants qui se retrouvaient dans les salons, les cafés, les académies. Georges-Louis Leclerc de Buffon par exemple, en élabore de nombreux articles, qui influencent plusieurs générations de naturalistes.
Par la diffusion facilitée de ce savoir scientifique, les méthodes d’approche des botanistes, zoologistes ou géologues évoluent. En outre, les naturalistes peuvent se tourner davantage vers la nature en cherchant à la décrire et la comprendre. Cette recherche qui s’approfondit, révèle les erreurs commises dans le passé et l’intérêt pour cette nature encore inexplorée s’étend au continent américain. La curiosité d’appréhender la nature et de découvrir de nouvelles populations, est l’un des facteurs qui entraînent les voyages d’exploration et est l’un des sujets qu’aiment traiter les savants dans leurs ouvrages. Les naturalistes étudient les plantes et les espèces ramenées des premiers voyages, méconnues en Europe et remettent à jour les anciennes classifications. Il y a de ce fait rupture avec les méthodes passées. On commence à rejeter le savoir empirique et on élabore des outils, des théories, des méthodes de recherche liées sur les liens de cause à effet, on expérimente. Cette expérimentation, plus rigoureuse, gagne en objectivité et permet de résoudre ou d’apporter des éléments de réponse à des problèmes qui se posent depuis plusieurs siècles.
Cette nouvelle méthode de travail change considérablement la conception des sciences.