La gestion des blessés sous le feu des belligérants
La Grande Guerre se divise en deux périodes successives: la guerre en rase campagne puis dans un second temps la guerre de tranchées. Les conflits en rase campagne sont très mobiles, ils avancent et reculent selon l’avancée des armées. Il est donc difficile et surtout dangereux de suivre les bataillons de soldats pour leur venir en aide. C’est pour cela que les postes de secours sont installés lorsque les conflits restent dans la même zone un certain moment. L’utilisation de maisons ou de tout abri couvert est prohibé en raison des risques de bombardements d’artilleries. Les postes de secours sont donc le plus souvent installés en plein air, juxtaposant une butte de terre et de préférence près d’un point d’eau. Ils restent sur place jusqu’à ce que le conflit se déplace, auquel cas ils doivent se rapprocher du nouveau champ de bataille.
La guerre de tranchées est, quant à elle, bien différente. Pour se rendre compte de l’ampleur et de la difficulté de la tâche des secouristes, il convient de rappeler que les tranchées pouvaient s’étendre sur des kilomètres. La Croix-Rouge s’était donc organisée pour couvrir le plus de terrain possible de manière à venir en aide aux plus nombreux. Elle avait installé dans les tranchées un vaste réseau (Trabaud) marqué de gares (postes de secours de bataillon puis des postes de secours régiment). Le terminus de ces voies comportait un poste d’évacuation, pour déplacer les blessés par ambulance. Entre les postes de secours de bataillon et ceux du régiment, sont organisés des postes relais tenus par des brancardiers divisionnaires, et tous les 500 mètres des « haltes » dont le rôle était de vérifier l’état des blessés transportés et de refaire leurs pansements.
Les militaires étaient rapatriés par des trains sanitaires et des péniches mis en place grâce à la Croix-Rouge. Il existait alors trois types de trains. Les premiers, les trains sanitaires permanents (le premier fut construit par M. De la Morandière, ingénieur de la Compagnie de l’Ouest, et fut exposé lors de la deuxième Exposition universelle de 1889 à Paris) étaient réservés aux blessés graves, essentiellement couchés. Il y avait aussi des trains sanitaires semi-permanents, qui étaient destinés aux blessés couchés et assis. Enfin, des trains sanitaires improvisés étaient aménagés pour répondre à l’ampleur et à l’urgence de la situation. Ils transportaient également des blessés couchés et assis. Les péniches, quant à elles, présentaient les mêmes caractéristiques que les trains permanents et avaient l’avantage d’être plus confortables. En effet, les secousses en péniche sont moindre que sur les réseaux ferroviaires. En revanche, la lenteur de ce mode de transport représentait un inconvénient de taille.
La souffrance des soldats gérée dans les hôpitaux
Le seul moyen d’apporter un peu de réconfort à ces combattants est le contact humain. C’est le rôle du médecin de garde. Dès l’arrivée du meurtri à l’hôpital, le médecin de garde suit l’état de son patient, le soutient jour et nuit, lui tient la main, en prend soin. L’air souriant et dégagé, il tente au mieux de le mettre dans un climat de confiance, tout en ayant le souci d’établir un diagnostic le plus rapidement possible. « Le pouls est-il défaillant ? Y a-t-il hémorragie interne ou menace de syncope ? La respiration trahit-elle un trouble particulier de l’appareil broncho-pulmonaire ou rénal ? Chez celui-ci, la saignée s’impose-t-elle d’urgence ? Chez cet autre, en proie au coma, faut-il suspecter une intoxication ? »1. Il est aidé d’un infirmier, qui partage son travail, ses soucis, ses efforts. A la tête de chaque hôpital militaire est placé un médecin-chef. Il exerce son autorité sur tout le personnel de l’hôpital et sur tous les services. À la tête des différents services se trouve un médecin (ou chirurgien traitant), avec des médecins assistants pour le seconder. Nous avons pour finir les personnels directement au contact des soldats, les infirmières et les infirmiers.
Le personnel soignant doit faire face à toute sorte de blessures, que ce soit par balle, les déflagrations de toute sorte, sans oublier les gaz particulièrement meurtriers. Il faut garder à l’esprit que la majorité des blessures était due à des éclats d’obus, de provenance d’artilleries, de grenades ou encore d’avions. Pour toute blessure grave imposant une intervention chirurgicale dans les plus bref délais, le blessé, inévacuable, est hospitalisé directement dans des ambulances immobilisées. Mais la plus grande partie des soldats sont emmenés à l’intérieur, dans les hôpitaux du territoire. Trente hôpitaux auxiliaires se sont mis en place dans la seule région Tarnaise. Une infirmerie et une cantine de gare étaient présentes à Castres et apportaient les soins nécessaires aux premiers trains sanitaires. Pour faire face à la tuberculose, un service de dames (des femmes qui promulguaient les soins nécessaires aux malades) a été organisé. Toutes ces institutions sont l’œuvre du général Legrand, délégué régional de Midi-Pyrénées de la SSBM (Société de Sécours aux Blessés Militaires), qui a assuré la préparation des différents services pour faire face à la Première Guerre mondiale.
Nous avons ainsi les principaux centres hospitaliers du Tarn tel que l’hôpital auxiliaire de Mazamet, numéro 10, fondé le 12 septembre 1914 qui ne comptait alors que 30 lits. Au fur et à mesure, l’hôpital a s’est élargi pour établir plusieurs formations : il y a eu l’Association Fraternelle des Jeunes Gens, l’Union Chrétienne des Jeunes Filles, l’école libre de Notre Dame et l’Ecole Pratique du Commerce et de l’Industrie. L’ensemble comptait 300 lits. Le 15 novembre 1917, l’Ecole Pratique reprend son immeuble : depuis 1916, de nombreux locaux scolaires sont restitués au ministère de l’instruction Publique par le Service de santé militaire. La capacité de l’hôpital est alors ramenée à 180 lits, qu’il conserve jusqu’à sa fermeture en janvier 1919. Il inscrira à son bilan 179 264 journées d’hospitalisation. Monsieur Cormouls-Houlès en fut l’administrateur, Dr Bonneville, le médecin-chef, et Dr Escande le médecin traitant. Les fonds récoltés depuis la création du comité s’élève à 100 000 francs, ce qui a permis d’y développer des services de stérilisation, de mécanothérapie, de radiographie et d’électrothérapie. Son intense activité a valu au comité de Mazamet les vifs encouragements et la reconnaissance du Comité Central de la SSBM. D’autres hôpitaux étaient mis en place, de dimension moindre, mais qui ont tout de même contribué activement à rendre une part d’humanité dans cette guerre.
Le sort des prisonniers de guerre
Dès 1914, le nombre de disparus se compte par centaines de milliers dont la plupart était des prisonniers de guerre. Une myriade d’organisations charitables, confessionnelles ou non, a aidé les prisonniers. Le CICR et le Vatican sont amenés à collaborer étroitement ensemble pour venir en aide aux prisonniers et aux civils. En effet, les seuls liens extérieurs que les soldats prisonniers pouvaient espérer se limitaient à une correspondance avec les membres de leur famille. Cette correspondance était capitale pour les soldats, souvent traités avec mépris, dans des conditions de vie déplorables. Le CICR créa une base d’action en faveur des prisonniers de guerre en 1912 par le biais d‘une résolution, adoptée dans une conférence à Washington. Cette résolution constitue une base solide pour ensuite étendre et perfectionner les moyens mis en œuvre pour accompagner les prisonniers de guerre.
L’Agence Internationale de Secours et de Renseignements en faveur des Prisonniers de guerre fut installée par la Croix-Rouge à Paris, 63, avenue des Champs-Elysées, dans un local mis à disposition par la Comtesse Béhague. On y recueillait et centralisait tous les renseignements relatifs aux prisonniers de guerre. Ceci permettait au CICR de jouer un rôle considérable dans l’envoi de secours et d’établir de nombreuses correspondances avec les prisonniers. Monsieur Gustave Ador était sous la direction de cette agence. Les blessés comme les prisonniers étaient bien entendu des hommes hors du combat, qui n’étaient plus en mesure de poursuivre la lutte. Mais qu‘en est-il des prisonniers blessés ? Etaient-ils eux aussi considérés par les belligérants comme des prisonniers, transportés malgré leurs blessures ? Monsieur Ador est un des hommes qui aide le plus activement les soldats en captivité. Son rôle était de transporter et de soigner les malades captifs de leur prison jusqu’en Suisse, où leurs familles pouvaient les rejoindre à la fin des hostilités. Le baron d’Anthouard, désigné comme délégué, coopérait aussi activement avec la Croix-Rouge dans ce sens.
C’est avec la bataille de la Marne en 1914 que le CICR comprend que la guerre va continuer encore de longues années. Par conséquent, la Croix-Rouge fait donc en sorte d’étendre son champ d’action pour prévoir de nouvelles calamités. Un bureau, l’agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG), ouvert à Genève, avait pour mission d’obtenir des informations sur les prisonniers en entrant en contact directement auprès des belligérants. Ceci avait permis d’établir une liste des prisonniers. A partir de ces listes, des cartes postales étaient adressées aux familles pour les prévenir qu’un membre de leur entourage avait été retrouvé. Ces cartes précisaient les lieux d’incarcération des prisonniers. Ainsi, les familles pouvaient leur écrire ou leur venir en aide. A la fin de la guerre, le bureau de Genève détenait environ huit millions de fiches, concernant des prisonniers français, allemands, polonais, italiens, britanniques etc. Malgré cela, les organismes d’assistance telles que la Croix-Rouge avaient bien du mal à rassembler des informations sur les prisonniers surtout en 1914-1915, faute de préparation.
1 Extrait de l’ouvrage de Bouchor Maurice et Général Maunoury, Science et dévouement, le service de santé, La Croix-Rouge, Les œuvres de solidarité de guerre et d’après-guerre, Page 43
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