La gestion des prisonniers militaires par la Croix-Rouge durant la guerre.
L’AIPG est utile pour le lien entre les prisonniers et leurs familles via colis et lettres, en contournant les obstacles entre les nations prenant part au conflit. L’AIPG, à ses débuts, ne comporte que 10 membres pour un bureau dans le local du Comité International Athénée à Genève. Le comité se souvient, dans rapport sur la période : « Ce furent les temps héroïques de l’agence. Personne ne pouvait prévoir l’importance mondiale que l’œuvre allait prendre. On ne savait même pas quelle méthode de travail préconiser. Tout était nouveau ».
Le 7 septembre 1914, une première liste de prisonniers arrive d’Allemagne, et le bureau commence enfin son travail. À peine un mois plus tard, l’AIPG comprenait près de 200 collaborateurs et membres, et à la fin de l’année, 1 200. L’organisme déménage rapidement, passant d’un simple bureau à l’occupation du Musée Rath, toujours à Genève, afin de disposer de l’espace nécessaire au traitement des milliers de lettres envoyées des quatre coins de l’Europe. Six mois après le début des hostilités, le CICR se met à organiser des visites de camps de prisonniers afin de tenter de désamorcer une escalade des représailles entre pays belligérants sur les prisonniers ennemis. Les nations en guerre accueillent ces visites sans problèmes car elles leur permettent de mettre fin aux accusations portées contre elles sur le traitement des prisonniers. Les visites se poursuivent tout au long de la guerre, amenant le CICR à prendre en compte les demandes des prisonniers civils et militaires. En effet, plus la guerre avance et plus la qualité de vie au sein des camps se détériore. Un manque de budget est avancé par les pays pour justifier l’état des camps, ainsi que des contraintes telles que le blocus de l’Allemagne, qui vint à manquer de céréales et donc de pain.
Ce soutien aux prisonniers de guerre ne s’arrêta pas avec l’armistice. Suite à la victoire de la Triple Entente, le CICR intervient en faveur des prisonniers « oubliés », ceux qui sont dans les camps d’Europe de l’Est et Centrale, et ceux venant de ces États. Les dits pays étant plongés dans des révolutions et des guerres civiles, ils ne peuvent se permettre de perdre du temps à organiser le rapatriement de leurs prisonniers. C’est donc la Croix-Rouge qui prendra en charge l’organisation de ces rapatriements, en envoyant des délégations dans tous les pays où il est nécessaire d’intervenir.
Les limites de l’action de la Croix-Rouge et les débuts de sa mutation suite au premier grand conflit mondial
L’une des autres grandes limites de la Croix-Rouge durant la guerre est son incapacité à protéger ses membres. En effet, les brancardiers se faisaient souvent abattre malgré la convention de Genève, et les bombardements et pilonnages d’artillerie dits « aveugles » transformèrent certains hôpitaux en charnier. La Croix-Rouge tenta malgré tout une protection symbolique, en faisant porter à ses membres sur le front des brassards portant le symbole même de la Croix-Rouge, mais ce ne fut jamais suffisant. De plus, les bénévoles de la Croix-Rouge, et de tous les services humanitaires en général, détenus en tant que prisonniers de guerre se retrouvaient bloqués. Le CICR faisait alors pression sur les gouvernements pour obtenir leur libération, conformément à la convention de Genève signée en 19062. Les pays finirent par céder officiellement, mais les convois d’anciens prisonniers furent régulièrement arrêtés.
Ces limites, bien que nombreuses, n’empêchèrent pas la Croix-Rouge d’avancer, et de tenter par tous les moyens possibles de secourir les hommes et les femmes que la Guerre. Un déploiement massif d’équipes médicales à eu lieu sur tout les fronts, et la Croix-Rouge fut de plus en plus souvent amenée à s’occuper de blessés civils.
À la fin de la guerre, la Croix-Rouge se retrouve à devoir gérer les milliers de prisonniers, de blessés et de malades engendrés par cette dernière. Dès 1917, le CICR lance un appel aux gouvernements pour permettre le rapatriement des prisonniers de guerre, à commencer par ceux ayant été incarcérés le plus longtemps. Au sortir de la guerre, les états vainqueurs obtiennent dans les traités de paix le retour de leurs prisonniers, mais certains pays, notamment la Russie, sont en pleine révolution et ne peuvent se préoccuper des prisonniers présents sur leur territoire, ni de ceux des leurs qui sont enfermés dans les camps de l’ancien ennemi. C’est là que le CICR intervient, organisant d’abord des traités bilatéraux entre les pays, puis en rapatriant par terre et mer les prisonniers. Leur plus gros travail consista à ramener les quelques cinq-cent milles prisonniers russes vers leur patrie, et à ramener les Allemands chez eux. Dès 1920, ils réussirent à commencer le rapatriement, qui ne s’acheva qu’en 1922. La Croix-Rouge travailla à cette occasion avec de nombreux pays, notamment d’Europe centrale, ce qui lui permit de s’installer parfois durablement dans ces pays.
En 1919-1920, la Croix-Rouge fait un constat alarmant : la famine guette en Europe centrale et les maladies risquent de se répandre à une vitesse fulgurante. Les délégations du CICR, initialement envoyées dans le but de rapatrier les prisonniers, prennent à leur charge ces nouvelles menaces. Elles mettent en place, avec le « save the children fund », l’Union Internationale de Secours aux Enfants. La Croix-Rouge propose aussi, dès 1919, la constitution d’un bureau central de lutte contre les épidémies. Ce bureau sera créé dans l’été suivant à Vienne et placé sous la direction du Dr Ferrière. L’organisation s’investit aussi dans le secours des réfugiés russes et arméniens à Constantinople et Athènes, en leur fournissant nourriture, médicaments et la possibilité d’émigrer vers d’autres pays.
La Croix-Rouge n’a malheureusement plus les fonds ni les hommes et femmes nécessaires pour s’occuper de toutes ces missions d’après guerre. En effet, lors de la Première Guerre mondiale, une galaxie de petites organisations s’était mise sous l’égide de la Croix-Rouge pour gagner en efficacité, mais cette union a volé en éclat dès l’armistice. Le CICR se retrouve donc avec seulement quelques centaines de membres, ce qui l’amène à travailler en collaboration avec d’autres organismes locaux, nationaux ou internationaux comme le Bureau International du Travail ou la Société des Nations. C’est au cours des années 20 que le CICR se forme véritablement, avec une refonte de ses missions. Il ne se cantonnera plus aux missions d’aides aux militaires.
Dans cette période troublée d’après guerre, le CICR intervient sur de nombreux tableaux, notamment auprès des populations civiles, qui jusqu’à présent n’étaient pas ou peu prises en compte. La Croix-Rouge interviendra ainsi au cours de conflits internes à des nations, en Russie, en Ukraine, en Silésie etc. Ces changements dans l’attitude de la Croix-Rouge durèrent longtemps, et sont encore d’actualité. D’une petite organisation d’aide aux blessés militaires, la Croix-Rouge devient une puissance internationale pour le respect des droits des militaires, pour l’aide aux blessés de toutes les nationalités, et devient un symbole du service humanitaire de part le monde à la suite de la Première Guerre mondiale et de ses actions d’immédiat après-guerre.
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