Instruments et techniques de navigation

     Pour se positionner sur les mers, loin de la terre, il faut savoir déterminer la latitude et la longitude de l’endroit où se situe le navire. Savoir trouver la latitude du lieu était résolu depuis longtemps mais la détermination de la longitude était encore au début du XVIII° siècle un problème non abouti. Une fois le point déterminé, il faut le reporter sur des cartes précises pour savoir où l’on se trouve. Dans ce domaine de l’hydrographie, il y avait aussi de nombreux progrès à faire au XVIII° siècle car beaucoup de cartes étaient manquantes ou approximatives. Des erreurs de navigation furent donc la cause de beaucoup de naufrages avec la perte de nombreuses vies humaines associées. Certaines avancées significatives sont toutefois à noter, notamment dans le calcul de la longitude.

Les instruments nécessaires à la navigation sont le loch pour déterminer la vitesse du navire et le compas pour la direction permettant une navigation à l’estime, le chronomètre pour avoir l’heure précise du lieu et ainsi déterminer la longitude, le sextant pour mesurer la hauteur des astres et ainsi déterminer sa latitude. Ajoutés à tous ces instruments, la possession d’un jeu de cartes précises est l’atout indispensable pour toute bonne navigation.

Faire le point

     Tant que les marins naviguaient à vue, assistés par une ligne de sonde pour contrôler leur profondeur, ils n’avaient nul besoin de cartes. Avec le progrès des techniques de navigation et la publication de cartes marines, ils purent s’aventurer hors de vue des côtes. Lorsque le compas magnétique fut introduit en Europe à la fin du Moyen-Âge, les portulans firent leur apparition. Il s’agissait de cartes nautiques grossièrement dessinées, fondées sur des relevés faits à la boussole, qui servaient essentiellement à repérer les ports et les distances, exprimées en jours de mer, qui les séparaient. Avec le développement des tables et des instruments servant à mesurer la hauteur des étoiles et du Soleil, les cartes se dotèrent d’un système de coordonnées basé sur les latitudes et les longitudes.

Pour faire le point, nous noterons beaucoup de progrès, en commençant à la base de ces instruments, avec l’astrolabe. Du grec «astrolabos», signifiant instrument pour prendre la hauteur des astres, son invention est attribué à Hipparque (v.-190-120). Une forme très perfectionnée, datant de -87, la machine d’Anticythère, a été découverte au large de l’île qui porte le même nom. Mais son utilisation courante n’a été répandue que par les astronomes arabes, à partir du VIIIe siècle. Il permet de représenter le mouvement des astres sur la voûte céleste. D’usage limité pour les observations astronomiques, il sert surtout pour l’astrologie, l’enseignement de l’astronomie et le calcul de l’heure le jour par l’observation du soleil ou pendant la nuit par l’observation des étoiles. Une des améliorations majeure de l’astrolabe, bien qu’elle ne soit pas une amélioration au sens propre mais un nouvel instrument, est l’octant. Son nom vient de sa taille : le secteur angulaire est de 45°, soit un huitième de cercle. Il est apparu comme instrument de navigation vers le milieu du XVIIIe siècle. Cependant, il compte de nombreuses limites, ce qui entraîne une évolution vers le sextant. Le sextant est un instrument qui mesure l’angle entre l’horizon et un objet lointain (clocher, montagne, etc.) ou un astre (Soleil, Lune ou étoile). Un sextant est composé d’une petite lunette, pour viser l’horizon, de deux miroirs (qui projettent l’image de l’objet visé), de filtres éventuels (pour le Soleil), d’un bras mobile et d’un arc de cercle gradué. L’angle d’ouverture est de 60°, soit un sixième de cercle, d’où le nom de l’instrument, et cela est la principale avancée par rapport à l’octant. Il a été conçu pour la navigation marine mais peut être aussi utilisé pour se repérer sur terre ou dans les airs. La mesure de la hauteur du Soleil dans le ciel à midi indique par exemple la latitude du lieu pour peu que l’on connaisse la date. La nuit, on peut se servir du sextant pour mesurer la hauteur angulaire dans le ciel d’étoiles reconnaissables puis regarder sur des tables astronomiques pour trouver, là aussi, la latitude du lieu.

Sextant

Schéma détaillé des parties d’un sextant.
Source : http://www.infovisual.info/

     Pour finir, il fallait calculer la vitesse à laquelle le bateau avance, ce qui, dans le cas d’une navigation à latitude constante, permet de connaître la position du navire sur un parallèle et donc, de manière indirecte, sa longitude. Pour cela, On utilisait le loch. Le loch était à l’origine une planchette de bois que l’on jetait à l’eau à l’avant du navire. Au XVI° siècle, la précision fût améliorée par l’apparition de la ligne de loch, attachée à un flotteur de bois. On laissait filer la ligne derrière le navire et on comptait les nœuds qui passaient entre les mains du navigateur pendant 30 secondes (c’est l’origine du terme « nœud », unité de vitesse des navires). On en déduisait ainsi la vitesse apparente du navire, qui permettait avec l’aide du compas de réaliser une navigation à l’estime en reportant les mesures relevées sur une carte.

Il fallait aussi mesurer la longitude. Pour cela, il fallait calculer (en admettant que les 360° de circonférence de la terre correspondent à 24 heures, sur la base de 15° = 1 heure) la différence entre l’heure locale et l’heure du lieu d’origine d’un bateau. Ce résultat pouvait être obtenu par des méthodes astronomiques. Si l’on pouvait observer un phénomène astronomique régulier à bord d’un bateau, l’heure de cette observation pouvait ensuite être comparée avec l’heure d’observation du même phénomène au point de départ du bateau. On pouvait trouver ces données sur des tables dressées à cet usage. La différence des deux temps donnait la longitude.

Tracer sa route

      Le compas est donc le premier des instruments servant à définir le cap. C’est un instrument de navigation qui s’aligne sur le champ magnétique de la Terre. Il indique ainsi le nord magnétique. Attention à ne pas le confondre avec le nord géographique car la différence entre les deux directions en un lieu donné s’appelle la déclinaison magnétique. Un compas fournit une direction de référence connue qui aide à la navigation. Les points cardinaux sont (dans le sens des aiguilles d’une montre) : Nord, Est, Sud, et Ouest. Un compas peut être utilisée avec une horloge pour fournir une estimation de sa position. Autre élément majeur, mais aussi pour une majorité des techniques de navigation, les cartes maritimes. Ce sont des cartes utilisées principalement pour la navigation. Elles contiennent des indications à propos des fonds, des amers, des dangers, des routes à suivre. Cette technique, compliquée à mettre en oeuvre et peu précise (car il est souvent difficile de réaliser des observations astronomiques valables sur le pont d’un navire en mouvement et soumis aux aléas météorologiques) ne fut remplacée qu’à la fin du XVIIIe siècle par celle des horloges marines, désormais capables de conserver avec précision l’heure du point d’origine d’un voyage.

Une fois connue la position, il fallait pouvoir la porter sur une carte. Les ancêtres des cartes maritimes utilisées au XVIIIe sont les portulans, répandus depuis l’Italie à partir du XIIIe siècle, dans un contexte d’essor du commerce maritime. Les portulans sont à la fois des textes décrivant les côtes et les ports, et des cartes nautiques peintes sur parchemin, avec le repérage des îles, des abris et des amers qui permettent de reconnaître un rivage. La richesse des informations se limite cependant à la frange étroite où s’alignent perpendiculairement les noms des ports, tandis que l’intérieur reste d’abord vide, comme s’il s’agissait d’une zone vierge. En toile de fond se développe un réseau de lignes géométriques appelé le marteloire, différent du quadrillage des parallèles et des méridiens. Ces lignes de « rhumbs », issues des roses des vents, ne servent pas à mesurer l’espace, mais permettent aux marins de voir les angles de route pour se diriger plus facilement à cap constant, avec la règle, le compas et surtout la boussole, nouvelle venue en Méditerranée. Le Nord est désormais en haut de la carte, le plus souvent le Nord magnétique indiqué par la boussole et non le Nord géographique repéré à l’aide de la Polaire ou du Soleil. Il en résulte parfois une orientation légèrement décalée par rapport aux cartes construites selon les coordonnées géographiques. L’échelle des distances en milles marins est souvent indiquée et l’influence arabe se reconnaît dans la numération.

Un portulan du XVIIe siècle
Source : http://talent.paperblog.fr/5987527/l-age-d-or-des-cartes-marines-a-la-bnf/

     L’utilisation de ces cartes n’est pas aisée à déterminer. La plupart se limitent aux rivages fréquentés par les marins méditerranéens, de la mer Noire à Bruges. Celles arrivées jusqu’à nous en petit nombre n’ont pas forcément voyagé sur la mer, comme tendrait à le prouver leur bon état de conservation. On sait qu’il y en avait une sur le bateau amenant Saint-Louis à Tunis en 1270, et que le roi d’Aragon avait imposé la présence de deux d’entre elles sur chacun de ses navires en 1354. Mais ce n’est pas un instrument indispensable en Méditerranée, puisque les côtes ne sont jamais longtemps perdues de vue et que les nuits claires permettent souvent de naviguer aux étoiles. Dans l’Atlantique, l’estimation des distances parcourues est beaucoup plus ardue et le repérage astronomique s’impose, au moins pour la latitude, aux Portugais voguant vers le cap de Bonne Espérance.

Au XVIIIe siècle, on créait des cartes après avoir fait des relevés hydrographiques. On pouvait prendre des relevés à partir du navire. En utilisant des instruments de navigation nautique comme le chronomètre et le sextant pour déterminer une position sur le globe, les officiers de navigation gardaient des registres du parcours et de la vitesse du navire pour connaître leur position relative lorsqu’ils effectuaient leurs premiers relevés des caractéristiques de la côte. En prenant un relevé d’une caractéristique en l’approchant et en prenant un autre en partant, ils pouvaient tracer des lignes qui se croisaient et déterminaient une position pour cette pointe de terre. Les relevés terrestres conservaient cependant une plus grande précision. On utilisait une chaîne pour mesurer une ligne de triangulation d’une distance connue. On mesurait les angles à partir de chaque extrémité de la chaîne vers un grand nombre de points divers le long de la côte et on utilisait la triangulation pour mesurer des distances plus longues pour étendre le relevé.

Rédacteur : Assémat Théo